Bref historique de la recherche sur les canaux ioniques

Bref historique de la recherche sur les canaux ioniquesย 

Un canal ionique est une protรฉine membranaire formant une structure macromolรฉculaire, un pore aqueux, incrustรฉ dans la bicouche lipidique. En rรฉponse ร  certains signaux, les canaux ioniques changent de conformation, ce qui aboutit ร  lโ€™ouverture dโ€™une porte dโ€™activation (ou ยซย gateย ยป en anglais) et au passage subsรฉquent des ions, cations ou anions, de part et dโ€™autre de la bicouche membranaire. Ces signaux peuvent รชtre la liaison de ligands chimiques extracellulaires ou intracellulaires, un changement de potentiel transmembranaire, un changement de tempรฉrature ou une force mรฉcanique (Fig. 1.1 ; Hille, 2001).

Lโ€™importance des ions dans l’excitabilitรฉ nerveuse et musculaire est reconnue depuis longtemps. Au dรฉbut des annรฉes 1880, le clinicien et pharmacologiste britannique Sydney Ringer publia quatre papiers dans The Journal of Physiology, montrant que des organes isolรฉs (comme le cล“ur) pouvaient rester fonctionnels de longs moments s’ils รฉtaient conservรฉs avec une petite quantitรฉ d’ions sodium, potassium et calcium, grรขce ร  une perfusion (DeWolf, 1977). Deux dรฉcennies plus tard, en 1902, le physiologiste allemand Julius Bernstein publia sa ยซย Membrane Theory of Electrical Potentialsย ยป applicable aux cellules et tissus biologiques. Selon lui, les cellules excitables sont entourรฉes d’une membrane sรฉlectivement permรฉable aux ions K+ pendant les phases de repos et permรฉable aux autres ions au cours de lโ€™excitation.

Des รฉtudes fonctionnelles menรฉes entre les annรฉes 1945 et 1970 ont rรฉvรฉlรฉ la prรฉsence de canaux activรฉs par le potentiel et de canaux activรฉs par des ligands, dans les membranes plasmiques de cellules nerveuses et musculaires. Les propriรฉtรฉs fondamentales des courants membranaires crรฉรฉs par le passage des ions ร  travers les canaux ioniques ont รฉtรฉ analysรฉes cinquante ans plus tard par les biophysiciens anglais Alan L. Hodgkin et Andrew F. Huxley, ce qui leur a valu un Prix Nobel en 1963. En 1952, ils mirent en รฉvidence grรขce ร  la technique de ยซย voltage clampย ยป les propriรฉtรฉs cinรฉtiques caractรฉrisant lโ€™ouverture des canaux sodiques et potassiques dans l’axone gรฉant de calmar, et dรฉcrivirent les mรฉcanismes sous jacents au dรฉclenchement de potentiels d’action grรขce auxquels l’information est propagรฉe dans le systรจme nerveux (Hodgkin & Huxley, 1952). En 1966, Bernard Katz et ses collรจgues dรฉterminรจrent les lois cinรฉtiques rรฉgissant l’ouverture des rรฉcepteurs nicotiniques activรฉs par l’acรฉtylcholine (nAChRs) aux jonctions neuromusculaires de la grenouille (Katz, 1966). Plus tard, dans les annรฉes 1971, l’existence des canaux ioniques a รฉtรฉ confirmรฉe par Bernard Katz et Ricardo Miledi en mesurant pour la premiรจre fois la conductance unitaire de rรฉcepteurscanaux ร  acรฉtylcholine. Dans les mรชmes moments, la premiรจre purification d’un rรฉcepteur nicotinique de l’acรฉtylcholine par J.P. Changeux et ses collรจgues permit dโ€™en รฉlucider la structure primaire (Changeux et al., 1970). La dรฉtection fonctionnelle des canaux ioniques dans des cellules fut montrรฉe plus directement en 1976, grรขce ร  la technique connue sous le nom de ยซย patch-clampย ยป (Hamill et al., 1981 ; Neher & Sakmann, 1976), qui a valu un Prix Nobel ร  Erwin Neher et Bert Sakmann. Ces expรฉriences de ยซย patch-clampย ยป ont montrรฉ que les transitions entre les รฉtats ouvert et fermรฉ d’un canal ionique individuel รฉtaient des รฉvรฉnements soudains et du ยซย tout-ou rienย ยป, durant lesquels la protรฉine, flexible, passait trรจs rapidement (en quelques dizaines de ยตs) d’une conformation ร  une autre. Ces rรฉsultats sont la confirmation finale de l’existence des canaux ioniques (Fig. 1.2.).

