Définition d’un biocapteur
Un biocapteur est un outil ou système analytique conçu pour transformer une réponse biologique en un signal électrique [4]. Ce dispositif est basé sur l’accouplement spatial direct d’un composé biologiquement actif immobilisé, appelé « biorécepteur » ou « élément de reconnaissance biologique », avec un transducteur qui agit en tant que détecteur et un amplificateur électronique [5]. Le biocapteur emploie les systèmes biologiques à différents niveaux d’intégration pour identifier spécifiquement la substance à déterminer. La première étape de cette interaction est la formation d’un complexe spécifique de la substance active immobilisée avec l’analyte.
Les biocapteurs enzymatiques
Historiquement, les enzymes ont été les premières molécules de reconnaissance intégrées dans des biocapteurs et restent, de nos jours, les bases de la construction de nombreux biocapteurs pour des applications très variées. On peut considérer un biocapteur enzymatique comme la combinaison de tout type de transducteur avec une fine couche enzymatique destinée en général à mesurer la concentration d’un substrat. La réaction enzymatique assure la transformation du substrat en produit de réaction détectable par le transducteur [55-56]. La sensibilité et la sélectivité du biocapteur dépend de l’affinité du composant biologique pour le substrat mais également des propriétés physico-chimiques du transducteur [57]. Les étapes mise en jeu u cours du fonctionnement du capteur enzymatique sont :
a) Transport du substrat de la masse de la solution vers la couche enzymatique
b) Diffusion de substrat dans cette couche, accompagnée de la transformation enzymatique du substrat en produit de réaction.
c) Migration du produit vers le transducteur
L’application de la catalyse enzymatique aux processus chimique diminue l’utilisation des produits nocifs dans l’environnement et réduit ainsi le coût de traitement. Les enzymes offrent un avantage distinct dû à leur spécificité, la biodégradabilité et la limitation de la formation des sous-produits. Les biocapteurs enzymatiques présentent de multiples avantages tels que la possibilité de modifier leurs propriétés catalytiques ou la spécificité de leur substrat par ingénierie génétique ainsi que l’aptitude à amplifier la réponse du capteur en modulant l’activité de l’enzyme [58]. Néanmoins, il existe certaines limitations à l’emploi des enzymes en tant que biorécepteurs. En effet, des étapes préliminaires de production, de purification et de conservation sont nécessaires, engendrant ainsi des contraintes économiques conséquentes. De plus, la stabilité dans le temps des enzymes, leur besoin en cofacteurs ou coenzymes [30] de même que la fragilité des enzymes lorsqu’elles sont extraites de leur milieu naturel peut être à l’origine de certaines limitations. En outre, l’un des inconvénients majeurs réside dans leur manque de versatilité, essentiellement en ce qui concerne les biocapteurs à enzymes basés sur les phénomènes d’inhibition. Ces derniers détectent de manière très spécifique une catégorie de composés avec un degré de sensibilité fluctuant pour chacun d’entre eux. Le nombre limité de substrats spécifiques à chaque enzyme ainsi que le phénomène de limitation par le substrat peuvent s’avérer dans certains cas fortement désavantageux [58]. De nombreux progrès ont pu être réalisés afin de remédier à ces contraintes. En effet des modifications génétiques ont été réalisées au niveau des microorganismes sécréteurs de certaines enzymes pour améliorer la sensibilité des essais ainsi que la stabilité et le temps de demi-vie de ces enzymes. De même, des interfaces et des médiateurs électrochimiques performants ont été développés [58].
Influence de la concentration d’enzyme
La réaction d’équilibre entre l’enzyme et son substrat est très rapide [59]. En effet, l’addition de quelques molécules d’enzymes à la réaction augmente la concentration du complexe enzymesubstrat (ES) et par conséquence la vitesse de la réaction. Pour des faibles concentrations en substrat, toutes les enzymes ne peuvent pas être liées. Par contre, cette condition ne sera satisfaite que pour des hautes concentrations ce qui augmente la vitesse de réaction le plus rapidement possible pour atteindre une valeur maximale Vmax. La variation de la vitesse de la réaction enzymatique en fonction de la concentration en substrat demeure linéaire pour de faibles concentrations jusqu’à ce qu’elle atteigne une valeur maximale pour les hautes concentrations. Alors, pour effectuer des mesures d’activité catalytique, il sera donc important de se placer en excès de substrat afin de pouvoir directement mesurer VM.
