Bref historique de la notion d’auto-évaluation

Mon intérêt pour la question de l’auto-évaluation est né durant ma lecture des programmes scolaires. Il est ainsi précisé, à propos des élèves, qu’au Cycle 4 «[l]eur pratique de l’écrit devient plus réflexive et ils deviennent ainsi capables d’améliorer leurs écrits […] Ils comprennent qu’un écrit n’est jamais spontanément parfait et qu’il doit être repris pour rechercher la formulation qui convient le mieux, préciser ses intentions et sa pensée » (Éducation nationale, 2018, p. 18). Ce processus de retour réflexif sur son travail de la part de l’élève et cette activité de reprise des textes produits me semblaient à la fois intéressants et difficiles à mettre en place. Une telle vision objective de son propre travail demande en effet une certaine maturité, un esprit critique assez développé et une autonomie importante. Il m’était alors apparu qu’il serait enrichissant de mener un travail avec les élèves sur ce processus d’auto-évaluation. Car si le mot n’est pas écrit, il me semble que le fait de reprendre un écrit ou toute production passe préalablement par l’acte d’évaluer le travail fourni en amont afin d’y repérer des faiblesses, ainsi que des points forts.

Le cadre théorique : bref historique de la notion d’autoévaluation

Avant d’analyser ma pratique, je mettrai rapidement en avant quelques travaux théoriques me semblant importants du point de vue de l’historique de la notion que je me propose d’étudier et permettant de se rendre compte de l’intégration progressive de l’auto-évaluation dans l’enseignement.

Il me semble qu’il est important, lorsque l’on parle d’auto-évaluation, d’évoquer les travaux de Michael Scriven et notamment le concept d’évaluation formative qu’il développe dès 1967. Ce type d’évaluation est pensé en opposition avec l’évaluation sommative, arrivant au terme d’un parcours d’étude. Dans son travail, Scriven cherche à nuancer les critiques que l’on pourrait adresser à l’évaluation en général, et l’un de ses arguments repose sur le fait que l’évaluation formative permet de faire apparaître les points forts et les points faibles de l’enseignement proposé dans le cadre d’un programme scolaire. Cette prise de conscience permet alors de corriger les enseignements. Cependant, l’évaluation formative est alors surtout pensée comme utile du point de vue de l’institution proposant l’enseignement. Pour que l’apprenant soit placé au centre de l’idée de l’évaluation formative, il faut attendre les travaux de Benjamin Bloom, John Thomas Hastings et George Madaus datant de 1971. Ces derniers reprennent les concepts pensés par Scriven mais ils les intègrent dans une progression allant de l’évaluation diagnostique, passant par l’évaluation formative et prenant fin avec l’évaluation sommative. Cette manière progressive de penser l’évaluation s’inscrit dans la pédagogie de maîtrise qu’élabore Bloom à partir des années 1960. Cette manière d’enseigner laisse une grande place à la remédiation en insistant sur l’importance de laisser à l’apprenant le temps qui lui est nécessaire à la maîtrise des contenus enseignés. L’évaluation formative est un temps fort de cette pédagogie différenciée car c’est à partir des résultats obtenus par les élèves que sont proposés des supports supplémentaires ou que sont constitués des groupes de niveaux, des rassemblements visant à mettre en place une forme de tutorat, … A partir de l’évaluation formative, Georgette Nunziati va penser, en 1990, l’évaluation formatrice. Ce type d’évaluation est particulièrement intéressant dans le contexte de notre recherche car Nunziati utilise le terme pour décrire une situation où l’autonomie des élèves est plus grande. Il est ainsi attendu de la part de l’apprenant qu’il s’approprie les critères d’évaluation et qu’il prenne part au processus de régulation de l’enseignement lui étant proposé. Il apparaît alors logique que ce type d’enseignement repose sur des pratiques comme la coévaluation et l’auto-évaluation.

Notons enfin que l’auto-évaluation apparaît aujourd’hui bien intégrée dans les pratiques préconisées par l’Éducation nationale. Contentons-nous ainsi de prendre pour exemple le dossier pédagogique Évaluer pour faire réussir les élèves déjà évoqué dans notre introduction. L’auto-évaluation et la co-évaluation sont plusieurs fois conseillées afin de remplir différents objectifs, par exemple celui de « rendre l’élève acteur du processus d’évaluation » (GRAF, 2014, p. 13). ou celui de « lever les implicites [portant sur les modalités de l’évaluation] » (GRAF, 2014, p. 17). Ce dossier fait ainsi clairement apparaître l’auto-évaluation comme un outil permettant de « faire de l’évaluation une démarche pédagogique à part entière au service de la réussite des élèves » (GRAF, 2014, p. 25).

Mise en pratique

La co-évaluation

Il me semble que les pratiques de co-évaluation ont tout à fait leur place dans un travail plus large sur l’auto-évaluation. Avant d’analyser différentes manières dont j’ai mis en place des activités de co-évaluation dans mes classes, je voudrais présenter rapidement les raisons qui m’ont amené à procéder ainsi.

