L’extubation est un temps essentiel à la fin d’une anesthésie générale. Cette manœuvre assure une transition entre une ventilation passive ou assistée par un ventilateur et un état dans lequel le patient retrouve son autonomie ventilatoire. A la différence de l’intubation trachéale, l’extubation est le moment de l’anesthésie qui semble délaissé dans la Littérature et les recommandations. En témoigne le faible nombre d’études scientifiques sur le sujet. Les différentes recommandations concernant la ventilation péri opératoire ont pour but la prévention des atélectasies . Elles sont basées sur des études physiologiques respiratoires . Ces principes physiologiques s’appliquent également lors de l’extubation. Le bénéfice d’une ventilation per opératoire optimale pourrait être conservé grâce à une extubation bien conduite et permettrait l’optimisation de la fonction respiratoire post opératoire des patients en salle de surveillance post interventionnelle (SSPI).
MATERIEL ET METHODES
Méthodes de sélection
Nous avons réalisé une étude prospective randomisée en deux groupes parallèles, en simple aveugle monocentrique concernant les patients de chirurgie bariatrique programmée de type BYPASS ou SLEEVE GASTRECTOMY par voie coelioscopique. La durée d’étude s’étend sur 12 mois entre janvier 2019 et le mai 2020. Finalement, 56 patients répondants aux critères suivants ont été inclus : patients majeurs, obèses (défini par un IMC>30), devant bénéficier d’une chirurgie bariatrique de type Sleeve ou Bypass par voie coelioscopique, score ASA<4, ayant signé un consentement éclairé.
Les critères de non-inclusion sont les suivants : patients mineurs, sous tutelle ou curatelle, femmes enceintes, ASA 4, antécédent de chirurgie pulmonaire ou d’emphysème pulmonaire majeur, contre-indication aux manœuvres de recrutement alvéolaire per opératoire, oxygénothérapie au long cours, absence de consentement. Les patients ayant nécessité des soins intensifs ou de la réanimation en post opératoire ont été exclus. Le recrutement a été réalisé de manière prospective au cours de la visite pré anesthésique, la veille de l’intervention en présence du patient, et la randomisation a été faite après l’induction anesthésique. Nous avons comparé un groupe témoin, dans lequel les patients étaient extubés avec une stratégie utilisée en routine par les équipes d’anesthésie, versus un groupe protocole dans lequel les patients étaient extubés selon la stratégie BIG .
Méthodes d’intervention :
Les patients inclus dans le groupe “BIG” ont été extubés selon le protocole standardisé décrit ci-dessous regroupant plusieurs soins courants :
– Vérification de la décurarisation complète au Train Of Four (TOF). Une antagonisation des curares a été réalisée selon les recommandations actuelles si le rapport T1/T4 était inférieur à 90% sur 4 réponses.
– Mise en mode ventilatoire « Ventilation spontanée avec aide inspiratoire (VSAI) » après exsufflation du pneumopéritoine en fin d’intervention chirurgicale, titration progressive de 2 cmH2O en 2 cmH20 de l’aide inspiratoire pour obtenir un volume courant cible à 8 mL/Kg de poids idéal théorique, avec un réglage de fraction inspirée en oxygène(FiO2) à 60% (ou supérieure à 60% afin d’obtenir une saturation transcutanée en oxygène supérieure (SpO2) à 94%), et une pression expiratoire positive (PEEP) à 8 cmH2O au minimum.
– Réduction de la FiO2 à 21% jusqu’à obtention d’une FetO2 à 21% puis évaluation de la SpO2. Si celle-ci est inférieure à la SpO2 en air ambiant préopératoire, un recrutement alvéolaire était réalisé en VSAI, en augmentant progressivement l’aide inspiratoire de 2 cmH20 en 2 cmH2O jusqu’à obtention d’un volume courant de 16 mL/Kg pendant 8 cycles respiratoires. Le maximum de pression totale de 30 cmH2O (Pression d’aide plus PEEP) ne devait pas être dépassé. La PEEP a été maintenue à son niveau antérieur (minimum 8cmH20) tout au long de la manœuvre. L’aide inspiratoire a ensuite été redescendue à son niveau antérieur pour un objectif de volume courant à 8mL/Kg.
