Biologie et cycle de vie du ravageur
Contexte, problématique et objectifs du projet
Actuellement, le monde agricole français est en pleine mutation face aux contraintes imposées par les nouvelles réglementations phytosanitaires des plans Ecophyto. Ces derniers visent à réduire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques classiques qui posent des problèmes de santé animale, de pollution et de rémanence dans l’eau et les sols. Il est donc nécessaire pour les agriculteurs d’avoir accès à des solutions alternatives qui respectent leurs exigences de rendement et de revenu. Le biocontrôle est un axe principal pour les agriculteurs afin d’évoluer dans le sens des plans Ecophyto. Depuis quelques années, l’intérêt pour le biocontrôle ne cesse d’augmenter (Fig. 1). En effet, il s’envisage dans le contexte d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement où les praticiens pourront respecter leurs impératifs. Dernièrement, avec les restrictions imposées dans le domaine phytosanitaire, on constate une recrudescence de nombreux ravageurs qui ne peuvent plus être maitrisés aussi efficacement.
Dans notre cas, la réapparition de Tychius aureolus Kiesw. au sein des parcelles de luzerne porte-graine constitue une véritable menace pour les AMS et devient donc un enjeu économique important pour la filière. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet AM&BAS (Agro-messages et lutte contre les bio-agresseurs insectes en production de semences et en grandes cultures) afin de contribuer à l’essor du biocontrôle et de lutter efficacement contre ce ravageur. Ce projet qui s’échelonne sur 2 ans (2015 et 2016), rassemble des partenaires d’horizons différents qui vont chacun pouvoir apporter leurs compétences. Dans le cas de T. aureolus sur la luzerne, les partenaires s’intéressent tout particulièrement à l’utilisation de médiateurs chimiques. Ces derniers s’intègrent parfaitement dans une démarche de lutte intégrée, en pouvant être des agents de lutte directe sans activité biocide et avec une faible rémanence. Le consortium est constitué par : l’INRA (mise au point des médiateurs chimiques), l’entreprise M2i Life sciences (mise au point de microparticules biodégradables contenant les produits), la FNAMS (tests in situ sur T. aureolus) et enfin l’institut ARVALIS (test in situ sur la pyrale du maïs, Ostrinia nubilalis Hübner).
Caractéristiques biologiques
La luzerne (Medicago sativa L.) appartient à la famille des Fabacées. Les plantes de cette famille sont caractérisées par leur capacité à fixer de l’azote atmosphérique grâce à une symbiose avec une bactérie présente dans leur système racinaire (Paul et al., 1996). D’un point de vue du développement, la germination se produit entre 2 et 40°C mais plus favorablement entre 19 et 25°C. Un semis en sol nu et une bonne disponibilité en eau vont favoriser la germination (Mauriès, 2003). Medicago sativa possède un système racinaire qui peut s’étendre jusqu’à 3 mètres. Ses racines fasciculées lui permette de mieux résister au froid (Mauriès, 2003). De plus, la racine pivotante est capable de s’enfoncer profondément dans le sol ce qui lui permet d’absorber suffisamment d’eau même en cas de sécheresse (Small, 2011). Du côté des organes aériens, la luzerne possède des feuilles trifoliées à insertion alternes.
Les fleurs sont hermaphrodites et regroupées en inflorescence de 15 à 30 fleurs. Ces dernières sont constituées d’une corolle composée de 5 pétales (l’étendard, une paire d’ailes supérieures et la carène qui est formée d’une autre paire d’ailes ; Fig. 5). La floraison chez la luzerne peut s’opérer quelles que soient les températures et les photopériodes même si cela impactera la vitesse d’apparition des fleurs (Mauriès, 2003). Lors de la pollinisation, la carène va pouvoir s’écarter et laisser sortir les organes sexuels lorsque certains pollinisateurs arrivent sur la fleur. Ce phénomène est appelé « déclenchement » et est qualifié d’explosif de par sa vitesse et son irréversibilité (Naïbo, 1972; Small, 2011). Enfin, les fleurs une fois fécondées vont se transformer en gousse. Le développement de cet organe qui contient les graines s’opère progressivement : spiralisation des gousses, grossissement, brunissement et séchage de ces dernières à maturité (Fig. 6 ; Naïbo, 1972).
