Calcul de la structure électronique d’un solide 

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Méthodes de résolution approchée

Depuis la dérivation de l’équation de Schrödinger, des efforts considérables ont été menés pour développer des méthodes de résolution approchée. Nous en décrivons ici quelques-unes, lesquelles, outre leur caractère fondateur, ont pour point commun de chercher sous une forme particulière des fonctions d’onde solutions de l’équation 1.4 associée à l’opérateur Hamiltonien 1.9. Cela sera l’occasion d’introduire les notions d’approximation de champ moyen et de corrélations électroniques, essentielles pour ce qui suit. Nous expliquerons ensuite comment concilier ces deux notions.
Approximation de Hartree Une première méthode de résolution approchée, proposée par Hartree en 1928 [5], consiste à chercher des solutions de l’équation 1.4 avec des variables séparées (forme la plus commode mathématiquement), c’est-à-dire de la forme n(r1; :::; rNe) = 1(r1) ::: Ne(rNe) (1.10)
Ceci constitue l’approximation de Hartree. Physiquement, elle consiste à remplacer le système d’électrons en interaction par un système d’électrons indépendants dans un potentiel extérieur, lequel est généré par l’énergie potentielle d’interaction de l’électron considéré avec tous les électrons du système (lui-même inclus). Cette idée constitue la base de l’approximation dite de champ moyen, l’une des approches les plus simples pour traiter les systèmes en interaction.
Dans une telle approche, l’application du principe variationnel fait apparaître un système de Ne équations donnant chacune une fonction d’onde à un corps i(ri) (et non plus une seule équation donnant une fonction d’onde à Ne corps). Leur résolution nécessite d’introduire une autre notion importante, celle d’auto-cohérence : les fonctions d’onde doivent redonner le potentiel extérieur utilisé pour les calculer. Pour assurer cette auto-cohérence, ces équations sont résolues de manière itérative.
Ainsi, l’approximation de Hartree contitue une première approche pour les systèmes d’électrons en interaction. Cependant, la séparation des variables dans la forme de la fonction d’onde 1.10 comporte une limitation physique majeure : elle ne permet pas de respecter l’antisymétrie de la fonction d’onde totale (et donc le principe de Pauli), nécessaire dans le cas d’un système de fermions d’après le théorème de spin-statistique [6, 7].
Approximation de Hartree-Fock Il est néanmoins possible de concilier la séparation des variables et le principe de Pauli en modifiant la forme 1.10 des fonctions d’onde.
En 1930, Fock [8] propose d’exprimer la fonction d’onde totale comme combinaison d’expressions à variables séparées, sous la forme d’un déterminant de Slater — antisymétrique, en accord avec les postulats de la mécanique quantique — donnant l’approximation dite de Hartree-Fock. En appliquant le principe variationnel, on obtient un système de Ne équations à un corps, semblables à celles données par l’approximation de Hartree, mais comportant un terme d’interaction supplémentaire entre électrons. Ce terme, représentant l’interaction d’échange entre les électrons, dépend explicitement des fonctions d’onde.
Bien que permettant de prendre en compte le principe de Pauli au travers de l’interaction d’échange, cette méthode présente toutefois elle aussi une limitation. En effet, la forme 1.11 des fonctions d’onde ne permet pas de décrire les corrélations entre les électrons.
