CANCER DE L’OESOPHAGE LOCALISE
PATIENTS ET METHODES
Patients Nous avons réalisé une étude rétrospective monocentrique regroupant 83 patients consécutifs traités à visée curatrice de 2004 à 2010 à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, site Paul Papin à Angers, et qui ont bénéficié d’une TEP-FDG pré-thérapeutique. La maladie était considérée comme locorégionale sur la TEP (atteinte ganglionnaire sus-claviculaire et/ou coeliaque, mais sans atteinte viscérale). Les patients étaient traités par une RT-CT exclusive, ou une RT-CT suivie d’une résection chirurgicale. Pour permettre une évaluation pronostique fiable, les patients présentant les critères suivants étaient exclus : comorbidités ne permettant pas une RT-CT concomitante, présence d’au moins une autre tumeur synchrone (ORL ou bronchique), mise en évidence sur la TEP d’une lésion métastatique.
Imagerie TEP
Les TEP/TDM au 18F-FDG étaient acquises sur une caméra hybride DISCOVERY ST (GE Medical Systems, Waukesha, WI, USA). Les acquisitions des données TEP 3D étaient réalisées 60 à 80 minutes après l’injection intraveineuse de 3 à 4 MBq/kg de 18F-FDG et s’étendaient du sommet du crâne à mi-cuisses. Les images étaient reconstruites avec l’algorithme de reconstruction itérative OSEM avec et sans correction d’atténuation utilisant la TDM, et des tailles de voxels de 3,91 × 3,91 × 3,27 mm3. L’examen était réalisé chez les patients à jeun depuis au moins six heures. La glycémie capillaire était mesurée avant l’injection du radiotraceur. Afin d’éviter les fixations musculaires striées, les patients devaient observer une heure de repos strict après l’administration du traceur.
Analyse statistique
Les durées de survie étaient calculées à partir du début de la radiothérapie. L’analyse statistique était réalisée à l’aide du logiciel SAS version 9,1 (SAS Institut Inc., Cary, NA). La corrélation entre les paramètres était évaluée avec le test par rangs de Spearman. L’association entre la survie globale ou la survie spécifique (en censurant les décès qui n’étaient pas liés à une progression tumorale) et les critères évalués étaient déterminés avec un modèle de Cox. Les seuils utilisés pour binariser les variables étaient déterminés par l’utilisation de courbes Receiver Operating Characteristic (ROC). Les analyses de groupe étaient réalisées avec les courbes de Kaplan-Meier et le log-rank test associé. Les facteurs pronostiques étaient considérés comme significatifs pour une p-value inférieure à 0,05.
DISCUSSION
Pour expliquer qu’aucun critère étudié n’a eu d’impact sur la survie globale, on peut avancer deux causes : d’une part, la faible taille de l’échantillon (83 patients), et d’autre part, le nombre important de décès non lié à une progression tumorale (21,6%). On peut noter que le suivi des patients était long, puisque seulement 16 patients (19,3 %) étaient toujours vivants au moment de l’analyse. Dans la mesure où un quart des décès (18/67) n’était pas lié à une progression tumorale (décès secondaires aux traitements et aux co-morbidités), nous avons estimé que la survie spécifique pouvait donner une information pertinente pour juger de la valeur des facteurs pronostiques étudiés. Le but de ce travail était ainsi de mettre en évidence les critères pronostiques qui semblent les plus intéressants et qui pourront être testés sur une population plus importante.
Quel critère pronostique sur la TEP pré-thérapeutique est pertinent? Dans notre étude, c’est le MATV défini par FLAB qui est ressorti comme le facteur pronostique le plus intéressant : en analyse univariée c’est le paramètre qui semblait le plus significatif (p=0,025), et en analyse multivariée, c’est le seul paramètre qui est resté significatif (p=0,049). Avec un seuil de 18 cc, on peut discriminer deux groupes : un tiers des patients dont la médiane de survie spécifique est de moins de 20 mois et deux tiers des patients dont la médiane de survie spécifique est de 31 mois (Figure 2). Ces résultats sont concordants avec quatre autres études dans lesquelles le MATV était un facteur pronostique significatif (19,25,26,28). Dans deux de ces études, le MATV était défini par le logiciel FLAB. Dans la première étude, le MATVFLAB de la tumeur primitive de l’oesophage était un facteur prédictif de réponse à la RT-CT sur une cohorte de 50 patients (25). Dans la deuxième étude effectuée sur une cohorte de 45 patients, le MATV défini par FLAB avait un seuil de significativité meilleur qu’un seuillage adaptatif comme facteur pronostique sur la survie globale (26). Dans notre étude, le SUVmax ne semble pas être le paramètre le plus fiable. Les données publiées sur le SUVmax sont contradictoires. Dans une étude portant sur 209 patients, Suzuki et al. ont retrouvé le SUVmax initial comme facteur pronostic indépendant (29). Dans une autre étude rétrospective intéressant 89 patients, la survie des patients à 4 ans avec un SUVmax 21 inférieur à 6,6 sur la TEP pré-thérapeutique était de 89% tandis qu’elle était de 31% pour ceux avec un SUV de plus de 6,6 (30) Cependant, dans une étude coréenne incluant 151 patients, le SUVmax et le MATV ont été comparés, et seul le MATV était un facteur pronostique indépendant (19). Dans une série rétrospective de 40 patients, le SUVmax pouvait aider à prédire la résécabilité mais n’était pas un facteur pronostic indépendant de survie (31). On peut également rappeler que le SUVmax est un critère quantitatif qui présente des défauts (notamment un manque de reproductibilité) et, pour certains auteurs, son utilisation doit être abandonnée (15). La segmentation du volume métabolique (MATV) est une étape fondamentale pour la quantification de l’imagerie TEP. Du MATV, on peut calculer d’autres paramètres, comme le TLG qui semble également être un critère intéressant. Une méthode de définition automatique du MATV telle que FLAB présente l’avantage d’une meilleure robustesse, quelque soient l’opérateur et/ou le matériel d’acquisition des images (32).
