CADRE THEORIQUE DE LA MICRO FINANCE
Marché parfaite régulé par le prix
La théorie de la répression financière explique le dualisme financier par une rigidité institutionnelle en termes de fixation du taux d’intérêt. Il est à noter que cette théorie tient essentiellement dans les pays en développement avant la libéralisation financière. La fixation d’un taux d’intérêt créditeur et débiteur bas a pour corollaire un rationnement du crédit et une insuffisance de l’épargne. En effet, si l’on propose que l’épargne soit une fonction croissante du taux d’intérêt réel (différence entre taux d’intérêt nominal et taux d’inflation anticipé) et que l’investissement en est une fonction décroissante, le taux d’intérêt réel administré inférieur au taux d’équilibre conduit à une insuffisance de fonds prêtables sur les marchés officiels face à la demande d’investissement. Ce phénomène induit l’existence de marchés financiers parallèles où sont pratiqués de forts taux d’intérêt. Aussi, peut-on observer des situations paradoxales comme celle où les entreprises sont à la fois épargnantes et investisseuses. Si la répression porte sur le taux débiteur, le niveau d’investissement est déterminé par le taux d’épargne. De ce fait, épargne et investissement augmente parallèlement avec le taux d’intérêt. Dès lors, la libéralisation financière vise à restaurer un marché financier efficace qui fait apparaitre fonction d’épargne et fonction d’investissement dissociées et qui permet une affectation optimale des ressources.
La hausse du taux d’intérêt réel conduit dans un premier temps à des effets de complémentarité (accroissement des encaisses préalable à l’investissement) puis dans un second temps, à des effets de substitution entre actifs financiers et actifs réels. Dans ce cadre, l’accumulation du capital nécessaire à la croissance se réalise par des ajustements de prix. Sans contraintes pesant sur le marché, le taux d’épargne dépend de la seule variable prix. La répression financière aboutit à un dualisme entre le secteur financier officiel et un marché informel qui regroupe toutes les transactions financières (emprunts et dépôts) qui ne sont pas réglementées par une autorité monétaire centrale ou par un marché financier central. Ce dernier joue le rôle de régulateur et se substitue aux défaillances des institutions officielles. Face à la défaillance des systèmes officiels et à l’insuffisance des systèmes formels, on constate l’émergence de système de financement décentralisé comme les Institutions de Micro Finances (IMFs).
Marché imparfait et asymétrie d’information
Théorie de l’agence
Nous nous plaçons dans un premier temps dans une perspective contractualisée. Précisons, préalablement, qu’au sein des théories contractualises, l’accent est mis sur les contrats qui se définissent comme des modes de coordination de l’activité économique alternatifs au marché. Nous retiendrons ici la définition de Jensen et Meckling (1976) . Ces derniers montrent que les contrats sont caractérisés par une relation d’agence. Les relations d’agence donnent lieu, en général, à des asymétries d’information pour deux raisons. D’une part, les mandataires en savent plus que le mandant sur la tâche à accomplir, et d’autre part, les coûts d’agence sont élevés. Ceux-ci sont définis comme la somme des coûts :
-D’établissement du contrat entre le principal et l’agent
-De surveillance (coûts engagés par le mandant pour limiter les actions du mandataire)
-De justification (coûts engagés par le mandataire pour justifier son travail)
-De perte résiduelle (coût dû à la divergence entre les décisions qui maximiseraient la prospérité du mandant).
Il est ainsi souvent difficile et onéreux pour le principal de mesurer les efforts déployés par un agent dans l’accomplissement de ses obligations et par conséquent, de spécifier par le contrat, ce que doivent être ces derniers. De plus, la théorie de l’agence repose sur l’hypothèse d’une rationalité substantive des individus : les agents sont enclins à profiter de leurs avantages informationnels pour poursuivre leurs propres intérêts au détriment de ceux du principal. Pour illustrer ces propos, on peut se référer à la théorie des Free Cash-flows , qui montre que s’il y a beaucoup de disponibilités, les managers vont les utiliser à des fins carriéristes plus qu’au service de l’entreprise. La relation de crédit peut s’apparenter à une relation d’agence par laquelle le créancier (le mandant) «confie» une partie de sa richesse aux débiteurs (mandataires) qui s’engagent à lui rembourser le capital emprunté et des charges d’intérêt aux conditions fixées dans un contrat établi au préalable entre les deux parties. On peut ainsi en déduire une divergence d’intérêt entre créancier et débiteur. Les premiers souhaitent le remboursement du capital emprunté et les seconds veulent maximiser la rentabilité de celui-ci.
Dans le cadre de la théorie contractualiste, les contrats sont censés protéger les personés qui les ont signés. La perspective institutionnaliste indique que l’incomplétude des contrats donne lieu à des comportements opportunistes. Selon Olivier Williamson , l’opportunisme est favorisé par la dépendance de l’échange et l’incertitude. La dépendance de l’échange est due à la durée ou la fréquence de la relation et la « spécificité des actifs » spécificité spatiale ou fonctionnelle des équipements.
