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POLITIQUES PENALES
L’évolution des politiques pénales et pénitentiaires met en lumière l’accentuation des mesures sécuritaires depuis 1950 (Lafaye et al.). A la sortie de la seconde guerre mondiale, les traitements médicamenteux se développent et, les années 1950 sont marquées par une circulaire pour le développement d’établissements pour le traitement des « malades mentaux difficiles » en les classant en 3 catégories dont les 2 premières comprennent des personnes pouvant être hospitalisées en hôpital ordinaire ; la 3ème catégorie est réservée aux malades « dangereux » nécessitant des unités sécurisées. Cette mesure permet par ailleurs de faciliter l’ouverture de l’hôpital vers la ville. La réforme du Code de procédure pénale de 1958 introduit la notion d’accessibilité à une sanction pénale et modifie la composition de cette population des malades difficiles et en particulier celle de la catégorie trois. Cette réforme tentait de réduire le recours à l’article 64 du Code pénal de 1810 qui préconisait l’irresponsabilité pour les individus en « état de démence » et établissait une assimilation plus aisée entre la psychose et l’état d’irresponsabilité pénale. Elle introduisait la notion de responsabilité atténuée en cas d’altération du discernement et ainsi officialisait la présence en détention de malades mentaux criminels non irresponsables (2). On note des prémices relatives aux soins pénalement ordonnés dans le cadre de la loi du 15 avril 1954. Elle prévoyait le traitement des « alcooliques dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui », dans des centres ou des sections de rééducation spécialisés, et qui constitue un exemple de loi de contrôle social. Dans les années 1970, la désinstitutionalisation permet de développer un réseau de soins qui s’étend également dans le champ judiciaire (circulaire du 4 septembre 1970) : Le secteur ouvre son champ d’action dans le cadre de la prise en charge de l’alcoolisme et des toxicomanies qui peut se faire sous la modalité d’une injonction thérapeutique. La désinstitutionalisation entrainera également la judiciarisation du parcours des patients présentant une insertion sociale précaire contenu du manque de structures adaptées pour leur prise en charge (2,3). Les dispositifs de soins s’adaptent et nécessitent la création d’unité de soins dans les prisons. En 1967, une circulaire créée les centres médicopsychologiques régionaux (CMPR), plaçant les soins psychiatriques sous l’autorité de l’administration pénitentiaire. En 1972, de nombreux troubles et incidents surviennent dans les prisons. Pour répondre à l’agitation dans les prisons et à l’évolution de la politique pénitentiaire, un décret améliore les régimes de détention et le régime d’exécution des peines. Dans les années 1980, l’abolition de la peine de mort adoptée en 81 transforme la peine maximale qui devient la peine privative de liberté. Le domaine judicaire se voit introduire la thématique de la récidive avec la loi « Sécurité et liberté » élargissant ainsi les procédures de flagrants délits et en 1983, l’instauration de la comparution immédiate (CI), procédure responsable d’un recrutement fort des personnes les plus précaires et souffrant de troubles psychiatriques. Le décloisonnement des domaines sanitaires et judiciaires débute en 1986 avec la création des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) qui remplacent alors les CMPR confiés au ministère de la Santé. Les conditions de soins des détenus s’améliorent par la réforme du 18 janvier 1994 et étend la protection sociale à l’ensemble des personnes détenues. Les années 90 sont marquées par deux thématiques que sont la récidive et la dangerosité. Le principe de responsabilisation thérapeutique du malade mental rencontrera l’adhésion de la majorité des psychiatres dans les années 1990, ce qui expliquerait en partie la tendance de ces derniers à déclarer des personnes présentant des troubles psychiques graves comme relevant de l’altération et non de l’abolition du discernement. En effet, l’introduction des distinctions entre abolition et altération du discernement et contrôle de l’article 122-1 du Code pénal de 1994 soulève un débat clinique inédit dans la population des experts psychiatres et produit un effet paradoxal d’allongement des peines des malades responsabilisés. La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu’à la protection des mineurs, crée le suivi socio-judiciaire auquel une injonction de soins peut être adjointe. Cette injonction de soins peut être prononcée seulement si une expertise psychiatrique conclue à son utilité. Cependant cette mesure modifie l’évaluation psychiatrique de responsabilité en une estimation du risque