BESOINS D’ANALYSES ERGONOMIQUES DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ÉMERGENTES

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Méthode pédagogique privilégiée et profils desutilisateurs ciblés par les prototypes de RA existants

Dans tous les systèmes étudiés, la méthode pédagogique affichée est la méthode active basée sur des mises en situation. Ceci explique le fait que l’utilisateur ciblé est essentiellement l’apprenant et la configuration pédagogique largement prédominante est l’autoformation. En effet, la référence aux méthodes actives est récurrente dans le domaine des technologies émergentes pour la formation selondes acceptations variées allant jusqu’à l’assimilation de l’apprentissage par l’action à la seule interactivité formelle du logiciel (Burkhardt & Wolff, 2002). Cependant, en règle générale, l’utilisateur est fortement limité dans ces interactions avec le système puisque les prototypes actuels ne proposent qu’un nombre restreint de fonctions (par exemple, rotation et sélection d’objets, pointage). Par conséquent et paradoxalement, les systèmes de RA pour la formation fonctionnent essentiellement comme des démonstrateurs, qui limitent les possibilités d’exploration autonome de la part de l’utilisateur. Ainsi, dans le prototype BARS pour l’entraînement militaire, déjà cité plus haut, l’interaction est actuellement limitée à des échanges de tirs entre les forces réelles et virtuelles (Livingston, Brown, Julier, & Schmidt, 2006). Une explication possible de ces limitations est le caractère encore émergent de la technologie. Plusieurs auteurs considèrent qu’une fois que ces limitations seront dépassées, la RA pourrait constituer un environnement favorable à l’ apprentissage.

Intérêts de la RA pour la formation et l’apprentissage

Nombre d’idées fortes sur les intérêts de ce type ’IHMd pour la formation coexistent. Les plus courantes peuvent être réuniesdans les deux groupes suivants : fournir un double support réel – virtuel à l’activité, généralement de l’apprenant ; stocker et délivrer de l’information contextualisée. Un troisième groupe d’éléments hétérogènes concerne l’amélioration de l’utilisabilité des outils issus des technologies de la RV et l’accroissement de la motivation.
Fournir un double support réel – virtuel à l’activité de l’apprenant
Cet intérêt potentiel est explicité de diverses façons suivant les auteurs :
· apprendre par l’action (« learning by doing ») et en situation permettrait de construire des connaissances d’une manière active et autonome (Fjeld & Voegtli, 2002) ;
· montrer simultanément des artefacts physiques, par exemple, une boîte de vitesse et les notions abstraites qui y sont associées, par exemple, les trajectoires de montage assurerait une compréhension plus facile des concepts techniques (Stedmon & Stone, 2001) ;
· faciliter l’élaboration de représentations de relations spatiales dynamiques et leur évolution dans le temps et l’espace (Shelton & Hedley, 2002) ; manipuler des objets familiers donnerait une sensation forte de « présence », ce qui faciliterait la mémorisation, le rappel et le ransfert dans la situation de référence (Neumann & Majoros, 1998).
Cette catégorie regroupe également une variété d’hypothèses ou d’affirmations telles que :
· stocker, visualiser et communiquer de l’information contextualisée servirait à l’apprenant au cours de la phase de recherche d’inf ormation sur un problème donné. Cette même caractéristique de la RA assurerait un meilleur suivi de l’élève par le formateur (Cooperstock, 2001) ;
· fournir des informations contextualisées en temps réel réduirait les risques d’erreurs pendant les sessions de formation (Neumann et al., 1998) ;
· minimiser l’utilisation de supports en papier afin de laisser aux utilisateurs les mains libres lors des activités qui l’exigent durant la formation (Ward & Novick, 2003).
Améliorer l’utilisabilité comparativement à la RV et accroître la motivation
On trouve enfin deux autres lignes d’arguments concernant l’intérêt de la RA pour l’apprentissage et les applications de formation :
· Comparativement aux systèmes de RV, les dispositifs de RA poseraient moins de problèmes sensoriels relatifs aux « mal des simulateurs » (Slay, Phillips, Vernik, & Thomas, 2001). En effet, dans de nombreux dispositifs de RV, la perception est partielle et soumises à diverses inc ohérences entre les informations traitées par les différents récepteurs, par exemple, entre la vision et l’oreille interne. Ce problème disparaît lorsque le monde réel recommence à servir de base des processus perceptifs (Burkhardt, 2003).
