Miniaturisation des DMIs
Parmi les différents challenges concernant l’avancement des DMIas, la miniaturisation est un enjeu de taille. A titre indicatif, la première pompe à insuline développée par Arnold Kadish [9] avait un volume tellement imposant que le patient devait transporter la pompe sur le dos du patient (figure 3a) [9]. L’optimisation de la miniaturisation a permis la fabrication des dispositifs plus récents comme les pompes commercialisées par Medtronic (figure 3b) dont le volume, le poids, la précision du volume injecté et les performances ont été considérablement optimisés grâce à un système de monitoring externe qui contrôle et rectifie le volume d’insuline injecté en temps réel [10]. Parmi les différents DMIas existant, les organes artificiels sont des exemples qui démontrent clairement la nécessité de miniaturiser les DMIs. Parmi ces organes artificiels nous pouvons citer l’exemple des dispositifs d’assistance-ventriculaire implantable. Ces dispositifs ont pour but de simuler le mécanisme biologique du cœur par une action mécanique monitorée. Ces dispositifs sont généralement réservés aux patients en attente de transplantation ou souffrant d’insuffisance cardiaque en phase terminale. La première réussite d’implantation humaine d’un support mécanique circulatoire fut implanté vers 1960 chez une femme de 37 ans souffrant d’insuffisance cardiaque, cet appareil accompagnait le cœur biologique dans son fonctionnement via un système de pompe placé au ventricule gauche [11]. Il existe plusieurs types de dispositifs permettant l’assistance circulatoire, leur différenciation est faite selon l’assistance portée au cœur biologique, elle peut être partielle : dispositif d’assistance ventriculaire (VAD, en anglais Ventricular Assist Device), ou totale : cœur totalement artificiel (TAH, en anglais Totaly Artificial Heart). La compagnie Thoratec, qui fait maintenant partie du groupe St. Jude Medical, a récemment développé et commercialisé un système LVAD (HeartMate III) permettant l’assistance du ventricule gauche via un système de pompe par lévitation magnétique (figure 4) [12], [13]. Le flux est régulé via un moniteur externe le tout alimenté par deux batteries lithium-ion externes de 14 V. Notons que pour ces exemples d’organes artificiels une des étapes qui limite la miniaturisation des DMIs est le stockage énergétique. Si en effet la recherche a permis de nombreuses optimisations sur les DMIs, par exemple en substituant des composants en acier, titane ou autres métaux par des matériaux organiques (e.g. PTFE, PDMS, PP…), les récents progrès ne permettent pas une nette diminution des densités volumiques et massiques des accumulateurs utilisés pour alimenter les différents DMIas.
Les différentes sources d’énergie électrique pour un DMIas
De nombreux types de dispositifs électrochimiques peuvent être imaginés pour assurer l’alimentation en énergie électrique des dispositifs implantés, toutefois, deux d’entre eux se distingue : les batteries et les piles à combustible. Les constituants du premier dispositif sont isolés du milieu biologique, ce qui permet de relâcher les contraintes quant à la nature des matériaux utilisés, il « suffit » de s’assurer que l’enrobage du dispositif soit biocompatible. Dans le cas des piles à combustible il est nécessaire que les composants biologiques qui permettent les réactions redox puissent diffuser aux niveaux des électrodes. Les contraintes portant sur l’ensemble des matériaux mis en œuvre sont donc beaucoup plus importantes : ils doivent être fonctionnels et biocompatibles. Pour cette raison actuellement les batteries sont développées à grande échelle et assurent quasi exclusivement l’alimentation en énergie des dispositifs implantés. Il n’existe pas à ce jour de dispositifs de type « biopile à combustible » qui soient commercialisés et implantés. Dans une première partie les principaux types d’accumulateurs électrochimiques implantables seront présentés ainsi que leurs performances. Une seconde partie sera consacrée aux biopiles implantables ainsi qu’aux différentes réactions chimiques mises en jeu et les catalyseurs existants et nécessaires afin d’optimiser ces réactions.
L’énergie chimique
Le corps humain renferme de nombreuses molécules qui peuvent subir des transformations électrochimiques changeant l’énergie chimique en énergie électrique. Les collecteurs biochimiques, tels que les piles à combustible, sont des dispositifs capables d’induire cette transformation électrochimique et de transférer l’énergie électrique à des DMIas. Ces collecteurs sont prometteurs car l’équivalent de 100 W sont contenus sous forme chimique dans notre corps [35]. La différence entre les piles à biocombustible et les batteries classiques est que dans les Bfc, la concentration des réactifs est continuellement fournie par les fluides corporels. La présence et la disponibilité constantes du combustible à partir du corps, rendent inutiles les mécanismes de recharge ou de remplacement externes et offrent une capacité théorique de fonctionnement indéfini, tant qu’il existe un approvisionnement constant en combustible [36]. Par exemple, le glucose est le combustible le plus couramment utilisé pour les Bfc en raison de sa disponibilité dans la plupart des fluides corporels.
Les Biopiles enzymatiques ou hybrides
Les biopiles enzymatiques sont des piles à combustible utilisant des enzymes de type oxydo réductase pour catalyser les réactions aux électrodes. La première biopile enzymatique a été développé en 1964 par Yahiro et al. [41], qui développèrent trois biopiles utilisant la glucose oxydase, la D-aminoacide oxydase et l’alcool déshydrogénase afin de développer trois anodes chacune d’elles combinée à une cathode de platine. Toutefois, les densités de courant et de puissance ainsi que la stabilité dans le temps qu’ils obtinrent étaient trop faibles, et le développement des biopiles enzymatiques fut délaissé. Dans les années 1980, plusieurs travaux donnent un regain d’intérêt des Bfc enzymatiques grâce au développement du génie génétique et de la purification des enzymes [42], mais là encore, les bioélectrodes développées fournissaient de faibles stabilités dans le temps et de faibles puissances. Puis dans les années 2000 l’avancement de l’ingénierie enzymatique couplée à la découverte des laccases permit un réel regain. En plus d’avoir une cinétique élevée, leur sélectivité pour un substrat ou une famille de substrat permet aux biopiles enzymatiques de s’affranchir de membrane séparatrice utilisée généralement dans les piles à combustible. Pour les applications implantables, de nombreux catalyseurs enzymatiques présentent l’avantage d’être capables de fonctionner dans les conditions physiologiques.
Biopiles abiotiques in vitro
Historiquement le concept d’une pile à combustible utilisant des catalyseurs abiotiques afin d’oxyder le glucose remonte avec les travaux publiés par Bockris qui étudia, en 1964, l’oxydation anodique de la cellulose et de glucides [58]. Un brevet déposé par Union Carbide décrit également une pile à combustible utilisant des combustibles organiques solides avec notamment l’oxydation du glucose en milieu alcalin [59]. On peut également citer les travaux de Warner et Robinson [60] qui ont développé une biopile abiotique capable de produire de l’électricité à partir de fluide corporel. Leur prototype était capable de fournir des performances de 165 µW.cm-2 pendant 24h et pouvait fonctionner en continu sur près de 250 h. Avec ce dispositif Warner et Robinson visait l’alimentation du pacemaker, qui venait alors d’être développé, via une implantation de leur biopile, toutefois, ils se confrontèrent très rapidement à des phénomènes de désinhibition et de biofouling de leur biopile en présence de liquide pleural. En parallèle, Wolson et al. ont développé une biopile abiotique qu’ils qualifièrent de « bioauto-pile combustible » [61]. Cette biopile était composée de deux électrodes de platine séparées l’une de l’autre dans des béchers reliés par un pont salin composé de chlorure de potassium. Les deux béchers contenaient une solution tamponnée à pH neutre de phosphate et bicarbonate. Dans l’un des béchers, où avait lieu la réaction d’oxydation du glucose (avec 5 mM de glucose), barbotait de l’azote afin d’empêcher la réaction parasite de réduction de l’oxygène qui devait avoir lieu dans le deuxième bécher où était bullé de l’oxygène. Les performances de la biopile développée par Wolson et al. atteignirent 3,5 µW.cm-2 pour une durée maximale de 18h, toutefois, leur dispositif ne put être étudier dans des conditions physiologiques où glucose et oxygène sont présents tous les deux. Les années 1990 voient le développement des MEMS, microsystèmes électromécaniques, qui ont permis non seulement de réduire la taille des dispositifs électroniques complexes, en particulier implantés, mais également leur consommation électrique. Comme les DMIas nécessitent moins d’énergie, notamment les pacemakers, Woias et al. donnent, avec leurs travaux, un regain d’intérêt aux biopiles abiotiques [62]. Dans ce même temps, le développement de nouveaux nanomatériaux va également voir le jour et contribuer au regain d’intérêt des biopiles abiotiques et plus généralement aux piles à combustible. Grâce à cette diminution de la taille des catalyseurs, les chercheurs ont pu développer des électrodes plus performantes, grâce à une activité catalytique augmentée via des surfaces spécifiques plus importantes. Par exemple, Von Stetten et al. [63] ont déposé des particules de platine sur du carbone (figure 27) afin de développer une anode abiotique. Pour autant, la puissance délivrée par cette biopile reste faible (2 µW.cm-2) et sa stabilité est inférieure à quinze jours.
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1 : Etat de l’art
1 Les dispositifs médicaux implantables actifs
1.1 Définitions et classifications
1.2 Miniaturisation des DMIs
1.3 Matériaux d’enrobage et de composition des DMIs
1.4 Besoin énergétique des DMIas : exemple du pacemaker
2 Les différentes sources d’énergie électrique pour un DMIas
2.1 Principes et définitions des accumulateurs
2.2 Exemples de sources utilisées
2.3 Systèmes de récupération d’énergie du corps
2.3.1 L’énergie mécanique
2.3.2 L’énergie thermique
2.3.3 L’énergie chimique
2.4 Les Piles à combustible
2.4.1 Définitions
2.4.2 Les Biopiles à combustible
2.4.2.1 Les Biopiles enzymatiques ou hybrides
2.4.2.1.1 Exemples de biopiles à glucose (GBFC)
2.4.2.1.2 Exemples in vivo
2.4.2.2 Les Biopiles abiotiques
2.4.2.2.1 Biopiles abiotiques in vitro
2.4.2.2.2 Biopiles abiotiques in vivo
3 Conclusion et problématique
Chapitre 2 : Fabrication d’une biocathode abiotique pour la réduction de l’oxygène
1 Introduction
2 Choix des matériaux
2.1 Catalyseurs de la réaction de réduction de l’oxygène
2.1.1 Réaction de réduction de l’oxygène
2.1.2 Catalyseur de l’ORR avec support carboné
2.1.3 Dopage de support carboné
2.1.4 Catalyseur de type Me-N/C
2.2 Les liants
2.2.1 Le chitosan (Chi)
2.2.2 Le Polyvinyle alcool (PVA)
3 Catalyseur Abiotique
3.1 Synthèse
3.2 Caractérisations
