Les cancers du testicule sont rares, ils représentent la première tumeur chez l’homme entre 20 et 35 ans. Leur incidence augmente, elle est plus élevée dans les pays industrialisés, très faible en Afrique et en Asie [7]. Ces dernières années, leur traitement a connu de grands progrès: les drogues utilisées sont mieux tolérées et permettent de maintenir une qualité de vie raisonnable. Les cancers du testicule sont très sensibles aux traitements médicaux (chimiothérapie et radiothérapie) et sont curables à un stade très avancé, même métastatique.
Tous stades confondus, la probabilité de survie à 5 ans est de 80 %. D’une manière générale dans les pays en voie de développement, les cancers tendent à devenir un problème de santé publique du fait de l’absence de politique nationale de prise en charge. L’intérêt pour les tumeurs du testicule s’est renouvelé ces dernières années pour plusieurs raisons :
➤ la mise en évidence de plusieurs marqueurs tumoraux ayant rendu leur diagnostic plus précis,
➤ l’amélioration des investigations paracliniques permettant de mieux appréhender leur extension,
➤ enfin, les progrès de la chimiothérapie qui ont amélioré le pronostic de la maladie.
La rareté des études portant sur cette affection dans les publications africaines a motivé ce travail. L’objectif de notre travail était d’étudier les aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques, du cancer du testicule aux services d’Urologie-Andrologie de l’hôpital Aristide Le Dantec et de l’hôpital Principal de Dakar.
Rappels embryologiques
La formation de l’appareil génital commence à partir de la 4ème semaine du développement embryonnaire. Deux stades évolutifs sont à distinguer :
● Le stade indifférencié
Il va de la 4ème à la 6ème semaine après la fécondation. Le sexe gonadique n’est pas déterminé durant cette période.
● Stade différencié
Il débute à partir de la 7ème semaine de la vie intra-utérine. Les manifestations gonadiques apparaissant au niveau des crêtes gonadiques, permettent d’établir s’il s’agit d’un testicule ou d’un ovaire.
Le développement se fait selon l’ordre suivant :
– La formation de la gonade
– La différenciation de la gonade
– Le développement du tractus génital
– La formation des organes génitaux externes .
La formation des gonades
● La gonade indifférenciée
Elle a une double origine embryologique :
– La crête génitale : dérivant de l’épithélium cœlomique et plus loin de la splanchnopleure ;
– Les cellules germinales primordiales : qui dériveraient des cellules de l’épithélium germinatif et du mésenchyme sous jacent.
● La gonade différenciée :
Les cellules épithéliales se multiplient pour former un certain nombre de cordons de formes irrégulières : les cordons sexuels primitifs. Ces derniers s’anastomosent avec les tubes mésonéphrotiques au sein d’un véritable réseau de connexions urogénitales.
Différenciation de la gonade
Si l’embryon est génétiquement mâle, les cordons sexuels primitifs continuent de proliférer et envahissent la zone médullaire de la glande. Ils forment ainsi entre eux une série de cordons sexuels s’anastomosant les uns avec les autres : les cordons testiculaires. Vers le hile de la glande, les cordons se résolvent en un réseau de micro cordons cellulaires qui donnera naissance plus tard aux canalicules de Reté testis. Par la suite, les cordons testiculaires vont se séparer de l’épithélium superficiel, par une épaisse couche de tissu fibreux, l’albuginée, vers la 7ème semaine. Au cours du 4ème mois, les cordons sexuels prennent un aspect en fer à cheval dont les extrémités sont en continuité avec le réseau du Rete testis. Plus tard les deux extrémités du cordon se réunissent pour former les tubes droits, tandis que l’arceau devient sinueux. Pendant la vie fœtale les cordons testiculaires sont constitués de cellules germinales primordiales entourées de cellules de soutien qui donneront plus tard les cellules de Sertoli. La lumière des cordons se creuse à la puberté, donnant les tubes séminifères, qui entrent en continuité avec le Rete testis, qui va se continuer avec les cônes efférents. Ces derniers qui proviennent des tubes sécréteurs mésonéphrotiques, pénètrent dans le canal de Wolff, qui constituera chez le mâle, le canal déférent.
Voies génitales
Stade indifférencié
A la 6ème semaine du développement, les embryons des deux sexes possèdent deux systèmes de pairs de conduits génitaux : les canaux de Wolff et les canaux de Müller. Le développement ultérieur des canaux dépend du sexe de l’embryon, ainsi si le sexe est mâle, la voie génitale principale sera constituée par le canal de Wolff et le canal de Muller disparait presque en totalité.
Stade indifférencié
Au cours de la régression du mésonéphros, ses tubes excréteurs disparaissent sauf ceux situés dans la région gonadique. Ce sont les tubes 5 et 12 situés du côté de la gonade qui vont donner les cônes efférents du testicule entrant en connexion avec le Rete testis. Les tubes excréteurs situés au voisinage du pôle caudal vont perdre leur connexion avec le canal de Wolff et donner le paradidyme vers le 3ème mois. Une persistance du canal de Wolff va donner la voie excrétrice génitale principale. C’est en dessous des cônes efférents, que va se former l’épididyme. De la queue de l’épididyme à l’émergence de la vésicule séminale, le canal de Wolff s’entoure d’une épaisse couche musculaire et constitue le canal déférent.