· La RA accroîtrait la motivation de l’apprenant par le fait de la nouveauté du mode d’interaction (Zhong, Liu, Georganas, & Boulanger, 2003).
Le manque de validation empirique des hypothèses mentionnées ci-dessus peut être partiellement expliqué par deux facteurs : 1) les fonctionnalités limitées des prototypes de RA existants, qui permettent difficilement la création de scénarios réalistes d’évaluation et 2) le fait qu’aujourd’hui, la conception des systèmes de RA est marquée par une forte focalisation sur les seules caractéristiques techniques d’un outil qui, parfois, s’associe à  une réflexion peu approfondie sur les aspects ergonomiques de la technologie. Ces deux facteurs pourraient également expliquer le nombre réduit d’études empiriques de type ergonomique dans le domaine. A titre d’exemple, une synthèse récente sur des évaluations empiriques de prototypes de RA, ayant recours à la participation d’utilisateurs, montre que celles-ci occupent une place minime dans les programmes des principales conférences (Swan II & Gabbard, 2005). Sur 266 articles décrivant des prototypes de RA, seuls 21 (soit 8%) qui concernent des tests avec des utilisateurs. Mais il faut faire la part de la récence de la technologie, puisque les premières expériences de ce type ne datent que de 1995 (Swan II et al., op. cit.).

Évaluations empiriques de l’utilisabilité et de l’utilité de la RA pour l’apprentissage

Nous avons recensé une quarantaine d’études présentant des résultats empiriques sur l’utilité et l’utilisabilité de la RA. Les principales revues et conférences qui ont alimenté notre synthèse sont : Interacting with Computers, International Journal of Human-Computer Interaction, Presence : Teleoperators & Virtual Environments, Computer & Graphics, Human Factors, IEEE/ACM International Symposium on Mixed and Augmented Reality (ISMAR), IEEE Virtual Reality Conference (IEEE VR), International Symposium on Wearable Computers (ISWC), Siggraph, ACM Computer-Human Interaction (CHI), INTERACT.
Schématiquement, les études recensées ont deux objectifs d’évaluation des systèmes de RA : elles concernent (1) l’utilisabilité des interfaces et des dialogues et (2) l’efficacité des prototypes pour l’apprentissage et les processus cognitifs impliqués.
Utilisabilité des interfaces
Les recherches sur l’utilisabilité des interfaces d’entrée d’information concernent principalement la commande vocale et des dispositifs traditionnels (clavier, souris, etc.). Les conclusions de différentes évaluations expérimentales peuvent être résumées en disant que les dispositifs sonores ne sont pas adaptés aux environnements bruyants (Baber & Noyes, 1996) ; la précision de la reconnaissance vocale n’atteint pas 100%, ce qui diminue la vitesse de réalisation des tâches (Baber, Arvantis, Haniff, & Buckley, 1999 ; Baber, Haniff, Knight, Cooper, & Mellor, 1998) ; les dispositifs traditionnels sont difficilement associables à une activité manuelle constante (Baber, 2001). Quant aux dispositifs plus innovants tels que la reconnaissance gestuelle, ils disposent d’un vocabulaire de gestes assez limité (McDonald, 2003). En ce qui concerne les capteurs de position et de mouvement, chaque type présente des limites particulières. A titre d’exemple, les capteurs électromagnétiques sont difficilement utilisables ansd un environnement métallique ; les capteurs ultrasoniques sont sensibles au bruit environnant ; les capteurs optiques sont relativement précis, mais posent des problèmes de calibration7. L’impact négatif de telles limitations doit être apprécié selon le contexte applicationd’.
Une solution temporaire à ces problèmes, avant la formalisation éventuelle de critères de conception et d’utilisation, pourrait être une utilisation limitée à un contexte spécifique, notamment de formation. Ceci demanderait une analyse fine de la tâche de référence, de la tâche formatrice et de la tâche élémentaire à exécuter. Mais l’utilisation de systèmes hybrides combinant divers types de dispositifs peut être une solution dans certains cas (Azuma, 1997).
