BIOLOGIE DES CANCERS
PROCESSUS DE CANCERISATION
Le processus de cancérogenèse comporte plusieurs étapes ; dans les années 1970, Fould a présenté son concept du « multi-hit-multi-step » à partir de ses observations sur la progression néoplasique. La cancérogenèse peut être considérée comme un long processus d’accumulations d’anomalies génétiques (ou mutations) jusqu’à un point de non-retour, i.e. jusqu’à l’irréversibilité qui correspond au cancer. Trois étapes ont été distinguées dans la genèse d’un cancer (Morin et al., 2007) :
❖ initiation
L’initiation du cancer implique l’altération spontanée ou le changement des gènes induits par des stimuli environnementaux et cancérigènes (Niculescu, 2018). Ceci est considéré comme la première étape dans la cancérogenèse et elle est irréversible.
❖ promotion
La cellule transformée (initiée) peut rester inoffensive, à moins et jusqu’à ce qu’elle soit stimulée pour subir une prolifération supplémentaire, bouleversant l’équilibre cellulaire. Les cellules altérées et leur progéniture se divisent de façon modifiée/incontrôlée, ce qui entraîne un excès (hyperplasie) de cellules anormales de modification génétique/épigénétique (Niculescu, 2018). La promotion est un phénomène réversible.
❖ progression
La progression du cancer est la phase transitoire entre une lésion précancéreuse et le développement du cancer invasif. C’est la dernière étape de la transformation néoplasique. Au cours de leur développement anormal, les cellules précancéreuses acquièrent de nouvelles fonctionnalités comme la possibilité de libérer les facteurs de croissance et d’enzymes digestives favorisant des techniques invasives (Niculescu, 2018).
EXEMPLES DE TROIS PATHOLOGIES CANCEREUSES
CANCER DU SEIN
EPIDEMIOLOGIE
Le cancer du sein est dans le monde la première cause diagnostiquée de mortalité parmi tous les cancers qui affectent les femmes et la deuxième cause de mortalité parmi les cancers dans les pays développés (Marinari, 2018). Dans le monde entier, environ 2,1 millions de nouveaux cas de cancer du sein chez les femmes sont diagnostiqués en 2018 avec environ 626000 décès. C’est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes dans 154 des 184 pays couverts par global cancer (GLOBOCAN). Il représente maintenant un cancer sur quatre chez les femmes (Bray et al., 2018). En Afrique subsaharienne l’incidence du cancer du sein a augmenté et pourtant de nombreux cas restent non détectés. Des études révèlent que la prévalence du cancer du sein dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne ne donne pas une image exacte, car beaucoup de ces pays n’ont pas de registres nationaux du cancer (Enow et al., 2012 ; Mutebi et Edge, 2014 ; Cumbera et al., 2017). Le taux de prévalence le plus élevé est noté en Afrique de l’Est, du Nord et de l’Ouest (Cumbera et al., 2017). La survie de la maladie est généralement faible dans la région, avec une mortalité élevée enregistrée dans de nombreux contextes (Adeloye, 2018) tels que le diagnostic tardif, le manque d’infrastructures de soins de santé, le manque de financement adéquat etc…Nous notons qu’au Sénégal, le cancer du sein occupe la deuxième place après celui du col de l’utérus (Doupa et al., 2015). Toutefois, cette tendance semble être renversée du fait des campagnes de dépistage du cancer du col de l’utérus et du fait de l’existence du vaccin (Gardasil) qui est disponible au Sénégal. Dans ce pays, l’incidence est de 1 758 nouveaux cas et 834 décès en 2018 (GLOBOCAN Sénégal, 2018).
HISTOPATHOLOGIE ET CLASSIFICATION
Le cancer du sein est une maladie hétérogène comprenant de nombreuses entités distinctes qui présentent non seulement des caractéristiques biologiques et histologiques différentes mais aussi des comportements cliniques, et des réponses aux traitements distincts (Weigelt et al., 2010). Pour organiser cette hétérogénéité et normaliser la langue, des systèmes de classification du cancer du sein ont été développés. Le carcinome du sein est divisé en carcinome in situ et invasif. Le carcinome in situ est une prolifération non invasive potentiellement maligne des cellules épithéliales qui se limitent aux canaux et aux lobules. Le carcinome invasif ou infiltrant se réfère à une prolifération anormale maligne qui a pénétré à travers la paroi du canal dans le stroma. Les cancers provenant des canaux sont appelés carcinomes canalaires, tandis que ceux provenant des lobules sont appelés carcinomes lobulaires (Makki, 2015). Le carcinome canalaire invasif est la forme la plus commune de cancer du sein invasif et représente 55 % des cas de cancer du sein (Kawashima et al., 2016). Bien que le modèle actuel de classification du cancer du sein ait une valeur pronostique, l’absence d’un composant moléculaire dans le schéma de classification limite la capacité de prédire une réponse à de nouvelles thérapies ciblées (Malhotra et al., 2010). Ainsi, Perou et al. (2000) ont établi une classification moléculaire du cancer du sein basée sur les similitudes dans les profils d’expression génique utilisant la technologie des micro-réseaux. Les soustypes sont classés comme suit : luminal A et B, HER2 et basal.
