Pétrographie
La pétrographie des cailloux dégagés dans les diamictons a été identifiée visuellement soit sur le terrain soit en laboratoire à l’aide d’un guide d’identification des roches et minéraux (Audubon, 1979). Suite à l’ identification lithologique, la provenance des différents cortèges pétrographiques allochtone aux Îles-de-la-Madeleine a été déterminée en se basant sur des rappol1s et des cartes géologiques ainsi qu ‘à partir de l’observation et la connaissance des environnements géologiques limitrophes. Ainsi, les différents cortèges lithologiques allochtones ont été associés à trois principales sources géologiques à proximité de l’archipel.
1- La première source identifiée est la Côte-Nord du Québec au nord nord-ouest. Le grand ensemble du Bouclier canadien (Province de Grenville) est représenté aux îles principalement par des anorthosites griss-bleus foncés (Formation de Sept-Îles), des granitoïdes à orthopyroxènes, des syénites, des paragneiss et des métaquartzites (MRNF 2002, Hocq 1994). Dans le texte, ce cortège porte également le nom de laurentidien.
2- Également au nord-nord-ouest de l’archipel, les lithologies de l’île d’Anticosti sont représentées par des calcaires et des calcaires fossilifères du Groupe d’Anticosti, plus précisément associés aux Formations de Chicotte, de Vauréal et de Ellis (Desrochers 2006, MRNF 2002, et Petryk 1981).
3- Finalement, les Appalaches sont représentées par une distribution pétrographique associée à la zone de Humber et aux boutonnières précambriennes de Steel Mountain et d’lndian Head localisées sur Terre-Neuve (Williams 1995, Van Berke l 1987, Riley 1962). Le cortège appalachien est dominé aux Îles par la présence de gabbro et d’anorthosite. Ces deux types de roches sont également présents sur la Côte-Nord. Cependant, les anol1hosites originaires des boutonnières de Steel Mountain et d’lndian Head sont très pâles et ont des grains grossiers (Van Berkel 1987). Ces caractéristiques pennettent de les différencier aisément sur le terrain des anorthosites de la Formation de Sept-Îles plus foncées. On retrouve également des gabbros dans les sud-ouest de Terre-Neuve dans les plutons de Southwest Brook et de Main Gut (Williams 1995). Les metaquatzites identifiées sont possiblement issues des complexes de Cormacks Lake et Otd Man ‘s pond (Williams 1995). Des affleurements de cherts et de métaquartzites sont également présents dans la Formation Mélange sur la côte ouest de TerreNeuve notamment sur la presqu’île de Port-aux-Port (Williams 1995). On retrouve également dans le sud-ouest de Terre-Neuve de nombreux affleurements de gneiss, de schistes, de granitoïdes (Williams 1995). Il faut cependant garder à l’esprit que les cortèges pétrographiques peuvent avoir une certaine «pollution» issue de la reprise en charge de dépôt reposant sur les fonds marins.
Interprétation de la coupe 1 : Nord du quai
Les cannelures à la base de la séquence de la coupe 1 démontrent le passage d’un glacier à bonne capacité abrasive. La linéarité et l’orientation parallèle de ces marques d’érosion glaciaire atteste un écoulement glaciaire dans l’axe nord-ouestlsud-est. L’unité B est interprétée comme étant un dépôt fluvioglaciaire proximal compte tenu du support clastique à matrice infiltrée, de l’ imbrication des cailloux, des fortes et soudaines variations de compétence de l’agent hydrodynamique, de l’émoussé très développé des cailloux et du calibre important des cailloux et des blocs. Le pendage des lits ainsi que la composition du cortège pétrographique laurentidien et anticostien fournissent un sens à l’axe des cannelures et indiquent que le glacier était situé au nord-ouest de l’archipel. Ces informations combinées permettent d ‘affirmer la présence d’ un glacier d ‘origine laurentidienne aux Îles-de-laMadeleine. La faible épaisseur des lits dans l’unité C est caractéristique des environnements prodeltaïques (Nichols, 2009). De plus, la transition est graduelle entre l’unité B proximale de haute énergie et l’ unité C distale de type prodeltaïque en milieu marin. Le pendage des lits de l’unité C implique une source sédimentaire au nord-nord-est. La rythmicité des fins lits silteux de l’unité C suggère une alternance d’énergie qui pourrait être liée à une saisonnalité. Le nombre décroissant de cailloux délestés vers le haut de l’unité peut s’expliquer par une position de plus en plus distale de la source sédimentaire. Le diamicton constituant l’unité D est interprété comme un till d’origine appalachienne. Il en a toutes les caractéristiques: un mauvais triage, la présence de nombreux cailloux parfois striés à façonnement glaciaire de style «fer à repassem, un cortège pétrographique allochtone dominé par les lithologies appalachiennes. L’orientation des troncatures, les défonnations au sommet de l’unité C sous le till et la fabrique UD (figure 3.3) démontrent clairement un mouvement glaciaire appalachien provenant de l’est. L’évolution