Les recherches sur l’utilisabilité des interfaces de présentation d’information portent principalement sur les visiocasques, qui sont comparés à d’autres médias tels que des écrans classiques et des supports en papier. Il existe également des évaluations de prototypes de RA complets. Les données empiriques actuelles ne sont pas suffisantes pour établir des conclusions définitives sur l’utilisabilité des systèmes de RA dans un contexte de formation. Cependant, un nombre de tendances générales peuvent être dégagées, dont une synthèse est présentée ci-après.
Évaluations empiriques de l’apprentissage
Des études, encore peu nombreuses actuellement, essaient d’aller au-delà des problèmes d’utilisabilité des interfaces en RA et visent à tester l’efficacité des systèmes pour l’apprentissage et les processus cognitifs impliqués. Notons dès à présent que les tendances exposées ci-après nécessitent d’être adossées à un corpus de données empiriques plus important.
Compréhension, mémorisation, rappel, efficacité del’apprentissage
Pour Stedmon, Hill, Kalawsky, & Cook (1999a), un système de RA s’avérerait aussi efficace qu’un écran classique quant il s’agit de présenter des messages textuels courts et des icônes. De même, la mémorisation à court terme et le rappel seraient meilleurs11. Comparé à des dessins classiques en papier et à u n simulateur des opérations de montage en RV, l’affichage d’un schéma statique d’assemblage en RA se montrerait particulièrement utile pour le rappel (Boud et al., 1999). Les sujets qui ont participé à l’expérience expliquent eux-mêmes ce résultat par’utilisation d’indices importants se rapportant à la pièce réelle.
En revanche, les résultats expérimentaux relatifs àl’efficacité de l’apprentissage en RA et à la qualité du transfert dans la situation de référence restent contradictoires. Après 10 min d’apprentissage, Boud et al. (1999) notent une amélioration des performances des sujets entraînés en RA comparativement à la performance des sujets entraînés en RV ou avec des supports en papier. D’autres études ne montrent pas un effet notable de l’utilisation de la RA en tant que ressource pédagogique (par exemple, Brown, Stripling, & Coyne, 2006) ou arrivent à des résultats positifs, mais à partir d’évaluations informelles (par exemple, Kaufmann et al., 2002 ; Kaufmann, Steinbügl, Dünser, & Glück, 2005 ; Shelton et al., 2002 ; Wagner et al., 2005 ; Weidenbach et al., 2000). En outre, une partie de ces recherches comporte des biais méthodologiques (Tableau II). Ainsi, Shelton et al. (2002) testent un système de RA d’aide à l’enseigne ment de la géographie utilisant un visiocasque comme dispositif d’affichage. La compréhension de concepts clés (ex. : équinoxe, rotation) est évaluée par des questionnaires pré- et post-expérimentaux auprès de 34 étudiants et les résultats montrent une différence significative entre les performances des sujets avant et après l’utilisation du système de RA. Les auteurs soutiennent l’idée que la compréhension de concepts clés est meilleure sielle est acquise par un apprentissage en RA. Cependant, les questionnaires pré- et post-expérimentaux, présentés aux mêmes sujets dans les deux phases de l’expérience, étaient répliqués à l’identique, ce qui fausse évidemment l’estimation. Dans ce cas, l’application peu rigoureuse de la méthode expérimentale remet en cause la validité des résultats. De plus, comme nous l’avions mentionné plus haut, dans plusieurs cas, les facteurs expérimentaux comparés ne sont guère équivalents (ex. : Boudet al., 1999 ; Kaufmann et al., 2002 ; Weidenbach et al., 2000).
Communication et collaboration
Les études qui essaient d’évaluer la communication et la collaboration entre plusieurs utilisateurs dans une situation expérimentale sont rares. L’une d’elles est celle de Billinghurst, Belcher, Gupta, & Kiyokawa (2003). En comparant trois conditions, les auteurs montrent que le fait de travailler en RA n’augmente pas le nombre de prises de parole spontanées de la part des utilisateurs (Tableau III). Par contre, les auteurs observent un accroissement du nombre de questions posées, effet qu’ils attribuent à des difficultés d’utilisation du système de RA. Les avis des utilisateurs confirment que le prototype de RA est problématique pour l’utilisation, la communication et la compréhension mutuelle. Cependant, cette conclusion doit être tempérée parle fait que la majorité des prototypes de RA est technologiquement peu mature, et par conséquent, peu utilisable, ce qui peut expliquer en partie certains résultats négatifs.
