Biogéographie des espèces de Pseudo-nitzschia et toxicité des efflorescences

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Habitats des diatomées

Les diatomées sont des organismes ubiquistes pouvant peupler un grand nombre de milieux humides (aérien, terrestre et aquatique) des plus favorables aux plus hostiles depuis le début de la période Jurassique (Kooistra et Medlin 1996). Dans les milieux aquatiques, les diatomées sont présentes en eau douce (lacs, mares, rivières) comme en eau salée (estuaires, milieu marin) et des zones polaires aux zones tropicales. En milieu marin, ceux sont des organismes coccoïdes1 solitaires (exemple : Cymbella sp.) ou vivant en colonie (exemple : Fragilaria sp.). Les diatomées planctoniques se développant dans la colonne d’eau sont majoritairement représentées par des diatomées centriques tandis que les diatomées benthiques, majoritairement représentées par des diatomées pennées, peuvent être épilithiques2, épipéliques3 ou épipsammiques4.

Classification des diatomées

La morpho-taxonomie. En 1990, Round et al. ont classé les diatomées en tant que division (Bacillariophyta) et les ont divisé en trois classes : Coscinodiscophyceae, Fragilariophyceae et Bacillariophyceae, qui correspondaient à trois caractéristiques morphologiques : les centrées (Coscinodiscophyceae), les pennées araphides (Fragilariophyceae) et les pennées raphides (Bacillariophyceae). En 1995, Van den Hoek et al. ont considéré les diatomées en tant que classe (Bacillariophyceae) au sein de la division des Heterokontophyta et ont proposé deux grands groupes de diatomées : les centrées (Coscinodiscophyceae) et les pennées (Fragilariophyceae et Bacillariophyceae).
La phylogénie moléculaire. Au cours des dernières années, des marqueurs moléculaires ont été utilisé pour permettre des analyses phylogénétiques afin de mieux comprendre l’évolution des organismes vivants et donc les liens de parenté entre organismes. A partir d’analyses moléculaires, en 2003, Kooistra et al. ont remis en cause la classification des diatomées basée sur la morphologie. En 2004, Medlin et Kaczmarska sur la base de données moléculaires et morphologiques, ont revu la systématique des diatomées basée sur les deux clades majeures (les diatomées centrées et pennées) en établissant trois classes de diatomées : Coscinodiscophyceae (= diatomées centrées radiales), Mediophyceae (= diatomées centrées polaires) et Bacillariophyceae (= diatomées pennées). En 2006, Sims et al. proposent une revue des connaissances de l’évolution des diatomées à partir des données fossiles, biologiques et moléculaires. En 2012, Mock et Medlin ont passé en revue l’évolution du groupe depuis ses origines jusqu’à l’étude de ses gènes. Depuis 2012, davantage de données moléculaires, de meilleures corrélations de clades moléculaires avec des caractéristiques morphologiques et plus d’informations sur la reproduction sexuée sont disponibles. Ainsi, à partir de ces nouvelles données et des revues de Sims et al. (2006) et de Mock et Medlin (2012), Medlin (2016) propose dans une revue de littérature une nouvelle classification des diatomées basée sur des analyses moléculaires [encadré n°1 : Classification des diatomées d’après Medlin (2016)].

Cycle de vie particulier des diatomées

Les diatomées possèdent un cycle de vie monogénétique diplophasique fortement liée aux variations de taille cellulaire. La présence du frustule confère aux diatomées un cycle de vie particulier caractérisé par l’alternance de deux phases : une phase de multiplication végétative et une phase de reproduction sexuée. La phase de multiplication végétative s’accompagne obligatoirement d’une diminution de la taille des cellules dans une population. La restauration de cellules de grande taille se produit par l’un des deux processus suivants : l’agrandissement cellulaire végétatif seulement observé chez certaines espèces de diatomées ou la reproduction sexuée (Chepurnov et al. 2004, Kaczmarska et al. 2013).