latérale du till (unité D) vers une ligne de cailloux (unité D’) est attribuée à une surface d’érosion. En effet, le délavage de la matrice sableuse du till a provoqué la concentration de blocs, des galets et de gravier au niveau des deux lignes de cailloux intercalées dans l’unité E. Cette surface d’érosion est vraisemblablement le résultat d’un haut niveau marin. L’unité E correspond possiblement à un dépôt littoral. Ces variations intrafaciès, et plus particulièrement cette alternance entre des lits de sable grossier et de sable moyen, sont caractéristiques des environnements littoraux et marins de faib le profondeur (Nichols 2009). Par ailleurs, il est également possible que les structures en boules et coussinets et en flammes témoignent d’un écoulement turbulent avec une importante charge sédimentaire possiblement associé à la proximité de la bordure glaciaire appalachienne qui à mis en place l’unité D. L ‘ unité F bien triée est d’origine éolienne. Les processus de transport éolien sont toujours très actifs dans l’ archipel, surtout dans les zones où l’érosion côtière est active (falaises vives). À plusieurs endroits on observe la présence de sédiments éoliens en sommet de falaise. L’ unité F recouvre l’ ancien sol podzolique très bien développé d’âge holocène. Cet ancien sol holocène est omniprésent dans l’archipel et il a grandement modifié l’aspect des dépôts quaternaires près de la surface (couleur, compacité, lessivage).
Environnement marin
Des indices d’environnement marin sont présents dans cinq des huit coupes décrites (tableau 4.1 et figures 4.1 et 4.3). Les seuls endroits où les unités marines sont absentes sont les affleurements où le till appalachien repose directement sur les grès (coupe 2, 5 et 7). Les corps sédimentaires les plus volumineux du nord de l’archipel sont composés de sable d’origine marine d’eau relativement peu profonde. Deux faciès d’époques différentes se distinguent. D’abord, le plus ancien, le faciès des coupes 4, 6 et 8 composé de lits de sable et de silt. Le faciès marin de ces unités n’a pas de cyclicité dans la récurrence des lits de silt. Les faibles variations granulométriques du faciès sont associées aux variations d’énergie en mer peu profonde. La source sédimentaire, bien qu’importante pour la mise en place d’un corps sédimentaire aussi volumineux, est probablement distale, car elle n’a pas d’ influence directe sur les structures sédimentaires du faciès. Une source sédimentaire distale a une influence atténuée sur la sédimentation en milieu marin. L’absence de cailloux de délestage dans ce faciès ne permet pas de l’ associer à un environnement glaciomarin avec couvert de glace. Ce dépôt marin est antérieur aux dépôts glaciaires laurentidiens. En effet, il est recoupé et déformé par la mise en place des sédiments de contact glaciaire et fluvioglaciaire de lacoupe 4 (La Bluff). La position stratigraphique et le faciès similaire des unités marines des coupes 4, 6 et 8 pennettent de les associer. Des datations 14C dans des sédiments intertidaux à l’Anse à la Cabane (île de Havre Aubert) ont donné des âges de 46357-47 253 cal. B.P. (ULGASI227-ULA453) à une altitude de 12 à 13 m (Rémillard et al. en préparation). Il est possible que les unités marines du nord de l’archipel soient contemporaines de ce haut niveau marin observé dans le sud des Îles. Par ailleurs, Dredge et al. (1992), observent des dépôts organiques recouverts de sédimentsmarins datant du Sangamonien à Bassin dans le sud de l’archipel. Ces dépôts sont aujourd’hui au niveau marin actuel. Il n’est cependant pas impossible que les dépôts marins du nord soient corrélés chronologiquement à ces dépôts sangamoniens.Le second faciès mann, le plus récent, est composé de sédiments sableux en alternance cyclique avec du silt (tableau 4.1 et figures 4.1 et 4.3). Ce faciès se rencontre aux coupes 1 et 3. Ce grand volume de sédiments provient probablement d ‘un complexe prodeltaïque. Les cycles entre les lits de sable et de silt indiquent des variations périodiques d ‘énergie et d’apport sédimentaire. De plus, la transition graduelle entre l’unité fluvioglaciaire (unité B, coupe 1) et l’unité prodeltaïque (unité C, coupe 1) appuie l’idée d ‘un environnement marin à proximité d ‘ une importante source sédimentaire qui s’éloigne graduellement. Cet éloignement graduel explique pourquoI on retrouve de moins en moins de cailloux de délestage dans le haut du faciès.De plus, l’omniprésence du paléopodzol où les ortsteins sont très bien développés appuie cette interprétation. Ces indurations apparaissent dans un contexte de baisse du niveau marin.Ils se forment rapidement après l’exondation des terres et protègent les surfaces contre l’érosion hydrique (Dubois et al. 1990). Le second faciès mann est un environnement glaciomarin peu profond en contexte de bordure glaciaire, près d ‘ une source sédimentaire importante. Elle succède au passage de l’inlandsis dans le nord de l’archipel.
