Le cancer du col utérin représente le deuxième cancer chez la femme après celui du sein dans le monde [23, 24]. Le diagnostic se fait encore le plus souvent à des stades avancés dans les pays sous-développés ce qui rend les résultats thérapeutiques modestes et le coût de la prise en charge élevé [11,24]. Cependant, il existe un moyen de dépistage de ce cancer, simple, non douloureux et peu coûteux dont l’efficacité a été prouvée, il s’agit du frottis cervico-utérin (FCU) qui peut être réalisé par tous les médecins initiés à la technique[23]. La colposcopie consiste à l’observation du col utérin grâce à un microscope binoculaire stéréoscopique de faible grossissement. Elle est proposée devant un frottis anormal d’après les recommandations de l’Agence National d’Accréditation et d’Evaluation à la Santé (ANAES) [7]. Nous rapportons dans ce travail, les résultats de l’étude histologique des biopsies cervicales chez les patientes qui au préalable avaient bénéficié d’une colposcopie. Il s’agit d’une étude rétrospective sur une période de cinq (5ans) réalisées au service d’anatomie et de cytologie pathologiques du CHU Aristide Le Dantec.
RAPPELS
Rappel anatomique
Chez la femme, les organes génitaux internes comprennent les ovaires, les trompes utérines, l’utérus et le vagin. Ces différents organes sont situés dans le bassin. L’utérus est l’organe de la nidation et de la gestation. Il comporte 3 parties: le fond, le corps et le col. Le col est la partie inférieure de l’utérus faisant saillie dans le vagin. Il comprend une partie intravaginale ou exocol et une partie supravaginale ou endocol. Le col, symétrique et cylindrique, mesure environ 3 cm de long sur 2 à 2,5 cm de diamètre. C’est un organe richement vascularisé et dont la commande nerveuse est assurée par le plexus hypogastrique.
Rappel histologique
Le col de l’utérus est tapissé par deux types d’épithélium : un épithélium pavimenteux non kératinisé (ou malpighien) retrouvé au niveau de l’exocol et un épithélium cylindrique (ou glandulaire) retrouvé au niveau de l’endocol.
➤ Exocol :
L’épithélium pavimenteux stratifié est constitué de plusieurs couches de cellules de plus en plus plates (figure 1). Il est opaque et de couleur rose pâle avant la ménopause, cet épithélium se compose de quatre couches cellulaires :
-la couche inférieure basale (CB), constituée d’une seule assise de cellules rondes, est fixée à la membrane basale qui sépare l’épithélium du stroma fibromusculaire sous-jacent ;
-la couche parabasale (CPB), constituée de 2 à 3 assises de cellules rondes à cytoplasme plus abondant ;
-la couche intermédiaire (CI), constituée de 5 à 10 assises de cellules à cytoplasme de forme ovalaire puis polygonale ;
-la couche superficielle (CS), constituée de 3 à 4 couches de cellules aplaties dites pavimenteuses, à noyau pycnotique.
Après la ménopause, l’épithélium pavimenteux s’amincit, il prend une couleur rose blanchâtre et devient plus fragile, donc plus sensible aux traumatismes, ce qui se traduit souvent par de petites hémorragies ou pétéchies.
➤ Endocol :
L’épithélium cylindrique est constitué d’une seule couche de cellules hautes reposant sur la membrane basale (figure 1). Cette couche est composée de cellules à mucus et de cellules ciliées entre lesquelles s’intercalent par place des cellules subcylindriques, bipotentielles dites « cellules de réserve ». Cet épithélium s’invagine dans le tissu conjonctif sous-jacent pour former des cryptes mucosécrétantes dont les orifices s’ouvrent au niveau du revêtement desurface. Cet épithélium est donc beaucoup plus mince que l’épithélium pavimenteux qui tapisse l’exocol. A l’examen au spéculum endocervical, il apparaît rouge brillant.
➤ Jonction pavimento-cylindrique (JPC) :
La jonction pavimento-cylindrique se présente sous la forme d’une ligne étroite, marquée par une dénivellation à cause de la différence d’épaisseur entre les épithéliums pavimenteux et cylindrique .
La localisation de la JPC varie avec l’âge de la femme, son statut hormonal, le traumatisme provoqué par l’accouchement et l’utilisation ou non d’une contraception orale (figure 3). Lorsqu’il est exposé à l’acidité vaginale, l’épithélium cylindrique est progressivement remplacé par un épithélium pavimenteux stratifié, constitué d’une couche basale de cellules polygonales dérivées des cellules de réserve subépithéliales. Ce processus physiologique normal est appelé métaplasie malpighienne pavimenteuse et donne naissance à une nouvelle JPC. Arrivé à la maturation, l’épithélium pavimenteux néoformé ressemble beaucoup à l’épithélium pavimenteux originel. Toutefois, à l’examen visuel, la JPC néoformé est différente de la JPC originelle. La zone de remaniement correspond à la région où s’est produite la métaplasie pavimenteuse, là où l’épithélium cylindrique est, ou a été, remplacé par un épithélium pavimenteux .