Pour définir ces dernières 1, considérons un système simplifié de deux électrons. La densité électronique n(r1; r2) = j (r1; r2)j2dr1dr2 donne la densité de probabilité de présence de l’électron n°1 en r1 et de l’électron n°2 en r2.
En l’absence de corrélations entre les électrons, la probabilité de présence de l’un des électrons en un point de l’espace ne dépend pas de la position de l’autre électron, et la densité électronique se décompose comme un produit de la forme n(r1)n(r2). Cela implique de pouvoir décomposer également la fonction d’onde, et donc de séparer ses variables, comme dans les formes 1.10 et 1.11.
Cependant, en présence de corrélations, les électrons sont interdépendants et cette décomposition de la densité électronique (et donc, la séparation des variables dans la fonction d’onde) n’est pas possible.
Méthodes post-Hartree-Fock Il est possible d’améliorer l’approximation de Hartree- Fock pour y inclure la prise en compte des corrélations. On sort alors de l’approximation de champ moyen.
On peut notamment exprimer la fonction d’onde totale non plus sous la forme d’un unique déterminant de Slater, mais d’une combinaison linéaire de ceux-ci. Cela donne lieu à la méthode dite d’interaction de configuration [9, 10].
Une telle approche permet, en théorie, de décrire les corrélations électroniques.
Toutefois, elle est très couteuse en temps de calcul. Pour la méthode d’interaction de configuration, la complexité de la résolution croît de manière exponentielle avec le nombre d’électrons Ne. Ainsi, bien que les méthodes post-Hartree-Fock demeurent utilisables pour des systèmes réduits tels que des molécules, il est inenvisageable de les appliquer à des systèmes plus grands, tels les solides, auxquels nous nous intéressons.
Il convient donc de trouver un autre moyen de prendre en compte les corrélations électroniques. Comment procéder ? Pour les systèmes qui nous intéressent, le fait de se ramener à Ne équations à un corps — à partir de l’équation à Ne corps — est souhaitable, du fait de la réduction du coût de calcul. Afin de permettre cela tout en prenant en compte les corrélations électroniques, une possibilité est d’aller plus loin que la seule recherche de solutions de l’équation 1.4 sous une forme particulière. On peut entreprendre, en plus, d’exprimer le terme d’interaction entre électrons (ainsi que les autres termes de l’opérateur Hamiltonien) sous une autre forme, dépendant explicitement de la densité électronique et non plus des fonctions d’onde.
Cette idée a été proposée en 1927 par Thomas [11] et Fermi [12]. Leur modèle, dit de Thomas-Fermi, permet de calculer la densité électronique d’un système d’électrons en interaction dans son état fondamental, en supposant que le gaz d’électrons inhomogène en interaction peut, localement, être décrit comme un gaz d’électrons homogène sans interaction.
Ce modèle n’utilise pas la notion de fonction d’onde, et est basé uniquement sur la densité électronique. Cependant, les termes d’énergie cinétique et d’interaction entre électrons (en-dehors de la partie classique) ne peuvent être exprimés en fonction de la densité. On ne peut donc les représenter que de manière approximative. Cela est à l’origine de limitations physiques importantes pour ce modèle. Par exemple, plus tard en 1962, Teller prouva que le modèle de Thomas-Fermi ne permet pas de décrire correctement la liaison moléculaire [13].
Il convient donc d’aller plus loin que le modèle de Thomas-Fermi. C’est l’objet de la théorie de la fonctionnelle de la densité, présentée ci-après.