Progressivement, avec l’explosion du clonage et du sรฉquenรงage dans les annรฉes 80, notamment de la premiรจre sous-unitรฉ d’un rรฉcepteur nicotinique ร  l’acรฉtylcholine (nAChR) prรฉsente ร  la jonction-musculaire (Noda et al., 1983), une attention croissante s’est portรฉe sur les รฉtudes structurales et fonctionnelles des canaux ioniques. Une annรฉe plus tard, le canal sodique รฉtait ร  son tour clonรฉ (Noda et al., 1984), puis la sรฉquence primaire du canal potassique Shaker obtenue quatre annรฉes plus tard (Pongs et al., 1988 ; Tempel et al., 1988). La dรฉtermination des sรฉquences primaires a fourni des informations essentielles concernant la structure et la topologie membranaire des canaux ioniques. La combinaison de biologie molรฉculaire (mutagenรจse dirigรฉe), de biochimie et d’รฉtudes fonctionnelles (รฉlectrophysiologie essentiellement), a conduit ร  une explosion des connaissances mรฉcanistiques des canaux ioniques. Elles ont permis de rรฉpondre ร  des problรฉmatiques essentielles, concernant notamment les mรฉcanismes de sรฉlectivitรฉ ionique, les mรฉcanismes dโ€™activation et la transduction des diffรฉrents signaux (potentiel, ligand, force mรฉcanique, tempรฉrature), en ouverture du canal (pour les canaux activรฉs par le potentiel (Yellen, 1998), les nAChRs (Corringer et al., 2000), les rรฉcepteurs-canaux du glutamate (Dingledine et al., 1999), les canaux mรฉcano-sensibles (Hamill, 2006 ; Hu & Sachs, 1997)).

En dรฉpit des connaissances fonctionnelles, ce nโ€™est quโ€™ร  la fin des annรฉes 90 que les premiรจres structures tridimensionnelles des canaux ioniques ont รฉtรฉ rรฉsolues, notamment parce quโ€™il est difficile de cristalliser de telles protรฉines membranaires complexes. En 1998, MacKinnon et ses collรจgues publient la premiรจre structure cristallographique d’un canal potassique procaryote KcsA, et mettent alors en รฉvidence les bases molรฉculaires de la conduction sรฉlective des canaux potassiques (Doyle et al., 1998). Quatre annรฉes plus tard, la structure cristallographique d’un canal chlore procaryote est dรฉvoilรฉe, par le mรชme groupe (Dutzler et al., 2002). Puis des structures plus complexes, telles que les canaux potassiques activรฉs par le potentiel (Jiang et al., 2003 ; Long et al., 2005 ; Schmidt et al., 2006) sont publiรฉes. Ces derniรจres structures ont permis de mieux comprendre le couplage qui existe entre le canal ionique en tant que tel et les rรฉgions du rรฉcepteur sensibles aux stimuli. Le Prix Nobel de Chimie de 2003 fut remis ร  Roderick MacKinnon et Peter Agre pour leurs รฉtudes remarquables sur les bases molรฉculaires et structurales de la permรฉabilitรฉ ionique et aqueuse des membranes biologiques. Plus rรฉcemment, les structures complรจtes de plusieurs rรฉcepteurs-canaux ont รฉtรฉ obtenues ร  une rรฉsolution atomique (Bocquet et al., 2009 ; Hilf et Dutzler, 2008 ; Kawate et al., 2009; Sobolevsky et al., 2009).