La multiplication végétative et la règle de MacDonald-Pfitzer

La multiplication asexuée ou multiplication végétative des cellules consiste en une succession de divisions cellulaires (mitoses) qui, en raison de la présence du frustule siliceux, résulte en une réduction progressive de la taille moyenne des cellules dans une population c’est-à-dire d’une diminution de la longueur chez les diatomées pennées et du diamètre chez les diatomées centrées. Ainsi, chez les diatomées, la taille des cellules n’est pas constante au cours de leur cycle de vie. Au préalable de chaque division cellulaire, le volume de chaque cellule mère est augmenté d’un facteur deux. Le nombre de chloroplastes, mitochondries, ribosomes, réticulums endoplasmiques et vacuoles est doublé et les chromosomes sont répliqués. Tous les composants sont ensuite séparés à chaque pôle de la cellule afin de les répartir dans chaque cellule fille (Round et al. 1990). La formation des deux cellules filles se produit au sein du frustule de la cellule mère (Pickett-Heaps et al. 1990). Le frustule de chaque nouvelle cellule est composé d’une nouvelle valve formée juste avant la division et d’une valve issue de la cellule mère.
Ainsi, une cellule fille conserve l’épivalve de la cellule mère et génère une nouvelle hypovalve.
Cette nouvelle cellule sera de taille similaire à la cellule mère. Quant à la deuxième cellule fille, elle conserve l’hypovalve de la cellule mère comme épivalve et génère une hypovalve. Elle sera donc de taille inférieure à la cellule mère (Fig. 1.3). C’est ce processus connu sous le nom de règle de MacDonald-Pfitzer (MacDonald 1869, Pfitzer 1869) qui entraîne la diminution de la taille moyenne des cellules dans une population au cours de la multiplication végétative. La diminution de la taille cellulaire se produit jusqu’à une taille minimale critique au-delà de laquelle les cellules ne sont plus viables.

La reproduction sexuée

La caractéristique principale du cycle de vie des diatomées est la diminution progressive de la taille cellulaire concomitante à la division cellulaire. Chez les diatomées, l’induction de la reproduction sexuée dépend d’une taille cellulaire spécifique. En effet, seules les cellules
présentes dans une gamme de taille spécifique à chaque espèce, se révèlent capables de reproduction sexuée (Kaczmarska et al. 2013). Ainsi, si la taille cellulaire spécifique n’est pas atteinte, aucune autre condition ne peut induire la gamétogénèse. Lorsque les cellules se situent dans la gamme de taille favorable à la reproduction sexuée, elles sont nommées gamétocystes. Chez les diatomées, la reproduction sexuée ne permet pas seulement une recombinaison génétique mais permet également la restauration de cellules de taille initiale (taille maximale), indispensable à la suivie de l’espèce (Chepurnov et al. 2004). La reproduction sexuée des diatomées centrées et pennées coïncident sur certaines étapes et divergent sur d’autres dont les détails sont présentés dans les deux paragraphes suivants et dans la figure 1.4. Les diatomées sont des organismes diploïdes. Les gamètes mâles nommés (+) et de gamètes femelles nommés (-) sont formés par méiose. La fusion d’un gamète (+) et d’un gamète (-) appelé fécondation conduit à la formation d’un zygote. Puis, ce zygote se développe en auxospore par le processus d’auxosporulation5. L’auxospore est une cellule spécialisée qui permet la régénération de la taille maximale et de la forme caractéristique d’une diatomée. L’auxospore est « mature » lorsqu’elle a terminé son expansion et contient la cellule initiale. En effet, la cellule initiale de grande taille est formée à l’intérieur de cette auxospore à la suite de l’élaboration de deux nouvelles valves. La cellule initiale est libérée dans le milieu lorsque l’auxospore s’ouvre à son extrémité (Kaczmarska et al. 2013). Les nouvelles cellules initiales présentent les caractéristiques typiques de chaque espèce et elles forment une nouvelle lignée par multiplication végétative.
Chez les diatomées et particulièrement chez les diatomées pennées, chaque espèce présente des gammes de taille relativement constantes qui ont conduit à l’élaboration du concept de points cardinaux caractérisant l’histoire de vie des diatomées (Edlund et Bixby 2001, Chepurnov et al. 2004, Kaczmarska et al. 2013). Ces points cardinaux comprennent (1) la taille des cellules initiales, (2) la taille maximale des gamétocystes c’est-à-dire des cellules capables de reproduction sexuée (seuil de taille de sexualisation supérieur), (3) la taille à laquelle les cellules perdent leur capacité de reproduction sexuée (seuil de taille de sexualisation inférieur) et (4) la taille minimale viable au-delà de laquelle les cellules meurent. Les deux derniers points cardinaux peuvent être égaux chez les espèces capables de reproduction sexuée jusqu’aux plus petites tailles cellulaires.
A noter que certaines espèces de diatomées peuvent restaurer des cellules de grande taille par un processus d’agrandissement asexué (Fig. 1.4, Kaczmarska et al. 2013). Les cellules végétatives à l’origine de cet élargissement sont généralement aux derniers stades du cycle de vie (donc de petites tailles cellulaires) et ne sont plus capables de méiose. Les nouvelles cellules formées par ce processus d’agrandissement seront de plus grande taille mais ne pourront pas atteindre la taille maximale caractéristique des cellules initiales.