Intérêt d’un facteur pronostique : médecine adaptative ou « a priori » ? Dans le concept de médecine adaptative, la stratégie thérapeutique est modifiée en cours de traitement en fonction de la réponse tumorale. La réponse à la RT-CT est classiquement évaluée dans les quatre à huit semaines après la fin du traitement. Cela pose un problème, car en cas de bonne réponse au traitement médical, un complément de dose en radiothérapie peut se discuter. Or, une irradiation en « split course » est moins efficace qu’un étalement standard (33). De plus, les résultats de la valeur de la TEP dans cette situation sont contradictoires, de même que les biopsies (34–36). Dans ce contexte, disposer de facteurs pronostiques initiaux robustes peut aider à décider d’emblée de la stratégie thérapeutique (approche « a priori ») : soit la RT-CT exclusive, soit une stratégie multimodale avec RT-CT puis chirurgie. Cette approche « a priori » peut permettre d’optimiser la RT-CT et faciliter l’inclusion dans des essais. En cas de RT-CT exclusive, il n’y aura pas d’interruption de traitement, et on peut proposer une inclusion dans l’essai CONCORDE. En cas de RT-CT néoadjuvante à la chirurgie, la dose et le volume irradié peuvent être limités comme dans l’essai CROSS (4,37). 22 Une troisième approche est d’évaluer précocement après le début des traitements par RT-CT ou chimiothérapie (CT) la réponse au traitement avec la TEP-FDG. Cette approche adaptative précoce s’affranchirait des critiques formulées plus haut sur l’évaluation plusieurs semaines après la fin des traitements. Dans deux études qui ont évalué la TEP-FDG en court de RT-CT, la réponse métabolique précoce était un facteur prédictif de bonne réponse au traitement (38,39). Par contre, dans l’étude RTEP3 la diminution du MATV après 21 jours de RT-CT n’était pas un facteur pronostique significatif (40). Deux études ont évaluée une stratégie de chimiothérapie néoadjuvante suivi d’une évaluation par la TEP : la suite des traitements était alors décidée en fonction de la réponse métabolique (41, CALGB 80803). Cependant, ces stratégies expérimentales nécessitent d’autres études pour être validées. De plus, il faut disposer de critères quantitatifs fiables et reproductibles pour évaluer la tumeur en cours de traitement : le MATV semble un paramètre robuste pour cette approche.
TEP et planification en radiothérapie Le volume tumoral oesophagien et les atteintes ganglionnaires associées peuvent parfois être difficiles à définir avec précision sur une TDM, même injectée. Le volume tumoral défini à partir du TEP-FDG s’est avéré plus proche de la vérité terrain, défini sur pièce histologique, que d’autres modalités d’imagerie (TDM et IRM) dans plusieurs types de cancer. On peut citer notamment : les carcinomes épidermoïdes des voies aéro-digestives supérieures, les adénocarcinomes du rectum, les carcinomes bronchiques non à petites cellules et les cancers de l’oesophage (42–46). En plus d’une meilleure définition du volume tumoral, l’utilisation de la TEP améliore la reproductibilité et réduit la variabilité inter- et intra-utilisateur. Cette meilleure reproductibilité de la définition du volume cible avec l’utilisation de la TEP a notamment été mise en évidence pour les carcinomes épidermoïdes des voies aéro-digestives supérieures, les adénocarcinomes du rectum et les carcinomes bronchiques non à petites cellules (47–49). L’utilisation de la TEP permettrait une homogénéité des volumes traités, quelque soit l’opérateur, ce qui serait un avantage notamment dans le cadre d’essais thérapeutiques. Définir le volume tumoral sur la TEP est devenu essentiel en radiothérapie, mais il n’existe aucun standard ni aucune recommandation officielle (17). L’algorithme FLAB peut être une solution adaptée pour définir ces volumes cibles.
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Table des matières
COMPOSITION DU JURY
REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS
PLAN
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
Patients
Imagerie TEP
Critères pronostiques explorés
Analyse des images TEP
Analyse statistique
RESULTATS
Patients et traitement
Suivi et survie
Facteurs pronostiques
DISCUSSION
Limites de l’étude
Quel critère pronostique sur la TEP pré-thérapeutique est pertinent?
Intérêt d’un facteur pronostique : médecine adaptative ou « a priori » ?
TEP et planification en radiothérapie
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
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