L’incertitude est liée à l’imperfection de l’information à cause de son caractère ineffable et l’inégalité de sa répartition, mais aussi limites cognitives des agents : rationalité limitée. L’institution renvoi à une modalité de coordination des actions qui économise les coûts de transaction. Les populations défavorisées sont dans un besoin de fonds prêtables qui ne s’inscrit pas dans le long terme et, par conséquent, ne répondent pas au principe de confiance tel qu’il est admis dans la relation habituelle d’agence entre le principal et l’agent.
Distinction entre risque et incertitude
Nous reprenons ici la distinction entre risque et incertitude faite par Knight et expliquée par Servet (1996). « Le risque est inhérent a toute relation financière, quel que soit son degré de formalité ou d’informalité ». Si un créancier potentiel, qui ne connait pas « l’état de la nature » de demain, affecte des probabilités aux événements, il peut réduire l’indétermination et se prémunir de trois manières contre le risque ainsi calculé. En premier lieu, il peut chercher à anticiper le risque en fixant des conditions minimales de prêt (grâce à une information sur la solvabilité du client ou de l’organisation et grâce à une prévision sur la rentabilité des opérations menées). En second lieu, il peut exiger des garanties (Hypothèque ou nantissement), et en troisième et dernier lieu, il peut compenser le risque par un taux d’intérêt élevé le rôle compensateur fait par effet de moyenne sur plusieurs opérations. On peut ici faire le parallèle avec la théorie financière moderne dont le fondement est l’arbitrage entre risque et rentabilité. Cet arbitrage repose sur la maximisation de l’Esperance mathématique de l’utilité une fois le degré d’aversion au risque de l’agent fixé. Les informations, les garanties et les taux d’intérêt, à partir desquelles, l’agent se livre à un calcul probabiliste sont des éléments sécuritaires. La confiance relative à ceux-ci porte essentiellement sur la fiabilité des informations et des anticipations économiques, la valeur des garanties proposées, l’évolution du pouvoir d’achat de la monnaie et le degré de respect de la loi et de la propriété. Ces éléments sécuritaires contrebalancent un certain déficit de confiance primaire dans les relations de type interpersonnel.
Le caractère peu fiable des éléments sécuritaires empêche la réalisation de calculs probabilistes. Une illustration patente peut être fournie en prenant comme exemple l’Afrique subsaharienne ou l’on constate une inadéquation entre les pratiques locales et les systèmes «occidentaux» sur des notions comme la propriété et la garantie. L’incertitude s’explique par la préférence pour la liquidité et par conséquent pour des actifs monétaires et financiers. Les agents n’ont qu’une optimisation dynamique séquentielle dans la mesure où ils choisissent le court terme leur permettant le plus grand nombre d’options futures par rapport à l’irréversibilité de la décision d’investissement physique. Dans un contexte d’incertitude forte, le risque peut être correctement évalué et de fait compensé par le taux d’intérêt.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie I : CADRE THEORIQUE ET CONTEXTE GENERAL DE LA MICRO FINANCE
I-1: Cadre théorique de la micro finance
I-1-1 : Le marché imparfait régulé par le prix
I-1-2 : Marché imparfait et asymétrie d’information
I-1-3 : Intermédiation financière
I-1-4 : Exclusion bancaire
I-2 : Généralité sur la micro finance à Madagascar
I-2-1 : La micro finance et les institutions de micro finance à Madagascar
I-2-1-1 : La micro finance : Définition et Historique
I-2-1-1-1 : Définition
I-2-1-1-2 : Historique
I-2-1-2 : Aperçu de la micro finance à Madagascar
I-2-1-2-1 : Cadre légal de micro finance
I-2-1-2-2 : Les opérateurs dans le secteur de micro finance à Madagascar
I-2-2 : La micro finance et la croissance économique
I-2-2-1 : Les facteurs déterminants de la croissance
I-2-2-2 : La micro finance et la croissance économique
Partie II : ROLE DE LA MICRO FINANCE DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
II-1 : Financement du développement économique
II-1-1 : La réduction de l’exclusion financière
II-1-2 : Financement des petits agents économiques
II-1-2-1 : L’importance des petits acteurs économiques
II-1-2-1-1 : Importance en nombre
II-1-2-1-2 : Importance par activité
II-1-2-1-3 : Importance par emplois générés
II-1-2-2 : Les petites unités de production confrontées à une économie monétarisée
II-1-2-3 : Les problèmes de financement des petits acteurs économiques
II-2 : Les impacts de la micro finance dans le développement économique
II-2-1 : La micro finance et ses impacts positifs
II-2-1-1 : La micro finance et l’emploi
II-2-1-2 : La micro finance et le revenu
II-2-1-3 : La micro finance et le niveau de vie
II-2-2 : Limites de la micro finance
CONCLUSION