Implications écologiques du cycle de vie des diatomées

Le maintien au cours de l’évolution de ce cycle de vie particulier suppose plus d’avantages que de coûts pour les espèces de diatomées (Lewis 1987). Certains avantages de la sexualité des diatomées sont communs à tous les organismes sexués avec par exemple, la recombinaison génétique permettant d’augmenter la diversité, l’hétérozygotie et l’expression de nouveaux génomes (Lewis 1987). Mais chez les diatomées, un important avantage de la reproduction sexuée est la restauration de la taille cellulaire puisqu’en raison des contraintes imposées par le mécanisme de division cellulaire régie par la règle de Mac-Donald-Pfitzer, la sexualité reste le principal mécanisme permettant aux espèces de restaurer leur taille maximale (Edlund et Stoermer 1997). Un second avantage très spécifique aux diatomées est la récupération de la forme puisqu’il est courant d’observer, suite à des dommages mécaniques liées à la mitose, des formes aberrantes avec des valves difformes chez les diatomées (Fig. 1.5). La reproduction sexuée permet à ces lignées cellulaires de retrouver une morphologie normale au cours de l’auxosporulation (Edlund et Stoermer 1997).
Enfin, l’un des avantages écologiques du cycle de vie des diatomées et surtout de la diminution de la taille cellulaire liée à la présence du frustule serait l’instauration d’un « chronomètre », dit aussi « horloge interne » de la sexualité afin d’espacer de manière optimale dans le temps les évènements de reproduction sexuée dans une population en fonction du coût de cette reproduction (Lewis 1984). Chez les diatomées, ce processus permet de maintenir des intervalles de plus d’un an entre deux évènements de reproduction sexuée (Jewson 1992, D’Alelio et al. 2010, Montresor et al. 2016).

Les diatomées du genre Pseudo-nitzschia

Les diatomées du genre Pseudo-nitzschia ont été décrites pour la première fois par Hippolyte et  Maurice Péragallo et recensées dans le livre « Diatomées marines de France et des districts maritimes voisins » (Péragallo et Péragallo 1908). L’intérêt de la communauté scientifique pour ces diatomées s’est accrue suite à la première intoxication répertoriée qui a eu lieu en novembre-décembre 1987 sur l’île du Prince Edouard dans le Golfe du Saint-Laurent au Canada (Bates et al. 1988, 1989). Cet évènement a entraîné le décès de trois personnes et en a rendu malade plus d’une centaine d’autres (Bates et al. 1998, Trainer et al. 2008) suite à la consommation de moules bleues (Mytilus edulis). Ces moules contenaient de fortes quantités d’une neurotoxine, l’acide domoïque (AD) dont le mode d’action est décrit dans l’encadré n°2 : Mode d’action de l’acide domoïque. Les travaux de recherche menés, suite à cet évènement, ont mis en évidence que cette neurotoxine était produite par la diatomée Pseudo-nitzschia multiseries (Bates et al. 1989, Bates et Trainer 2006).

Présentation du genre Pseudo-nitzschia

Classification et identification des espèces

Les diatomées du genre Pseudo-nitzschia appartiennent à la sous-division des Bacillariophytina, à la sous-classe des Bacillariophycidae et à l’ordre des Bacillariales (Medlin 2016). Les progrès de la caractérisation moléculaire ont permis, grâce à l’étude de marqueurs génétiques, d’approfondir la phylogénie et donc la classification des espèces de Pseudo-nitzschia. Au début des années 2000, les séquençages de la grande sous-unité de l’ADN ribosomal (LSU ADNr, Lundholm et al. 2002) et de la région ITS1-5.8S-ITS2 (pour Internal Transcribed Spacer, région non codante de l’ADNr), très polymorphe (Lundholm et al. 2003) ont permis l’élaboration d’arbres phylogénétiques regroupant les espèces de Pseudo-nitzschia.
De plus, afin d’améliorer la phylogénie de Pseudo-nitzschia, des études se sont intéressées plus spécifiquement à la structure de la région ITS2 (Lim et al. 2013, 2018, Teng et al. 2014) plus robuste pour la construction d’arbres phylogénétiques (Lim et al. 2013). En 2018, Lim et al. ont élaboré l’arbre phylogénétique des espèces de Pseudo-nitzschia (Fig. 1.7) basé sur le séquençage de la région ITS2 auquel ils ont ajouté des critères morphologiques de l’ultrastructure du frustule, afin de réconcilier les classifications phylogénétiques et morphologiques.