Principaux intérêts de l’analyse ergonomique dans le domaine des technologies émergentes
Plusieurs auteurs indiquent nombre de bénéfices résultant d’une analyse efficace des besoins. Nous pouvons citer :
· meilleure qualité du produit final grâce à une meil leure adéquation aux attentes des utilisateurs (Damodaran, 1996) ;
· délimitation plus précise des objectifs du projet Nielsen,( 1993) ;
· évaluation montrant que les produits bien ciblés sont supérieurs à leurs concurrents moins biens ciblés, disponibles sur le marché (Cooper & Kleinschmidt, 2000) ;
· abandon de nombreuses fonctions coûteuses, non souhaitées ou peu utiles pour l’utilisateur ;
· meilleure acceptabilité du système (Damodaran, 1996) ;
· effet positif sur l’usage du système conçu à court et moyen terme (Barki & Hartwick, 1991 ; Baroudi, Olson, & Ives, 1986) ;
· satisfaction générale des utilisateurs et niveau plus élevé de l’utilité perçue du système (Barki & Hartwick, op. cit. ; Foster & Franz, 1999) ;
· meilleure compréhension du système par les utilisateurs résultant en une utilisation plus effective de celui-ci ;
· meilleure compréhension et coordination entre tous les acteurs impliqués dans un projet de conception ;
· sentiment des utilisateurs d’avoir participé plus activement à la prise de décisions au sein de l’organisation (Damodaran, op. cit.) ;
· meilleure connaissance des opérateurs de leur propre travail et de leur entreprise (Wilson, Bekker, Johnson, & Johnson, 1996) ;
· nombre moins important d’itérations du cycle « analyse – spécifications – développement – évaluations » comparativement aux projets avec peu ou pas de participation d’utilisateurs (Chatzoglou & Macaulay, 1996).
Une des conditions nécessaires pour obtenir ces résultats positifs est de réaliser une analyse des besoins le plus tôt possible, généralement en amont de la conception d’un dispositif donné (Damodaran, 1996 ; Mayhew, 1999). Mais cette approche précoce n’est pas couramment adoptée dans le domaine des technologiesémergentes, dont les concepteurs sont majoritairement intéressés par les avancées techniques, secondairement par les besoins réels des futurs utilisateurs.
L’analyse des besoins ergonomique : une approche de la conception de technologies émergentes qui reste minoritaire
Une synthèse récente de la littérature, faite à partir de 220 publications de revues et de conférences dans le domaine de l’IHM12, montre qu’une grande majorité des articles sélectionnés (entre 44% et 49% des publications concernant des technologies telles que la Réalité Virtuelle (RV), la Réalité Augmentée (RA)t certains systèmes mobiles très innovants) présente des recherches purement technologiques. Un autre grand groupe de publications (entre 21% et 37%) concerne des évaluations expérimentales de systèmes avec des utilisateurs. Les études portant sur l’analyse des besoins à des fins de conception ou de reconception représentent, quant à elles, moins de 10% de la sélection (Kjeldskov, 2003).
Plusieurs pistes pourraient être proposées pour expliquer ce constat. D’abord, à cause de leur originalité, il est rare que des technologies émergentes répondent à des besoins explicitement formulés, c’est-à-dire des besoins « conscients » (Robertson, 2001). Dans la majorité des situations, il s’agit plutôt de réalisations techniques en recherche d’applications, qui répondent à des attentes « latentes » (Sperandio, 2001) ou créent directement des besoins. On se retrouve souvent dans des situations où « on propose un système…parce qu’on sait le faire, en faisant l’hypothèse qu’il répond à un besoin » (Sperandio, op. cit.). Dans ce dernier cas, Robertson (op. cit.) parle de « besoins inimaginés » (« undreamed-of requirements ») et signale que les futurs utilisateurs ont des difficultés à les formuler sans aide d’une tierce personne ou d’un dispositif simulant le fonctionnement de la technologie innovante, par exemple (Bowers & Pycock, 1994). En outre, le besoin peut n’apparaître et s’intensif ier qu’après un développement suffisant de la technologie (c’est même généralement le cas).
