Biogeochimie et hydrodynamisme d’un estuaire macrotidal : fonctionnement et methodes d’etude

BIOGEOCHIMIE ET HYDRODYNAMISME D’UN ESTUAIRE MACROTIDAL : FONCTIONNEMENT ET METHODES D’ETUDE 

Fonctionnement d’un estuaire macrotidal

Définition des estuaires

Un estuaire est un milieu aquatique semi-fermé situé à l’interface entre le domaine continental et océanique où l’eau de mer se mélange avec l’eau douce dont le fonctionnement est influencé par l’hydrologie du bassin versant, le milieu marin et les activités anthropiques (Hobbie, 2000).

Plusieurs définitions ont été proposées pour le caractériser. Le premier à avoir défini un estuaire est Pritchard (1967) qui le décrit comme « une masse d’eau côtière semi-fermée qui possède une connexion avec la mer et dont l’eau est diluée de façon quantifiable par de l’eau douce issue du drainage du bassin versant ». Une seconde définition considère l’estuaire comme la zone impactée par la marée (Fairbridge, 1980). Plus récemment une définition plus globale a été proposée pour prendre en compte les caractéristiques de certains estuaires de l’hémisphère sud selon celle-ci un estuaire est «une masse d’eau côtière partiellement fermée qui est ouverte en permanence ou périodiquement à la mer et qui reçoit au moins un débit périodique d’un ou de plusieurs cours d’eau, et donc, bien que sa salinité soit généralement inférieure à celle de l’eau de mer naturelle et varie dans le temps et le long de sa longueur, elle peut devenir hypersaline dans les régions où la perte d’eau par évaporation est élevée et où les apports d’eau douce et de marée sont négligeables » (Potter et al., 2010). Une représentation schématique d’un estuaire est présentée par Pritchard (1967) et reprise par (Dalrymple et al., 1992) qui ajoute des processus physiques et géomorphologiques .

Les zones côtières sont importantes économiquement car elle concentrent 61% de la population mondiale (Alongi, 1998). Cela se traduit aussi par un impact important de l’Homme sur ce milieu avec des effets délétères sur le cycle biogéochimique et un enrichissement en nutriments qui peut conduire au phénomène d’eutrophisation (Howarth et al., 2000, 2002).

Processus hydrodynamiques en estuaire macrotidal 

La marée

La marée est un phénomène astronomique résultant de la force centrifuge liée à la rotation de la Terre et des forces gravitationnelles exercées par la Lune et le Soleil sur la Terre. En fonction de la position des trois astres les uns par rapport aux autres l’intensité de la marée varie. Ces variations entrainent différents cycles au cours du temps pour une marée semi-diurne (Deloffre, 2005a) : (1) le cycle diurne ou semi-diurne, (2) le cycle de vives eaux/mortes eaux qui est lié à la rotation de la Lune autour de la Terre, (3) le cycle de solstice/équinoxe qui a lieu lorsque la Terre est au plus loin ou au plus proche du Soleil. On retrouve deux vives-eaux séparées par une morte-eau mise en relation avec les phases de la Lune. En arrivant dans l’estuaire l’onde de marée est déformée du fait de trois phénomènes physiques (Allen et al., 1980) : (1) au contact du sédiment l’onde perd de l’énergie par frottement ce qui entraine une diminution de l’amplitude de l’onde (Deloffre, 2005a), (2) en diminuant la hauteur d’eau entraine l’apparition d’un profil asymétrique de l’onde de marée (Jay et Musiak, 1996; Wang et al., 2002), (3) le passage de l’onde dans les sections rétrécies peut au contraire induire une augmentation de la hauteur d’eau du fait de la concentration de l’énergie ondulatoire (Dingemans, 1994). L’onde est aussi modifiée par la rencontre des eaux douces provenant de l’amont et le courant de jusant de la marée précédente.

La propagation de l’onde a un impact sur la vitesse du courant de marée : la vitesse du flot est plus rapide que celle du jusant. Cette différence de vitesse a des répercussions sur la dynamique sédimentaire de l’estuaire (Guézennec et al., 1999; Lanzoni et Seminara, 2002).