Cycle de vie de Pseudo-nitzschia spp.

La première description du cycle de vie a été faite en 1991 chez l’espèce Nitzschia pungens f. multiseries, maintenant Pseudo-nitzschia multiseries (Subba Rao et al. 1991). La grande majorité des espèces de Pseudo-nitzschia est hétérothallique nécessitant ainsi pour la reproduction sexuée la rencontre de deux cellules de types sexuels opposés (Chepurnov et al. 2004). A ce jour, l’homothallie n’a été observée que chez deux espèces de Pseudo-nitzschia : P. brasiliana (Quijano-Scheggia et al. 2009) et P. subcurvata (Fryxell et al. 1991). Le cycle de vie de Pseudo-nitzschia spp présenté dans la figure 1.9 est typique du cycle de vie des diatomées pennées comme décrit dans le paragraphe « 1.5. Cycle de vie particulier des diatomées ». Chez Pseudo-nitzschia spp, la reproduction sexuée est possible que dans une gamme de taille cellulaire précise. Dans cette gamme de taille, lorsqu’elles sont capables de se reproduire sexuellement, les cellules sont nommées gamétocystes. Cette gamme de taille est spécifique à chaque espèce et est comprise entre 20 et 90 % de la taille cellulaire maximale chez P. arenysensis (Amato et al. 2005), entre 23 et 70 % chez P. multiseries (Hiltz et al. 2000), entre 39 et 71 % chez P. multistriata (D’Alelio et al. 2009) et entre 20 et 60 % chez P. pungens (Chepurnov et al. 2005).

Les efflorescences de Pseudo-nitzschia

Biogéographie des espèces de Pseudo-nitzschia et toxicité des efflorescences

Les diatomées du genre Pseudo-nitzschia sont largement répandues dans les assemblages phytoplanctoniques des eaux côtières et océaniques (Fig. 1.10) (Hasle 2002, Lelong et al. 2012, Trainer et al. 2012, Lassus et al. 2016) et peuvent dominer certaines efflorescences de diatomées. De fortes abondances en Pseudo-nitzschia spp. ont été observées sur la côte ouest des Etats-Unis d’Amérique et dans le détroit de Juan de Fuca entre les Etats-Unis et le Canada (côte ouest), ces deux zones géographiques étant connues pour être des « hot-spots » de Pseudo-nitzschia. Des efflorescences de ces espèces ont également été recensées sur les côtes canadiennes (sud du golfe du Saint-Laurent, Baie de Fundy, Colombie britannique), les côtes d’Amérique centrale (mexicaine) et d’Amérique du Sud (Argentine, Pérou, Chili, Uruguay, Brésil), les côtes australiennes et néo-zélandaises, asiatiques (Viêt-Nam, Japon, Corée, Chine, Russie), africaines (Afrique du Sud, Namibie, Tunisie, Algérie, Maroc) et sur les côtes européennes (Royaume-Uni, Irlande, France, Danemark, Portugal, Espagne, Ecosse) (Trainer et al. 2012 et références incluses, Lassus et al. 2016). Dans certaines de ces zones géographiques, les efflorescences de Pseudo-nitzschia engendrent des évènements toxiques de type ASP « Amnesic Shellfish Poisoning », lorsque l’acide domoïque est transféré dans les réseaux trophiques. Outre le premier évènement ASP lié à P. multiseries sur l’île du Prince Edouard, des évènements ASP ont aussi eu lieu dans différentes régions du monde (Fig. 1.11), par exemple sur la côte est du Canada en lien avec P. pungens f. multiseries (Bates et al. 1989), ainsi que sur les côtes françaises (dont la Baie de Seine, Nezan et al. 2006, Husson et al. 2016, Thorel et al. 2017) et sur les côtes Californiennes (Ryan et al. 2017, Bowers et al. 2018) dans les deux cas en lien avec P. australis. Durant les évènements toxiques ASP, les mollusques bivalves sont les principaux vecteurs de contamination des réseaux trophiques marins et de l’homme (Lelong et al. 2012, Trainer et al. 2012). L’encadré n°4 décrit le transfert de l’acide domoïque dans les réseaux trophiques marins.