3.2.1 Spectroscopie des rayons X
3.2.2 Électrochimie en électrode tournante
3.2.2.1 Impacte de la concentration d’oxygène
3.2.2.2 Impact de la température
3.2.2.3 Impact de la concentration en glucose
4 Fabrication d’une biocathode abiotique
4.1 Biocathode compressée
4.1.1 Fabrication
4.1.2 Caractérisation électrochimique
4.1.2.1 Biocathode compressée avec Chitosan
4.1.2.2 Biocathode compressée avec Chitosan-Génépine
4.1.2.3 Biocathode compressée avec PVA
4.1.2.4 Etude de la concentration de liant
4.1.2.5 Impact de l’homogénéisation
4.1.2.6 Stabilité dans le temps des électrodes compressées
4.1.2.6.1 Chitosan
4.1.2.6.2 Chitosan génépine
4.1.2.6.3 PVA
4.2 Biocathode lyophilisée
4.2.1 Fabrication
4.2.2 Caractérisation Electrochimique
4.3 Biocathode lyophilisée sur support conducteur
4.3.1 Fabrication
4.3.2 Caractérisation Electrochimique
5 Mesure BET
6 Conclusion
Chapitre 3 : Etudes biologiques de la biocathode et de ses composants
1 Introduction
2 Etude de la biocompatibilité d’un implant
3 Etude in vitro : Etude de cytocompatibilité
4 Culture cellulaire
4.1 Chitosan
4.2 Hydrogel de PVA
4.3 Catalyseur Fe/N-rGO
4.4 Cathodes : Chitosan-Fe/N-rGO et PVA-Fe/NrGO
5 Etude in vivo
5.1 Choix du lieu d’implantation
5.2 Implantation de Biocathodes compressées et lyophilisées autoportées
5.2.1 Design des électrodes
5.2.2 Stérilisation
5.2.3 Implantation
5.2.4 Euthanasie
5.3 Etude histologique
5.3.1 Electrode de Fe/N-rGO et chitosan compressée a (Fils vert)
5.3.2 Electrode de Fe/N-rGO et chitosan Compressée b (Fils orange)
5.3.3 Electrode de Fe/N-rGO et chitosan lyophilisée c (Fils blanc)
5.4 Mesures électrochimiques après implantation
6 Conclusion
Chapitre 4 : Utilisation de la biocathode en biopile
1 Introduction
2 Fabrication et caractérisation de bioanodes enzymatiques et abiotiques
2.1 Anodes Abiotiques
2.1.1 Culture cellulaire en présence de catalyseur abiotique
2.1.2 Fabrication des anodes abiotiques
2.1.3 Performances électrochimiques d’anodes abiotiques
2.1.3.1 Après fabrication
2.1.3.2 Après implantation
2.1.3.3 Conclusion sur les performances électrochimiques
2.2 Anode Enzymatique
2.2.1 Choix des matériaux
2.2.1.1 La Glucose oxydase (GOx)
2.2.1.2 La Glucose Déshydrogénase FAD dépendante (FAD-GDH)
2.2.1.3 Connexion de l’enzyme à l’électrode
2.2.1.4 Transfert d’électron de l’enzyme à l’électrode
2.2.1.5 Support conducteur de l’électrode : les nanotubes de carbone
2.2.2 Fabrication des anodes enzymatiques
2.2.3 Performances électrochimiques des anodes enzymatiques
2.2.3.1 FAD-GDH-Naphtoquinone-MWCNTs
2.2.3.2 GOx-Catalase-Naphtoquinone-MWCNT
2.2.4 Conclusion sur les performances électrochimiques
3 Fabrication et caractérisation de la biopile
3.1 Résultats in vitro
3.1.1 Biopile FAD-GDH-NQ-MwCNTs et Fe/N-rGO
3.1.2 Biopile GOx-Catalase-NQ-MwCNTs et Fe/N-rGO
3.2 Fabrication des biopiles implantables
3.3 Implantation
3.3.1 Zone d’implantation
3.3.2 Résultats préliminaires
3.3.2.1 Euthanasies anticipées
3.3.2.1.1 Résultats Biologiques
3.3.2.1.2 Résultats Électrochimiques
3.3.2.2 Euthanasies après 1 mois d’implantation
3.3.2.2.1 Résultats Biologiques
3.3.2.2.2 Résultats Électrochimiques
3.3.2.2.2.1 Biopiles GOx-Catalase-NQ-MWCNTs et Fe/N-rGO
3.3.2.2.2.2 Biopiles FAD-GDH-NQ-MWCNTs et Fe/N-rGO
3.3.2.3 Euthanasies après 3 mois d’implantations
3.3.2.3.1 Résultats Biologiques
3.3.2.3.2 Résultats Electrochimiques
4 Conclusion
Conclusion Générale et Perspectives
Annexes
Références
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