Les organes génitaux externes
Stade indifférencié
Le pli cloacal se forme à partir de la 3ème semaine du développement intra utérin, par migration des cellules mésenchymateuses autour de la membrane cloacale. Il fusionne avec son homologue du côté opposé pour former le tubercule génital. Au cours de cette même semaine les plis cloacaux se divisent en plis génitaux et urétraux en avant, et en plis anaux en arrière. Simultanément de chaque côté des plis anaux vont se développer des bourrelets génitaux, qui donneront plus tard le scrotum chez le garçon.
Stade différencié
L’allongement rapide du tubercule génital va donner le pénis. Au cours de cet allongement le pénis emporte avec lui les plis urétraux qui en fusionnant vont donner le canal de l’urètre pénien à la fin du 3ème mois. Les bourrelets génitaux et scrotaux vont migrer en direction caudale à partir de la région inguinale pour donner le scrotum.
La migration testiculaire
Vers la fin du 2ème mois, le testicule et les vestiges du mésonéphros sont appendus à la paroi postérieure de l’abdomen. Cette migration se déroule en deux phases successives : la phase trans-abdominale puis la phase inguino-scrotale [49, 99]. Trois structures anatomiques vont jouer un rôle crucial mécanique dans la descente testiculaire :
– Le gubernaculum testis, structure ligamentaire apparaissant au cours de la septième semaine de développement suite à la dégénérescence du mésonéphros. Son extrémité céphalique se fixe au testicule, alors que son extrémité caudale s’attache dans la région des bourrelets labio-scrotaux (qui se différencieront ultérieurement en scrotum) entre les muscles obliques externes et internes de la paroi abdominale ;
– Le processus vaginal, qui correspond en fait à une petite évagination du péritoine se développant progressivement à coté de la racine inferieure du gubernaculum testis et qui va accompagner le testicule tout au long de sa migration. Son principal rôle serait de permettre au testicule fœtal de s’extérioriser de la cavité péritonéale avant d’entrer dans le scrotum [53] ;
-Le ligament suspenseur situé à l’extrémité craniale du testicule, dont l’insertion est diamétralement opposée à celle du gubernaculum testis.
● La phase trans-abdominale
Dès la dixième semaine de grossesse, le gubernaculum testis, initialement lâche, va subir des modifications de sa structure histologique, en particulier au niveau de sa portion caudale, aboutissant à une « condensation » de cette structure ligamentaire: « swelling reaction » des Anglo-Saxons. Il s’ensuit également un élargissement de sa portion caudale. Toutes ces modifications vont s’opposer à la distension du gubernaculum testis au cours de la croissance fœtale et permettre ainsi la descente des testicules, de l’anse épididyme-défférentielle et de ses vaisseaux tirés vers le bas par le gubernaculum testis [50,53]. En outre, les modifications de structure du gubernaculum testis vont permettre de distendre l’anneau inguinal en direction du scrotum. Les testicules vont alors rester au voisinage du canal inguinal (à la hauteur du fascia transversalis et en regard de la région scrotale) de la 15ème à la 26ème semaine de grossesse [48]. Ce processus de migration est facilité par la régression du ligament suspenseur du testicule situé à son extrémité craniale. Pendant cette phase trans-abdominale, le processus vaginal qui s’allonge en direction caudale, repousse les différentes couches de la paroi abdominale pour former une évagination en forme de doigt de gant : le canal inguinal [50]. Au cours de la phase trans-abdominale, trois facteurs endocriniens contrôlent la migration testiculaire :
– L’insulin-like hormone de type 3 (Insl-3) : c’est un peptide dont la structure biochimique est proche de celle de l’insuline et de la relaxine. Il est secrété par les cellules de Leydig, sous le contrôle de l’hCG placentaire et de la LH hypophysaire fœtale [30]. L’Insl-3 serait responsable des modifications histologiques du gubernaculum testis [53]. De plus, l’Insl-3 serait impliqué dans le développement et la différenciation de la musculeuse lisse de l’épididyme, dont l’intégrité anatomique semble indispensable au bon déroulement du processus de migration transabdominale [38]. Le récepteur de l’Insl-3, présent au niveau de ces tissus cibles, a été identifié dans l’espèce humaine : il se nomme leucinerich repeat-containing G protein-coupled receptor-8 (LGR-8). Il s’agit d’un récepteur à sept domaines transmembranaires couplé à une proteine G [28,55].
– Les androgènes : secrétés par les cellules de Leydig sous le contrôle de l’hCG placentaire et de la LH hypophysaire fœtale vont permettre, d’une part, la régression du ligament suspenseur de la portion craniale des testicules et faciliter ainsi leur migration en position caudale, « tractés » par le gubernaculum testis et, d’autre part, renforcer l’action de l’Insl-3 au niveau du gubernaculum testis [30,52] ;
-L’AMH (hormone anti-mullerienne) : secrétée par les cellules de Sertoli renforce, comme les androgènes, l’action de l’Insl-3 au niveau du gubernaculum testis, mais elle agit en tant que cofacteur, car seule, elle ne peut initier la migration transabdominale des testicules [53]. Son mode d’action exact dans la descente testiculaire est encore mal précisé : effet direct sur le gubernaculum testis et/ou action sur les cellules de Leydig pour renforcer les secrétions d’Insl-3 et/ou des androgènes [55].
● La phase inguino-scrotale
Elle débute pendant la 26ème semaine de grossesse et se termine théoriquement vers la 35ème semaine [48,99]. Lorsque cette phase débute, le scrotum s’est développé et a commencé son processus de différenciation sous l’effet de la dihydrotestosterone. Cette hormone est issue de la réduction de la testostérone en 5a par la 5a-réductase. Au cours de la phase inguino-scrotale, la portion caudale du gubernaculum testis va d’abord migrer, puis s’insérer dans le fond du scrotum. Parallèlement, le gubernaculum testis va commencer à se rétracter (phénomène contractile intermittent) et à se raccourcir dans sa portion scrotale (phénomène d’involution fibreuse) attirant ainsi le testicule de sa position inguinale jusqu’au fond du scrotum. Le processus vaginal va guider le testicule jusqu’au fond du scrotum au cours de sa migration et enveloppe ce dernier sur sa portion antérieure. Durant la première année suivant l’accouchement, la partie supérieure de la vaginale s’oblitère, ne laissant subsister que le ligament péritonéo-vaginal. Seule persistera la tunique vaginale, vestige de la cavité péritonéale, sur la face antérieure du testicule, qui correspond, sur le plan histologique, à une double enveloppe séreuse [52]. La phase inguino-scrotale de la descente testiculaire est androgéno-dépendante mais répond à deux mécanismes distincts :
– Un mécanisme direct d’involution fibreuse du gubernaculum testis au niveau de sa portion scrotale (cette dernière se charge en inclusions de glycogène et s’appauvrit considérablement en acide hyaluronique). Cette action directe semble en fait secondaire au cours de cette phase, car les récepteurs aux androgènes ne sont présents qu’en assez faible quantité dans les cellules parenchymateuses du gubernaculum testis ;
– Un mécanisme indirect « neuroendocrinien » par l’intermédiaire du nerf génitofémoral (tronc nerveux issu des ganglions spinaux L1 et L2 et émettant de nombreuses ramifications au niveau du scrotum et du gubernaculum testis). Sous l’effet des androgènes, ses neurones sensitifs libèrent, au niveau de leurs dendrites, un peptide : le calcitonin gene related peptide (CGRP).
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie: Rappels
I. Rappels embryologiques
I.1. La formation des gonades
I.2. Différenciation de la gonade
I.3 Voies génitales
I.3.1. Stade indifférencié
I.3.2. Stade différencié
I.4 Les organes génitaux externes
I.4.1. Stade indifférencié
I.4.2 Stade différencié
I.4.3 La migration testiculaire
II. Rappels anatomiques
II.1. Anatomie descriptive
II.2. Rapports
II.3. Vascularisation et innervation
III. Rappels physiologiques
III.1. Fonctions endocrines du testicule
III.2. La spermatogenèse
IV. Rappels anatomo-pathologiques
IV.1. Les tumeurs germinales du testicule
IV.2 Les tumeurs non germinales du testicule
V. Epidémiologie du cancer du testicule
V.1 Incidence
V-2 Facteurs de risque
V.3 Théories actuelles des mécanismes de la carcinogenèse
V.4 Histoire naturelle
VI. Aspects cliniques
VI.1. Signes
VI.2. Diagnostic
VII. Aspects thérapeutiques
VII.1. Buts
VII.2 Moyens et méthodes
VII.3. Indications thérapeutiques et résultats
VII.4 Réévaluation des tumeurs métastatiques
VII.5 Prise en charge des masses résiduelles après chimiothérapie
VII.6 Récidives tardives
VIII. Evolution
VIII.1. Eléments de surveillance
VIII.2. Modalités évolutives
VIII.3. Pronostic
Deuxième partie
I. Cadre de l’étude
II. Patients et Méthodes
II.1 Patients
II.2 Méthodes
III. Résultats
III.1. Année du diagnostic
III.2. Age
III.3. Incidence
III.4. Aspects cliniques
III.5. Explorations paracliniques
III-6-Aspects thérapeutiques
III.7. Aspects histo-pathologiques
III.8. Extension et classification
III.9. Traitement complémentaire
III.10. Suivi
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. Epidémiologie
I.1 Fréquence
I.2 Age
II Aspects cliniques
II.1. Motifs de consultation
II.2. Facteurs de risque
II.3. Examen physique
III.ASPECTS PARACLINIQUES
III.1. Marqueurs tumoraux
III.2 Imagerie
III.2.1. Echographie
III.2.2. Tomodensitométrie
III.2.3. IRM
IV. Aspects histologiques
V. Aspects thérapeutiques
VI. SUIVI DES PATIENTS
CONCLUSION