Les urgences pédiatriques se définissent comme étant l’ensemble des états morbides menaçant la vie de l’enfant dans une échéance plus ou moins brève. Elles nécessitent de ce fait une prise en charge rapide et adéquate pour éviter l’évolution vers le décès. Au sein d’un hôpital pédiatrique, la prise en charge des urgences relève en général de deux principaux services : le Service d’accueil des urgences pédiatriques et le service de réanimation pédiatrique. Le SAU est chargé de l’accueil et de la stabilisation de tous les cas d’urgence qui arrivent dans l’hôpital alors que le service de réanimation est l’unité d’hospitalisation où se fait la prise en charge des urgences vitales avec défaillances viscérales aiguës mettant en jeu ou susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital à court terme. Dans les pays développés, la prise en charge des urgences pédiatriques autour de ces deux services (SAU et réanimation pédiatrique) est très bien organisée depuis les années 60. La réanimation pédiatrique est ainsi devenue une spécialité à part qui a connu un essor considérable, grâce à la création de diplômes spécifiques et la mise en place de pôle de soins de réanimation pédiatrique dans toutes les grandes villes universitaires. La situation est beaucoup plus préoccupante en Afrique Subsaharienne et dans les pays en voie de développement. La prise en charge des urgences pédiatriques fait face à de nombreux défis concernant les ressources humaines, les infrastructures et la logistique. Ainsi, dans la plupart des structures hospitalières, la prise en charge des urgences pédiatriques ne s’est pas encore individualisée. Il n’existe en général pas de SAU pédiatrique encore de service de réanimation dédié. Au Sénégal, la situation est identique. Seuls les deux hôpitaux pédiatriques de Diamniadio et du CHNEAR disposent de SAU pédiatriques. Jusque récemment, il n’existait aucun service de réanimation pédiatrique digne de ce nom. Cette situation est à l’origine de difficultés de prise en charge considérables, ce qui engendre une mortalité infanto-juvénile très élevée. Au Sénégal c’est dans ce contexte que le CHNEAR de Dakar, avec l’aide de la direction de l’hôpital et profitant d’un projet de financement de la banque mondiale, a décidé d’ériger le premier service de réanimation polyvalente avec un secteur néonatologie et un secteur pédiatrique (au-delà de la période néonatale). Le secteur de réanimation pédiatrique a débuté ses activités en octobre 2019.
DISCUSSION
Caractéristiques épidémiologiques et sociodémographiques
Notre étude rétro et prospective qui s’est déroulée d’octobre 2019 à juin 2020 après 3 trimestres d’activités au niveau de l’unité de réanimation pédiatrique du CHNEAR, a enregistré 131 cas de malades hospitalisés 2660 enfants hospitalisés en pédiatrie soit une fréquence de 6% des hospitalisations globales. Les tranches d’âge de 3 mois à 1an et de 3 à 5ans représentaient respectivement 39 % et 10% de notre échantillon. Les enfants âgés de moins de 5ans représentaient 56,4% de l’effectif. Cette prédominance des enfants de moins de 5 ans est retrouvée dans les études de ABDOU R.O et coll [74] ; MOYEN G. et coll. [32] ; DAFFE H. [72] et de COULIBALY [11]. Elle s’explique par la vulnérabité des enfants à cet âge qui représente d’ailleurs la cible de nombreux programmes de survie de l’enfant tels que la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant. Nous n’avons pas noté de différence selon le sexe, avec un sex-ratio de 1,04 ; dans d’autres études une prédominance masculine était retrouvée [11,74].
La profession et le mode de vie des parents peuvent avoir un impact sur le risque morbimortalité infantile. Dans notre série, les pères ouvriers étaient les plus représentés (52%), suivis des commerçants (21%). Les mères ménagères étaient plus nombreuses (76%). Ces résultats sont comparables à ceux de COULIBALY A [11] qui trouvait 35,1% de pères ouvriers et 77,2% de mères ménagères.