– Une aspiration endobuccale a été réalisée pour aspirer les sécrétions salivaires peropératoires stagnant au-dessus du ballonnet de la sonde d’intubation orotrachéale.
– L’aspiration endotrachéale a été évitée pendant toute la durée de l’extubation.
– Toute déconnexion du circuit ventilatoire avant l’extubation a été également évitée.
– Les patients ont été ventilés en VSAI jusqu’à l’extubation avec un réglage de FiO2 à 60%, l’aide inspiratoire a été ajustée au fur et à mesure du réveil pour garantir un volume courant à 8mL/Kg de poids idéal théorique. La PEEP a été maintenue à 8 cmH20 minimum.
– Le mode de ventilation avant l’extubation est la VS-PEEP avec 8cmH20 minimum de PEEP.
– Les patients ont été mis en position demi-assise à 30° minimum au moment de l’extubation.
– Aucune oxygénothérapie systématique n’a été instaurée, ni en salle d’opération, ni en SSPI. Elle n’a été mise en place que si la saturation transcutanée en oxygène descendait en dessous de 94%, ou en dessous de la Spo2 pré opératoire du patient.
Le reste de la conduite anesthésique a été laissée à la discrétion du praticien en anesthésie responsable du patient. Les patients ont ensuite été surveillés en SSPI pendant la durée nécessaire avant leur retour en service, la sortie étant décidée une fois que le patient présentait un score d’Aldrete modifié à 9 minimum (score comprenant la respiration, la saturation, l’état neurologique, la tension artérielle) selon le protocole en vigueur dans la SSPI du bloc opératoire du centre d’étude. Les patients du groupe standard ont été extubés par les équipes d’anesthésie en charge du patient le jour de l’intervention selon les recommandations officielles françaises et européennes en vigueur. Les patients ont ensuite été surveillés en SSPI de la même manière que le groupe protocole.
Notre étude montre qu’une extubation bien conduite selon un protocole standardisé à visée anti dérecrutement alvéolaire permet de diminuer le recours à l’oxygénothérapie en SSPI chez les patients obèses après chirurgie bariatrique coelioscopique. L’oxygénothérapie a également été sevrée plus rapidement lorsque les patients étaient extubés dans le groupe interventionnel. Notre protocole est basé sur les recommandations actuelles des sociétés savantes d’anesthésie et de réanimation. Il permet d’aller plus loin dans la prévention du dérecrutement alvéolaire en se basant sur une association de soins courants qui concordent à une extubation de meilleure qualité.
Le dérecrutement alvéolaire est un phénomène qui concerne tous les moments de l’anesthésie, depuis le préopératoire jusqu’au post opératoire. Nous observons que la préoxygénation des patients a parfois été réalisée au masque simple dans chacun des deux groupes ce qui a pu conduire à la formation d’atélectasies. L’utilisation d’une ventilation non invasive pour la préoxygénation permet une meilleure oxygénation artérielle et une diminution des atélectasies. Afin d’optimiser une stratégie antidérecrutement, tous les patients inclus dans notre étude auraient pu être préoxygénés par cette technique de ventilation non invasive. Cependant cette technique ne prévient pas l’apparition d’atélectasies de dénitrogénation . La ventilation protectrice per opératoire est un élément essentiel dans la prévention des atélectasies . C’est pourquoi les deux groupes ont été ventilés avec des volumes courants et des pressions qui suivent les recommandations actuelles. Cependant, la pression expiratoire positive était significativement plus élevée dans le groupe interventionnel. Un biais d’intention peut être à l’origine de cette différence qui reste cependant faible avec un écart type de type de 2 points.
Un réglage individualisé de la ventilation per opératoire serait idéal afin de déterminer le niveau de pression expiratoire positive optimal pour chaque patient. Cependant les moyens de monitorage nécessaires pour réaliser une ventilation individualisée tels que l’impédancemétrie ou la pression œsophagienne sont difficilement applicables en pratique courante .
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME
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