Rappel physiologique
Modifications cycliques
L’activité génitale chez la femme est régie par un système hormonal qui fonctionne de manière cyclique. Au niveau du col de l’utérus, on note sous l’effet des 2 principales hormones sexuelles (œstrogène et progestérone) des modifications cycliques à 2 niveaux essentiellement:
❖ Fonction sécrétoire
Au cours du cycle menstruel, les propriétés physico-chimiques du mucus cervical (ou glaire cervicale) sont très variables alors que l’épithélium endocervical qui l’élabore garde un aspect assez stable. Ces modifications portent essentiellement sur les organites intra-cytoplasmiques. Pendant la phase proliférative (folliculinique ou oestrogénique), le mucus est abondant, clair, avec un degré d’hydratation qui augmente pour atteindre son maximum en période ovulatoire ; son pH est alors alcalin. Ces caractéristiques facilitent la pénétration et les mouvements des spermatozoïdes dans le mucus. Après l’ovulation, le mucus devient visqueux et peu abondant, et son pH diminue. Il est imperméable aux spermatozoïdes et ferme la cavité utérine dont l’endomètre s’est préparé à une éventuelle nidation embryonnaire. Le mucus endocervical agit comme une barrière de protection prévenant l’ascension bactérienne dans la cavité endométriale. Il tient une place fondamentale dans le processus reproducteur et est fréquemment impliqué dans les cas de stérilité féminine.
❖ Desquamation
Les couches superficielles de l’épithélium malpighien de l’exocol desquament continuellement tout comme celles de l’épithélium malpighien du vagin. Les cellules exfoliées s’accumulent dans les culs-de-sac vaginaux. Cette desquamation physiologique est déterminée par les variations du rapport œstrogène/progestérone. Au niveau du cul-de-sac vaginal postérieur surtout, se trouvent ainsi mêlées les cellules et les sécrétions provenant de l’exocol et de l’endocol.
Métaplasie pavimenteuse
Elle se définit par un changement d’un épithélium normal (cylindrique) à un autre épithélium normal (pavimenteux). La localisation de la jonction pavimento-cylindrique est déterminée à la naissance. Elle siège dans 75 % des cas à l’exocol, dans 23 % à l’endocol, dans 2 % au vagin. Cette jonction est stable jusqu’à la puberté. A cette période de la vie génitale, sous l’influence des oestrogènes, il se produit une maturation de l’épithélium pavimenteux, entraînant la formation de glycogène. Celui-ci entraîne une acidité secondaire du vagin, responsable de la métaplasie pavimenteuse de l’épithélium cylindrique. Ce phénomène de métaplasie se continue jusqu’à la ménopause avec des exacerbations durant la grossesse. Lorsqu’il n’y a aucune interférence, à la fin du processus métaplasique, la jonction pavimento cylindrique se retrouve à l’endocol laissant à l’exocol des stigmates comme les ouvertures glandulaires et les kystes de Naboth.
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Table des matières
INTRODUCTION
REVUE DE LA LITTERATURE
I. RAPPELS
1. Rappel anatomique
2. Rappel histologique
3. Rappel physiologique
3.1. Modifications cycliques
3.2. Métaplasie pavimenteuse
4. Rappel cytologique
4.1. Cellules malpighiennes
4.2. Cellules endocervicales
4.3. Cellules métaplasiques
4.4. Cellules endométriales
5. Epidémiologie
5.1. Epidémiologie globale
5.2. Facteurs de risque
II. HISTOIRE NATURELLE DU CANCER DU COL UTERIN
1. Oncogenèse des virus HPV
2. Histoire naturelle du cancer du col de l’utérus
2.1. De l’infection à la lésion précancéreuse
2.2. Facteurs influençant l’histoire naturelle de l’infection
III. LESIONS PRECANCEREUSES ET CANCEREUSES DU COL DE L’UTERUS
1. Lésions précancéreuses du col utérin
2. Carcinome épidermoïde invasif du col utérin
3. Différentes classifications
3.1. Système Bethesda 2001
3.2. Classification de Papanicolaou
3.3. Classification de l’OMS
3.4. Classification de Richart
IV. DEPISTAGE
1. Test classique (frottis de Papanicolaou) et la cytologie en milieu liquide
2. Inspection visuelle après application d’acide acétique (IVA) et au Lugol (IVL)
3. Test de détection du HPV
V. COLPOSCOPIE
1. Indications de la colposcopie
2. Instruments
3. Principes des différentes étapes de l’examen colposcopique
4. Aspect colposcopique normal
5. Colposcopie des transformations atypiques
6. Diagnostic colposcopique des néoplasies cervicales intra-épithéliales
7. Diagnostic colposcopique du cancer du col invasif
8. Lésions inflammatoires du col de l’utérus
VI. EXAMEN ANATOMOPATHOLOGIQUE
1. Enregistrement
2. Techniques d’étude des tissus
2.1. Fixation
2.2. Imprégnation et inclusion
2.3. Coupes et colorations
2.4. Techniques particulières morphologiques
2.5. Compte-rendu anatomopathologique
CONCLUSION