Cancer du rectum
B-RAPPEL DU CANCER DU RECTUM
Le cancer colorectal est de plus en plus fréquent. Son traitement est essentiellement chirurgical et a évolué au cours de ces dernières années. Une meilleure connaissance de l’histoire naturelle de ce cancer, une évaluation plus précise du stade de la maladie (échographie endorectale), une meilleure connaissance anatomique (mésorectum, innervation pelvienne), les progrès techniques (pinces automatiques, confection de réservoirs coliques), ont modifié l’acte chirurgical. Son pronostic s’est amélioré au cours des dernières années (54 % de survie à 5 ans). Ceci est dû essentiellement à une diminution de la mortalité opératoire et à une augmentation de l’opérabilité. Mais trop de patients sont vus à un stade évolué. Les progrès devraient venir des associations thérapeutiques. La radiothérapie, en diminuant par deux le risque de récidives locorégionales, doit faire partie de l’arsenal thérapeutique. La place de la chimiothérapie n’est pas encore parfaitement définie.
Indications chirurgicales Elles dépendent d’un certain nombre de facteurs : l’état général du patient, son morphotype et son degré d’obésité, l’existence de métastases, le volume et l’extension locale de la tumeur, et surtout le siège de la tumeur par rapport au sphincter. Il était admis qu’une marge de sécurité entre le pôle inférieur de la tumeur et la limite inférieure de la résection rectale de 2 cm était suffisante (6). On a vu que cette marge de sécurité pouvait être réduite et que l’extension distale intra murale était fonction du stade évolutif du cancer et qu’une marge de sécurité de 1 cm était suffisante pour les stades I et II (7). Cette marge de résection minimale conditionne le choix entre les techniques d’amputation et de résection. Mais Heald (8) a montré qu’il pouvait y avoir un envahissement lymphatique dans le mésorectum plusieurs centimètres sous la tumeur ; cette extension distale dans le mésorectum pouvant se développer jusqu’à 4 cm sous la tumeur. Cette dissémination mésorectale distale est retrouvée dans 10 à 20 % des exérèses et c’est la raison pour laquelle il a proposé l’exérèse de la totalité du mésorectum lors des interventions conservant le sphincter anal.
Avec cette technique, Heald n’a observé que 5 % de récidives locorégionales (RLR) à 4 ans (9). Ce taux de récidive est le plus bas actuellement rapporté dans la littérature en sachant que ces patients n’ont pas eu de radiothérapie préopératoire. À la suite de ces travaux, plusieurs auteurs utilisant la technique de l’excision totale du mésorectum (total meso-rectum excision) ont obtenu des taux de récidives locales inférieurs à 10 %. (10, 11, 12, 13) L’exérèse de la totalité du mésorectum est actuellement le standard chirurgical pour les cancers du moyen et du bas rectum. Elle remet en cause le bénéfice éventuel d’une radiothérapie associée. En effet, toutes les études randomisées auxquelles on se réfère pour justifier une radiothérapie associée à la chirurgie font état d’un taux de récidives locales de 15 à 30 %.
Technique opératoire
La technique que nous avons utilisée est celle décrite par Schmidt en 1981 appelé colostomie iliaque continente, utilisée par la suite au niveau du périnée. Nous avons fait référence à la technique de colostomie périnéale pseudocontinente effectuée par l’équipe de Lasser et Elias à l’institut Gustave Roussy de Paris. Le procédé technique consiste dans un premier temps à réaliser une amputation abdomino-périnéale habituelle. Pour la réalisation du greffon musculaire, On prélève un segment colique de 8 à 10 cm de long sur le côlon sigmoïde. La présence de diverticules sur le greffon n’est pas une contreindication à la confection du greffon. Le segment colique est débarrassé de ses franges épiploïques et de son méso. Le côlon ainsi dégraissé, est retourné en doigt de gant et placé sur une bougie de Hégar, la muqueuse en superficie. On dépouille la muqueuse et la sous muqueuse aux ciseaux ne conservant qu’un lambeau musculo-séreux. Lors de cette dissection, il faut éviter de traumatiser la musculeuse.
Ce lambeau musculo-séreux est ensuite incisé verticalement, permettant d’obtenir un rectangle musculo-séreux qui est placé dans une solution de bétadine. Le greffon musculo-séreux est ensuite fixé sur une bandelette colique, sur le côlon gauche, à 2 centimètres au-dessus de la future colostomie périnéale, par des points séparés de fil non résorbable. Le lambeau musculaire est ensuite enroulé autour du côlon, en passant à travers une fenêtre méso-colique. L’extrémité du manchon est fixée par des points séparés à la soie 2/0 aiguille ronde. Il cravate le côlon. Une certaine tension est nécessaire. Il faut serrer suffisamment le manchon, pour cela, on a réalisé un tour et demi sur l’extrémité colique chez le premier patient, et deux tours et demi chez les neufs autres patients avant de fixer le manchon musculaire. Le colon est ensuite abaissé au plancher périnéal. La plaie périnéale est fermée en deux plans. Deux drains aspiratifs sont placés en pré sacré. La technique d’irrigation colique a été bien assimilée par les patients avant leur sortie du service. Le matériel utilisé à ce fait est un bocal en plastique doté d’un tuyau avec un bout effilé. Le rythme des irrigations était fixé à une fois toutes les 48 heures. Images (1, 2 ,3 ,4)
PRINCIPES ET EVOLUTION DES IDEES :
L’amputation abdomino-périnéale (AAP) fait partie de l’arsenal thérapeutique en matière de cancer du bas rectum et du canal anal. La restauration de la continuité digestive par colostomie iliaque gauche définitive reste encore aujourd’hui le mode de reconstruction le plus fréquent après ce type de chirurgie. Grâce aux irrigations coliques, plus de la moitié des patients peuvent même être appareillés avec un simple pansement occlusif qui, muni d’un filtre de charbon activé, permet de limiter les odeurs. Elle est mieux tolérée grâce aux soins de la stomathérapie et au soutien des associations de stomisés. Malheureusement ces conditions font défaut dans notre contexte. Pour certains patients cependant, cette modification du schéma corporel est inacceptable, conduisant certaines équipes à imaginer des procédés de reconstruction.
Ainsi certains auteurs (15,16,17) ont proposé la réalisation d’un anus périnéal à la place de l’anus iliaque. La création d’une colostomie périnéale sans un mécanisme assurant un minimum de continence est malgré tout vouée à l’échec, l’appareillage étant impossible à réaliser. Il apparaît donc essentiel de prévoir un tel mécanisme si l’on veut restituer l’intégrité anatomique de l’individu. Parallèlement, les progrès des connaissances carcinologiques et des techniques chirurgicales ont modifié l’approche thérapeutique des cancers du rectum. Ainsi, les nouvelles données carcinologiques ont conduit à la réappréciation de la marge de sécurité à respecter pour réaliser un geste radical, celle-ci a été ramenée à 2 cm sous le pôle inférieur de la tumeur. Sur un autre plan, l’avènement de la résection totale du mésorectum a contribué énormément au contrôle local du cancer du bas et moyen rectum. Ainsi que le progrès des techniques d’exérèse, dont la résection inter-sphinctérienne, qui ont permis de réduire les indications de l’amputation abdomino-périnéale au profit des thérapeutiques conservatrices, réservant l’amputation aux tumeurs bas situées.
Pour ce groupe de patients chez qui l’amputation rectale s’impose, un certain nombre d’auteurs (18,19, 20, 21) ont proposé des plasties visant à suppléer en partie au système sphinctérien. Même si certains considèrent que toutes les techniques chirurgicales essayant de créer un sphincter autour de la stomie sont d’emblée vouées à l’échec, car même si sur un plan anatomique la réalisation d’une sangle musculaire péristomiale est possible, son fonctionnement réflexe, l’élément essentiel de la continence ne sera jamais obtenu. Parallèlement à ces travaux sur l’anus périnéal, un certain nombre d’études ont été réalisé afin de rendre les colostomies iliaques continentes avec notamment des systèmes de fermeture magnétiques. Mais des progrès vont venir des travaux de Schmidt (1) sur les greffons musculaires lisses. Il considère que la musculature striée ne serait remplir une fonction de contraction durable que durant un laps de temps très court, et les exigences posées à l’appareil sphinctérien sont beaucoup mieux remplies par la musculature lisse.