Dès lors, l’identification même des futurs utilisateurs devient problématique (Brangier & Bastien, 2006). Ainsi, même si ces technologies peuvent cibler un groupe d’utilisateurs potentiels, les caractéristiques et les tâches de ces derniers ne sont pas bien définies au début de la conception (par exemple, « réalité augmentéecollaborative pour la navigation à l’extérieur et la recherche d’information »13, Reitmayr & Schmalstieg, 2004 ; « système interactif de réalité augmentée pour la formationneingénierie » , Liarokapis, Mourkoussis, Petridis, Rumsey, Lister, & White, 2002). Souvent et pour diverses raisons, les concepteurs de technologies émergentes n’acceptent ou ne demandent l’intégration des utilisateurs qu’à la fin du cycle de conception (Flores & Graves, 1988 ; Føl stad & Rahlff, 2005). Par conséquent, comme mentionné plus haut, la grande majorité des nterventions ergonomiques sur des technologies émergentes se limitent à des évaluations plus ou moins formelles (éventuellement itératives) des prototypes conçus et n’incluent pas une analyse fine des besoins lors des phases amont de la conception.
Des difficultés d’analyse des besoins peuvent également être dues à un nombre de principes « restrictifs » (Grundin, 1991) guidant parfois les actions des concepteurs, tels que la simplicité de la solution finale, la rapidité dedéveloppement, le réalisme et la conception orientée principalement vers la technologie (Følstad & Rahlff, 2005 ; Kjeldskov & Graham, 2003). Dans un projet, ces principes dirigent les efforts vers la conception d’un artefact qui fonctionne à tout prix, le plus rapidement possible , mais souvent hors de son contexte d’utilisation (Foster & Franz, 1999 ; Stary, 2002). Ainsi, les possibilités d’analyser les besoins et d’anticiper les futurs usages sont largement limitées, voire l’utilité de ce type d’analyses est remise en question.
Des difficultés additionnelles résident dans le fort attachement des concepteurs à leur statut d’experts (Bodker & Gronbaek, 1991). Dans le dialogue avec les autres acteurs du projet (utilisateurs, ergonomes), les ingénieurs etles designers ont souvent peur de remettre en cause cette image en allant chercher des solutions de conception auprès des utilisateurs. Afin d’illustrer cette posture typique, Bruseberg & McDonagh-Philp (2002) citent un designer indépendant d’appareils électroménagers qui estimeque « ce n’est pas une bonne idée de passer beaucoup de temps à convaincre un client que je suis un bon designer et, ensuite, de des idées innovantes » . Enfin, il faut admettre que, quand il s’agit de technologies émergentes, des difficultés d’analyse des besoins proviennent également de certaines limites des connaissances ergonomiques disponibles. L’utilisation de nombreuses méthodes et techniques ergonomiques ou relevant de disciplines proches ne donne pas toujours les résultats espérés, puisque ces méthodes n’anticipent pas toujours très bien les besoins « émergents » (Sperandio, 2001).
Les méthodes les plus souvent utilisées, ainsi quedes exemples de leur application dans le domaine de la RA seront présentés ci-aprèsPlus. de détails sur les méthodes d’analyse des besoins peuvent être trouvés dans Maguire & Bevan (2002), Robertson (2001), Robertson & Robertson (2006). Des discussions sur l’application de certaines techniques, leurs avantages et leurs limites dans le cadre du projet de conception, dans lequel s’inscrit notre thèse, peuvent être trouvées à la fin de chaque chapitre décrivant nos recherches empiriques, ainsi que dans la conclusion finale.
Méthodes utilisées pour l’analyse ergonomique des besoins de technologies émergentes
Les méthodes et les techniques utilisées pour l’analyse des besoins dans le domaine des technologies émergentes, en général, et dans celui de la RA, en particulier, peuvent être regroupées dans les quatre catégories suivantes :
· méthodes qui s’appuient sur les connaissances de la littérature, pertinentes pour la future situation d’usage ;
· scénarios et techniques dérivées ;
· évaluations formelles et informelles de maquettes et de prototypes ;
· extrapolation des besoins à partir d’une activité existante (Brangier & Bastien, 2006 ; Burkhardt, 2006 ; Burkhardt & Sperandio, 2004).
