RAPPEL ANATOMO MO-PHYSIOLOGIQUE : LA PEAU HUMAINE
La peau est constituée de différents tissus qui s’unissent pour accomplir des fonctions précises. Sa surface et son poids en font le plus lourd et le plus étendu des organes ducorps humain. La peau a une surface d’environ 2m² chez l’adulte avec un poids de 4,5 à 5kg, elle représente environ 16% du poids corporel [20]. Sur le plan structural, la peau est formée de deux parties principales. La partie superficielle, la plus mince des deux, est composée de tissu épithélial et appelée épiderme. La partie la plus profonde et la plus épaisse est composée de tissu conjonctif et appelée derme. Elle surmonte la couche sous cutanée, l’hypoderme. Aussi appelée fascia superficiel l’hypoderme est composé de tissu aréolaire et de tissu adipeux et contient de gros vaisseaux sanguins qui irriguent la peau. Cette couche renferme aussi des terminaisons nerveuses appelées corpuscules de pacini qui sont sensibles à la pression [20].
EPIDERME
L’épiderme est un épithélium stratifié pavimenteux kératinisé. Les quatre principaux types de cellules qui le composent sont les kératinocytes, les mélanocytes, les cellules de Langerhans, et les cellules de Merkel [20]. Les kératinocytes constituent 90% des cellules épidermiques ; ils produisent de la kératine qui est une protéine fibreuse et résistante qui protège la peau et les tissus sous-jacents contre la chaleur, les microorganismes et les substances chimiques. Les kératinocytes secrètent en outre des granules lamellés, qui libèrent un enduitim perméabilisant [20]. Les mélanocytes constituent environ 8% des cellules épidermiques et élaborent la mélanine. Leurs prolongements longs et minces s’insinuent entre les kératinocytes et leur transfert des granules de mélanines. La mélanine est un pigment brun foncé qui colore la peau et absorbe les rayonnements ultraviolets nocifs. Une fois parvenus à l’intérieur des kératinocytes, les granules de mélanine s’agglutinent pour former un voile protecteur sur la face du noyau qui est tournée vers le milieu extérieur ; ilsmettent ainsi l’ADN nucléaire à l’abri des rayonnements ultraviolets [20]. Les cellules de Langerhans, considérés comme des macrophages intra épidermiques sont élaborés dans la moelle osseuse rouge puis migrent vers l’épiderme, ou elles constituent une faible proportion de cellules. Elles participent à la défense de l’organisme contre les microbes qui envahissent la peau, et elles sont très sensibles aux rayonnements ultraviolets [20]. Les cellules de Merkel sont des récepteurs sensoriels ; situées dans la couche la plus profonde de l’épiderme elles entrent en contact avec le corpuscule tactile non capsulé. Les cellules de Merkel et les corpuscules tactiles non capsulé interviennent dans les sensations tactiles [20]. L’épiderme se subdivise en plusieurs couches. Dans la plus part des régions du corps il en compte quatre : la couche basale, la couche épineuse, la couche granuleuse et la couche cornée [20]. Aux endroits exposés à une friction intense, le bout des doigts, la paume des mains et la plantes des pieds, par exemple l’épiderme est composé d’une cinquième couche : la couche claire en plus des couches précédentes sus citées [20]. Cette couche claire ou stratum lucidum est formée de trois à cinq épaisseurs de kératinocytes morts transparents et aplatis contenant des filaments intermédiaires entassés et des membranes plasmiques épaisses [20]
L’appareil pilo-sébacé
Les poils :Les poils proviennent d’une invagination tubulaire de l’épiderme qui s’enfonce dans le derme. Cette invagination épidermique, constituant la gaine épithéliale du poil, se renfle à son extrémité profonde et constitue là un amas de cellules matricielles coiffant une papille de tissu conjonctif très vascularisé dépendant du derme. Ces cellules matricielles prolifèrent et donnent naissance à des cellules épithéliales qui se kératinisent et dont la progression se fait vers la surface cutanée ; ainsi, la tige du poil se constitue dans l’axe de la gaine épithéliale ; la quantité et la qualité du pigment contenu dans ses cellules rendent compte de la couleur du poil. La gaine épithéliale est entourée par le « sac fibreux du poil », gaine conjonctive formée par le derme et renfermant des vaisseaux et des terminaisons nerveuses sensitives. Selon leur localisation, certains poils portent des noms différents : cheveux, barbe, moustache, sourcils, cils [23]. La coloration des poils et des cheveux est due à l’incorporation de mélanosomes aux cellules épithéliales destinées à former la kératine des phanères. Elles’explique à la fois par la quantité de mélanosomes présents et par la qualité du pigment (eumélanine noire ou phémélanine jaune orangée). En fait, il n’existe que trois couleurs des cheveux : noire, marron et jaune.Au cours du vieillissement physiologique, les poils et les cheveux ont tendance à blanchir.