La co-évaluation m’a notamment paru être une manière efficace d’introduire les élèves à des raisonnements relevant de l’auto-évaluation. Si j’avais commencé à mettre en place des pratiques de co-évaluation assez tôt dans l’année, j’ai été encouragé à poursuivre dans cette voie en évoquant mon travail de recherche avec un collègue professeur de Mathématiques. Celui-ci s’appuie beaucoup sur le fonctionnement en classe inversée dans son enseignement. Selon lui, avant la quatrième, il est difficile, du moins dans sa matière, d’utiliser l’auto-évaluation car les élèves manquent encore d’autonomie. Il a donc recours à des formes de coévaluation. Pour ma part, j’ai d’abord pu observer que l’évaluation par les pairs permet un premier retour réflexif de l’élève sur son travail par la comparaison. Cette comparaison a, me semble-t-il, son intérêt car elle ne se limite pas à la recherche d’une forme de validation. La co-évaluation est ainsi une première situation où le savoir-faire ne vient pas du professeur qui sait mais du camarade avec qui l’on cherche à faire. Il ne s’agit pas ici de mesurer l’écart entre le travail réalisé et la production modèle qui était à atteindre. Mais plutôt de s’interroger ensemble sur les différences de raisonnement qui ont pu mener à des réponses différentes. Procéder ainsi est donc une manière plus efficace d’amener l’élève à la métacognition. J’ajouterai également que c’est aussi une première manière d’aborder une méthode de travail où l’évaluation ne marque pas le terme du travail mais simplement une étape. La co-évaluation peut ainsi être suivie d’une reprise de la production, d’une réécriture, … Enfin, et comme nous le verrons plus tard, j’ai utilisé les situations de co-évaluation comme des occasions de familiariser les élèves avec certains outils qui seront réutilisés dans le cadre des pratiques d’auto évaluation comme les grilles d’évaluation et les échelles descriptives contenant des critères-repères de réalisation.

J’ai commencé à mettre en application des pratiques relevant de l’évaluation par les pairs dès les premières semaines de l’année scolaire. Je n’avais pas véritablement théorisé cette manière de procéder. Mes séances se terminaient assez souvent avec la rédaction d’un court écrit d’invention permettant de réutiliser les notions étudiées durant le cours. Après avoir laissé un temps d’écriture aux élèves, j’organisais une restitution orale au cours de laquelle plusieurs élèves lisaient leur production au reste de la classe. Je demandais au préalable au reste du groupe d’être attentif afin de pouvoir aider leurs camarades à progresser. J’insistais sur la bienveillance, et j’essayais de les orienter dans leur commentaire en leur disant de prêter attention au respect ou au non-respect des consignes données en amont du travail. J’espérais ainsi favoriser une écoute respectueuse et attentive participant à un bon climat de classe et permettant également aux élèves de progresser dans une activité où un retour sous la forme d’une correction par le professeur serait peu pertinent (au-delà des simple considérations relevant du respect de la langue). Les élèves participaient de manière assez volontaire. Ils étaient généralement assez justes dans leurs critiques et se montraient sensibles aux écarts vis-à-vis de la consigne. Cependant, sans pour autant être insultants ou malveillants, certains élèves donnaient leur avis d’une manière très directe et ne ménageaient pas leurs camarades. D’autre part, certains n’écoutaient les retours de la classe que d’une oreille très distraite.

Il m’apparaissait donc assez clairement que, pour que ce type de pratiques soit efficace, il était nécessaire de les mettre en place d’une manière plus cadrée, avec une posture plus directement impliquée et en guidant davantage les élèves. Inspiré par la manière de procéder d’un autre stagiaire, j’ai donc mis au point, pour une évaluation de ma classe de quatrième, une grille de critères destinée à rendre le travail de co-évaluation plus efficace. Ce travail prenait place dans le cadre d’une récitation de poème. Mon objectif était de faire apparaître le sens de cette évaluation aux élèves. Il me semblait important qu’ils comprennent que je n’évaluais pas simplement leur capacité à retenir le poème, mais que je m’intéressais également à la manière dont ils s’étaient approprié les techniques de mise en voix que nous avions travaillées tout au long de la séquence. Pendant un temps de l’évaluation, les élèves étaient donc répartis en binômes. Chaque binôme disposait d’un enregistreur et une grille de co-évaluation [cette grille constitue la première annexe]. Les élèves s’enregistraient une première fois, puis consultaient l’évaluation réalisée par l’autre membre du binôme. Ils étaient alors libres de faire une nouvelle récitation. J’ai ainsi pu comparer les deux enregistrements. Dans certains cas, il me semble que la pratique a pu aider les élèves à corriger leur premier essai. Dans d’autres, les enregistrements se multipliaient sans grand changement. Surtout, cette manière de travailler était assez difficile à mettre en place. Le nombre d’enregistreurs disponibles était trop petit pour que toute la classe travaille ainsi en même temps. Certains élèves réalisaient donc une autre partie de l’évaluation, à l’écrit. Par ailleurs, il était difficile de gérer le temps dont disposaient les élèves, certains recommençant leurs récitations encore et encore, privant ainsi d’autres binômes de l’accès à l’enregistreur. J’ai donc trouvé cette manière de travailler intéressante, et dans certains cas je crois que, d’une part, avoir accès aux critères d’évaluation a permis aux élèves de donner du sens à l’activité, et que d’autre part ceci a rendu possible la mise en place d’une forme de remédiation grâce au retour de l’autre partie du binôme. Cependant, il m’a semblé que la manière de mettre en place ce dispositif laissait à désirer. Il aurait par exemple pu être plus judicieux de réaliser cette évaluation dans un moment où le groupe était divisé en deux, ce qui aurait rendu la gestion de classe plus simple.