de récidive post-sentencielle. On observe ainsi en France depuis 1998 un empilage de lois sécuritaires autour de la « prévention de la délinquance » et de la « lutte contre la récidive », qui s’appuient tour à tour sur le renforcement de la procédure de CI et de la détention provisoire, sur la diminution de l’âge de responsabilité pénale et la réforme du droit pénal des mineurs, et sur la création de nouvelles infractions(2). Dans cette logique, le développement des dispositifs de soins s’adaptent à nouveau par la loi du 9 septembre 2002 avec la création d’unités d’hospitalisation pour les détenus souffrant de troubles psychiatriques, les UHSA, qui constituent désormais une filière spécifique de prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiques, accessible avec ou sans leur consentement. Ces mesures autour de la dangerosité et la récidive, se traduiront finalement par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Elle initie la création de « centres de rétention de sûreté » visant à maintenir enfermés les personnes détenues en fin de peine et qui présentent un risque très élevé de récidive en raison d’un trouble grave de la personnalité. Elle rend donc possible l’enfermement dans des centres socio-médico-judiciaires, renouvelable chaque année, des criminels condamnés à plus de quinze ans de prison, dont on estime qu’ils sont encore « dangereux ». Ces évolutions modifient à nouveau la représentation de la maladie mentale, ceux qui en souffrent faisant désormais l’objet d’une forte stigmatisation. La décennie suivante y ajoutera terrorisme et radicalisation. Le décret du 9 mai 2019 en est un exemple et accentue cette stigmatisation. Il concerne la prévention de la radicalisation en autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement.
LES MESURES POST-SENTENCIELLES (FIGURE 2)
Sursis
Depuis la LPJ, le sursis probatoire est la fusion de plusieurs mesures et impose certaines obligations, assorties d’un suivi socio-éducatif soutenu évalué par le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, voir 2.6).
Peines d’emprisonnement
Les peines d’emprisonnement sans sursis ne doivent être prononcées que de façon « exceptionnelle ». La LPJ a entraîné la suppression des peines de prison inférieures à 1 mois et, si la personnalité et la situation du condamné le permettent : – l’aménagement par principe des peines comprises entre 1 et 6 mois sous forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) ou d’une semi-liberté ou placement extérieur. – l’aménagement possible entre 6 mois et 1 an.
Aménagements de peine
Après le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme, le détenu peut bénéficier d’un placement en extérieur ou d’une semi-liberté, d’une DDSE ou d’une libération conditionnelle. Certains aménagements s’effectuent en milieu ouvert. Les personnes bénéficiant de ces mesures restent sous la responsabilité du SPIP, c’est un aménagement de peine dit « sous écrou », sauf pour la libération conditionnelle. A la différence des aménagements de peine, octroyés selon le comportement et « efforts » du condamné, la libération sous contrainte est une modalité d’exécution de peine. Elle permet à des détenus, ayant exécutés les 2/3 de leur peine, d’effectuer leur reliquat sous le régime d’un placement extérieur ou d’une semi-liberté ou d’une DDSE ou d’une libération conditionnelle.
Suspension de peine pour raison médicale
Depuis la LPJ, une personne admise en soins psychiatriques sans son consentement peut avoir accès, après expertise psychiatrique, à une suspension de peine (art 720-1-1 du Code de Procédure Pénale CPP) et bénéficier d’une libération conditionnelle après un an, au lieu de trois (art 729 CPP). Elle reste pour le moment, rarement appliquée.
APRES L’EXECUTION DE LA PEINE (FIGURE 3)
Le suivi socio-judiciaire (SSJ), décrit au 3.2.2, est une peine complémentaire et une mesure de contrôle de nature judiciaire, sociale ou médico-psychologique, permettant un contrôle du condamné une fois celui-ci libéré.
En milieu ouvert, la surveillance judiciaire (pour une peine d’au moins 7 ans, pour un crime ou un délit pour lequel le SSJ est encouru) et la surveillance de sûreté (peine de réclusion d’au moins 15 ans pour certains crimes) consistent en un ensemble d’obligations et d’interdictions, placées sous le contrôle du Juge d’application des peines (JAP).
En milieu fermé, depuis la loi de 2008, la rétention de sûreté peut être prononcée pour des personnes condamnées à une peine d’une durée d’au moins 15 ans pour certains crimes, en cas de dangerosité avec une probabilité élevée de récidive, liée à un trouble grave de la personnalité. Le détenu n’est pas remis en liberté mais est placé dans un centre de sûreté. Ce placement est réévalué tous les ans.
