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Méthode pédagogique privilégiée et profils desutilisateurs ciblés par les prototypes de RA existants
Intérêts de la RA pour la formation et l’apprentissage
Évaluations empiriques de l’utilisabilité et de l’utilité de la RA pour l’apprentissage
En revanche, les résultats expérimentaux relatifs àl’efficacité de l’apprentissage en RA et à la qualité du transfert dans la situation de référence restent contradictoires. Après 10 min d’apprentissage, Boud et al. (1999) notent une amélioration des performances des sujets entraînés en RA comparativement à la performance des sujets entraînés en RV ou avec des supports en papier. D’autres études ne montrent pas un effet notable de l’utilisation de la RA en tant que ressource pédagogique (par exemple, Brown, Stripling, & Coyne, 2006) ou arrivent à des résultats positifs, mais à partir d’évaluations informelles (par exemple, Kaufmann et al., 2002 ; Kaufmann, Steinbügl, Dünser, & Glück, 2005 ; Shelton et al., 2002 ; Wagner et al., 2005 ; Weidenbach et al., 2000). En outre, une partie de ces recherches comporte des biais méthodologiques (Tableau II). Ainsi, Shelton et al. (2002) testent un système de RA d’aide à l’enseigne ment de la géographie utilisant un visiocasque comme dispositif d’affichage. La compréhension de concepts clés (ex. : équinoxe, rotation) est évaluée par des questionnaires pré- et post-expérimentaux auprès de 34 étudiants et les résultats montrent une différence significative entre les performances des sujets avant et après l’utilisation du système de RA. Les auteurs soutiennent l’idée que la compréhension de concepts clés est meilleure sielle est acquise par un apprentissage en RA. Cependant, les questionnaires pré- et post-expérimentaux, présentés aux mêmes sujets dans les deux phases de l’expérience, étaient répliqués à l’identique, ce qui fausse évidemment l’estimation. Dans ce cas, l’application peu rigoureuse de la méthode expérimentale remet en cause la validité des résultats. De plus, comme nous l’avions mentionné plus haut, dans plusieurs cas, les facteurs expérimentaux comparés ne sont guère équivalents (ex. : Boudet al., 1999 ; Kaufmann et al., 2002 ; Weidenbach et al., 2000).
· meilleure qualité du produit final grâce à une meil leure adéquation aux attentes des utilisateurs (Damodaran, 1996) ;
· délimitation plus précise des objectifs du projet Nielsen,( 1993) ;
· évaluation montrant que les produits bien ciblés sont supérieurs à leurs concurrents moins biens ciblés, disponibles sur le marché (Cooper & Kleinschmidt, 2000) ;
· abandon de nombreuses fonctions coûteuses, non souhaitées ou peu utiles pour l’utilisateur ;
· meilleure acceptabilité du système (Damodaran, 1996) ;
· effet positif sur l’usage du système conçu à court et moyen terme (Barki & Hartwick, 1991 ; Baroudi, Olson, & Ives, 1986) ;
· satisfaction générale des utilisateurs et niveau plus élevé de l’utilité perçue du système (Barki & Hartwick, op. cit. ; Foster & Franz, 1999) ;
· meilleure compréhension du système par les utilisateurs résultant en une utilisation plus effective de celui-ci ;
· meilleure compréhension et coordination entre tous les acteurs impliqués dans un projet de conception ;
· sentiment des utilisateurs d’avoir participé plus activement à la prise de décisions au sein de l’organisation (Damodaran, op. cit.) ;
· meilleure connaissance des opérateurs de leur propre travail et de leur entreprise (Wilson, Bekker, Johnson, & Johnson, 1996) ;
· nombre moins important d’itérations du cycle « analyse – spécifications – développement – évaluations » comparativement aux projets avec peu ou pas de participation d’utilisateurs (Chatzoglou & Macaulay, 1996).
Une des conditions nécessaires pour obtenir ces résultats positifs est de réaliser une analyse des besoins le plus tôt possible, généralement en amont de la conception d’un dispositif donné (Damodaran, 1996 ; Mayhew, 1999). Mais cette approche précoce n’est pas couramment adoptée dans le domaine des technologiesémergentes, dont les concepteurs sont majoritairement intéressés par les avancées techniques, secondairement par les besoins réels des futurs utilisateurs.