Les courants et les débits d’un estuaire macrotidal 

Le déplacement de la marée à l’intérieur de l’estuaire induit un déplacement des masses d’eau, ceci représente un volume de plusieurs centaines de millions de m3 qui entrent et sortent annuellement de l’estuaire sous l’action de la marée (Le Hir et al., 2001). Ce volume d’eau déplacé génère des courants qui sont alternativement dirigés vers l’amont au moment du flot et vers l’aval au moment du jusant. Ces inversions de courant ont aussi une incidence sur le gradient de salinité : ils entrainent une variation importante de ce paramètre dans l’estuaire.

La vitesse du courant est aussi fonction du débit du fleuve. Il varie au cours de l’année : les faibles débits ont lieu lors des mois d’été et d’automne qui correspondent à la période d’étiage, les forts débits ont lieu lors des mois d’hiver et de printemps qui correspondent à la période de crue (Woodruff et al., 2001).

Le vent et la houle à l’embouchure d’un estuaire macrotidal

Le vent en déplaçant les masses d’eau provoque une surcote. La localisation de la surcote dépend du sens du vent : si le vent se déplace vers la côte la surcote se situe au niveau de l’embouchure, si le vent se déplace vers le large la surcote se situe en mer. Dans une étude ARTELIA et GIP SeineAval, (2013) une simulation de vent a été faite : une vitesse de 17 m/s à l’intérieur de l’estuaire peut induire une surcote de 50 cm à 125 kilomètres de l’embouchure.

En générant de la houle, le vent a aussi un effet sur la remise en suspension des particules (Ryan et Cooper, 1998). Les vagues pénétrant l’embouchure d’un fleuve sont le plus souvent générées au large (Lemoine et Verney, 2015). Elles se propagent dans l’estuaire et perdent l’énergie par frottement avec la faible hauteur d’eau : une vague de 1 m générée au large est donc dissipée en arrivant au niveau de l’embouchure. La marée a aussi un effet sur la houle, lors du jusant la houle est amplifiée par réfraction, ce phénomène entre en concurrence avec le phénomène de dissipation par frottement sur le fond (Guillou et Chapalain, 2012).

Bilan des processus hydrodynamiques d’un estuaire macrotidal

Les processus hydrodynamiques sont différents en fonction de la position au sein de l’estuaire . La partie amont est dominée par le débit du fleuve. En se déplaçant d’amont en aval l’intensité de l’énergie des courants de marée augmente. À l’embouchure les phénomènes de houle apparaissent et augmentent vers le large. L’embouchure est aussi le lieu où les courants de marée sont les plus forts et où la contribution du fleuve diminue progressivement. Entre la zone amont et aval se situe une zone mixte qui possède une énergie totale plus faible. Les contributions relatives des différents processus varient de façon saisonnière. La conséquence la plus visible est le déplacement du bouchon vaseux au sein de l’estuaire (Allen et al., 1980; Thorn, 1987). Aux phénomènes cités au-dessus s’ajoute le batillage qui remet en suspension les particules sédimentées lors du passage des bateaux sur le fleuve (Deloffre et al., 2007).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I BIOGEOCHIMIE ET HYDRODYNAMISME D’UN ESTUAIRE MACROTIDAL : FONCTIONNEMENT ET METHODES D’ETUDE
1) Fonctionnement d’un estuaire macrotidal
a) Définition des estuaires
b) Processus hydrodynamiques en estuaire macrotidal
i) La marée
ii) Les courants et les débits d’un estuaire macrotidal
iii) Le vent et la houle à l’embouchure d’un estuaire macrotidal
iv) Bilan des processus hydrodynamiques d’un estuaire macrotidal
c) Fonctionnement hydro-sédimentaire d’un estuaire macrotidal
i) Caractéristiques des sédiments
ii) Mode d’érosion-dépôt des sédiments
d) Fonctionnement hydro-sédimentaire des vasières intertidales
e) Impact du cycle de marée sur le processus d’érosion-dépôt au sein des vasières intertidales
f) Biogéochimie et flux de nutriments à l’interface eau-sédiment des vasières intertidales
i) Généralités
ii) Dynamique de l’ammonium à l’interface eau-sédiment
iii) Dynamique des phosphates à l’interface eau-sédiment
g) Variations spatio-temporelles des processus biogéochimiques et hydrodynamiques
2) Les méthodes de modélisation et d’échantillonnage de l’interface eau-sédiment
a) Utilisation de la température comme un traceur d’advection au sein du sédiment
i) Développement de la méthode
ii) Dynamique du transfert de la chaleur dans un sédiment
iii) Méthode d’analyse du signal température pour le calcul de l’advection dans le sédiment
b) Méthodes d’échantillonnage de l’interface eau-sédiment
i) Les dialyseurs 1D et 2D
i) Les DET
ii) Les cloches benthiques
iii) Le carottage et la centrifugation
CHAPITRE II MATERIELS ET METHODES
1) Sites d’étude
a) Localisation géographique
b) La vasière d’embouchure (VE)
c) La vasière fluviatile intertidale (VFI)
2) Méthodes d’étude des vasières intertidales
a) Méthode des dialyseurs
i) Le dialyseur 1D
ii) Le dialyseur 2D
iii) Mise en œuvre du dialyseur
b) Méthode des DET (Diffusive Equilibration in Thin-films)
i) Préparation des gels
ii) Montage des gels
iii) Implantation et retrait des DET
iv) Préparation des réactifs colorimétriques et révélation
v) Méthode de calibration
c) Méthodes de caractérisation des sédiments et paramètres associés
i) Echantillonnage du sédiment par carottage
ii) Granulométrie laser
iii) Calcul de la porosité et de la masse volumique du sédiment
iv) Calcul de la perte en charge du sédiment : expérience du perméamètre en écoulement permanent
v) Mesure du pH et du potentiel redox
vi) Suivis de l’évolution de la température au sein du sédiment
d) Suivis altimétriques et hydrodynamiques des sédiments
i) Suivis topographiques
ii) Suivis de la vitesse du courant
iii) Suivis de la turbidité dans la colonne d’eau
e) Analyses chimiques des eaux interstitielles
i) Phosphate et ammonium
ii) Carbone organique dissous
3) Modèles numériques de diffusion et d’advection
a) Modèle de diffusion
i) Loi de diffusion de Fick
ii) Variation de ?? en fonction de la température
iii) Autres paramètres pris en compte dans le modèle
b) Utilisation de la chaleur comme un traceur d’écoulement
i) Théorie du transport thermique convectif et diffusif
ii) Le modèle 1DTempPro
iii) Le modèle VFLUX
CHAPITRE III ETUDE DE L’HETEROGENEITE SPATIALE ET TEMPORELLE DU SEDIMENT SUR DEUX VASIERES INTERTIDALES : APPROCHE EXPERIMENTALE
1) Analyse de carottes sédimentaires prélevées sur chacune des vasières
a) Vasière d’embouchure
b) Vasière fluviatile intertidale
2) Paramètres physiques et hydrodynamiques
a) Variation de la température en lien avec le cycle diurne et la marée
b) Dynamique de marée et niveaux topographiques associés
c) Variation temporelle de la turbidité de la colonne d’eau au-dessus des deux vasières
d) Conclusion : fonctionnement hydrodynamique des deux vasières étudiées
3) Analyse biogéochimique des sédiments sur les deux sites d’étude
a) Evolution de la concentration dans l’eau interstitielle en fonction de la profondeur (D1D et DET)
i) Dialyseurs 1D
ii) Variation spatiale des concentrations en phosphate et en fer obtenues avec les DET
b) Interprétation des résultats
c) Comparaison de plusieurs méthodes d’échantillonnage de l’interface eau-sédiment
Conclusion du chapitre III
CHAPITRE IV INFLUENCE DES PARAMETRES PHYSIQUES SUR LA DIFFUSION DES NUTRIMENTS A L’INTERFACE EAU-SEDIMENT
1) Rôle du cycle diurne de la température sur la dynamique des flux de diffusion des nutriments
a) Comportement diffusif de l’ammonium au sein du sédiment
b) Comportement diffusif du phosphate au sein du sédiment
c) Flux journaliers associés au phénomène de diffusion
d) Interprétation des résultats
2) Relation entre la diffusion et les paramètres du sédiment dans l’équilibration d’un échantillonneur passif
Conclusion du chapitre IV
CONCLUSION

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