Circuit du patient
L’unité de réanimation est la première à être mise en place et à être fonctionnelle au Sénégal, voire dans la sous-région. De ce fait, les patients avaient des provenances très diverses. Le SAU constituait la principale provenance, ce qui est normal vu l’organisation récente du circuit patient au sein de l’hôpital avec la création des nouveaux services. D’autres enfants étaient transférés à partir des pavillons d’hospitalisation de pédiatrie ou de chirurgie, lorsque leur état clinique se dégradait en cours d’hospitalisation. Cependant il arrive souvent que la réanimation pédiatrique admette directement des enfants venus de l’extérieur, en général des autres structures de pédiatrie de Dakar et des autres régions du Sénégal. Ces malades représentaient 16% des cas admis. L’étude de Gregory CJ et al avait montré que la prise en charge en réanimation pédiatrique des patients référés d’un autre hôpital était plus lourde et plus spécifique, et que leur état à l’admission était plus grave que celui des patients admis du même hôpital [25]. Dans notre étude, nous n’avons pas pu faire cette analyse.
Concernant le délai d’admission, entre l’arrivée dans notre structure et le transfert en réanimation, il était supérieur à 24 heures dans de 50% des cas. Ce délai est lié à plusieurs facteurs : défaut de place en réanimation (car capacité limitée de 5 lits), mauvaise appréciation de la gravité des patients source de retard de la prise en charge…
Données diagnostiques
A l’admission, un mauvais état général était constaté chez tous les patients. Les principaux syndromes cliniques étaient la détresse respiratoire (63,3%), l’hyperthermie (62,6%), les états de choc septique (45,8%), l’insuffisance cardiaque (19,8%). Ces mêmes syndromes avaient été retrouvés dans d’autres études, dont celle d’El Halal MG et al [15], dans laquelle la détresse respiratoire représentait 43,9% des cas. Sur le plan étiologique, les causes les plus fréquentes de ces différents syndromes étaient dominées par les infections.
En effet, le sepsis sévère représentait 13%, il s’agissait également d’un diagnostic courant dans le travail de Siddiqui NU et al où il constituait le principal diagnostic à l’admission en réanimation [16]. La méningite compliquée (11%) représentait la 2e cause infectieuse de notre étude. Elle était la troisième cause des urgences selon COULIBALY B [44] et DAFFE H. [72], la deuxième cause des urgences neurologiques selon G. MOYEN et coll. [73] et de 1,80% des urgences neurologiques selon ATANDA et all. [75]. Les infections broncho pulmonaires (pneumonies, pleurésies…) représentaient 10% des diagnostics, son taux était de 7,33% dans le travail de COULIBALY B [77]. Les pleuro-pneumopathies constituaient la 3ème cause des urgences selon l’étude de TRAORE A. et COULIBALY M.Z [76] Ces résultats témoignent de la prédominance des étiologies infectieuses aux urgences pédiatriques dans les pays en voie de développement. Les causes cardiaques sont dominées par les cardiopathies décompensées qu’elles soient congénitales ou rhumatismales étaient fréquentes et représentaient 15% des cas de notre étude. Ce pourcentage élevé est du fait que tous les cas de cardiopathie décompensée se retrouvent en réanimation de façon systématique. Et malgré l’ouverture de la chirurgie cardiaque pédiatrique, l’accès à la chirurgie reste difficile d’où la difficulté de maintenir ces enfants équilibrés seulement avec un traitement médical .
Prise en charge
L’unité de réanimation est dotée d’un plateau technique permettant de réaliser les gestes techniques classiques de réanimation chez l’enfant et un monitorage standard. Dans les autres services de réanimation, la ventilation mécanique est couramment utilisée en réanimation pédiatrique [67], même si elle a tendance à laisser de la place pour les techniques de ventilation non invasive.
Dans notre série, 42% des patients étaient intubés et sous ventilation mécanique pendant une durée moyenne de 5 jours. Cependant la réalisation de la ventilation mécanique est très difficile dans notre contexte, marqué par un ratio maladessoignant, ce qui impacte sur la surveillance et également par le risque élevé de complications infectieuses nosocomiales. Ainsi dans l’étude de Thukral A et al [68], 86,6% des patients étaient ventilés, avec un taux de mortalité qui était significativement associé à la ventilation mécanique. Cependant les patients ventilés sont les plus graves ce qui explique cette mortalité élevée.