Phénologie et contrôle environnemental des efflorescences des espèces de Pseudo-nitzschia

Le développement des efflorescences de Pseudo-nitzschia spp., comme toutes les efflorescences phytoplanctoniques, est contrôlé par différents facteurs environnementaux, parmi lesquels la température, l’intensité lumineuse mais aussi la disponibilité en éléments nutritifs. Beaucoup d’études ont en particulier relié le déroulement et l’amplitude des efflorescences de Pseudo-nitzschia à ce dernier facteur. De nombreuses efflorescences de Pseudo-nitzschia spp. sont en effet observées dans des zones d’upwelling ou dans des eaux côtières influencées par les apports d’eau douce (Lelong et al. 2012, Bargu et al. 2016, Ryan et al. 2017). Des études réalisées dans le golfe du Mexique et en Grèce ont montré que l’augmentation de l’abondance des différentes espèces de Pseudo-nitzschia lors des efflorescences était potentiellement liée avec une augmentation des concentrations en nitrates liées à l’eutrophisation (Parsons et Dortch 2002, Spatharis et al. 2007). De plus, Marchetti et al. (2004) ont suggéré que les espèces du genre Pseudo-nitzschia seraient particulièrement compétitives face aux autres diatomées dans les milieux pauvres en silicium. Cependant, la situation est plus complexe car il existe de nombreuses espèces de Pseudo-nitzschia et, dans de nombreuses régions, les efflorescences de Pseudo-nitzschia sont multi-spécifiques. Des successions saisonnières de plusieurs espèces sont ainsi souvent observées au cours d’une année (Schnetzer et al. 2007, 2013, Sahraoui et al. 2012, Shuler et al. 2012, Parsons et al. 2013, Bargu et al. 2016, Ryan et al. 2017, Thorel et al. 2017, Bowers et al. 2018, Delegrange et al. 2018). Les espèces de Pseudo-nitzschia présentent donc des phénologies d’efflorescences différentes. Par exemple, en Ecosse, les espèces appartenant au complexe Pseudo-nitzschia delicatissima sont majoritairement présentent lors de l’efflorescence printanière tandis que les espèces appartenant au complexe Pseudo-nitzschia seriata sont majoritairement présentent lors de l’efflorescence estivale. Fehling et al. (2006) ont observé que les développements de ces deux complexes étaient liés à des variations de photopériode, de température et de salinité. Des successions saisonnières de Pseudo-nitzschia spp. ont également été observées dans la partie occidentale de la Manche, au large de Plymouth. Dans cette zone, les espèces appartenant au complexe Pseudo-nitzschia delicatissima ont été observées toute l’année tandis que les espèces P. pungens et P. multiseries étaient présentes seulement au printemps/été puis étaient suivies vers la fin de l’été et à l’automne par une efflorescence d’espèce appartenant au complexe P. seriata (Downes-Tettmar et al. 2013). Ces successions semblaient liées à une influence de la température et de la disponibilité en éléments nutritifs spécifique à chaque complexe. De même, lors d’une étude sur les côtes françaises au sud de la mer du Nord, les espèces appartenant au complexe P. delicatissima étaient majoritairement présentes au printemps tandis que les espèces appartenant au complexe P. seriata étaient observées principalement durant l’été et l’automne. Cette saisonnalité serait liée à la température et à la disponibilité en azote et en silicates (Delegrange et al. 2018). Les études qui se sont penchées plus finement sur la diversité spécifique des efflorescences de Pseudo-nitzschia rapportent aussi une influence importante des concentrations et ratios en éléments nutritifs. Ainsi, l’augmentation des concentrations en azote et une augmentation de la température ont entraîné des changements de la composition spécifique lors des efflorescences de Pseudo-nitzschia sur 100 ans dans un fjord danois, avec un passage d’efflorescences