Théorie de la fonctionnelle de la densité

La théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), clé de voûte du calcul ab initio moderne pour les solides, est élaborée en 1964 par Hohenberg et Kohn [14]. Ces derniers reprennent l’idée du modèle de Thomas-Fermi et proposent un formalisme permettant de calculer l’état fondamental d’un système en se basant sur sa densité électronique.
Ce formalisme prend en compte les corrélations électroniques, tout en se ramenant à un système de Ne équations à un corps, présentant donc un coût de calcul moindre. De ce fait, l’application du principe variationnel permet également d’obtenir un système d’équations à un corps [15], dites de Kohn-Sham, que l’on peut résoudre en pratique.
Cette théorie servira de base pour nos calculs. Nous la décrivons ici, en détaillant l’application du principe variationnel menant aux équations de Kohn-Sham. Nous discutons ensuite de ses limitations.
Théorèmes de Hohenberg et Kohn
La théorie de la fonctionnelle de la densité repose sur les théorèmes de Hohenberg et Kohn. Le premier théorème de Hohenberg et Kohn fait le lien entre le potentiel extérieur et la densité électronique Theorème 1 Pour un système donné de Ne électrons dans un potentiel extérieur vext(r) 2, ce dernier est déterminé uniquement par la densité électronique n(r).
Or, le potentiel extérieur vext(r) est justement la seule quantité non explicitée dans l’opérateur Hamiltonien 1.9 (il contient le potentiel 1.8 crée par les noyaux, auquel s’ajoute un autre potentiel extérieur éventuel). Cela implique que ce dernier peut s’exprimer uniquement en fonction de la densité électronique, et est donc une fonctionnelle de celle-ci.
Il en va de même pour la fonction d’onde totale du système, qui est elle-même déterminée par l’opérateur Hamiltonien. Ainsi, toute observable du système (c’est-àdire la valeur moyenne d’un opérateur ^O) s’exprime également comme fonctionnelle de la densité électronique. En particulier, l’observable associée à l’opérateur Hamiltonien n’est autre que l’énergie électronique totale du système.
Résolution
La résolution des équations de Kohn-Sham 1.30 permet de calculer la structure électronique en DFT, donnée par les fonctions d’onde de Kohn-Sham  i, leurs énergies i et leurs occupations fi.
Il convient néanmoins de vérifier l’auto-cohérence entre ces quantités. D’une part, les fonctions d’onde et leurs énergies sont obtenues grâce aux équations 1.30, à partir de la densité électronique. Réciproquement, cette dernière est calculable à partir de l’expression des fonctions d’onde, par l’équation 1.24. Toutes ces quantités sont donc reliées entre elles de manière cyclique. Ainsi, les équations de Kohn-Sham 1.30 sont en pratique résolues de manière itérative, comme illustré dans la figure 1.1. On part d’une expression de départ, soit de la densité électronique, soit des fonctions d’onde de Kohn-Sham (desquelles on déduit directement la densité électronique par l’équation 1.24). On en déduit l’expression de l’opérateur Hamiltonien de Kohn-Sham. La résolution des équations de Kohn-Sham 1.30 donne alors de nouvelles fonctions d’onde  i, et une nouvelle densité électronique, toujours par l’équation 1.24. À chaque itération, on vérifie l’auto-cohérence (AC 4) entre la valeur d’une quantité choisie (la densité électronique, les fonctions d’onde ou les énergies de Kohn-Sham) à l’itération courante (numéro n) et celle à l’itération précédente (numéro n ? 1). On arrête le processus lorsque la quantité choisie ne varie plus d’une itération à l’autre. Afin d’accélérer la convergence, on peut réaliser un mélange de la densité électronique, en utilisant ses valeurs aux itérations précédentes.

Limitations et approximations pour la fonctionnelle d’échange et de corrélation

La seule inconnue demeurant dans la résolution des équations de Kohn-Sham est l’expression de la partie d’échange et de corrélation, que nous n’avons pas explicitée dans l’équation 1.23.
C’est là la limitation majeure de la théorie de la fonctionnelle de la densité. Les théorèmes de Hohenberg et Kohn ne disent rien quant à son expression exacte, qui demeure inconnue. Il est donc nécessaire, en pratique, d’utiliser une expression approchée pour la fonctionnelle énergie d’échange et de corrélation, ce qui permet de résoudre les équations de Kohn-Sham.
De nombreuses fonctionnelles approchées ont été proposées depuis l’élaboration de la théorie de la fonctionnelle de la densité. Nous en détaillons ici deux, dont nous nous servirons plus tard.
Cas d’un solide périodique
Le système de Nn noyaux et de Ne électrons que nous avons étudié jusqu’à présent demeure très général, les noyaux pouvant avoir des positions quelconques.
Dans ce qui suit, nous nous intéressons au cas particulier d’un solide pour lequel les noyaux sont agencés selon un motif périodique — les nombres Nn de noyaux et Ne d’électrons tendent alors vers l’infini —. Nous introduisons ici quelques définitions utiles pour la description d’un tel solide, et détaillons les spécificités des quantités calculées en DFT dans ce cas particulier.