Plusieurs pistes pourraient être proposées pour expliquer ce constat. D’abord, à cause de leur originalité, il est rare que des technologies émergentes répondent à des besoins explicitement formulés, c’est-à-dire des besoins « conscients » (Robertson, 2001). Dans la majorité des situations, il s’agit plutôt de réalisations techniques en recherche d’applications, qui répondent à des attentes « latentes » (Sperandio, 2001) ou créent directement des besoins. On se retrouve souvent dans des situations où « on propose un système…parce qu’on sait le faire, en faisant l’hypothèse qu’il répond à un besoin » (Sperandio, op. cit.). Dans ce dernier cas, Robertson (op. cit.) parle de « besoins inimaginés » (« undreamed-of requirements ») et signale que les futurs utilisateurs ont des difficultés à les formuler sans aide d’une tierce personne ou d’un dispositif simulant le fonctionnement de la technologie innovante, par exemple (Bowers & Pycock, 1994). En outre, le besoin peut n’apparaître et s’intensif ier qu’après un développement suffisant de la technologie (c’est même généralement le cas).
Dès lors, l’identification même des futurs utilisateurs devient problématique (Brangier & Bastien, 2006). Ainsi, même si ces technologies peuvent cibler un groupe d’utilisateurs potentiels, les caractéristiques et les tâches de ces derniers ne sont pas bien définies au début de la conception (par exemple, « réalité augmentéecollaborative pour la navigation à l’extérieur et la recherche d’information »13, Reitmayr & Schmalstieg, 2004 ; « système interactif de réalité augmentée pour la formationneingénierie » , Liarokapis, Mourkoussis, Petridis, Rumsey, Lister, & White, 2002). Souvent et pour diverses raisons, les concepteurs de technologies émergentes n’acceptent ou ne demandent l’intégration des utilisateurs qu’à la fin du cycle de conception (Flores & Graves, 1988 ; Føl stad & Rahlff, 2005). Par conséquent, comme mentionné plus haut, la grande majorité des nterventions ergonomiques sur des technologies émergentes se limitent à des évaluations plus ou moins formelles (éventuellement itératives) des prototypes conçus et n’incluent pas une analyse fine des besoins lors des phases amont de la conception.
Des difficultés d’analyse des besoins peuvent également être dues à un nombre de principes « restrictifs » (Grundin, 1991) guidant parfois les actions des concepteurs, tels que la simplicité de la solution finale, la rapidité dedéveloppement, le réalisme et la conception orientée principalement vers la technologie (Følstad & Rahlff, 2005 ; Kjeldskov & Graham, 2003). Dans un projet, ces principes dirigent les efforts vers la conception d’un artefact qui fonctionne à tout prix, le plus rapidement possible , mais souvent hors de son contexte d’utilisation (Foster & Franz, 1999 ; Stary, 2002). Ainsi, les possibilités d’analyser les besoins et d’anticiper les futurs usages sont largement limitées, voire l’utilité de ce type d’analyses est remise en question.
Des difficultés additionnelles résident dans le fort attachement des concepteurs à leur statut d’experts (Bodker & Gronbaek, 1991). Dans le dialogue avec les autres acteurs du projet (utilisateurs, ergonomes), les ingénieurs etles designers ont souvent peur de remettre en cause cette image en allant chercher des solutions de conception auprès des utilisateurs. Afin d’illustrer cette posture typique, Bruseberg & McDonagh-Philp (2002) citent un designer indépendant d’appareils électroménagers qui estimeque « ce n’est pas une bonne idée de passer beaucoup de temps à convaincre un client que je suis un bon designer et, ensuite, de des idées innovantes » . Enfin, il faut admettre que, quand il s’agit de technologies émergentes, des difficultés d’analyse des besoins proviennent également de certaines limites des connaissances ergonomiques disponibles. L’utilisation de nombreuses méthodes et techniques ergonomiques ou relevant de disciplines proches ne donne pas toujours les résultats espérés, puisque ces méthodes n’anticipent pas toujours très bien les besoins « émergents » (Sperandio, 2001).
Les méthodes les plus souvent utilisées, ainsi quedes exemples de leur application dans le domaine de la RA seront présentés ci-aprèsPlus. de détails sur les méthodes d’analyse des besoins peuvent être trouvés dans Maguire & Bevan (2002), Robertson (2001), Robertson & Robertson (2006). Des discussions sur l’application de certaines techniques, leurs avantages et leurs limites dans le cadre du projet de conception, dans lequel s’inscrit notre thèse, peuvent être trouvées à la fin de chaque chapitre décrivant nos recherches empiriques, ainsi que dans la conclusion finale.