dominées par P. multiseries à des efflorescences dominées par P. pungens (Lundholm et al. 2010). Dans une autre étude réalisée en Tunisie, l’abondance des espèces appartenant au complexe P. delicatissima est négativement associée aux concentrations en nitrates et en silicates, les efflorescences de P. multisriata sont-elles associées aux faibles salinités et concentrations en nitrates tandis que celle de P. brasiliana sont associées aux plus fortes salinités et concentrations en nitrates et en silicates et aux faibles concentrations en nitrites et en phosphates (Sahraoui et al. 2012). En Argentine, les plus fortes densités de P. pungens et de P. australis ont été détectées lorsque les concentrations en éléments nutritifs sont faibles avec des températures et une salinité plus élevées, alors que les autres espèces (P. heimii, P. lineola, P. turgidula and P. turgiduloides) se développent plutôt à des températures et salinités plus faibles lorsque les éléments nutritifs sont abondants (Almandoz et al. 2007, 2008). Sur les côtes de Californie (USA) et les côtes de la péninsule de Baja California (Mexique), le développement de P. australis semble être favorisé par rapport à d’autres espèces de Pseudo-nitzschia par l’augmentation des concentrations en éléments nutritifs, en particulier les silicates (García-Mendoza et al. 2009, Bowers et al. 2018).
En Baie de Seine, des études ont permis de mieux connaître la phénologie des efflorescences de Pseudo-nitzschia spp. avec la présence, tous les ans, de P. pungens et de P. fraudulenta tandis que P. australis et P. delicatissima ne semblent se développer que certaines années (Klein et al. 2010, Thorel et al. 2017). De plus, ces espèces présentent des dynamiques saisonnières différentes puisque P. pungens est observable toute l’année tandis que P. fraudulenta se développe principalement lors de l’efflorescence printanière. Les années où elles sont présentes en Baie de Seine, P. australis et P. delicatissima ne se développent qu’au printemps, au début de l’été et/ou à l’automne. Dans cet écosystème aussi, la disponibilité en nitrates influencerait le développement des efflorescences de Pseudo-nitzschia spp. De plus, des relations ont aussi été mises en évidence entre les ratios en éléments nutritifs et les différents complexes de Pseudo-nitzschia se développant (Thorel et al. 2017).
L’ensemble de ces résultats montre que les conditions nutritives, en plus de la lumière et de la température, jouent un rôle important dans le développement des efflorescences de Pseudo-nitzschia. D’après les études in situ sur des populations naturelles, il semble que les concentrations et les ratios en éléments nutritifs n’influencent pas de la même façon les différentes espèces de Pseudo-nitzschia et pourraient ainsi jouer un rôle clé sur la structuration des communautés de Pseudo-nitzschia. Ainsi, afin de mieux comprendre le développement des efflorescences de Pseudo-nitzschia, il est nécessaire de connaître les réponses physiologiques des différentes espèces selon la disponibilité en éléments nutritifs. Cela est d’autant plus vrai que toutes les espèces de Pseudo-nitzschia ne présentent pas le même « potentiel toxique » puisque les concentrations cellulaires en acide domoïque sont plus importantes chez certaines espèces (Lelong et al. 2012). La toxicité des efflorescences de Pseudo-nitzschia spp. peut donc dépendre de la composition spécifique de celles-ci (Thorel et al. 2017, Bowers et al. 2018). Ainsi, la variabilité interannuelle des évènements toxiques peut aussi être liée à des différences de diversité spécifique des Pseudo-nitzschia selon les années. Il apparaît donc important de connaître aussi l’influence des facteurs environnementaux sur la production de toxine des différentes espèces de Pseudo-nitzschia.