Défonnations glaciotectoniques et till appalachien
Des déformations glaciotectoniques ont été identifiées à de nombreux sites dans le nord des Îles-de-Ia-Madeleine, notamment aux coupes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 (tableau 4.1 et figures 4.1 et 4.4). Ces défonnations sont présentes autant dans les grès que dans les dépôts meubles. Elles se présentent sous forme de plis, de plis déversés, d ‘ injections, de failles inverses et de structures de charge. Mis à part les défonnations de l’unité A de la coupe 4, toutes ces observations et mesures de défonnations témoignent d ‘ une contrainte provenant de l’est ou de l’ est-nord-est.Ces défonnations sont recouvertes par un till appalachien à chacun des affleurements où elles ont été observées. Dans tous les cas, à l’exception des coupes 4 et 7, les fabriques dans le till montrent une forte concentration de la plongée de l’ axe a des cailloux vers l’est. Ces données de fabriques et les déformations confinnent un mouvement glaciaire appalachien de l’est vers l’ouest (figure. 4.5). De plus, des éléments de lithologie appalachienne sont présents dans toutes les coupes étudiées (tableau 4.1 et figure 4.1). À la coupe 1 (Pointe aux Loups nord), le till appalachien est intercalé dans l’unité E littorale ou prodeltaïque. Ceci implique que chronologiquement, le till appalachien s’est formé sensiblement dans la même période à la suite du retrait de l’inlandsis et possiblement dans une phase de récurrence glaciaire.
Dépôts glaciogéniques laurentidiens
L’unité de contact juxtaglaciaire identifiée à la coupe 4 correspond à la moraine terminale de Alcock (1941). En 1974, Laverdière et Guimont identifient ce dépôt comme un esker. Ces deux interprétations distinctes viennent de la morphologie en crête sur laquelle s’ appuie le dépôt (figure 3.13) et les faciès glaciaire et fluvioglaciaire juxtaposés dans la coupe. Cette crête traverse l’île de Grande-Entrée selon un axe SOINE; derrière la falaise elle est cependant composée de grès et non de dépôts meubles. L’unité B correspond à un dépôt morainique de contact glaciaire comme Alcock (1941) et Prest et al. (1976) l’ont interprétés. En effet, la morphologie générale en crête (figure 3.13) avec un versant amont abrupte et un versant aval en pente douce alllSI que les caractéristiques stratigraphiques et sédimentologiques énumérées plus haut permettent de confimler les interprétations de Alcock et Prest et al. malgré l’incohérence relevée entre les mesures du sens de poussé et la source des dépôts. L’unité fluvioglaciaire de la coupe 1 de l’île de Pointe-aux-Loups est interprétée par Dredge et al. (1992) et Prest et al. (1976) comme littorale ou fluvioglaciaire . L’architecture et les structures sédimentaires typiquement fluvioglaciaires (forte imbrication des cailloux,nombreuses et soudaines variations de la granulométrie des lits dans l’unité, matrice infiltrée liée à la grande charge sédimentaire) de cette unité écartent l’ hypothèse des dépôts littoraux. De plus, la lithologie des erratiques précambriens du Bouclier canadien et des calcaires de l’île d’Anticosti présents dans cette unité permet de relier les coupes 1 (Pointe-aux-Loups Nord), 3 (Pointe-aux-Loups, Anse-aux Canards) et 4 (La Bluff). La présence de cette unité en chenal au faciès similaire dans trois coupes confirme l’interprétation de l’origine fluvioglaciaire du dépôt.Laverdière et Guimont (1974) interprètent