Parmi mes différentes expérimentations, deux cas me semblent plus aboutis que les tentatives que je viens d’évoquer. Le premier était essentiellement une forme plus développée de l’exercice que j’ai déjà évoqué du commentaire portant sur l’écrit d’invention d’un pair [la fiche d’évaluation constitue la deuxième annexe]. Cette pratique prenait place dans le cadre d’un projet plus large mené à l’échelle d’une séquence entière. Il s’agissait, pour les élèves de ma classe de cinquième, d’écrire un texte et de le soumettre à un concours organisé par France Bleu. L’exercice était proposé aux élèves après qu’ils ont déjà écrit une première version de leur nouvelle. La fiche était pensée non seulement pour que les élèves soient en mesure de juger le plus objectivement possible le travail de leurs camarades mais également pour que, ce faisant, ils s’interrogent sur leur propre production. La fiche permettait ainsi de réinvestir des notions du cours (nous avions travaillé sur la forme de la nouvelle et sur l’article de presse), de rappeler les consignes, de faire travailler la compétence rédactionnelle des élèves en leur faisant écrire un résumé du texte qu’ils avaient à lire mais aussi de développer leur compétence argumentative en leur demandant de donner un avis justifié. Enfin, et c’est là le point le plus important, l’élève devait essayer de donner des conseils à son camarade. A partir de ces conseils et du bilan général auquel donnait lieu la fiche (qui pouvait par exemple mettre en avant un manquement vis-àvis des consignes) une remédiation était possible, et la nouvelle pouvait être modifiée. Dans l’ensemble, l’exercice a assez bien fonctionné. Les élèves ont pris leur rôle relecteurs au sérieux et se sont montrés appliqués. Le passage par l’écrit a aussi encouragé une approche plus délicate dans la formulation des conseils et des diverses remarques. La difficulté principale à laquelle j’ai fait face durant cette activité provenait même d’un excès allant dans ce sens. Certains élèves en effet craignaient de corriger le travail de camarades qu’ils considéraient comme « meilleurs » en Français qu’ils ne l’étaient eux-mêmes. J’ai essayé de les rassurer en insistant sur le caractère objectif des commentaires qui leur était demandé de formuler. Ainsi, certains élèves ont pu être déstabilisés par la posture moins évidemment impliquée que j’avais adoptée.

L’autre activité que je voudrais évoquer a pris place au cours de la séquence suivante, qui portait sur les utopies et les dystopies. La classe avait été divisée en deux groupes au préalable. Dans chacun des groupes, les élèves avaient dû rédiger, à la manière d’un architecte, un projet pour une cité. Les élèves exposaient ensuite leurs projets à la classe et les membres de chaque groupe votaient pour le projet de l’autre groupe qui leur semblait le meilleur (ainsi, personne n’était tenté de voter pour lui-même). Le projet qui remportait le plus grand nombre de voix était celui qui était choisi pour l’évaluation finale. Au cours de celle-ci, les élèves se répartissaient différentes parties de la cité (monuments, bâtiments importants, faune, flore, …) qu’ils devaient présenter à la manière d’un article d’encyclopédie. Pour aider les élèves à voter en prenant en compte les qualités du travail de leurs camarades et dans le but de dépasser le simple choix par affinités, j’avais mis au point une grille permettant aux élèves de relever les différents critères qui constituaient un projet intéressant pour la tâche finale qui serait à réaliser [cette grille constitue la troisième annexe]. Les élèves ont montré beaucoup d’enthousiasme devant cette activité et ont écouté les différents projets avec attention. Les deux projets qu’ils ont fini par choisir répondaient en effet aux critères que j’avais mis en avant et ils présentaient tous les deux une richesse qui rendait possible le travail à effectuer pour la tâche finale. Je crois que l’idée qu’ils aient une réelle influence non seulement sur la suite du déroulé du cours mais également sur une partie de l’évaluation finale a contribué à cet investissement. Dans ce cas, il me semble que la posture assez en retrait que j’ai adoptée, me contentant de compter le nombre de voix à la suite du vote, était adaptée à l’exercice.

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Table des matières

Introduction
1. Le cadre théorique : bref historique de la notion d’auto-évaluation
2. Mise en pratique
2.1. La co-évaluation
2.2. L’auto-évaluation
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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