Biologie du dauphin souffleur

Biologie du dauphin souffleur

Etude expérimentale de l’influence des soigneurs sur les comportements à l’égard d’objets chez le dauphin souffleur (Tursiops truncatus)

Introduction:
Selon Allen Goldblatt (1993), les mammifères marins captifs doivent pouvoir contrôler leur environnement et être stimulés par celui-ci. Un environnement peu ou pas stimulant compromet le bien-être des animaux, alors qu’un environnement complexe est susceptible de l’améliorer : diminution des stéréotypies, augmentation du répertoire comportemental des animaux (Goldblatt, 1993 ; Hunter et al., 2002 ; Shepherdson, 2002). Des projets de complexification de l’environnement se développent ainsi au sein des delphinariums et parcs zoologiques [respectivement (Laule et Nordone, 1999 ; Jeffries et al., 1999 ; Hunter et al., 2002 ; Edberg, 2003).
Ceci consiste parfois en l’introduction d’objets dans les bassins (ballons, cerceaux, jets d’eau, tuyaux en plastique, jouets en forme d’étoiles de mer etc. ; Nordone, 1999 ; Zee et al., 2000 ;  Smith, 2000). Des plannings de rotation sont parfois présents dans les structures pour assurer une variabilité (Sweeney, 1990 ; Goldblatt, 1993 ; Neistadt, 1998 ; Roberts, 2004). Au sein du New England Aquarium de Boston, un programme fut instauré en 2000, pour essayer de diminuer les stéréotypies d’une otarie mâle de 20 ans. Il a consisté en différentes séances d’apprentissage avec des objets présents dans le bassin des otaries, selon le même principe que pour l’acquisition de nouveaux comportements : stimulus discriminatif (SD) et renforcement primaire (poisson). Au fur et à mesure des séances, les SD ont évolué pour disparaître, et le renforcement primaire fut remplacé par des renforcements secondaires : introduction de nouveaux objets, présence d’un soigneur encourageant et applaudissant, présence du public agissant de même etc. Cela fut positif, améliorant le comportement de cette otarie et son intérêt pour les jeux (Martin, 2004). Mais peu d’études évaluant l’efficacité de l’introduction d’objets sur le comportement des animaux ont été menées.
Un autre outil pour stimuler ces animaux consiste en des séances d’entraînements. L’aptitude des mammifères marins, entre autres des dauphins, à répondre à des sessions d’entraînements et à exécuter des comportements parfois très complexes suite à un seul petit geste est une des nombreuses illustrations de leurs capacités cognitives. De nombreux animaux sont capables de comprendre des gestes réalisés par des humains (pointage, regard dirigé) et de modifier leur
comportement selon cette gestuelle humaine. Call et al., (2003), résumant les résultats des études de Miklósi et al. (1998), Hare et al. (1998) et Agnetta et al. (2000), ainsi que Soproni et al. (2001) soulignent que la majorité des chiens sont capables d’utiliser plusieurs informations différentes : pointage, regard dirigé, signe de la tête. Une même compréhension a été démontrée chez les otaries à fourrure d’Afrique du sud (Arctocephalus pusillus ; Scheumann et Call, 2004). Chez les primates non humains, les résultats sont plus mitigés, variant selon les espèces, et selon les conditions d’élevage de ces animaux (élevage en présence d’humains ou élevage en laboratoire ; Call et Tomasello, 1994 ; Hess et al., 1993). Différentes études ont également été menées avec des dauphins et ont démontré leur capacité à comprendre indépendamment le pointage et le regard dirigé émis par des humains (Tschudin et al., 2001 ; Herman et al., 1999 ; Herman et al., 2001 ; Pack et Herman, 2004). Cette capacité est exprimée spontanément ou après entraînement, pour des gestes statiques ou dynamiques, que la totalité de l’individu signaleur soit visible ou non. Xitco et al. (2001) constatent que des dauphins peuvent développer spontanément des comportements assimilables au pointage et au regard dirigé. Ces comportements ne sont rencontrés qu’en présence d’humains et sont influencés par la distance entre cet humain, l’objet et le dauphin lui-même. Ils sont également liés à l’attention de l’humain (Xitco et al., 2001, 2004 ). La capacité de certains animaux à percevoir le niveau d’attention de l’humain fut également mise en évidence chez des chiens et des primates non humains [respectivement (Call et al., 2003 ; Viranyi et al., 2004) et (Call et Tomasello, 1994 ; Leavens et al, 1996 ; Povinelli et Eddy, 1996 ; Hostetter et al., 2001 ; Povinelli et al., 2003)].
Visalberghi et Fragaszy (1990) définissent quatre types d’influences sociales. (1) Facilitation sociale : la présence ou le comportement des partenaires influence seulement le niveau général d’activité. (2) Accentuation du lieu : l’activité des partenaires dans un lieu particulier augmente l’intérêt pour cette place. (3) Accentuation du stimulus : l’activité des partenaires facilite ou inhibe différentiellement l’expression de certains comportements déjà présents dans le répertoire comportemental du sujet. (4) Imitation ou apprentissage par observation : l’activité du partenaire peut conduire à la production de nouvelles séquences comportementales chez le sujet par imitation (Visalberghi et Fragaszy, 1990). Une telle influence interspécifique fut démontrée chez les singes capucins (Cebus apella) lors de la manipulation d’objets en présence d’humains (Hervé et Deputte,
1993). La capacité des dauphins à utiliser des gestes communicatifs en direction d’humain, et leur sensibilité au niveau d’attention des humains nous amène à nous demander si cette même facilitation peut se retrouver chez les dauphins. Il est ainsi intéressant d’étudier l’influence de la présence de l’homme et de sa gestualité sur les interactions des dauphins avec des objets, vu toutes les implications potentielles sur le bien-être de ces animaux. Ce type de complexification apporte-til les résultats souhaités ? Quelles sont les répercussions sur les occupations des animaux ? Cette implication de l’humain dans l’environnement captif du dauphin renforce t-elle la relation homme – dauphin ? A partir de ces constatations, et en me basant sur mon expérience personnelle, j’ai voulu déterminer l’importance de la simple et unique présence d’un soigneur dans le milieu de vie de ces animaux : la présence d’un soigneur pour encourager et participer aux interactions des dauphins avec des objets les stimule-t-elle dans ce comportement ? Jusqu’à quel point les dauphins peuvent bénéficier, en terme de bien – être, des interactions avec un soigneur, par l’intermédiaire d’objets : jouer avec un objet ou jouer avec un objet en interagissant avec un soigneur sont-ils équivalents ?
Cette présence peut-elle également influencer les préférences des dauphins face aux objets, les amener à s’intéresser à des objets délaissés jusqu’alors ?
Dans cette étude, nous allons ainsi nous intéresser aux effets de la présence de l’homme pour participer, solliciter et encourager les interactions entre dauphins et objets. Cette étude fut menée au sein du Delphinarium du Parc Astérix, avec la collaboration de toute l’équipe des soigneurs dresseurs.