cette même unité (fluvioglaciaire) de la coupe 1 comme un esker pré-Wisconsinien alors que Dredge et al. (1992) attribuent un âge préSangamonien au dépôt fluvioglaciaire sur la base de la cimentation calcaire de l’unité. Prest et al. (1976) notent que le dépôt est cimenté dans la fraction des sables et graviers mais que les blocs ne sont pas cimentés. Il apparaît évident que les Îles-de-la-Madeleine ont évolué sous un climat maritime bien arrosé au cours de l’Holocène. En effet, la présence d ‘un paléosol podzolique d’âge holocène où l’horizon Ae fait souvent plus de 30 cm d ‘épaisseur implique un environnement au lessivage acide important qui a favorisé la dissolution des calcaires dans les dépôts meubles. Cette dissolution est à l’origine de la cimentation de l’unité fluvioglaciaire qui repose sur les grès moins perméables que les dépôts. Selon les dates 14C obtenues sur le paléosol, cette cimentation n’est donc pas forc ément liée à des processus très anciens comme le proposent Dredge et al. (1992) et Laverdière et Guimont (1974). Paquet (1988) émet par ailleurs l’hypothèse que l’absence presque généralisée de traces fossiles dans l’archipel résulte de cette dissolution par la lixiviation des organismes à exosquel ettes calcaires au cours de l’ Holocène.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES T ABLEAUX
RÉSUMÉ
CHAPITRE 1
1.1 Problématique et travaux antérieurs
1.2 Objectifs
1.3 Région d ‘étude
CHAPITRE-II
2-Méthodologie
2.1 Inventaire et identification des sites d’ étude
2.2 Géomorphologie et sédimentologie
2.3 Pétrographie
2.4 Datations
CHAPITRE III
3. Description et interprétation des coupes étudiées
3.1 Pointe-aux-Loups
3. 1.1.1 Description de la coupe 1 : Nord du quai (N 47°31 ‘5 1,99″ 0 61 °42’ 43,05″)
3 .l. l.2 Interprétation de la coupe 1 : Nord du quai
3. 1.2. 1 Description de la coupe 2 : Sud du quai (N 47°31 ‘37,79″ 0 61 °42 ‘47,69″)
3 .l.2.2 Interprétation de la coupe 2 : Sud du quai
3.1.3 .1 Description de la coupe 3: Anse-aux-Canards (N 47°31 ‘33,35 » 0 61 °41 ‘ 57,24 » )
3.l.3.2 Interprétation de la coupe 3 : Anse-aux-Canards
3.2 Île de la Grande Entrée
3.2.1.1 Description de la coupe 4 : La Bluff (N 47°32 ‘43,16″ 06 1°33 ‘ Il,33 »)
3.2.1.2 Interprétation de la coupe 4 : La Bluff
3.2.2.1 Description de la coupe 5 : Bassin aux Huîtres (N 47°33 ‘25,56″ 061 °30’37,89″)
3.2.2.2 Interprétation de la coupe 5 Bassin aux Huîtres
3.2.3.1 Description de la coupe 6 : Plage du Bassin Est. (N 47° 33 ‘ 42, 36″ 0 61 ° 30′ 01 , 40’ ‘)
3.2.3.2 Interprétation de la coupe 6 : Plage du Bassin Est
3.2.4.1 Description de la coupe 7: Old Hany (N 47°34′ 12, 60″ 0 61 °28’03 , 50″ )
3.2.4.2 Interprétation de la coupe 7 : Old Hany
3.2.5.1 Description de la coupe 8 : Plage Sand Cove (N 47°34’ 10, 80″ 0 61 °29 ‘ 23 , 27″)
3.2.5.2 Interprétation de la coupe 8 : Plage de Sand Cove
CHAPITRE IV
4. Interprétation générale et conélations
4.1 Éléments glaciaires laurentidiens
4.2 Environnement marin
4.3 Déformations glaciotectoniques et till appalachien
4.4 Surface d’ érosion littorale et remaniement des dépôts
4.5 Processus éolien
CHAPITRE V
5.1 Dépôts glaciogéniques laurentidiens
5.2 Sédiments marins
5.3 Till appalachien et défonnations glaciotectoniques
5.4 Transgression marine postglaciaire
5.5 Lithofaciès similaires et confusion d’interprétation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
APPENDICE A
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