Aperรงu gรฉnรฉral des canaux ioniques activรฉs par les ligandsย 

Selon la nomenclature et la classification รฉtablies par l’union NC-IUPHAR (International Union of Pharmacology Committee on Receptor Nomenclature and Drug Classification), les rรฉcepteurs-canaux ou LGICs regroupent des rรฉcepteurs excitateurs, les rรฉcepteurs-canaux (ou ionotropiques) du glutamate (iGluRs, Traynelis et al., 2010), les rรฉcepteurs nicotiniques ร  acรฉtylcholine (nAChRs ; Changeux, 2010 ; Millar & Gotti, 2009), les rรฉcepteurs sรฉrotoninergiques (5-HT3Rs ; Barnes et al., 2009 ; Walstab et al., 2010), les rรฉcepteurs ร  ATP (P2XRs ; Jarvis & Khakh, 2009 ; Surprenant & North, 2009) ; et des rรฉcepteurs inhibiteurs, les rรฉcepteurs GABAA (GABAARs ; Belelli & al., 2009 ; Olsen & Sieghart, 2009) et les rรฉcepteurs glycinergiques (GlyRs ; Lynch, 2009 ; Yevenes & Zeihlofer, 2011). Les LGICs peuvent aussi รชtre classรฉs en rรฉcepteurs trimรฉriques (P2XRs), tรฉtramรฉriques (iGluRs), ou pentamรฉriques (nAChRs, 5-HT3Rs, GABAARs et GlyRs ; aussi nommรฉs rรฉcepteurs cys-loop), selon leur topologie membranaire et leur stล“chiomรฉtrie dโ€™assemblage en sous-unitรฉs.

Les rรฉcepteurs-canaux jouent un rรดle central dans la transmission synaptique rapide au niveau des synapses du SNC (Fig.1.4). Ils traduisent les messages chimiques en rรฉponses รฉlectriques, assurant ainsi la transmission de l’information d’un neurone ร  l’autre. Leur rรดle dans la communication neuronale est liรฉ ร  leur capacitรฉ ร  rรฉpondre trรจs rapidement ร  la libรฉration prรฉ-synaptique, transitoire, de neurotransmetteurs qui activent alors les rรฉcepteurscanaux post-synaptiques (Lemoine et al., 2012 ; Smart & Paoletti, 2012). De cette activation naรฎt un signal รฉlectrique rapide appelรฉ potentiel post-synaptique excitateur (PPSE) ou inhibiteur (PPSI). Outre leur traditionnel rรดle dans la neurotransmission phasique, il a รฉtรฉ montrรฉ que certains rรฉcepteurs-canaux intervenaient รฉgalement dans la partie tonique de la rรฉgulation neuronale, qui est due ร  l’activation de rรฉcepteurs-canaux extra-synaptiques par des niveaux ambiants de neurotransmetteurs.

