Variations histologiques selon la topographie
La muqueuse buccale, de type malpighien, ressemble à la peau, mais en diffère par l’absence d’annexes (bulbes pileux, glandes sudoripares, glandes sébacées) et le petit nombre de mélanocytes. De plus, elle tire son originalité d’une humidification permanente par la salive que sécrètent les nombreuses glandes salivaires accessoires qui lui sont annexées et du turnover très rapide [48] des cellules de son épithélium (25 jours au lieu de 50 à 75 jours pour l’épiderme). Notons que quelques glandes sébacées hétérotopiques sont parfois visibles dans la lèvre supérieure et dans la muqueuse buccale, donnant des nodules jaunâtres appelés taches de Fordyce. Il est classique de décrire trois types de muqueuse buccale en fonction de sa topographie [19, 80, 98, 104] :
– la muqueuse masticatrice qui tapisse gencives et palais dur, aide à la compression mécanique des aliments. Kératinisée en surface, solidement amarrée aux structures osseuses sous-jacentes (palais et os alvéolaire), elle présente des crêtes épithéliales longues s’invaginant profondément dans le tissu conjonctif. Ce dernier est riche en fibres collagènes (figure 1) ;
– la muqueuse bordante, revêtant versant muqueux des lèvres, joues, plancher et face ventrale de la langue, palais mou, est flexible. Elle se laisse distendre par les aliments. Non kératinisée en surface, elle ne présente que des crêtes épithéliales basales peu accusées. Son chorion, très vascularisé, est connecté aux muscles sous-jacents par une sous-muqueuse de texture lâche (figure 2) ;
– la muqueuse spécialisée, cantonnée au dos de la langue, elle est kératinisée. De plus, elle est pourvue de papilles intervenant dans la fonction gustative :
o les papilles filiformes, élevures coniques, ont un axe conjonctif mince, revêtu d’un épithélium très kératinisé ;
o les papilles fongiformes, en forme de champignon sont plus larges à leur extrémité supérieure qu’à leur base (figure 3). Les crêtes basales épithéliales sont très marquées ;
o les papilles caliciformes, circumvallées, sont entourées à la base par un sillon profond au fond duquel s’abouchent les glandes salivaires accessoires séreuses de Von Ebner ;
o les bourgeons du goût, supports de la fonction du goût, sont en majeure partie situés au niveau des papilles. À titre accessoire, on peut les rencontrer dans d’autres territoires de la muqueuse buccale, voire dans l’oropharynx.
Ces organes, en rapport avec les terminaisons nerveuses des différents nerfs sensitifs de la cavité buccale (nerfs glossopharyngien, intermédiaire de Wrisberg, pneumogastrique) sont des placodes ovoïdes de structure neuroépithéliale, invaginées dans l’épithélium (figure 4). Du côté du chorion, ils sont connectés avec les terminaisons nerveuses par un pore interne maintenu ouvert en permanence. Le corpuscule proprement dit est formé d’une vingtaine de cellules de soutien, allongées, rondes ou ovoïdes, à juxtaposition arciforme. Entre ces cellules circulent des fibres nerveuses et des cellules sensorielles neuroépithéliales. Ces cellules, allongées, traversent l’épithélium au niveau d’un pore externe et entrent ainsi en contact avec le contenu de la cavité buccale ;
– les papilles foliées sont formées de tissu lymphoïde à disposition folliculaire caractéristique.