· méthodes qui s’appuient sur les connaissances de la littérature, pertinentes pour la future situation d’usage ;
· scénarios et techniques dérivées ;
· évaluations formelles et informelles de maquettes et de prototypes ;
· extrapolation des besoins à partir d’une activité existante (Brangier & Bastien, 2006 ; Burkhardt, 2006 ; Burkhardt & Sperandio, 2004).
Ces quatre catégories de méthodes seront présentéesbrièvement dans les paragraphes qui suivent.
L’utilisation des connaissances de la littérature, pertinentes pour la future situation d’usage, comme méthode d’analyse des besoins
Les connaissances de la littérature, disponibles sous différentes formes (revues de questions, critères et principes ergonomiques généraux, normes) sont utilisées afin recueillir des données sur les qualités ergonomiques de dispositifs technologiques similaires, déjà existants.
Quand elle est faite pendant la phase d’analyse des besoins, une telle utilisation a plusieurs objectifs :
· obtenir de l’information sur les domaines d’applica tion privilégiés des technologies existantes et,
· extraire ainsi des fonctionnalités potentiellement utiles afin de constituer une base « de besoins à réutiliser » (Robertson & Robertson, 2006) pour de futurs développements ;
· appuyer les conclusions sur le niveau actuel de satisfaction des besoins des utilisateurs ;
· identifier les erreurs à ne pas répliquer dans le système à concevoir, ainsi que les éventuelles solutions correctrices à apporter (Brangier & Bastien, 2006 ; Maguire & Bevan, 2002).
Dans le domaine de la RA, les recueils de connaissances sur les besoins des utilisateurs et, d’une manière générale, les recueils de connaissances ergonomiques sont peu nombreux. A notre connaissance, il n’existe pas de synthèse en ergonomie concernant, par exemple, les applications de RA dans le domaine de la formation, ainsi que les besoins des utilisateurs de ce type d’aides pédagogiques.
Quand il s’agit de connaissances ergonomiques sur l’évaluation de prototypes de RA, ce manque est moins saillant. Nous citons Gabbard & Hix (2001) comme exemple de recueil de recommandations à utiliser pendant l’évaluation de l’utilisabilité de prototypes de RA. Dans la majorité des cas, il s’agit d’adaptations de principes utilisés pour les systèmes interactifs traditionnels (par exemple, Bach, 2004) et/ou pour des systèmes de RV (par exemple, Gabbard, op.cit.). Une troisième limitation de cette méthode, soulignée par Burkhardt (2006) à propos de la RV, est le manque d e validation empirique d’une grande partie des recommandations qui, en outre, semblent surtout rappeler des principes de bon sens, étant donné leur degré de généralité. Une firmationcon de ce constat pourrait être trouvée dans le chapitre précédent, qui expose unesynthèse sur des évaluations de l’utilisabilité des interfaces de RA.
Plusieurs spécificités des technologies émergenteset de leur évaluation peuvent expliquer l’insuffisance de critères ergonomiques utilisables. D’abord, les interfaces comparées sont très nombreuses et très variées, cequi engendre des performances et des comportements humains également très disparates. Ensuite, les dispositifs d’interaction évoluent constamment. Par conséquent, l’établissement de critères ergonomiques d’évaluation, qui soient suffisamment généraux, cohérents, consolidés et utiles pour les concepteurs de système de RA s’avère une tâche difficile. Actuellement en RA, le travail sur des critères spécifiques concernant, par exemple, al perception de la profondeur, les métaphores d’interaction, etc., nous semble une piste de recherche plus prometteuse que celle de la recherche de critères généraux de conceptionet d’évaluation. Wilson & D’Cruz (2006) arrivent à des conclusions similaires à propos de l ’évaluation de l’utilisabilité des systèmes de RV.
Ainsi, l’application de connaissances ergonomiques, disponibles dans la littérature, se révèle largement insuffisante comme seule source alimentant l’analyse des besoins de systèmes de RA. C’est pourquoi elle doit être complétée par d’autres méthodes, par exemple, des scénarios d’utilisation du futur système (Carroll, 1995) et un nombre de techniques dérivées telles que des cas d’utilisation (« use cases ») ou des « personas » (Copper, 1999).
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Table des matières
INTRODUCTION : CONTEXTE INDUSTRIEL ET PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DE LA THÈSE
1. CONTEXTE INDUSTRIEL ET DEMANDE EXPRIMÉE
2. PROBLÉMATIQUE DE LA THÈSE
3. ORGANISATION DU DOCUMENT
CHAPITRE 1 : LA RÉALITÉ AUGMENTÉE : PRÉSENTATION INTRODUCTIVE
1.1. CONCEPTS ET DÉFINITIONS
1.2. CONFIGURATION MATÉRIELLE TYPIQUE DES PROTOTYPES DE RÉALITÉ AUGMENTÉE EXISTAN
1.3. MODALITÉS SENSORIELLES AUGMENTÉES PAR LES PROTOTYPES DE RA EXISTANTS
1.4. LA RA : UNE TECHNOLOGIE ÉMERGENTE
CHAPITRE 2 : RÉALITÉ AUGMENTÉE ET FORMATION : UNE POINT SUR LES CONNAISSANCES ERGONOMIQUES ACTUELLES
2.1. OBJECTIFS DE FORMATION ET CONTEXTES D’USAGE DES PROTOTYPES DE RA EXISTANTS
2.2. MÉTHODE PÉDAGOGIQUE PRIVILÉGIÉE ET PROFILS DES UTILISATEURS CIBLÉS PAR LES PROTOTYPES DE RA EXISTANTS
2.3. INTÉRÊTS DE LA RA POUR LA FORMATION ET L’APPRENTISSAGE
2.4. ÉVALUATIONS EMPIRIQUES DE L’UTILISABILITÉ ET DE L’UTILITÉ DE LA RA POUR L’APPRENTISSAGE
CONCLUSION
CHAPITRE 3 : BESOINS D’ANALYSES ERGONOMIQUES DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
INTRODUCTION
3.1. PRINCIPAUX INTÉRÊTS DE L’ANALYSE ERGONOMIQUE DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
3.2. L’ANALYSE DES BESOINS ERGONOMIQUE : UNE APPROCHE DE LA CONCEPTION DE TECHNOLOGIES ÉMERGENTES QUI RESTE MINORITAIRE
3.3. MÉTHODES UTILISÉES POUR L’ANALYSE ERGONOMIQUE DES BESOINS DE TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
3.4. PRINCIPAUX CADRES THÉORIQUES
CONCLUSION : NÉCESSITÉ DE TRIANGULATION DES MÉTHODES ET DES CADRES THÉORIQUES
CHAPITRE 4 : L’ANALYSE DES BESOINS AU MOYEN D’ENTRETIENS AVEC LESFUTURS UTILISATEURS DANS LE CONTEXTE DE LA MAINTENANCE AUTOMOBILE
INTRODUCTION
4.1. ÉTUDE 1 : ENTRETIENS AVEC DES TECHNICIENS EN MAINTENANCE AUTOMOBILE
4.1.1. MÉTHODOLOGIE
4.1.2. RÉSULTATS
4.1.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
4.1.4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
4.2. ÉTUDE 2 : ENTRETIENS AVEC DES ACTEURS DE LA FORMATION
4.2.1. MÉTHODOLOGIE
4.2.2. RÉSULTATS
4.2.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
4.2.4. DISCUSSION SUR L’ACTIVITÉ DES ACTEURS DE FORMATION DANS LE CONTEXTE DES ÉVOLUTIONS DE LA CONCEPTION DE VÉHICULES ET APPLICATIONS POSSIBLES DE LA RA
4.2.5. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES
CHAPITRE 5 : L’ANALYSE DES BESOINS PAR L’OBSERVATION DE L’ACTIVITÉ SITUATION DE FORMATION
INTRODUCTION
5.1. MÉTHODOLOGIE
5.2. RÉSULTATS
5.3. LIMITES DE L’ÉTUDE
5.4. DISCUSSION SUR L’ACTIVITÉ DE FORMATION DANS LE CONTEXTE DES ÉVOLUTIONS DE LA CONCEPTION DE VÉHICULES ET APPLICATIONS POSSIBLES DE LA RA
5.5. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 6 : L’ANALYSE DES BESOINS AU MOYEN DE L’ÉVALUATION D’UN PROTOTYPE
INTRODUCTION
6.1. OBJECTIF DE L’ÉTUDE ET QUESTIONS DE RECHERCHE
6.2. MÉTHODOLOGIE
6.3. RÉSULTATS
6.4. LIMITES DE L’ÉTUDE
6.5. DISCUSSION
6.6. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
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