Les méthodes chimiques d’immobilisation
Liaison covalente : Cette technique est basée sur la réaction entre un groupement fonctionnel de l’enzyme et un groupement fonctionnel du support préalablement activé. Les groupements fonctionnels disponibles pour les enzymes ou les protéines proviennent des chaînes latérales des acides aminés, des groupements carboxyliques ou sulfhydriles et des transducteurs porteurs de groupement amine, époxy ou tosyle [68-69]. Une activation du support portant soit des groupements amines soit des groupements carboxyliques permet par exemple la formation de liaisons amides, respectivement, avec les fonctions carboxyliques ou amines de l’enzyme [68]. Néanmoins, l’exposition à des conditions chimiques agressives affecte la viabilité et l’activité cellulaire et peut entraîner la perte en enzymes intracellulaires [30].
La réticulation : La technique de réticulation ou de co-réticulation consiste à associer l’enzyme et une protéine de charge à l’aide d’un agent bi ou multifonctionnel pour former un réseau tridimensionnel. Le plus souvent, la protéine de charge est l’albumine du sérum bovin (BSA) [69], et l’agent réticulant est le glutaraldéhyde [57]. Cet agent bifonctionnel possède à ces extrémités deux groupements aldéhyde est utilisé afin d’assurer la liaison entre les enzymes ou les protéines membranaires au niveau des cellules entières. La réticulation des enzymes peut être réalisée directement au niveau du transducteur ou au niveau d’une membrane qui sera placée par la suite au niveau du transducteur [30]. Cette méthode est facile à mettre en œuvre, les membranes ainsi formées sur la surface solide sont insolubles dans l’eau assurant une fixation renforcée de l’élément biologique. Néanmoins, la constitution d’un réseau tridimensionnel peut limiter la diffusion de l’analyte et diminuer la cinétique enzymatique. De plus, la réaction chimique peut être à l’origine d’un changement de conformation de l’enzyme, provoquant une perte d’activité de la membrane co-réticulée [68]. Cas de la réticulation par glutaraldéhyde Le glutaraldéhyde (GA) est largement utilisé pour le développement de biocapteurs, il possède une place importante dans le classement des agents de réticulation du fait de sa fiabilité, son faible coût et sa facilité d’utilisation. C’est le réactif de choix dans les cas nécessitant une immobilisation rapide et sûre de protéine [69]. Il est principalement disponible commercialement sous forme acide en solution aqueuse de pH compris entre 3,0 et 4,0. Pour l’immobilisation des enzymes, GA est souvent employé sous sa forme liquide mélangé directement avec les biomolécules [70- 71- 72]. Toutefois, il est possible également d’utiliser ce réactif sous forme de vapeur saturée [73- 74]. Dans des études précédemment effectuées comparant différents modes d’immobilisation d’enzyme pour le développement de biocapteurs, ils ont montré que les vapeurs de GA conduisaient à de meilleurs résultats que la forme liquide [75- 76]. Ces résultats peuvent être attribués au fait que les conditions expérimentales sont plus douces en présence de vapeur (effet de dilution). Dans certains cas, la protéine immobilisée est plus active et/ou plus stable que la protéine libre, ou la même protéine immobilisée par n’importe quelle autre méthode. Ceci peut se produire parce que les liaisons multiples, présumées se produire avec le GA, empêchent le déploiement de la protéine. Alternativement, la nature polymérique du GA forme une longue chaîne, attachant la protéine à la matrice, qui permet une plus grande flexibilité pour les changements conformationnels de la protéine nécessaire à son activité [77]. De plus, l’utilisation d’une protéine inactive, telle que la BSA, avec l’enzyme et le GA (co-réticulation) permet, grâce à une meilleure répartition des masses des différentes protéines, une meilleure maîtrise de l’activité enzymatique sans altérer les propriétés mécaniques des membranes obtenues.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Etude bibliographique
I.1 Généralités
I.1.1 Historique
I.1.2 Définition d’un biocapteur
I.1.3 Caractéristiques analytiques de biocapteur
I.2. Classification des biocapteurs
I.2.1 Classification des biocapteurs par le mode de détection
I.2.1.1 Transduction électrochimique
I.2.2 Classification des biocapteurs selon la nature de biorécepteur
I.3 les enzymes
I.3.1 Structure générale
I.3.2 Le site actif
I.3.3 Les biocapteurs enzymatiques
I.3.4 Mécanisme réactionnel et cinétique enzymatique
I.3.5 Facteurs influençant l’activité enzymatique
I.3.6 Les différentes techniques d’immobilisation d’enzyme sur la surface du transducteur
I.4 la modification de la surface d’électrode par des monocouches auto assemblées et des sels de diazionium
I.4.1 Les monocouches auto assemblés (SAMs) ; modification chimique de la surface
I.4.2 Les sels de diazonium ; modification électrochimique de la surface
I.5 L’ajout des nanomatériaux pour le développement des biocapteurs
I.5.1 Intégration des nanoparticules dans les biocapteurs
I.5.2 L’utilisation des nanotubes de carbone
Références
Chapitre II : Développement des biocapteurs pour la détection des pesticides organophosphorés
Partie A : Développement d’un biocapteur enzymatique pour la détection des pesticides organophosphorés – vers une meilleure compréhension des paramètres clés influant les performances d’un biocapteur
II.1 Introduction
II.2 Matériel et méthodes
II.2.1 Réactifs
II.2.2 le transducteur
II.2.3 Préparation du biocapteur
II.2.4 Mésures conductimétriques
II.3 Résultats et discussions
II.3.1 Caractérisation électrochimique par la spectroscopie d’admittance
II.3.2 Optimisation des paramètres d’opération
II.3.2.1 Quantité de lipase
II.3.2.2 Influence du temps de réticulation sur la réponse du biocapteur
II.3.2. 3 Influence de pH du milieu
II.2.2.4 Influence de la concentration en tampon
II.3.3 les caractéristiques analytiques
II.3.3.1 Temps de réponse
II.3.3.2 Gammes linéaires et limite de détection
II.3.3.3 Reproductibilité et stabilité
II.3.3.5 Sélectivité
II.3.4 Application à des échantillons d’eau réels
II.4 Conclusion
Partie B : Développement d’un biocapteur impédimètrique à base des SAMs pour la détection du diazinon en milieux aqueux : Etude comparative entre la lipase de Candida Rugosa et la lipase du pancréas de porc
II.1 Introduction
II.2 Matériels et méthodes
II.2.1 Réactifs
II.2.2 le transducteur
II.2.3 Mesures électrochimiques
II.2.4 Protocole de nettoyage
II.3 Préparation des biocapteurs
II.3.1 fonctionnalisation de l’électrode d’or
II.3.2 Immobilisation d’enzyme
II.4 Résultats et Discussions
II.4.1 Caractérisation impédimétrique
II.4.2 Réponse du biocapteur enzymatique
II.4.3 Linéarité, limite de détection
II.5 Conclusion
Références
Chapitre III : Développement d’un biocapteur impédimètrique pour la détermination de phospholipase A2
III.1. Introduction
III.2 Matériels et méthodes
III.2.1 Réactifs
III.2.2 le transducteur
III.2.3 Nettoyage de l’électrode
III.2.4 Elaboration des biocapteurs
III.2.4 Mesures électrochimiques
III.3 Résultats et discussion
III.3.1 Caractérisation par la voltammètrie cyclique
III.3.2 Caractérisation par la spectroscopie d’impédance électrochimique
III.3.2 Influence de la quantité d’enzyme fixée sur la réponse des biocapteurs
III.3.3 Caractéristiques analytiques
III.3.3.1 Linéarité, limite de détection
III.3.3.2 Injection de Cobra Naja mossambica mossambica
III.4 Conclusion
Références
Chapitre IV : Développement d’un biocapteur électrochimique pour la détection de Bisphénol A
IV.I Introduction
IV.2 Matériels et méthodes
IV.2.1 Réactifs
IV.2.2 le transducteur
IV.2.3 Mesures électrochimique
IV.2.4 Caractérisation de surface par la microscopie à force atomique (AFM)
IV.2.5 Préparation de biocapteur
IV.2.5.1 Nettoyage de l’électrode BDD
IV.2.6.2 Fonctionnalisation du la surface de BDD par la génération in situ du sel diazonium
IV.3 Résultats et Discussions
IV.3.1 Réduction électrochimique du sel de diazonium
IV.3.2 Caractérisation électrochimique
IV.3.2.1 Caractérisation par la voltammétrie cyclique
IV.3.2.2 Caractérisation impédimètrique
IV.3.2.3 Caractérisation par microscopie à force atomique
IV.3.3 Caractéristiques analytiques
IV.3.3.1 Gamme de linéarité, limite de détection et reproductibilité
IV.3.3.2 Sélectivité et stabilité
IV.3.4 Détermination du Bisphénol A dans des échantillons d’eaux dopés
IV. 4 Conclusion
Références
Conclusion générale et perspectives
Annexe
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