– Les glandes sébacées : Les glandes sébacées, exocrines, alvéolaires simples, holocrines et sécrétant un produit lipidique, le sébum, sont annexées aux poils. Leur portion sécrétrice est formée d’un ou de plusieurs alvéoles dilatés en sacs dont la paroi est faite d’une couche de cellules cubiques. Le canal excréteur, unique et très court, débouche au niveau de la gaine épithéliale du poil [23].
Les glandes sudorales : Ce sont des glandes exocrines, tubuleuses simples pelotonnées, sécrétant la sueur. Leur portion sécrétrice (épithélium cubique simple) entourée de cellules myoépithéliales, siège dans le derme profond. Leur canal excréteur (épithélium cubique bi stratifié) gagne la surface de l’épiderme par un trajet hélicoïdal. L’innervation des glandes sudoripares est sympathique, segmentaire [23].
Le muscle érecteur du poil : Le muscle érecteur du poil est un petit muscle lisse à innervation sympathique segmentaire dont la contraction (sous l’effet du froid, de la peur, etc.) déclenche le redressement du poil « chair de poule » [23].
les ongles: Faits de cellules épithéliales kératinisées, tassées les unes contre les autres et issues par prolifération tangentielle de la matrice unguéale, les ongles ont une croissance ininterrompue du fait de l’absence de desquamation [23].
ANATOMO-PATHOLOGIE DE LA BRULURE
La brûlure comprend 3 zones de réactions tissulaires (Fig. 5). Ces zones sont en rapport avec le degré de sévérité des lésions et de la viabilité des tissus lésés. Les 3 zones sont [25]:
o une zone centrale qui a eu le plus grand contact avec la source de chaleur. Elle est caractérisée par une nécrose de coagulation des cellules. Elle est appelée zone de coagulation.
o A la périphérie de cette première zone, se trouve la zone de stase. Elle est marquée par des lésions tissulaires mais surtout vasculaires qui sont potentiellement réversibles. Sans réanimation adéquate, cette zone évolue au bout de 24 à 48 heures vers la mort cellulaire.
o En dehors de ces zones, se trouve la zone d’hyperthermie similaire à une brûlure superficielle. Elle est caractéristique de la réponse inflammatoire. Elle comprend des lésions minimes qui guérissent en moins d’une semaine. Le but du traitement précoce est d’empêcher la transformation d’une zone de stase en zone de coagulation [25].
Conséquences inflammatoires
La réponse inflammatoire après une brûlure est particulièrement intense et prolongée. Le syndrome inflammatoire présente une composante cellulaire et humorale.
– Réponse cellulaire :La destruction thermique des cellules est suivie par un afflux massif de polynucléaires dans les tissus brûlés. Des chémokines comme l’interleukine 8 (IL-8), permettent la migration des polynucléaires au niveau de la brûlure [27-28]. Ces chémokines recrutent les monocytes activés et les macrophages. Ces derniers vont produire des cytokines et médiateurs de l’inflammation. Cette hyperactivité s’accompagne d’une diminution des fonctions immunitaires de ces cellules et ainsi d’une immunodépression chez les brûlés graves [29].
– Réponse humorale : La brûlure grave est responsable d’une libération massive dans le sang de médiateurs issus des tissus brûlés et sécrétés par les monocytes/macrophages ou les lymphocytes T [30]. Ces médiateurs sont responsables au niveau cutané et viscéral de perturbations. Les médiateurs sont pro-inflammatoires (IL-6, IL- 2, IL-4, tumornécrosisfactoralpha [TNF], interféron gamma [IFN] ou anti inflammatoires (IL10, IL-13) [31]. Après brûlure, les concentrations les plus élevées sont observées pourl’IL-6, avec des valeurs très supérieures à celles de pathologies comme les méningites bactériennes [28]. Les pics d’IL-6 sont comparables en valeur absolue aux taux observés dans l’état de choc hémorragique post-traumatique, mais la production se prolonge chez le brûlé pendant plusieurs semaines et jusqu’à excision complète et cicatrisation des brûlures [32]. L’IL-6 entretient le syndrome inflammatoire de la réponse systémique (SIRS) en stimulant la production hépatique de protéines de l’inflammation comme la C-réactive protéine (CRP) qui reste élevée dans le plasma [28] et dans les biopsies des brûlures [33] pendant plusieurs semaines, même en l’absence de complication infectieuse. Le TNF et l’IFN stimulent la production des diverses cytokines et vont aussi agir directement sur des organes cibles comme le myocarde, les vaisseaux (vasodilatation) ou le muscle (catabolisme) [34]. Le TNF plasmatique augmente après brûlure et atteint des taux très élevés en cas de complication infectieuse [35,36]. Les interleukines anti-inflammatoires comme l’IL10 [35, 36] ou l’IL-13 [28] agissent en diminuant la production d’autres cytokines et du TNF [42]. Cette contre-régulation met aussi en jeu des protéines comme l’ubiquitine, produite après traumatisme ou brûlure et visant à limiter l’action des cytokines pro inflammatoires [37].