Les rรฉcepteurs-canaux partagent plusieurs caractรฉristiques communes, mais chaque classe possรจde aussi ses particularitรฉs. Les rรฉcepteurs-canaux forment de larges complexes multimรฉriques composรฉs de sous-unitรฉs homologues sโ€™arrangeant autour dโ€™un pore central ou d’un canal ionique (Fig. 1.5). Le canal est ainsi isolรฉ de l’environnement lipidique de la membrane, ce qui est essentiel pour avoir des flux ioniques rapides et un accรจs direct au solvant. Les rรฉcepteurs-canaux sont composรฉs dโ€™un large domaine extracellulaire รฉloignรฉ de la membrane et qui comporte les sites de liaison aux neurotransmetteurs, du canal ionique dont la structure sโ€™appuie sur un agencement dโ€™hรฉlices transmembranaires, et dโ€™un domaine intracellulaire spรฉcialisรฉ dans lโ€™ancrage ร  la membrane et lโ€™association aux protรฉines de signalisation cytoplasmique. Chaque famille de rรฉcepteurs-canaux, est constituรฉe de multiples sous-unitรฉs qui s’assemblent pour former un rรฉcepteur entier focntionnel. De nombreuses combinaisons entre ces sous-unitรฉs sont possibiles, ce qui explique la diversitรฉ des rรฉcepteurscanaux et de leurs propriรฉtรฉs fonctionnelles (biophysiques, pharmacologiques, de signalisation) distinctes. Il nโ€™en reste pas moins que les trois classes de rรฉcepteurs-canaux se distinguent sur certaines propriรฉtรฉs structurales essentielles : le nombre de sous-unitรฉs par complexe rรฉcepteur, la localisation des sites de liaison des agonistes (ร  l’interface entre sousunitรฉs ou pas) ou les mรฉcanismes d’activation. Dans la suite, nous regarderons de plus prรจs les diffรฉrences majeures entre les rรฉcepteurs trimรฉriques, tรฉtramรฉriques et pentamรฉriques.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
1. INTRODUCTION SUR LES RECEPTEURS-CANAUX
1.1. Bref historique de la recherche sur les canaux ioniques
1.2. Aperรงu gรฉnรฉral des canaux ioniques activรฉs par les ligands
1.3. Les rรฉcepteurs-canaux trimรฉriques
1.4. Les rรฉcepteurs-canaux tรฉtramรฉriques
1.5. Les rรฉcepteurs-canaux pentamรฉriques
2. RECEPTEURS DU GLUTAMATE
2.1. Rรฉcepteurs mรฉtabotropiques du glutamate
2.2. Rรฉcepteurs-canaux (ou ionotropiques) du glutamate
2.2.1. Propriรฉtรฉs gรฉnรฉrales des rรฉcepteurs-canaux du glutamate
2.2.2. Rรฉcepteurs AMPA
2.2.3. Rรฉcepteurs kainate
2.2.4. Rรฉcepteurs delta
2.2.5. Rรฉcepteurs NMDA
2.2.5.1. Diversitรฉ molรฉculaire et distribution des sous-unitรฉs
2.2.5.2. Propriรฉtรฉs biophysiques
2.2.5.3. Modulations allostรฉriques
2.2.5.4. Rรดle des NTDs dans la rรฉgulation de lโ€™activitรฉ des rรฉcepteurs NMDA
2.2.5.5. Physio-pathologie des rรฉcepteurs NMDA
2.2.6. Architecture molรฉculaire et organisation modulaire des rรฉcepteurs-canaux du
glutamate
2.2.6.1. Topologie membranaire et organisation modulaire
2.2.6.2. Arrangement tรฉtramรฉrique des iGluRs
2.2.7. Mรฉcanismes structuraux dโ€™activation
2.2.8. Mรฉcanismes structuraux de dรฉsensibilisation
3. BIOGENESE ET ARRANGEMENT DES RECEPTEURS-CANAUX DU GLUTAMATE
3.1. Assemblage des rรฉcepteurs-canaux
3.2. Lโ€™assemblage et lโ€™arrangement des sous-unitรฉs au sein dโ€™un rรฉcepteur AMPA
tรฉtramรฉrique se fait en plusieurs รฉtapes
3.3. Cas particulier des rรฉcepteurs NMDA hรฉtรฉrotรฉtramรฉriques
4. UNE NOUVELLE APPROCHE : UTILISATION D’ACIDES-AMINES NONNATURELS POUR L’ETUDE DES RECEPTEURS-CANAUX
4.1. L’incorporation dโ€™UAAs gรฉnรฉtiquement encodรฉs : une technologie
innovante basรฉe sur lโ€™expansion du code gรฉnรฉtique
4.1.1. Rappel historique sur la mรฉthodologie des UAAs
4.1.2. Concept d’expansion du code gรฉnรฉtique
4.2. Applications biologiques de l’expansion du code gรฉnรฉtique
4.2.1. Etude des interactions protรฉine-protรฉine et protรฉine-ligand
4.2.2. Dรฉtection de changements conformationnels
4.2.3. Contrรดle de l’รฉtat dโ€™activation d’une protรฉine avec des UAAs photo-cagรฉs
4.2.4. Etude des modifications post-traductionnelles
4.3. Utilisation des UAAs dans lโ€™รฉtude des rรฉcepteurs membranaires
4.3.1. Applications aux rรฉcepteurs couplรฉs aux protรฉines G
4.3.2. Applications aux rรฉcepteurs-canaux
4.4. Expansion du code gรฉnรฉtique: perspectives et applications in vivo
CONCLUSION

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