Étude histologique, immunohistochimiques et ultra structurale
La muqueuse buccale est constituée d’un épithélium malpighien et d’un tissu conjonctif dénommé lamina propria ou chorion. La base de l’épithélium présente des irrégularités avec crêtes épithéliales entourant des papilles conjonctives. Entre épithélium et conjonctif, se situe la membrane basale, mesurant 1 à 2 µm d’épaisseur. Il n’existe pas, comme dans l’intestin, de limite nette entre muqueuse et sous-muqueuse. Dans de nombreuses régions (joues, lèvres, palais mou), une couche de graisse avec des glandes salivaires, des vaisseaux et des nerfs, sépare la muqueuse de l’os ou des muscles sousjacents. Celle-ci correspond à la sous-muqueuse. Ailleurs (gencives, palais dur), cette sous-muqueuse manque et la muqueuse est directement attachée au périoste du squelette sous-jacent. Cette attache, non élastique, est dénommée mucopérioste. Les glandes salivaires accessoires sont situées dans le chorion ou plus profondément. Des nodules de tissu lymphoïde avec cryptes bordées par un épithélium, sont dispersés dans la muqueuse buccale. Les plus gros, postérieurs, forment les amygdales linguale, palatine et pharyngée (ils constituent l’anneau de Waldeyer). Les plus petits sont ubiquitaires (palais mou, face ventrale de la langue, plancher). Tous ces organes, intervenant dans diverses réactions immunologiques, jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les infections de la bouche. L’épithélium forme une barrière entre cavité buccale et tissus profonds. De type malpighien, il est constitué de plusieurs couches de cellules étroitement attachées les unes aux autres, appelées kératinocytes. Des cellules non kératinocytes y sont également retrouvées. Souvent dénommées cellules claires, elles possèdent en effet un halo clair péri nucléaire. Elles correspondent en fait à trois types cellulaires, authentifiés par la microscopie électronique et l’histochimie : mélanocytes, cellules de Langerhans et cellules de Merkel. De plus, on peut retrouver des lymphocytes intraépithéliaux. La jonction épithélium-chorion, zone, où les papilles conjonctives alternent avec les crêtes épithéliales, est une zone fondamentale dans les échanges épithélioconjonctifs. La microscopie électronique a seule révélé les détails complexes de cette lame basale (basal lamina) hautement organisée. On y distingue : la lamina densa (elle contient du collagène IV), la lamina lucida (elle renferme des glycoprotéines, en particulier de la laminine). La lamina propria ou chorion est le tissu conjonctif qui sert de support à l’épithélium. On le divise en deux zones :
– superficielle (papilles associées aux crêtes épithéliales) ;
– profonde, avec arrangement des fibres collagènes en réseau.
Dans la zone superficielle, les fibres collagènes sont fines et entourées d’anses capillaires nombreuses. Dans la zone réticulaire, les fibres collagènes sont groupées en faisceaux épais, tendant à se disposer parallèlement à la surface. Ce chorion renferme des fibroblastes, des vaisseaux sanguins, des nerfs, des fibres enchâssées dans une substance fondamentale amorphe et des cellules participant aux défenses immunitaires (lymphocytes, plasmocytes, monocytes, macrophages).
BMS de type 2
Les patients présentent des symptômes continus tout au long de la journée et sont symptomatiques la nuit, entraînant des nuits blanches. Ce type de BMS est associé à l’anxiété chronique due à la modification du cycle de sommeil et est lié à l’utilisation de médicaments antidépresseurs, qui provoquent la xérostomie.
Formes cliniques
Les formes cliniques sont diverses tant dans la localisation des symptômes qui peuvent concerner exclusivement la langue (glossodynie) ou être ressentie au niveau des autres muqueuses buccales (stomatodynies) [83], au niveau céphalique (céphalées) ou extracéphalique (fibromyalgies, arthralgies) [75], dans la description des symptômes (douleurs, paresthésies), des troubles associés (gustatifs, salivaires, etc.), que dans le décours temporel de la douleur [58, 59] qui peut être continue avec tendance à l’augmentation progressive au cours de la journée (type 1, environ 35 % des patients), constante d’intensité égale (type 2 [55 %]) ou intermittente (type 3 [10 %]), et possiblement liée à une composante allergique [58]. Néanmoins, cette classification ne modélise qu’imparfaitement le décours temporel [13].