Ces quatre catégories de méthodes seront présentéesbrièvement dans les paragraphes qui suivent.
L’utilisation des connaissances de la littérature, pertinentes pour la future situation d’usage, comme méthode d’analyse des besoins
Les connaissances de la littérature, disponibles sous différentes formes (revues de questions, critères et principes ergonomiques généraux, normes) sont utilisées afin recueillir des données sur les qualités ergonomiques de dispositifs technologiques similaires, déjà existants.
Quand elle est faite pendant la phase d’analyse des besoins, une telle utilisation a plusieurs objectifs :
· obtenir de l’information sur les domaines d’applica tion privilégiés des technologies existantes et,
· extraire ainsi des fonctionnalités potentiellement utiles afin de constituer une base « de besoins à réutiliser » (Robertson & Robertson, 2006) pour de futurs développements ;
· appuyer les conclusions sur le niveau actuel de satisfaction des besoins des utilisateurs ;
· identifier les erreurs à ne pas répliquer dans le système à concevoir, ainsi que les éventuelles solutions correctrices à apporter (Brangier & Bastien, 2006 ; Maguire & Bevan, 2002).
Dans le domaine de la RA, les recueils de connaissances sur les besoins des utilisateurs et, d’une manière générale, les recueils de connaissances ergonomiques sont peu nombreux. A notre connaissance, il n’existe pas de synthèse en ergonomie concernant, par exemple, les applications de RA dans le domaine de la formation, ainsi que les besoins des utilisateurs de ce type d’aides pédagogiques.
Quand il s’agit de connaissances ergonomiques sur l’évaluation de prototypes de RA, ce manque est moins saillant. Nous citons Gabbard & Hix (2001) comme exemple de recueil de recommandations à utiliser pendant l’évaluation de l’utilisabilité de prototypes de RA. Dans la majorité des cas, il s’agit d’adaptations de principes utilisés pour les systèmes interactifs traditionnels (par exemple, Bach, 2004) et/ou pour des systèmes de RV (par exemple, Gabbard, op.cit.). Une troisième limitation de cette méthode, soulignée par Burkhardt (2006) à propos de la RV, est le manque d e validation empirique d’une grande partie des recommandations qui, en outre, semblent surtout rappeler des principes de bon sens, étant donné leur degré de généralité. Une firmationcon de ce constat pourrait être trouvée dans le chapitre précédent, qui expose unesynthèse sur des évaluations de l’utilisabilité des interfaces de RA.
Plusieurs spécificités des technologies émergenteset de leur évaluation peuvent expliquer l’insuffisance de critères ergonomiques utilisables. D’abord, les interfaces comparées sont très nombreuses et très variées, cequi engendre des performances et des comportements humains également très disparates. Ensuite, les dispositifs d’interaction évoluent constamment. Par conséquent, l’établissement de critères ergonomiques d’évaluation, qui soient suffisamment généraux, cohérents, consolidés et utiles pour les concepteurs de système de RA s’avère une tâche difficile. Actuellement en RA, le travail sur des critères spécifiques concernant, par exemple, al perception de la profondeur, les métaphores d’interaction, etc., nous semble une piste de recherche plus prometteuse que celle de la recherche de critères généraux de conceptionet d’évaluation. Wilson & D’Cruz (2006) arrivent à des conclusions similaires à propos de l ’évaluation de l’utilisabilité des systèmes de RV.
Ainsi, l’application de connaissances ergonomiques, disponibles dans la littérature, se révèle largement insuffisante comme seule source alimentant l’analyse des besoins de systèmes de RA. C’est pourquoi elle doit être complétée par d’autres méthodes, par exemple, des scénarios d’utilisation du futur système (Carroll, 1995) et un nombre de techniques dérivées telles que des cas d’utilisation (« use cases ») ou des « personas » (Copper, 1999).