ETABLISSEMENTS PENITENTAIRES
Ils se distinguent en deux catégories : les Maisons d’Arrêt (qui accueillent les prévenus en détention provisoire ou ceux dont les peines sont inférieures à deux ans) et les autres centres de détention et Maisons Centrales.
SERVICE PENITENTIAIRE D’INSERTION ET DE PROBATION
Les SPIP sont des services décentrés de l’administration chargés d’assurer le suivi et le contrôle des personnes placées sous main de justice. En détention, ils contribuent au maintien des liens familiaux et à la préparation à la sortie. En milieu ouvert, ils interviennent en pré ou post-sentenciel, en organisant un suivi et contrôle du respect des obligations. Cet accompagnement a pour objectifs la réinsertion socioprofessionnelle et la lutte contre la récidive.
SANTÉ MENTALE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE
En France, l’expert psychiatre, choisi sur une liste nationale (expert agréé par la Cour de Cassation) ou des listes régionales (Cours d’Appel), est un collaborateur occasionnel de la Justice (6), pratiquant l’expertise judiciaire en complément de sa profession principale. La mission de l’expert doit être précisée dans la décision qui ordonne l’expertise mais n’est pas précisément définie par le CPP. Il doit répondre à plusieurs questions : – Une question systématiquement posée, est l’accessibilité du mis-en-cause à une sanction pénale. L’irresponsabilité pénale (IP) est un concept juridique inscrit dans la loi (art 122-1 du CP). Dans le cadre de troubles psychiatriques, la loi distingue l’abolition et l’altération du discernement et/ou du contrôle des actes, cependant, les troubles de la personnalité ne sont pas reconnus comme une cause d’IP. Les personnes reconnues irresponsables sont soumises à des soins sans consentement à la demande d’un représentant de l’état (SPDRE) et peuvent donc être hospitalisées. – Il sera souvent demandé à l’expert d’évaluer si le mis-en-cause nécessite une prise en charge médicale qui complètera la peine : l’injonction de soins.
SOINS PENALEMENT ORDONNES (SPO)
Le juge peut décider de SPO depuis les années 1950. Ceux-ci ont connu une évolution tant sur les populations concernées que sur leur place dans le processus pénal, des soins psychiatriques à la prévention de la récidive. Il en existe 3 types : l’obligation de soins, l’injonction de soins et l’injonction thérapeutique.
Obligation de soins (OS)
Mesure consistant à soumettre une personne à des examens médicaux, des traitements ou des soins, même sous le régime de l’hospitalisation. Elle ne comporte pas d’articulation formalisée entre les systèmes judiciaire et sanitaire. Elle est prononcée seulement pour les délits en pré ou post-sentenciel :
– Avant le jugement, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
– Par le juge d’instruction ou le JLD si la personne encourt une peine d’emprisonnement.
– Par la juridiction de jugement ou après le jugement par le JAP, dans le cadre d’une peine principale (sursis, aménagement de peine…).
Il n’existe pas d’OS en détention, cependant, le JAP tient compte de l’investissement du détenu, dont l’acceptation de la prise en charge médicale, permettant l’octroi de remises de peines supplémentaires, de permissions de sortie ou d’aménagements de peine.
Injonction de soins
Mesure instaurée depuis la loi de juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection de mineurs. Elle est initialement ordonnée dans le cadre d’un SSJ (mais peut maintenant s’étendre au sursis, à la libération conditionnelle, la surveillance judiciaire ou de sûreté). Le champ d’application du SSJ a été progressivement été élargi depuis 2005 et s’étend à certains crimes ou délits graves. Cette mesure est uniquement prononcée en post-sentencielle, au moment du jugement comme peine principale (délit) ou complémentaire. Elle nécessite un recours à une expertise médicale préalable et implique une articulation entre les systèmes judicaire (JAP) et sanitaire (psychiatre et psychologue) via le médecin coordonnateur des soins désigné par le JAP.
Injonction thérapeutique
Mesure instaurée depuis 1970 et relative à l’usage de stupéfiants ou de consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. Peu ordonnée, elle est généralement appliquée dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites pénales. Mesure comportant une articulation formalisée entre les systèmes judiciaire et sanitaire via l’Agence Régionale de Santé (ARS) et un médecin relais qui déterminera le recours à une prise en charge médicale en cas de dépendance à une substance. Le médecin relais assure la surveillance mais le contenu des soins incombe au médecin traitant qui doit donner son accord pour la prise en charge.
SOINS PSYCHIATRIQUES EN DETENTION
Des unités permettent la prise en charge de personnes détenues :
– En ambulatoire ou en hospitalisation de jour dans les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) ou dans les Services Médico-Psychologiques Régionaux (SMPR).
– En hospitalisation complète, dans les Unités Hospitalières Spécialement Aménagées (UHSA). On comptabilise 9 UHSA et 17 en prévision, situées dans une enceinte pénitentiaire nécessitant l’extraction du détenu. Avant leur création en 2010, les détenus souffrant de troubles mentaux ne pouvaient être hospitalisés qu’au sein d’un établissement public de santé mentale (EPSM) et uniquement hospitalisés en SPDRE.
Les Unités pour Malades Difficiles (UMD) sont des structures particulières, non liées à proprement parlées aux soins en détention. Il en existe 10, dédiées aux patients dont les soins sont complexes, en lien ou non avec une « dangerosité » du fait de leurs troubles mentaux. L’orientation vers ces unités n’est pas forcément liée à une procédure judiciaire mais nécessite des soins sous contraintes en SPDRE et sont encadrés par des dispositions légales spécifiques.
PREVALENCE DES PERSONNES SOUFFRANT D’UN TROUBLE MENTAL
Milieu ouvert
Les SPO concernent surtout des hommes, sans trouble mental dans un cas sur deux, mais avec des troubles de la personnalité et addictifs (7).
La mesure la plus fréquemment ordonnée est l’OS (8). Le tribunal impose à trois condamnés sur quatre de se soumettre à un suivi médical dans le cadre d’un sursis. Cependant, une étude monocentrique réalisée en 2007 montrait que près de la moitié des personnes en OS venant consulter au Centre Médico Psychologique ne présentaient aucune pathologie psychiatrique et que la majorité avait une activité professionnelle salariée (9). Ceci reflète une certaine automatisation de l’OS, dans un but principal de prévention de la récidive et « d’ individualisation » de la peine de sursis (10).
Milieu fermé
La première étude, nationale, sur la santé mentale de la population carcérale française remonte à 2004 (11). Les prévalences étaient environ de 28 % pour les troubles de l’humeur, 29% pour les troubles anxieux, 19 % pour la dépendance à l’alcool ou aux drogues et 17 % pour les troubles psychotiques (dont 6 % pour la schizophrénie). Au total, 36% des détenus présentaient au moins un trouble psychiatrique suffisamment sévère pour être considérés comme « manifestement ou gravement malades ou parmi les plus malades ». Plus récemment, une étude régionale conforte ces résultats : 45% des arrivants présentent au moins deux troubles psychiatriques et plus de 18% au moins quatre. La dépression, l’anxiété généralisée, la dépendance alcoolique et la dépendance aux drogues touchaient chacune environ une personne sur quatre, et 7 % de la population avaient des symptômes d’allure psychotique (12).
Les passages à l’acte suicidaire sont surreprésentés en prison (11) et concernent plus les prévenus que les condamnés (3,13). La mortalité par suicide des détenus a progressé au cours des dernières décennies, passant de 2 en 1950 à 25 pour 10 000 détenus dans les années 2000. La baisse modérée du nombre de suicides à partir de 2012 s’expliquerait en partie par la détection systématique du risque suicidaire des entrants en détention et l’ouverture des UHSA (14).
JUSTICE
Surpopulation carcérale
Le taux d’incarcération par habitant a doublé entre 1970 et aujourd’hui. La surpopulation carcérale, surtout dans les maisons d’arrêt, reste endémique avec plus de 70000 détenus au 1er janvier 2020. Cette surpopulation est en lien, dans le cadre de l’activité carcérale, à la CI et la détention provisoire (qui connait une augmentation de 27% en 5 ans). S’y ajoute l’allongement de la durée moyenne des peines (passage de 7,9 à 9.8 mois de 2002 à 2018) et l’augmentation des peines de prison inférieure à un an (46% des 60 907 écroués condamnés au 1er janvier 2019).