L’étude histologique de transplants de musculature lisse montre qu’il y a revascularisation rapide avec présence, dès la 48ème heure, d’artères communicantes. Le transplant s’intègre complètement à la paroi tissulaire, avec conservation des cellules musculaires lisses sans transformation fibrosique. Pour un bon fonctionnement, le greffon doit être tendu de 100%, afin d’assurer une bonne contraction. C’est aussi Schmidt qui tenta le premier l’implantation périnéale de son procédé mais c’est Chiotasso (2) qui publia les premiers résultats fonctionnels intéressants des colostomies périnéales continentes. Elias (22) a repris également la technique de Schmidt transposée au périnée dans une étude sur 23 cas. Nous préférons le terme « pseudo-continente » dans le contexte, à cause des irrigations quotidiennes nécessaires au maintien de la continence.
Temps abdominal : Après une laparotomie médiane sus-pubienne agrandis en sus ombilicale, et après ouverture du péritoine pariétal au niveau de la région sigmoïdienne, on explore la tumeur ellemême, et l’état de la cavité abdomino-pelvienne, surtout le péritoine, les relais lymphatiques et le foie. Après que l’uretère gauche est repéré, et refoulé vers la profondeur, on ligature et on sectionne l’artère mésentérique inférieure soit à son origine soit après la naissance de l’artère colique supérieure gauche. Un curage ganglionnaire mésentérique inférieur est effectué si envahissement existe. Le colon est entièrement mobilisé et l’angle colique gauche désinséré, au besoin, du quart ou du tiers gauche du colon transverse. La dissection du rectum pelvien peut commencer : d’abord dans l’espace présacré, pratiquement avasculaire jusqu’au plan des releveurs. Durant ce temps on divise la partie postéro-latérale des lames sacro-rectales jusqu’au bord supérieur des aillerons moyens.
La dissection de la face antérieure du rectum sous péritonéal est ensuite conduite jusqu’au niveau adéquat dans l’espace recto-vaginal chez la femme ou recto-prostatique chez l’homme. L’isolement et la ligature des aillerons moyens sont alors réalisés, portion latérale haute puis portion antéro-latérale basse, cette manoeuvre doit être exécutée avec obstination, comme toute dissection pelvienne d’ailleurs au ras des parois pelviennes, pour emporter la totalité de l’atmosphère cellulo-graisseuse et ganglionnaire périrectale. Le plan des releveurs est la limite obligée de la dissection pelvienne. Une section colique à 20-25 cm en amont de la tumeur est effectuée si un envahissement est suspecté. On s’assure que l’extrémité colique est bien vascularisée, et peut être facilement amenée à l’anus si on peut lui faire atteindre le bord inférieur de la symphyse pubienne sans traction. Ce temps abdominal peut être effectué actuellement par laparoscopie.
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Table des matières
Introduction
Rappels
A-Rappel de l’anatomie chirurgicale du rectum
I-Introduction
II-Rapports
1-Rectum pelvien
2-Rectum périnéal
III-Vascularisation
1-Artères
2-Veines
3-Lymphatique
B-Rappel du cancer du rectum
I-Anatomie des lésions
1-Microscopie
2-Classification
II-Diagnostic
1-Clinique
1-1.Signe d’appel
1-2.Examen clinique
2-Examens complémentaires
2-1.Rectoscopie
2-2.Biopsie
III-Traitement
1-Traitement locaux
2-Technique chirurgicale
2-1.Intervention mutilante
2-2.Résections (« sphincter saving resection
3-Indication chirurgicales
4-Curage ganglionnaire
IV-Résultats
1-Résultats immédiats
1-1.Mortalité opératoire
1-2.Mortalité postopératoire
II-Résultats à distance
Matériel et méthodes
I-Etude analytique de la série
1-La série de l’étude
2-Le diagnostic
3-Modalités de surveillance
4-Tableau synoptique
5-Technique opératoire
Résultats
I-Suite post opératoire
II-Résultats fonctionnels
1-La continence
2-Le degré de satisfaction
3-Tonicité du néo sphincter
III-Résultats carcinologique
Discussion
A-LA CPPC
I-Principe et évolution des idées
II-Technique opératoire
1-Préparation du malade
2-La colostomie périnéale pseudo continente
III-Irrigation des colostomisés
B-Résultats
I-Mortalité et morbidité
II-Résultats fonctionnels
1-Résultats manométriques
2-La continence
3-Degré de satisfaction
4-Devenir du manchon musculaire lisse
III-Résultats carcinologiques
1- Les récidives locorégionales
2- Les métastases
3- La survie
IV-Acceptation de la stomie
C –Avantages
I-Sur le plan psychologique
II-Sur le plan carcinologique
III-Sur le plan socio-économique
D-Inconvénients
Conclusion
Résumé
Bibliographie
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