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Table des matières

INTRODUCTION : CONTEXTE INDUSTRIEL ET PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DE LA THÈSE
1. CONTEXTE INDUSTRIEL ET DEMANDE EXPRIMÉE
2. PROBLÉMATIQUE DE LA THÈSE
3. ORGANISATION DU DOCUMENT
CHAPITRE 1 : LA RÉALITÉ AUGMENTÉE : PRÉSENTATION INTRODUCTIVE
1.1. CONCEPTS ET DÉFINITIONS
1.2. CONFIGURATION MATÉRIELLE TYPIQUE DES PROTOTYPES DE RÉALITÉ AUGMENTÉE EXISTAN
1.3. MODALITÉS SENSORIELLES AUGMENTÉES PAR LES PROTOTYPES DE RA EXISTANTS
1.4. LA RA : UNE TECHNOLOGIE ÉMERGENTE
CHAPITRE 2 : RÉALITÉ AUGMENTÉE ET FORMATION : UNE POINT SUR LES CONNAISSANCES ERGONOMIQUES ACTUELLES
2.1. OBJECTIFS DE FORMATION ET CONTEXTES D’USAGE DES PROTOTYPES DE RA EXISTANTS
2.2. MÉTHODE PÉDAGOGIQUE PRIVILÉGIÉE ET PROFILS DES UTILISATEURS CIBLÉS PAR LES PROTOTYPES DE RA EXISTANTS
2.3. INTÉRÊTS DE LA RA POUR LA FORMATION ET L’APPRENTISSAGE
2.4. ÉVALUATIONS EMPIRIQUES DE L’UTILISABILITÉ ET DE L’UTILITÉ DE LA RA POUR L’APPRENTISSAGE
CONCLUSION
CHAPITRE 3 : BESOINS D’ANALYSES ERGONOMIQUES DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
INTRODUCTION
3.1. PRINCIPAUX INTÉRÊTS DE L’ANALYSE ERGONOMIQUE DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
3.2. L’ANALYSE DES BESOINS ERGONOMIQUE : UNE APPROCHE DE LA CONCEPTION DE TECHNOLOGIES ÉMERGENTES QUI RESTE MINORITAIRE
3.3. MÉTHODES UTILISÉES POUR L’ANALYSE ERGONOMIQUE DES BESOINS DE TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
3.4. PRINCIPAUX CADRES THÉORIQUES
CONCLUSION : NÉCESSITÉ DE TRIANGULATION DES MÉTHODES ET DES CADRES THÉORIQUES
CHAPITRE 4 : L’ANALYSE DES BESOINS AU MOYEN D’ENTRETIENS AVEC LESFUTURS UTILISATEURS DANS LE CONTEXTE DE LA MAINTENANCE AUTOMOBILE
INTRODUCTION
4.1. ÉTUDE 1 : ENTRETIENS AVEC DES TECHNICIENS EN MAINTENANCE AUTOMOBILE
4.1.1. MÉTHODOLOGIE
4.1.2. RÉSULTATS
4.1.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
4.1.4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
4.2. ÉTUDE 2 : ENTRETIENS AVEC DES ACTEURS DE LA FORMATION
4.2.1. MÉTHODOLOGIE
4.2.2. RÉSULTATS
4.2.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
4.2.4. DISCUSSION SUR L’ACTIVITÉ DES ACTEURS DE FORMATION DANS LE CONTEXTE DES ÉVOLUTIONS DE LA CONCEPTION DE VÉHICULES ET APPLICATIONS POSSIBLES DE LA RA
4.2.5. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES
CHAPITRE 5 : L’ANALYSE DES BESOINS PAR L’OBSERVATION DE L’ACTIVITÉ SITUATION DE FORMATION
INTRODUCTION
5.1. MÉTHODOLOGIE
5.2. RÉSULTATS
5.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
5.4. DISCUSSION SUR L’ACTIVITÉ DE FORMATION DANS LE CONTEXTE DES ÉVOLUTIONS DE LA CONCEPTION DE VÉHICULES ET APPLICATIONS POSSIBLES DE LA RA
5.5. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 6 : L’ANALYSE DES BESOINS AU MOYEN DE L’ÉVALUATION D’UN PROTOTYPE
INTRODUCTION
6.1. OBJECTIF DE L’ÉTUDE ET QUESTIONS DE RECHERCHE
6.2. MÉTHODOLOGIE
6.3. RÉSULTATS
6.4. LIMITES DE L’ÉTUDE
6.5. DISCUSSION
6.6. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE

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