La luzerne, dépendante de la pollinisation
La luzerne porte-graine est une plante allogame, elle doit donc se reproduire avec d’autres individus (quasi-absence d’autofécondation). De plus, la dissémination du pollen se fait par des insectes pollinisateurs (Fig. 7) car il est trop lourd pour être transporté par le vent. La pollinisation est donc qualifiée d’entomophile. Il existe de nombreuses études qui décrivent une corrélation positive entre le nombre de pollinisateurs dans la parcelle et le rendement (Bartomeus et al., 2014; Klein et al., 2007). Il est donc primordial de préserver la biodiversité au sein des champs en réduisant l’utilisation des pesticides comme les néonicotinoïdes qui sont néfastes pour les pollinisateurs (Lu et al., 2014). Il est aussi admis que leur abondance est influencée par l’environnement. En outre, les facteurs comme les précipitations et la température les impactent différemment, suivant les régions et les saisons (Abou-Shaara et al., 2014; Roubik, 1992). Enfin, il est aussi intéressant de noter que la luzerne a évolué dans le sens de ces insectes en ajustant la morphologie et la surface de ses pétales (Small, 2011).
Itinéraire technique Le semis a lieu en automne ou au printemps suivant le climat des différents bassins de production. L’utilisation de semences certifiées est nécessaire pour avoir un bon taux de germination ainsi qu’une bonne levée. De plus, le semis en sol nu donnera des pieds de luzerne avec des tiges plus fortes qu’en semis sous couvert du fait d’une intensité lumineuse supérieure (Mauriès, 2003). La culture de luzerne comme de nombreuses plantes, nécessite une combinaison de facteurs environnementaux et nutritifs équilibrés. Ainsi, au niveau du sol, la jeune luzerne a besoin d’une quantité importante de phosphore et de potassium (Vignau-Loustau and Huyghe, 2008). Le pH doit rester le plus neutre possible (possibilité d’ajouter de la potasse ou de la chaux si le sol est trop acide). Un excès hydrique du sol peut provoquer de la verse et à l’inverse, un déficit peut entrainer une diminution du nombre de fleurs (Mauriès, 2003). Un apport en azote est rarement nécessaire car la luzerne fixe suffisamment d’azote atmosphérique pour subvenir à ses besoins (Castillo et al., 1999; Paul et al., 1996; Vance et al., 1979). C’est donc une plante idéale en précédent cultural afin d’enrichir le sol (El-Darier and El-Dien, 2011). De ce fait, en inter-culture, elle peut être plantée avant une culture de maïs « gourmande » en azote (Paul et al., 1996) pour en faciliter la croissance.
Lutte sémiochimique
La sémiochimie représente l’ensemble des signaux chimiques émis par les êtres vivants (Définition de l’IRSEA). Dans notre cas cela représente les molécules produites par T. aureolus ou la luzerne qui vont pouvoir stimuler une interaction entre ces deux organismes (Riba et Silvy, 1989). Ces molécules sont appelées composés organiques volatils (COV). Ces composés sont regroupés en plusieurs catégories et sous-catégories (Fig. 11) : d’un côté les phéromones et de l’autre les substances allélochimiques. Les substances allélochimiques possèdent une action interspécifique (plante-insecte par exemple). Ces dernières comprennent : les allomones qui sont bénéfiques seulement à l’espèce qui les émet ; les synomones dont l’émission est mutuellement bénéfique ; et les kairomones qui sont bénéfiques seulement pour l’organisme récepteur (Haubruge et al., 2010; Francis, 2003; Nordlund and Lewis, 1976). D’un autre côté, les phéromones sont regroupées suivant leurs modes d’actions (pistage, sexuelle, agrégation et alarme) (Hock et al., 2014; Nicolas Sauvion, 2013). Toutes ces molécules sont volatiles et agissent à des dosages très faibles à l’image des phytohormones comme l’éthylène. De nombreuses études ont pu mettre en avant l’effet de ces substances dans la communication olfactive entre les organismes (Kendrick and Raffa, 2006; Pecetti and Tava, 2000).