Aménagement de peines
L’effet de la LPJ sur la mise en place d’aménagements pour les peines inférieures à 6 mois et son application à la population souffrant de troubles psychiatriques n’est pas encore évaluable, compte tenu d’une mise en oeuvre trop récente (mars 2020) et du contexte de pandémie. En principe, les personnes détenues devraient préférentiellement bénéficier d’un retour progressif à la liberté dans le cadre d’un aménagement de peine, mais il reste peu prononcé : 20.9% des condamnés écroués au 1er janvier 2019.
Comparution immédiate
La CI sert à juger des faits simples qui ne nécessitent pas une enquête approfondie et de renvoyez les justiciables, à l’issue de la garde-à-vue, devant le Tribunal correctionnel. Avec la détention provisoire, la CI est responsable d’un recrutement important de détenus souffrant de troubles mentaux (15). La procédure même de CI et sa mise en oeuvre sont à l’origine d’une concentration de population précaire du point de vue social, économique et sanitaire (16–19). Elle se caractérise par sa rapidité, entrainant une automatisation et une normalisation du jugement. Avant la LPJ, elle empêchait l’accusé de bénéficier d’une possible mesure alternative à l’incarcération. Depuis, il est imposé des aménagements de peines pour les peines inferieures à 6 mois.
Expertise psychiatrique
L’expertise psychiatrique intervient généralement lors de l’instruction mais n’est que facultative en correctionnel, or la majorité des détenus sont incarcérés pour des délits. De ce fait, la plupart de ceux présentant des troubles psychiatriques n’ont pas fait l’objet d’une décision de justice éclairée par l’avis d’un psychiatre(15). Ceci est exacerbé par l’absence fréquente d’expertise pré-sentencielle, en lien avec : – un manque d’experts, – son aspect optionnel dans de nombreuses situations (l’augmentation de la CI, la détention provisoire et le renvoi en correctionnel des affaires)
S’y ajoutent : – des déclarations d’IP de plus en plus exceptionnelles. – des condamnations plus sévères quand l’altération du discernement est retenue par les experts contrairement aux personnes jugées pleinement responsables de leur acte (20). Pour corriger cette tendance à la sur-pénalisation, la loi du 15 aout 2014 précise qu’en cas d’altération du discernement, la peine encourue est réduite d’un tiers. Cependant, ses effets sont peu quantifiables actuellement.
Du côté des experts, on observe (6,21–23) :
– une hétérogénéité des pratiques en raison de leurs représentations propres.
– un manque de formation des professionnels (dont la responsabilité morale s’accroit en termes de risque de récidive et de dangerosité).
INSTITUTION HOSPITALIERE
En 40 ans, le nombre de lits d’hospitalisation complète en établissement psychiatrique est passé de 170,000 à 33,000 en 2017 (24). Résultant initialement d’une volonté d’ouverture de la psychiatrie vers l’extérieur, cette fermeture de lits n’a pourtant pas été associée au développement des soins ambulatoires ou des dispositifs de prise en charge alternatifs en raison de moyens insuffisants. Concernant les hospitalisations des détenus, l’objectif était de réduire les hospitalisations sans consentement des détenus en EPSM. Elles ont cependant augmenté de 50% entre 2012 et 2016 (25). On notera que pour prévenir un risque de fugue, les hospitalisations en EPSM pouvaient être associées à l’utilisation injustifiée des contentions physiques ou de chambres d’isolement ou de durées d’hospitalisation réduites (21).
En 2016, 47% des 5 000 détenus hospitalisés en temps plein étaient en EPSM, reflétant une rapide saturation des UHSA, ne pouvant faire face à des hospitalisations urgentes ou localisées trop loin de la prison (26).
De plus, la coordination du dispositif actuel ne permet pas de garantir une continuité des soins pour prévenir le « revolving-door », ou « porte-tournante », désignant l’alternance entre prison, hôpital psychiatrique, rue et maintenant UHSA (27). Ce phénomène concerne surtout les courtes peines et n’a pas été quantifié en France.
IMPACT SOCIAL
Précarité socio-économique des détenus
On observe, dans les prisons françaises, une sur-représentation des populations à bas revenus : 2/3 de la population carcérale était sans activité professionnelle (28) et 60% des sortants de prison étaient en situation de grande précarité socio-économique à leur arrivée (29). Ceci pourrait en partie expliquer le lien entre la fluctuation de la surpopulation carcérale et les périodes de chômage ou de fragilité économique (30).