Influence des facteurs environnementaux sur la physiologie des espèces du genre Pseudo-nitzschia

Afin de mieux comprendre le déterminisme environnemental des efflorescences de Pseudo-nitzschia et de leur toxicité, de nombreuses études se sont intéressées à l’effet de différents paramètres tels que température, lumière et éléments nutritifs sur la croissance et la production d’acide domoïque chez différentes espèces de Pseudo-nitzschia.

Température et intensité lumineuse

L’influence de la température sur la croissance des espèces de Pseudo-nitzschia est assez bien connue et est typique de l’influence de ce paramètre sur la physiologie des microalgues avec une gamme de température favorable à la croissance et une température optimale de croissance (El-Sabaawi et Harrison 2006, Claquin et al. 2008, Santiago-Morales et García-Mendoza 2011).
Des études réalisées en laboratoire sur différentes espèces de Pseudo-nitzschia ont montré que les températures optimales de croissance varient en fonction des espèces avec 4°C pour P. seriata isolée en Arctique (Hansen et al. 2011), 14 – 15°C pour P. granii isolée dans le Nord-Est du Pacifique (El-Sabaawi et Harrison 2006) ainsi que pour P. australis provenant du golfe du Mexique (Santiago-Morales et García-Mendoza 2011) et entre 20°C et 25°C pour P. multiseries isolée sur la côte ouest du Canada (Lewis et al. 1993). Des études réalisées en laboratoire sur deux espèces de Pseudo-nitzschia provenant de la Baie de Seine ont confirmé le caractère spécifique de la température optimale de croissance chez les Pseudo-nitzschia puisqu’elle est de 17°C pour P. australis et de 21°C pour P. pungens. De plus, ces études ont montré que la gamme de températures favorables à la croissance était plus étroite chez P. australis (5 – 21°C) par rapport à P. pungens (5 – 28°C) (Thorel 2014, Thorel et al. 2014). L’influence de la température sur la production d’acide domoïque varie également en fonction des espèces étudiées. En effet, en laboratoire, P. multiseries et P. australis ont montré une diminution de la concentration cellulaire en acide domoïque avec la diminution des températures (Lewis et al. 1993, Santiago-Morales et García-Mendoza 2011). En revanche, pour P. seriata, le contenu cellulaire en acide domoïque est plus élevé à 4°C par rapport à 15°C (Lundholm et al. 1994). Ces différences d’optimum de température favorable à la production d’acide domoïque sont aussi attribuables aux adaptations des espèces à leur environnement d’origine (e.g. eaux froides pour les souches de P. seriata isolées dans les eaux du Danemark) (Bates 1998). Quant aux espèces de Pseudo-nitzschia présentes en Baie de Seine, le contenu cellulaire en acide domoïque pour P. australis augmente avec la température entre 5°C et 18°C (Thorel et al. 2014).
L’influence de l’intensité lumineuse sur la croissance est assez homogène chez les espèces de Pseudo-nitzschia et ne présente pas de caractère spécifique puisque l’intensité lumineuse optimale de croissance se situe autour de 100 µmol photons.m-2.s-1 pour de nombreuses espèces (Lelong et al. 2012). En effet, l’intensité lumineuse optimale est de 100 µmol photons.m-2.s-1 pour P. australis provenant d’Irlande (Cusack et al. 2002) ainsi que pour P. multiseries (Bates et al. 1998) et est de 150 µmol photons.m-2.s-1 pour P. granii isolée dans le Nord-Est du Pacifique (El-Sabaawi et Harrison 2006). En laboratoire, sur des souches de P. australis et P. pungens isolées en Baie de Seine, les résultats obtenus confirment cet optimum de 100 µmol photons.m-2.s-1 (Thorel 2014, Thorel et al. 2014). A noter que l’intensité lumineuse influence également la toxicité cellulaire des différentes espèces de Pseudo-nitzschia avec une augmentation du contenu cellulaire en acide domoïque avec l’augmentation des intensités lumineuses (Bates et al. 1998, Cusack et al. 2002, Thorel et al. 2014).
L’influence de la température et de l’intensité lumineuse sur la croissance et la toxicité des espèces du genre Pseudo-nitzschia est donc assez bien connue, y compris chez les espèces se développant en Baie de Seine.

Capacités d’absorption des éléments nutritifs chez Pseudo-nitzschia spp.

La disponibilité en éléments nutritifs joue un rôle important dans le développement des espèces phytoplanctoniques et la compétition interspécifique (Grover 1991, Yamamoto et Hatta 2004, Fouillaron et al. 2007). Dans les milieux aquatiques, la production primaire est limitée par l’azote, le fer ou dans certains cas par le phosphore (Geider et al. 2001) et pour les diatomées, par le silicium (Martin-Jézéquel et al. 2000). De nombreuses études ont montré le rôle de l’azote et du phosphore dans le développement et la compétition spécifique des espèces phytoplanctoniques (Gotham et Rhee, 1981, Grover, 1989, Klausmeier et al. 2004). De plus, Eppley et al. (1969) et Nelson et Brzezinski (1990) ont suggéré que les différences interspécifiques des paramètres d’absorption des éléments nutritifs peuvent expliquer les possibles mécanismes de successions saisonnières, de dominance et de co-existence des espèces phytoplanctoniques. Etant donné l’ensemble des études qui suggèrent un lien entre les concentrations ou ratios en éléments nutritifs et le développement des efflorescences de Pseudo-nitzschia, mais aussi les changements de composition spécifique et les successions spécifiques dans les communautés de Pseudo-nitzschia, il semble important de mieux connaître les paramètres de cinétiques d’absorption des principaux éléments nutritifs (N, P et Si) pour chacune des espèces de Pseudo-nitzschia.