Les catécholamines sont utilisées et le débat sur le meilleur traitement de l’insuffisance circulatoire est toujours vif [49]. La dopamine était, avec la noradrénaline, les médicaments de première intention dans les recommandations (tant pour l’enfant que pour l’adulte) de la campagne « survivre au sepsis » (2008) en cas de choc septique réfractaire au remplissage vasculaire, à associer à la dobutamine en cas de bas débit cardiaque [50]. Cependant, dans les recommandations de 2012, la noradrénaline était considérée comme la drogue de première intention en cas de choc septique, alors que l’utilisation de la dopamine n’était plus recommandée sauf dans des circonstances bien précises [53]. Dans notre série 42% des patients avaient été mis sous drogues vaso actives : noradrénaline (18,3%), dobutamine (27,5%) adrénaline (7,8%), dopamine (5,2%) Selon Debaveye YA et al [51], à cause de ses effets indésirables pouvant être à l’origine d’une insuffisance rénale chez les patients normo et hypovolémiques, la dopamine à faible dose n’a plus de place en réanimation, et même son utilisation accrue dans les états de choc doit être remise en question.
L’analgésie-sédation a une place centrale dans la prise en charge en réanimation pédiatrique. La connaissance des principaux agents hypnotiques et sédatifs est indispensable afin d’adapter au mieux l’analgésie-sédation à l’état du patient à sa pathologie ou au geste en cours. De plus, l’analgésie-sédation doit être en permanence évaluée grâce à l’implémentation de scores cliniques au sein des services de réanimation. Dans l’unité de réanimation, pour le moment aucun score n’est utilisé bien que la sédation-analgésie y soit pratiquée de façon très courante. En effet, la quasi-totalité des patients ont été mis sous antalgique (paracétamol 57,2%; fentanyl 25,9% ; tramadol 10,6% morphine 5,3%) et 35,8% sous hypnotiques (midazolam 34,3% et propofol 1,5%. L’adoption d’un score tel que l’échelle de COMFORT pourrait aider à mieux surveiller ces traitements. Le développement en cours de nouveaux agents hypnotiques, de nouveaux protocoles d’administration ou encore d’outils de monitorage paracliniques est en fait un sujet de recherche dynamique dans la communauté médicale [1,2].
Dans notre étude, 23,6% des patients ont été mises sous traitement anticonvulsivant. L’état de mal convulsif est une cause fréquente d’admission en réanimation pédiatrique. Dans la littérature, les indications sont les suivantes en réanimation pédiatrique : molécule de en première intention le lorazepam, le diazépam et le midazolam, en deuxième intention sur : La phénytoïne et le phénobarbital, et en troisième intention sur : le thiopental ou bien du clonazépam [64]. Le midazolam est un traitement efficace des états de mal convulsifs chez la population pédiatrique, avec une morbidité et une mortalité moindres par rapport aux autres médicaments anticonvulsivants [65, 66]. Dans notre série, les anticonvulsivants les plus utilisés sont le diazepam et le midzolam du fait de leur disponibilité dans le service.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. OBJECTIFS
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. Matériels et Méthode
2.1. Cadre d’étude
2.2. Méthodologie
2.2.1. Type et période de l’étude
2.2.2. Population de l’étude
2.3. Recueil des données
2.4. Saisie et analyse de données
3. RESULTATS
3.1. Données sociodémographiques et épidémiologiques
3.1.1. Fréquence
3.1.2. Répartition selon le sexe
3.1.3. Répartition selon les tranches d’âge
3.1.4. Répartition selon le niveau socio-économique
3.1.5. Profession des parents
3.2. Les antécédents
3.3. Le circuit des patients
3.3.1. Structure d’origine des patients
3.3.2. Délai entre arrivée à l’hopital et transfert en réanimation
3.4. Données cliniques
3.4.1. Constantes des patients à l’arrivée en réanimation
3.4.2. Syndromes cliniques à l’admission
3.5. Données paracliniques
3.5.1. Données biologiques
3.5.2. A l’imagerie
3.6. Diagnostic final retenu
3.7. Données thérapeutiques
3.7.1. Soins avant transfert en réanimation
3.7.2. Soins après transfert
3.8. Données évolutives
3.8.1. Durée de séjour en réanimation
3.8.2. Devenir des patients
3.8.3. Circuit post réanimation
3.8.4. Causes de décès
3.8.5. Durée de séjour des patients décédés
3.8.6. Impact de l’unité sur la mortalité de l’hôpital
3.9. Résultats analytiques
DEUXIEME PARTIE
1. DISCUSSION
1.1. Caractéristiques épidémiologiques et sociodémographiques
1.2. Circuit du patient
1.3. Données diagnostiques
1.4. Prise en charge
1.5. Évolution
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE