HISTORIQUE : ETAPES DE L’UTILISATION DU PHOSPHORE EN ALIMENTATION ANIMALE
L’évolution de l’utilisation du phosphore (P) en alimentation animale peut être caractérisée en six grandes périodes depuis la seconde guerre mondiale et des faits scientifiques marquants définissent ces périodes (GUEGUEN, 2005).
AVANT 1955
La période de la guerre a été marquée par une pénurie d’engrais phosphaté, ce qui a conduit à un net appauvrissement des fourrages. Il en résultait des subcarences en phosphore (P) chez les ruminants généralement. Les monogastriques couraient un risque moindre car recevant des céréales, et des farines animales riches en phosphore et en calcium. Ce problème était très préoccupant et avait justifié la tenue en 1949 des journées du phosphore organisées par la Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Selon GUEGUEN (2005), les « normes » en vigueur étaient celles du National Research Center (NRC) Américain reprises partout en Europe.
De 1955-1965
La prise de conscience de l’intérêt d’un apport supplémentaire de P a progressivement augmenté, notamment après la parution de mise au point de synthèse, l’une par J. Coléou en 1957 dans la Revue de l’élevage sur «Alimentation minérale des bovins», l’autre par Y. Henry en 1960 dans une brochure AFCA sur «les compléments dans l’alimentation animale». La complémentation s’imposait pourtant de plus en plus pour répondre à l’augmentation des performances zootechniques générée par le progrès génétique. Parallèlement, des travaux étaient réalisés à Institut National de Recherches Agronomiques (INRA) de Jouy-en-Josas sur la composition minérale des fourrages, notamment sur les divers facteurs de variation des teneurs en phosphore (espèce, stade de développement, saison…).
De 1965-1973
Le marché des phosphates a explosé pour diverses raisons et nous pouvons citer entre autres :
❖ l’extension après 1970 du maïs ensilé pauvre en P chez les bovins ;
❖ le remplacement partiel du maïs par du manioc très pauvre en P chez les monogastriques ;
❖ les besoins accrus des animaux résultant de l’intensification de l’élevage.
Des travaux de recherche et d’expertises sur les critères de qualité des phosphates ont été réalisés, et ont conduit à la mise sur le marché du test de solubilité critique des phosphates, ayant permis d’éliminer les très mauvais phosphates.
De 1973-1980
Le choc pétrolier de 1973 a entraîné la crise du soja (riche en P) et le triplement du prix des phosphates marocains. Les phosphates sont donc subitement devenus très chers et des économies de P ont été encouragées. Le retour prévisible des mauvais phosphates a amené, le Comité Interministériel de l’Industrie de l’Alimentation Animale (CIIAA), à valider en France en 1977 le test de solubilité citrique du phosphore. De nouvelles recommandations pour les ruminants furent publiées par l’INRA en 1978 et par l’ARC britannique en 1980, ces dernières se distinguant par une forte baisse des besoins en phosphore des ruminants, principalement due à une évaluation faible du besoin net d’entretien. D’autres nouvelles recommandations furent publiées aussi pour les porcs par GUEGUEN et PEREZ (1981).
De 1980-1992
Les travaux et mises au point scientifiques ont principalement porté sur la réhabilitation du phosphore en nutrition des ruminants, Une journée du Cycle Approndi de l’Alimentation Animale (CAAA) était organisée à l’INA Paris-Grignon en 1983 pour faire «le point sur le phosphore en alimentation animale», permettant en particulier de justifier la position de l’INRA sur le besoin d’entretien chez les ruminants. En 1984, l’INRA publiait de nouvelles recommandations pour les animaux monogastriques, avec notamment des recommandations d’apport de P pour les truies revues à la baisse. En 1988, une mise à jour des recommandations de l’INRA pour les bovins, les ovins et les caprins était publiée et en 1991 paraissaient les nouvelles recommandations britanniques AFRC, marquées par un besoin d’entretien en hausse et variable en fonction de la quantité de matière sèche ingérée.
APRES 1992
La préoccupation environnementale est apparue, avec le souci du rôle joué par le phosphore rejeté dans l’eutrophisation des eaux superficielles. Cette période a aussi été marquée par le retour du blé plus riche en P et en phytase que le maïs et le manioc, surtout par l’introduction des phytases microbiennes dans l’alimentation des monogastriques. Enfin, en 2000, l’interdiction totale des farines de viande et d’os privait l’alimentation animale d’une quantité de P de bonne biodisponibilité et recyclable, soit un équivalent d’environ 100 000 tonnes de phosphate bicalcique, accordant ainsi une nouvelle place aux phosphates minéraux (GUEGUEN, 2005). Depuis 2000, de nouveaux Apports Journaliers Recommandés (AJR) pour les ruminants, ont été publiés par le NRC américain (2001), cité par MESCHY ET RAMIREZ-PEREZ (2005) et la France (MESCHY, 2002) . La principale difficulté rencontrée pour la formulation de recommandations actualisées pour les volailles, réside dans la définition de la notion de biodisponibilité du phosphore pour les volailles (LESCOAT et al., 2005).
METABOLISME PHOSPHOCALCIQUE CHEZ LE POULET DE CHAIR
DIGESTION
C’est la fonction qui transforme les aliments en nutriments, molécules directement assimilables. Cette transformation est liée à des sécrétions digestives et à la motricité du tube digestif. Les nutriments formés sont absorbés dans le sang ou la lymphe après passage à travers la muqueuse intestinale, c’est l’absorption (KOLB, 1975). La nourriture, avalée par le bec qui est composé de deux parties : dorsalement, la maxille ou mandibule supérieure, ventralement la mandibule ou mandibule inférieure (ALAMARGOT, 1982), traverse rapidement l’œsophage pour aboutir dans le jabot, qui sert principalement d’organe de stockage. A ce niveau, la nourriture est ramollie et acidifiée sous l’action de l’acide lactique produit par fermentation bactérienne (SMITH, 1997). Au passage dans le proventricule via une courte section, elle est attaquée par des enzymes, particulièrement la pepsine, et subit une nouvelle acidification sous l’action de l’acide chlorhydrique (SOUILEM, et GOGNY, 1994). Le gésier se trouve juste après le proventricule (figure 1) ; il s’agit d’un organe musculaire puissant, qui réduit la nourriture en pulpe par des contractions rythmées. Ce processus est facilité par la présence de gravillon insoluble. La nourriture passe ensuite dans l’anse duodénale, entourée du pancréas, qui sécrète les sucs pancréatiques dans le duodénum. Plus loin, deux canaux relient le foie à l’intestin grêle ; l’un d’eux provient de la vésicule biliaire où sont stockés les sels biliaires. La paroi du duodénum et de l’intestin grêle est convolutée et forme des saillies en forme de doigt (les villosités). Celles-ci augmentent la surface de l’intestin et favorisent ainsi l’absorption de la nourriture. Le transit des aliments dans l’intestin grêle est favorisé par des contractions péristaltiques régulières. C’est dans cette zone des viscères qu’a lieu l’essentiel de la digestion et de l’absorption. A la jonction de l’intestin grêle et du gros intestin se trouvent deux branches en cul-de-sac appelées poches caecales ou caecum, dont la fonction essentielle est de digérer les fibres et d’absorber l’eau (SMITH, 1997).
Ainsi, les composés phosphocalciques sont solubilisés dans le tube digestif, sous l’effet de l’acide chlorhydrique, qui transforme les sels de calcium (carbonates) en chlorure de calcium très soluble et les phosphates bi et tricalciques en phosphates monocalciques (NICKEL et al., 1977). La bile joue un rôle important, en libérant l’acide ortho phosphorique qui transforme les sels de calcium insolubles en phosphates monocalciques solubles. Elle sécrète aussi des phosphatases qui permettent la formation des phosphates monocalciques.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : CALCIUM ET PHOSPHORE DANS L’ALIMENTATION DES VOLAILLES
1.1- HISTORIQUE : ETAPES DE L’UTILISATION DU PHOSPHORE EN ALIMENTATION ANIMALE
1.2- METABOLISME PHOSPHOCALCIQUE CHEZ LE POULET DE CHAIR
1.2.1- DIGESTION
1.2.2- ABSORPTION
1.2.2.1- Lieu d’absorption
1.2.2.2- Mécanisme de transport
1.2.2.3- Digestibilité du phosphore végétal
1.2.2.4- Facteurs de variation de l’absorption du phosphore
1.2.2.4.1- Facteurs liés à l’animal
1.2.2.4.2- Facteurs liés à la ration
1.2.2.4.3- Facteurs liés à la source de phosphore
1.2.2.4.3.1- Phosphates inorganiques
1.2.2.4.3.2- Phosphore phytique
1.2.3 – DISTRIBUTION ET ROLE DU CALCIUM ET DU PHOSPHORE DANS L’ORGANISME
1.2.3.1- Calcium
1.2.3.2- Phosphore
1.2.4- RETENTION ET REJET DE PHOSPHORE ET DE CALCIUM
1.2.4.1- Rétention du phosphore et du calcium
1.2.4.2- Excrétion du phosphore et de calcium
1.2.5- REGULATION DU METABOLISME PHOSPHOCALCIQUE
1.2.5.1- Rôle de la parathormone
1.2.5.2- Rôle de la vitamine D
1.2.5.3- Rôle de la calcitonine
1.3. DIFFERENTES SOURCES DE CALCIUM ET DE PHOSPHORE DANS LA RATION DES POULETS DE CHAIR
1.3.1- ORIGINE VEGETALE
1.3.1.1- Calcium et phosphore disponible
1.3.1.2- Phosphore phytique : acide phytique et phytate
1.3.1.2.1- Définition
1.3.1.2.2- Aspect physico-chimique
1.3.1.2.3- Localisation des phytates
1.3.1.2.4- Proportion de phosphore phytique dans les céréales couramment utilisées
1.3.2- ORIGINE ANIMALE
1.3.3- ORIGINE MINERALE
1.3.3.1- Calcium minéral : carbonates de calcium
1.3.3.2- Phosphore minéral : phosphates
1.4- BESOINS EN CALCIUM ET PHOSPHORE DES POULETS DE CHAIR
1.4.1- REGLE D’UTILISATION DU PHOSPHORE ET DU CALCIUM
1.4.2- APPORTS RECOMMANDES EN CALCIUM ET PHOSPHORE
1.4.3- OPTIMISATION DES PERFORMANCES ZOOTECHNIQUES EN FONCTION DE L’APPORT DE PHOSPHORE
1.4.4- EFFETS DES NIVEAUX DE CALCIUM ET DE PHOSPHORE DES REGIMES ALIMENTAIRES SUR LA CROISSANCE DES POULETS DE CHAIR
1.4.5- MAITRISE DES APPORTS DE CALCIUM, UNE VOIE D’ECONOMIE DU PHOSPHORE
1.4.5.1- Performance de croissance
1.4.5.2- Minéralisation osseuse
1.4.6- INFLUENCE DU PHOSPHORE PHYTIQUE SUR LA CROISSANCE
1.4.7- INFLUENCE DES PHYTATES SUR LA DISPONIBILITE DES AUTRES MINERAUX
1.4.8- INFLUENCE DE LA TEMPERATURE SUR LES APPORTS EN CALCIUM ET EN PHOSPHORE DES RATIONS POUR POULET DE CHAIR
Chapitre II : PHYTASES ET LEURS IMPORTANCES DANS L’ALIMENTATION DES VOLAILLES
2.1- HISTORIQUE DE L’UTILISATION DES PHYTASES DANS L’ALIMENTATION ANIMALE
2.2- PHYTASES
2.2.1- PHYTASES VEGETALES
2.2.1.1- Sources et activités phytasiques
2.2.1.2- Répartition anatomique
2.2.2- PHYTASE INTESTINALE
2.2.3- PHYTASES FONGIQUES OU MICROBIENNES
2.3- MECANISME D’ACTION DES PHYTASES
2.3.1- ACTIVITE PHYTASIQUE
2.3.2- MECANISME D’ACTION
2.3.2.1- FACTEURS INFLUENÇANT L’ACTIVITE PHYTASIQUE
2.3.2.1.1- FACTEURS PHYSICO-CHIMIQUES
2.3.2.1.1.1- Potentiel hydrogène (pH)
2.3.2.1.1.2- Température (chaleur et froid)
2.3.3- AUTRES FACTEURS
2.3.3.1- Humidité
2.3.3.2- Combinaison des phytates
2.3.3.3- Teneur en phytate
2.3.3.4- Forme de présentation
2.3.3.5- Fermentation
2.4- CRITERES UTILISES DANS L’ETUDE DES EFFETS DES PHYTASES
2.4.1- CRITERES ZOOTECHNIQUES DE CROISSANCE
2.4.2- CRITERES BIOCHIMIQUES
2.5- COMPARAISON DE L’ACTIVITE DES PHYTASES VEGETALES ET DES PHYTASES FONGIQUES
2.6- COMPARAISON DE L’ACTIVITE DES PHYTASES VEGETALES ET DES PHYTASES MICROBIENNES
2.7- COMPARAISON DE L’ACTIVITE DES PHYTASES FONGIQUES ET MICROBIENNES
2.8- INFLUENCE DES PHYTASES SUR L’UTILISATION DIGESTIVE DES PROTEINES, DES MINERAUX ET DE L’ENERGIE METABOLISABLE
2.8.1- PROTEINES ET MINERAUX
2.8.2- ENERGIE METABOLISABLE
2.9- INFLUENCE DES PHYTASES FONGIQUES SUR LES PERFORMANCES DE CROISSANCE
2.9.1- GAIN DE POIDS, CONSOMMATION ET EFFICACITE ALIMENTAIRE
2.9.2- MINERALISATION OSSEUSE ET LA DISPONIBILITE DU PHOSPHORE
2.9.3- PHOSPHATEMIE
2.9.4- EFFETS CONJUGUES DE LA PHYTASE ET DE LA VITAMINE D3
2.9.5- INFLUENCE DES NIVEAUX D’APPORT DES PHYTASES
2.10- INTERET DES PHYTASES DANS L’ALIMENTATION DES MONOGASTRIQUES
2.10.1- INTERET ECONOMIQUE
2.10.2- INTERET ECOLOGIQUE OU ENVIRONNEMENTAL
2.10.2.1- Lutte contre la pollution par les phosphates
2.10.2.2- Diminution de la teneur en cadmium des denrées d’origine animale
2.10.3- INTERET PHYSIOLOGIQUE
CONCLUSION