Précarité et santé mentale
Depuis les années 1850, on observe une augmentation des places de prisons et une diminution des lits d’hospitalisation en psychiatrie (20,31). Cette décroissance (accélérée dans les années 1970), a conduit au déplacement des patients les plus déficitaires vers les institutions médico-sociales et les plus pauvres, vers la prison ou la rue. Le lien entre « inégalités sociales » et « état de santé mentale » d’une population est bien documenté (32,33). En France, la surreprésentation des troubles psychiatriques sévères parmi les sans-abris a été révélée dans plusieurs études dont SAMENTA (34), alors que la problématique du mal logement continue de s’intensifier.
La sortie de détention occasionne une rupture de prise en charge, surtout pour les personnes cumulant un état d’extrême précarité et des troubles psychiatriques. La spécificité de cette catégorie augmente le risque de réincarcération, la détention n’ayant pas apporté d’étayages sanitaire et social suffisants (associés à l’insuffisance des moyens du SPIP).
Ces ruptures dans le suivi médico-social révèlent que les courtes peines sont un facteur de risque de récidive (17,35). Des Structures d’Accompagnement à la Sortie (SAS), crées en 2018 dans certaines Maisons d’arrêt tentent d’éviter cette désinsertion pour les détenus en fin de peine, cependant les personnes présentant des troubles psychiatriques ne sont généralement pas éligibles (sauf concernant les troubles addictifs).
Précarité et décision d’incarcération
Ces aspects sont identifiés dans une étude déclarative monocentrique au moment de la CI, sur la triple problématique : précarité, troubles psychiatriques et incarcération. Elle établit que les facteurs influençant la décision d’incarcération concernent respectivement : les revenus (moins de 500 euros), les antécédents judicaires et le handicap psychique (bipolarité, schizophrénie, dépression sévère avec tentative de suicide et/ ou comorbidités addictives). De plus, les personnes présentant une problématique de logement, à délit équivalent, sont plus souvent incarcérées (36).
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Table des matières
ARTICLE : Articulation Santé mentale et justice pénale en France : contexte actuel et enjeux
1. Introduction
2. Les processus judicaires
2.1 Généralités
2.2 Les mesures pré-sentencielles (figure 1)
2.3 Les mesures post-sentencielles (figure 2)
2.3.1 Sursis
2.3.2 Peines d’emprisonnement
2.3.3 Aménagements de peine
2.3.4 Suspension de peine pour raison médicale
2.4 Après l’exécution de la peine (figure 3)
2.5 Etablissements pénitentaires
2.6 Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
3. Santé mentale
3.1 L’expertise psychiatrique
3.2 Soins pénalement ordonnés (SPO)
3.2.1 Obligation de soins (OS)
3.2.2 Injonction de soins
3.2.3 Injonction thérapeutique
3.3 Soins psychiatriques en détention
4. Etat des lieux
4.1 Prévalence des personnes souffrant d’un trouble mental
4.1.1 Milieu ouvert
4.1.2 Milieu fermé
4.2 Justice
4.2.1 Surpopulation carcérale
4.2.2 Aménagement de peines
4.2.3 Comparution immédiate
4.2.4 Expertise psychiatrique
4.3 Institution hospitalière
4.4 Impact social
4.4.1 Précarité socio-économique des détenus
4.4.2 Précarité et santé mentale
4.4.3 Précarité et décision d’incarcération
5. DISCUSSION
6. REFERENCES
ANNEXES : Bref état des lieux au cours de la crise sanitaire au covid-19
1. Justice
1.1 Evolution du nombre de personnes détenues
1.2 Evolution des Aménagements de peines et libération sous contrainte
1.3 Evolution du nombre de personnes détenues atteintes du covid-19
2. Santé mentale en détention
2.1 Conséquences du confinement sur les soins en détention
2.2 Conséquences des libérations anticipées sur le relais de prise en charge
2.3 Conséquences du confinement sur les tentatives de suicide
3. Impact social sur l’accès aux soins et aux aménagements de peines pendant la covid-19, la question du mal logement en France
3.1 Généralité
3.2 Impact de la covid-19 sur l’accès au logement
3.3 Impact du logement sur les libérations et aménagements de peine
CONCLUSION
SERMENT D’HIPPOCRATE
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