Table des matières

Table des matières
Table des figures
Table des tableaux
Introduction
Evaluation comparative des conditions de vie en liberté / milieu naturel et en captivité / delphinarium
I. Biologie du dauphin souffleur (Tursiops truncatus), in situ
A. Milieu de vie
1. Répartition géographique
2. Habitat et écologie
3. Prédateurs et autres causes de mortalité
4. Influence de l’activité humaine sur les comportements de groupes de dauphins
B. Domaine vital, déplacements et migrations 
1. Domaine vital
2. Caractéristiques des domaines vitaux
3. Exploitation des domaines vitaux et déplacements à long terme
C. Comportement social
1. Groupes et structures sociales
2. Organisation sociale
a) Les dyades mère – jeune
b) Les groupes de subadultes
c) Les groupes de femelles avec leur progéniture
d) Mâles adultes
3. Utilisation du domaine vital
D. Alimentation
E. Rythme de vie
1. Circadiens
2. Saisonniers
F. Reproduction
II. Paramètres de vie en milieu captif : contraintes et réponses développées par les animaux
A. Milieu de vie imposé
B. Structure et interactions sociales
1. Les relations de dominance et les hiérarchies de dominance chez les dauphins en captivité
2. Reproduction
3. Lien mère – jeune
C. Interactions interspécifiques
D. Ressources alimentaires
E. Répertoire comportemental
F. Rythmes de vie
III. Approche comparative et analytique
A. Points sensibles
B. Solutions à apporter
Etude expérimentale de l’influence des soigneurs sur les comportements à l’égard d’objets chez le dauphin souffleur (Tursiops truncatus)
I. Introduction
II. Sujets, matériel et méthodes
A. Sujets
B. Milieu d’hébergement
C. Objets
D. Organisation des séances
1. Phase 1
2. Phase 2
3. Phase 3
4. Déroulement des phases au cours de la journée
E. Prélèvement et traitement des données 
1. Prélèvements des données
2. Variables analysées
3. Tests statistiques
III. Résultats
A. Préférences face aux objets
B. Influence de la présence du soigneur sur la manipulation des objets par les dauphins
1. Objets contactés
2. Nombre et durée des contacts
a) Nombre de contacts
b) Durée moyenne des contacts
3. Influence de l’âge des dauphins
a) Âge et manipulation des objets / sensibilité à la présence du soigneur
b) Âge et préférences face aux objets
IV. Discussion
V. Conclusion
Conclusion générale
Annexes
Annexe 1. Présentation synthétique des principales études exploitées pour la partie sur la biologie des dauphins souffleurs
Annexe 2. Liste indicative des espèces consommées par les dauphins souffleurs, en milieu naturel et en milieu captif
Annexe 3. Texte du spectacle pédagogique du Parc Astérix, année 2005
Bibliographie

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