L’utilisation de ces molécules peut être différente suivant les nécessités de l’organisme émetteur. Par exemple, une plante blessée peut émettre des COV afin de faire fuir son agresseur (protection directe) ou bien afin d’attirer des prédateurs spécifiques du ravageur (protection indirecte ; Haubruge et al., 2010). Un phénomène redondant dans la littérature est l’utilisation couplée d’une phéromone de l’insecte ravageur et d’une kairomone de la plante hôte. En effet, en cumulant ces substances chimiques il semble possible, par exemple d’obtenir un effet attracteur chez Dendroctonus armandi (Chen et al., 2015) et Anthonomus rubi (Wibe et al., 2014). Une équipe canadienne à même réussi à mettre au point un piége couplant kairomone et phéromone contre l’agrile du frêne (Silk and Ryall, 2015). Dernièrement des essais ont été conduits par la FNAMS pour tester des COV de synthèse fournis par l’INRA. Certains essais ont montré un effet des attractifs comme celui avec le frappage de la végétation (qui sera reconduit cette année ; Liatard, 2015). Ces résultats donnent des pistes encourageantes à suivre quant au choix des kairomones et l’optimisation du protocole expérimental.
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Table des matières
Introduction
Contexte, problématique et objectifs du projet
Présentation de l’organisme de stage
Etat des connaissances sur le sujet
La culture de la luzerne porte graine Medicago sativa L.
Caractéristiques biologiques
La luzerne, dépendante de la pollinisation
Itinéraire technique
Agents pathogènes et moyens de lutte
Tychius aureolus Kiesenwetter, ravageur de la luzerne porte-graine
Biologie et cycle de vie du ravageur
Importance économique du ravageur et moyens de lutte
Compléments sur les moyens d’échantillonnage de Tychius aureolus
Matériel et méthodes
Conditions nécessaires à la mise en place des essais
Choix des parcelles
Création des capsules d’attractif
Conditions climatiques
Stade phénologique de la luzerne
Présentations des dispositifs expérimentaux
Essai n°1 : étude de la fréquence de passage et du comportement de T. aureolus à l’aide de caméras BEECAM®
Essai n°2 : comparaison d’attractivité de formulations de différents organes sur des panneaux englués de différentes couleurs
Essai n°2-1 : Panneaux englués jaunes ou bleus et formulations fleurs ou gousses
Essai n°2-2 : Plaques engluées colorées au sol et 2 formulations gousses
Essai n°3 : test d’efficacité d’attractivité d’une formulation « mix » par piégeage de T. aureolus et dynamique de repopulation
Analyses statistiques
Résultats
Essai n°1 : étude de la fréquence de passage et du comportement de T. aureolus à l’aide de caméras BEECAM®
Essai n°2 : comparaison d’attractivité de formulations de différents organes sur des panneaux ou plaques englués de différentes couleurs
Essai n°2-1 : Panneaux englués jaunes ou bleus et formulations fleurs ou gousses
Essai n°2-2 : Plaques engluées colorées au sol et 2 formulations gousses
Essai n°3 : test d’efficacité d’attractivité d’une formulation « mix » par piégeage de T. aureolus et dynamique de repopulation
Discussion
Essai n°1 : étude de la fréquence de passage et du comportement de T. aureolus à l’aide de caméras BEECAM®
Essai n°2 : comparaison d’attractivité de formulations de différents organes sur des panneaux ou plaques englués de différentes couleurs
Essai n°2-1 : Panneaux englués jaunes ou bleus et formulations fleurs ou gousses
Essai n°2-2 : Plaques engluées colorées au sol et 2 formulations gousses
Essai n°3 : test d’efficacité d’attractivité d’une formulation « mix » par piégeage de T. aureolus et dynamique de repopulation
Conclusion
Bibliographie
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