Capsaïcine
C’est un alcaloïde responsable de la sensation de brûlure produite par les piments. Elle est capable de désensibiliser les nocicepteurs à canaux calcium TRPV1 et les fibres C. Une exposition prolongée à la capsaïcine entraine une réduction des récepteurs TRPV1 dans les tissus périphériques, provoquant sur le long terme une désensibilisation et une réduction des symptômes. La prise systémique de capsaïcine est associée à des douleurs gastriques sévères, mais l’usage local en bain de bouche (250 mg/50 ml d’eau ; 3 fois/j) a montré une certaine efficacité (76 % de cas déclarant une amélioration, avec une amélioration moyenne de 3,2 sur une échelle EVA) sans pouvoir néanmoins résoudre efficacement et durablement la pathologie [96, 116].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LA MUQUEUSE BUCCALE, LE BURNING MOUTH SYNDROME ET LE BLEU DE METHYLENE
I. MUQUEUSE BUCCALE
1. Organisation anatomique
2. Organisation histologique
2.1. Variations histologiques selon la topographie
2.2. Étude histologique, immunohistochimique et ultrastructurale
3. Fonctions
4. Cas particulier de la langue
4.1. Innervation sensorielle de la langue
4.2. Caractéristiques des fibres nerveuses afférentes à la langue
II. BURNING MOUTH SYNDROME
1. Définition
2. Classification
2.1. Classification basée sur l’étiologie
2.1.1. BMS primaire ou stomatodynie primaire ou idiopathique
2.1.2. BMS secondaire ou stomatodynie secondaire
2.2. Classification basée sur les symptômes
2.2.1. BMS de type 1
2.2.2. BMS de type 2
2.2.3. BMS de type 3
3. Epidémiologie
4. Etiologie
5. Physiopathologie
5.1. Atteintes neuropathiques et atteinte de la microcirculation périphérique
5.2. Altérations gustatives et salivaires
5.3. Atteinte psychogène
5.4. Atteinte hormonale
6. Caractéristiques cliniques
6.1. Douleur
6.2. Dysgueusie
6.3. Troubles salivaires
6.4. Formes cliniques
6.5. Qualité de vie
7. Démarche diagnostique
8. Traitement
8.1. Thérapies topiques (locales) et systémiques
8.1.1. Capsaïcine
8.1.2. Lidocaïne orale
8.1.3. Antiépileptiques
8.1.4. Antidépresseurs et antipsychotiques
8.1.5. Acide α-lipoïque (AAL)
8.2. Thérapies hormonales et comportementales
8.2.1. Thérapies hormonales de substitution
8.2.2. Thérapie cognitive comportementale
III. BLEU DE METHYLENE
DEUXIEME PARTIE : UTILISATION DU BLEU DE METHYLENE DANS LA GESTION DE LA DOULEUR CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE BMS
I. JUSTIFICATION
II. OBJECTIFS
III. PATIENTS ET METHODES
1. Type d’étude
2. Cadre d’étude
3. Population d’étude
3.1. Recrutement et catégorie de sujets étudiés
3.2. Critères d’inclusion et de non inclusion
3.3. Echantillonnage
4. Critères de jugement
4.1. Critère de jugement principal
4.2. Critère de jugement secondaire
5. Procédure expérimentale
5.1. Diagnostic du BMS
5.2. Evaluation de la perception douloureuse avant et après application du bleu de méthylène
5.3. Evaluation des symptomes associés au BMS
5.4. Evaluation des effets indésirables du bleu de méthylène
6. Analyse statistique
IV. RESULTATS
1. Données socio-démographiques, motif de la consultation et diagnostic positif au départ (D0)
2. Caractéristiques de la douleur
3. Intensité de la douleur avant application du bleu de méthylène (D0) puis, au troisiéme, cinquième et septième jour après l’application du bleu de méthylène
4. Symptômes associés avant application du bleu de méthylène (D0) puis, au troisième, cinquième et septième jour après l’application du bleu de méthylène
5. Caractéristiques des patients BMS 3 et 6 mois après le traitement au bleu de méthylène
V. DISCUSSION
1. Limites de l’étude
2. Utilisation du bleu de méthylène pour le traitement de la douleur
3. Utilisation du bleu de méthylène pour le traitement de la douleur orofaciale
4. Toxicité / effets indésirables du bleu de méthylène
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
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