Les tumeurs exprimant des gènes codant pour les protéines des cellules épithéliales de la lumière des canaux ou des lobules du sein sont classées dans le type luminal. Le type luminal A se caractérise par une forte expression des récepteurs d’œstrogène (RE) et de progestérone (PR) et l’absence de surexpression de HER2 tandis que le type luminal B est caractérisé par une expression modérée de RE/PR et une surexpression de HER2. Le type HER2 est caractérisé par une surexpression de HER2, dit positif (+) et sans expression de récepteurs hormonaux. Le type basal présente avec une expression d’au moins un marqueur de cellules basales (cytokératine 5/6, HER1, c-KIT) (Sorlie et al., 2003 ; Nielsen et al., 2004 ; Sorlie, 2004 ; Lamy et al., 2010). Par contre, il n’exprime pas de récepteurs hormonaux, ni une surexpression de HER2 d’où leur synonyme de tumeurs triple négatives (Kreike et al., 2007). Ce sous type est également marqué par des mutations du gène BRCA1 et il présente un mauvais pronostic par rapport aux autres sous-types (Foulkes et al., 2003).
CANCER DE L’OVAIRE
EPIDEMIOLOGIE
Le cancer de l’ovaire est le 7ème cancer le plus courant, la 8ème cause de décès par cancer chez les femmes (Ferlay et al., 2014), et la première cause de décès des malignités gynécologiques (Nezhat et al., 2015, Ring et al., 2017). Selon les estimations mondiales, 295000 nouveaux cas et 184000 décès ont été enregistrés en 2018 (Bray et al., 2018). Le risque de cancer de l’ovaire chez la femme est de 1 sur 71 et le risque de mourir de la maladie est de 1 sur 95 (Razi et al., 2016). Le risque moyen de mourir d’un cancer de l’ovaire avant l’âge de 75 ans est deux fois plus élevé dans les régions moins développées (Ferlay et al., 2014). Au niveau mondial, les incidences sont plus élevées dans les pays d’Amérique du Nord et d’Europe que dans les pays sous-développés et en Asie. Cependant, l’incidence reste faible en Afrique avec une incidence de 4 à 7/100000 (Dem et al., 2013). Au Sénégal, le cancer de l’ovaire occupe la 8 ème place avec environ 260 nouveaux cas et 211 morts enregistrés en 2018 (GLOBOCAN Sénégal, 2018). Le taux de survie de cancer de l’ovaire est estimé à environ 45,9 % à tous les stades confondus et de 20% à un stade avancé (Arab et Noghabaei, 2013). Ce faible taux de survie peut être expliqué par un diagnostic tardif de la maladie du fait que cette dernière est asymptomatique durant les premiers stades.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. BIOLOGIE DES CANCERS
I.1.1. PROCESSUS DE CANCERISATION
I.1.2. EXEMPLES DE TROIS PATHOLOGIES CANCEREUSES
I.1.2.1. CANCER DU SEIN
I.1.2.1.2. EPIDEMIOLOGIE
I.1.2.1.2. HISTOPATHOLOGIE ET CLASSIFICATION
I.1.2.2. CANCER DE L’OVAIRE
I.1.2.2.1. EPIDEMIOLOGIE
I.1.2.2.2. HISTOPATHOLOGIE ET CLASSIFICATION
I.1.2. 3. CANCER DE LA CAVITE BUCCALE
I.1.2.3.1. EPIDÉMIOLOGIE
I.1.2.3.2. HISTOPATHOLOGIE ET CLASSIFICATION
I.2. STRUCTURE DU GENOME MITOCHONDRIAL
I.3. GENOME MITOCHONDRIAL ET CANCERS
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II.1. PATIENTS ET PRELEVEMENTS
II.2. ETUDE GENETIQUE
II.2.1. EXTRACTION D’ADN, AMPLIFICATION EN CHAINE PAR POLYMERASE (PCR) ET SEQUENÇAGE DU MTCYB ET DE LA D-LOOP
II.2.2. ANALYSES MOLECULAIRES
II.2.2.1 ANALYSES DES CARACTERISTIQUES DES MUTATIONS DU MTCYB ET DE LA D-LOOP
II.2.2.2. ANALYSE DE LA DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE DU MTCYB ET DE LA D-LOOP
II.2.2.3. ANALYSE DE LA DIVERSITÉ DES ACIDES AMINÉS DU MTCYB
II.2.2.4. ANALYSE DE LA DIFFERENCIATION GENETIQUE DU MTCYB ET DE LA D-LOOP
II.2.2.5. ANALYSE DE L’EVOLUTION DES TISSUS CANCEREUX
CHAPITRE III. RESULTATS ET DISCUSSION
III.1. RESULTATS
III.1.1. SEQUENCES OBTENUES
III.1.2. ANALYSES MOLECULAIRES
III.1.2.1. CARACTERISTIQUES DES MUTATIONS
III.1.2.1.1. MUTATIONS DU MTCYB
III.1.2.1.2. MUTATIONS DE LA D-LOOP
III.1.2.2. DIVERSITE GENETIQUE
III.1.2.2.1. LE MTCYB
III.1.2.2.2. LA D-LOOP
III.1.2.3. DIVERSITE DES ACIDES AMINES DU MTCYB
III.1.2.4. DIFFERENCIATION GENETIQUE
III.1.2.5. EVOLUTION DES TISSUS CANCEREUX
III.2. DISCUSSION
CONCLUSION