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Table des matières

Introduction générale
1. Les diatomées
1.1. Origine et découverte des diatomées
1.2. Morphologie des diatomées et structure du frustule
1.3. Habitats des diatomées
1.4. Classification des diatomées
1.5. Cycle de vie particulier des diatomées
2. Les diatomées du genre Pseudo-nitzschia
2.1. Présentation du genre Pseudo-nitzschia
2.1.1. Classification et identification des espèces
2.1.2. Cycle de vie de Pseudo-nitzschia spp.
2.2. Les efflorescences de Pseudo-nitzschia
2.2.1. Biogéographie des espèces de Pseudo-nitzschia et toxicité des efflorescences
2.2.2. Phénologie et contrôle environnemental des efflorescences des espèces de Pseudonitzschia
2.2.3. Influence des facteurs environnementaux sur la physiologie des espèces du genre Pseudonitzschia
2.2.3.1. La température et l’intensité lumineuse
2.2.3.2. Capacités d’absorption des éléments nutritifs chez Pseudo-nitzschia spp.
2.2.3.3. Les éléments nutritifs et la production d’acide domoïque
2.2.4. Diversité intraspécifique chez les espèces de Pseudo-nitzschia et influence du cycle de
vie sur leur écophysiologie
3. Problématique et objectifs
Differential influence of life cycle on growth and toxin production of three Pseudo-nitzschia species (Bacillariophyceae)
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Strains
2.2. Experiment 1: Mating experiments
2.3. Experiment 2: Batch experiments
2.4. Statistics
3. Results
3.1. Life cycle characteristics
3.2. Growth rate: influence of strain age and cell size
3.3. The life cycle influences toxicity
4. Discussion
4.1. Cellular and dissolved domoic acid production in P. australis, P. pungens, and P. fraudulenta
4.2. Life cycle characteristics in relation to cell size and consequences on sexual reproduction in natural populations
4.3. Differential influence of life cycle stages and strain age on growth and DA production in
Pseudo-nitzschia species
5. Conclusion
Physiological conditions favorable to domoic acid production and accumulation in three Pseudonitzschia species
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Strains
2.2. Experimental protocol
2.3. Cell concentrations and growth rates
2.4. Chlorophyll a measurements
2.5. Dissolved inorganic nutrient analysis
2.6. Elemental analysis
2.7. Photosynthetic parameter analysis
2.8. Domoic acid
2.9. Statistical analyses
3. Results
3.1. Biomass dynamics, growth rates, and nutrient concentrations
3.2. Physiological parameters
3.2.1. Elemental ratios
3.2.2. Chlorophyll a cell content
3.2.3. Photosynthetic parameters
3.2.4. Domoic acid
4. Discussion
4.1. Differential physiological characteristics of the three Pseudo-nitzschia species
4.2. Dynamics of cellular cDA production and quotas in relation to the cell metabolism
4.3. Dynamics of extracellular dDA production and quotas in relation to the cell metabolism
5. Conclusion
Interspecific and intraspecific variability of the kinetics of nutrient uptake by four Pseudonitzschia species
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Organisms and culture conditions
2.2. Batch experiments
2.3. Uptake experiments
2.4. Data analysis
2.5. Statistical analysis
3. Results
3.1. Nitrate uptake rates and nitrogen quotas
3.2. Phosphate uptake rates and phosphorus quotas
3.3. Silicate uptake rates and Si quotas
4. Discussion
4.1. A two-component NO3 uptake system in the four Pseudo-nitzschia species studied
4.2. Characterization of the NO3, PO4, and Si(OH)4 uptake profiles of P. australis, P. delicatissima, P. fraudulenta, and P. pungens
4.3. Implications of Pseudo-nitzschia interspecific diversity in nutrient uptake capacities and elemental quotas for bloom development
5. Conclusion
Conclusion générale et perspectives
1. La diversité intraspécifique au sein du genre Pseudo-nitzschia
2. La diversité interspécifique au sein du genre Pseudo-nitzschia
3. Dynamique de la production de l’acide domoïque c

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