Réseau cristallin, conditions aux limites, réseau réciproque et première zone de Brillouin

Dans l’espace réel, noté R, les noyaux sont agencés selon un motif périodique, formant un réseau cristallin (appelé réseau de Bravais), noté B (on a B R). Ce réseau est défini par les vecteurs primitifs de translation (notés a1, a2 et a3), à partir desquels on peut exprimer les éléments de B (représentant les vecteurs position des noyaux), sous la forme R = n1a1 + n2a2 + n3a3 8(n1; n2; n3) 2 Z3 (1.34)
La périodicité permet de restreindre la simulation à la maille primitive du réseau B (appelée maille de Wigner-Seitz). Pour ce faire, on impose des conditions aux limites périodiques pour les fonctions d’onde de Kohn-Sham et la densité électronique. Cela permet notamment de ne considérer que les électrons contenus dans la maille, dont le nombre est fini.
On définit également le réseau réciproque au réseau B, noté B, dans l’espace réciproque, noté R (on a B R). Les vecteurs primitifs de translation du réseau réciproque (notés a1 , a2 et a3 ) .
Nombres quantiques du système
Jusqu’à présent, on a indicé les énergies et fonctions d’onde de Kohn-Sham et leurs occupations par un nombre i, variant entre 1 et le nombre d’électrons Ne.
De manière plus générale, les quantités calculées en DFT sont indicées par les différents nombres quantiques du système. On peut montrer que, dans le cas où on ne tient pas compte du couplage spin-orbite, les nombres quantiques pour un solide sont les composantes du vecteur d’onde k (pour un solide périodique, ce vecteur peut prendre toutes les valeurs sur la première zone de Brillouin), l’indice de bande (à valeurs entières), ainsi que le nombre quantique de spin (si on considère le cas polarisé en spin).
Les énergies et fonctions d’onde de Kohn-Sham et leurs occupations sont donc indicées par un doublet (k; ), ou un triplet (k; ; ) dans le cas polarisé en spin. On considèrera par défaut le cas polarisé en spin dans ce qui suit, sauf indication contraire.

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Table des matières

Introduction générale 
Contexte
Approche
Contributions
Plan du manuscrit
I Formalisme et méthodes 
1 Calcul de la structure électronique d’un solide
A Généralités
B Théorie de la fonctionnelle de la densité
C Cas d’un solide périodique
2 Extension de la théorie de la fonctionnelle de la densité pour les systèmes fortement corrélés
A Améliorations de la DFT pour les systèmes fortement corrélés
B Fonctions d’onde pour les électrons corrélés
C Description des corrélations locales
D Prise en compte des corrélations locales en DFT+U
3 Calcul des interactions effectives entre électrons corrélés
A Interprétation physique des paramètres U et J
B Méthodes de calcul des interactions effectives entre électrons corrélés
C Approximation de phase aléatoire contrainte (cRPA)
D Différents modèles pour la méthode cRPA
4 Auto-cohérence entre la structure électronique et les interactions effectives – Schéma DFT+U/cRPA 49
A Importance de l’auto-cohérence entre la structure électronique et les interactions effectives
B Schéma auto-cohérent DFT+U/cRPA
C Mise en oeuvre et aspects numériques
II Application du schéma DFT+U/cRPA aux lanthanides et aux oxydes d’actinides
5 Application au cérium
A Le cérium, et ses phases
B Application du schéma DFT+U/cRPA aux phases et du cérium
C Discussion sur les valeurs auto-cohérentes de U
D Discussion sur la méthode de calcul de la structure électronique
E Étude des processus d’écrantage en cRPA
F Bilan
6 Application aux lanthanides
A Les lanthanides
B Application du schéma DFT+U/cRPA aux lanthanides
C Valeurs auto-cohérentes de U
D Étude des processus d’écrantage
E Bilan
7 Application aux oxydes d’actinides
A Les oxydes d’actinides
B Application du schéma DFT+U/cRPA aux oxydes d’actinides
C Valeurs auto-cohérentes de U
D Étude des processus d’écrantage
E Bilan
8 Complément – Modification du modèle pour les électrons corrélés pour un cas test et comparaison des PLOWF et MLWF
A Modification du code ABINIT
B Tests sur le dioxyde d’uranium
Conclusion générale 
Annexes 
A Harmoniques sphériques réelles cubiques
B Europium : comparaison des phases bcc et fcc
C Dioxyde d’américium : influence de la relaxation sur l’état fondamental en DFT+U
D Valeurs des paramètres de convergence
Bibliographie 
Table des figures
Liste des tableaux

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