Choc cardiogénique
– Physiopathologie :Une dépression myocardique accompagne la phase hypovolémique du choc chez le brûlé. Cette dysfonction s’apparente à celle connue lors des périodes aiguës inflammatoires des pathologies graves en réanimation [46]. Le mécanisme de cette dysfonction ventriculaire est inconnu. On évoque chez le brûlé un mécanisme ischémique ou un processus inflammatoire atteignant la fibre myocardique [47].
– Conséquences cliniques :La dépression ventriculaire gauche, habituellement focale en échocardiographie transoesophagienne (ETO), est difficile à isoler dans ce contexte hémodynamique perturbé par l’hypo volémie et la réaction adrénergique importante [47].
Après inhalation de fumées
– Physiopathologie : Atteinte des voies aériennes: toutes les voies aériennes (supérieures, trachée, bronches) sont atteintes par les composants des fumées. Plusieurs mécanismes sont impliqués dans l’atteinte de l’arbre respiratoire. Voies aériennes supérieures (VAS) : les VAS ont pour but d’absorber la chaleur de l’air inhalé et de protéger ainsi les voies aériennes pulmonaires. Ces capacités d’humidification et de tamponnement thermique peuvent être dépassées [52]. L’effet thermique direct sur les muqueuses respiratoires est suivi d’un œdème. L’apparition de l’oedème est aussi liée à l’hyperperméabilité capillaire d’origine inflammatoire comme dans les tissus brûlés ou non brûlés [38].
Trachée : la trachée est atteinte essentiellement par les agents chimiques issus de la combustion des matériaux. Ces caustiques (acides, aldéhydes, dérivés chlorés et soufrés) se déposent avec les suies sur la muqueuse humide et détruisent l’épithélium respiratoire [53].
Bronches : l’inhalation chimique se complique de bronchospasme [54]. Un état inflammatoire avec hyperhémie de la muqueuse bronchique s’installe après l’inhalation de toxiques. Ce hyper débit sanguin dans la circulation bronchique véhicule les cellules et les médiateurs de l’inflammation [55]. L’obstruction des bronches distales (par l’oedème, les nécroses et hémorragies, les suies) entraîne des micros atélectasies et des inégalités du rapport ventilation/perfusion [56]. La production de NO lors de la cascade inflammatoire conduit à l’hypoxie en inhibant la vasoconstriction hypoxique et en aggravant les inhomogénéités entre ventilation et perfusion [57].
Atteinte de l’alvéole : après exposition aux fumées, l’alvéole est le siège d’une réaction inflammatoire locale intense [58]. L’afflux de polynucléaires neutrophiles est suivi d’une production locale de cytokines, d’une hyperperméabilité capillaire pulmonaire et d’exsudation intra-alvéolaire. L’analyse du liquide de lavage broncho-alvéolaire chez des victimes avec brûlures respiratoires montre une élévation de marqueurs comme l’IL-8 [59]. La destruction du surfactant par ces mécanismes inflammatoires et toxiques conduit au syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) avec un collapsus alvéolaire et une baisse de la compliance pulmonaire [60].
Atteinte systémique: les fumées contiennent des gaz comme le monoxyde de carbone (CO) et les cyanures qui ont une toxicité systémique responsable d’hypoxie cellulaire sur les organes nobles comme le système nerveux central ou le myocarde [61]. L’hypoxie se fait par défaut de transport (CO fixé sur l’hémoglobine) ou d’utilisation cellulaire (cyanure bloquant le métabolisme mitochondrial) [62].
L’intoxication aux cyanures induit une acidose lactique : le taux de lactates plasmatiques est corrélé aux taux de cyanure plasmatiques [63].
– Conséquences cliniques :L’incidence des inhalations de fumées d’incendie augmente avec la surface corporelle brûlée (exprimée en % de SCB). Si moins d’un quart des brûlés peu graves (brûlures <20 % SCB) ont une atteinte respiratoire associée, la majorité des brûlés graves (brûlures > 20 % SCB) ont inhalé des fumées [64]. Les lésions muqueuses des VAS et de la trachée sont visibles précocement en fibroscopie, dans les heures suivant l’inhalation de fumées [65]. La détresse respiratoire après inhalation de fumées peut être précoce par œdème des VAS ou retardée de quelques heures par atteinte chimique de la trachée et des bronches [66]. Les signes cliniques orientent vers une atteinte respiratoire haute (dysphonie, bradypnée inspiratoire avec cornage) et/ou basse (toux, encombrement, expectorations noirâtres, dyspnée expiratoire) [65].
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Table des matières
I. Introduction
II. Objectifs
III. Généralités
IV. Méthodologie
V. Résultats
VI. Commentaires et discussion
VII. Conclusion et recommandations
VIII. Références
IX. Annexe
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