Définition : qu’est-ce que la gouvernance ?
De manière naturelle, en France, le gouvernement est une notion étroitement liée à l’État et qui le considère comme étant au centre du système démocratique. Pilier du fonctionnement du pays, la logique commune veut que tout lui soit associé de loin, comme de près. Cette lecture du fonctionnement de notre société accentue le phénomène selon lequel la notion de gouvernement local est théoriquement une forme de pouvoir organisée dans laquelle l’autorité principale est centrale et est également le lieu d’exécution du pouvoir local et de l’instauration des politiques locales. Toutefois, cette lecture institutionnelle de la société ne prend pas en compte la notion de gouvernance. En effet, cette logique a de nombreuses fois été mise en question dans différentes études, notamment basées sur des études de cas relevant du domaine de l’aménagement urbain. Plus que mis en cause, plusieurs exemples témoignent du fait que le gouvernement local peut fonctionner de manière exclusive, mais ce, de manière non pérenne. C’est ainsi que la problématique contemporaine de gouvernement local inclusif, que certains qualifient souvent de « tendance passagère », entre en jeu et démontre toute son importance dans le cadre d’une volonté d’acceptation pérenne des mesures et politiques mises en place par les gouvernements locaux.
De facto, la notion de gouvernance soulève de nombreux enjeux contemporains, notamment dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Si l’on se base sur une définition large de la gouvernance urbaine, elle fait appel à la coordination d’intérêts variés et souvent distincts, pour la poursuite d’un objectif collectif (Nahmias et Hellier, 2012). En effet, cette notion représente le cadre institutionnel permettant à la ville de fonctionner dans sa globalité : elle recouvre ainsi la totalité de l’environnement nécessaire à son bon fonctionnement i.e. un cadre législatif efficace et pertinent, des processus politiques, de gestion et administratifs efficients et surtout, des institutions locales performantes dans la réponse aux besoins des citoyens, quelle que soit leur nature (Nahmias et Hellier, 2012).
Il est ainsi aisé de faire une distinction claire entre les notions de gouvernement local et de gouvernance urbaine. Malgré leur lien étroit, certains intérêts partagés mais surtout, leur indéniable interdépendance, il est important de les différencier.
La production de gouvernance urbaine est un sujet contemporain soulevant de nombreux enjeux et défis qui seront traités au cours de cette étude.
Benchmark historique sur la gouvernance urbaine
Dans ce paragraphe seront traités les modes de gouvernance à plusieurs niveaux i.e. les différents systèmes de prise de décision permettant de définir et de mettre en œuvre des politiques publiques produites suivant différents types de collaboration, notamment avec la maîtrise d’usage (les citoyens) (Organisation des Nations Unies, 2016).
Pour ce faire, il est nécessaire de connaître et surtout de comprendre de quelle manière la gouvernance urbaine s’est installée et a émergé historiquement. En effet, la notion de gouvernance au sens large existe depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans le monde anglophone (Jouve, 2007), elle est donc récente mais n’est plus nouvelle. Cette notion a émergé dans un contexte de chute du bloc soviétique, dans le but de remettre en cause les relations internationales trop souvent souhaitées unipolaires par les États-Unis, grande puissance mondiale. Le concept de gouvernance permet ainsi de donner un vent d’espoir aux pays en développement faisant l’objet de grands programmes d’aide internationale de l’ONU en responsabilisant la société civile et lui donnant un certain contrôle sur les ressources et les décisions prises par rapport aux administrations nationales. Il permet aussi la mise en place d’une prise en charge des besoins collectifs pour le développement économique et social des plus démunis, la mise en place de réformes institutionnelles dans le cadre de la lutte contre la corruption et la libéralisation des services, ou encore la révision de l’exécutif de certains grands groupes après avoir fait l’objet de scandales financiers et accusés de faire des actionnaires décisionnaires le pouvoir exécutif de ces derniers. On remarque ainsi déjà que le concept de gouvernance, étendu à tous les domaines, prône la transparence et permet à la société civile d’être plus entendue et surtout, écoutée.
Bien évidemment, les politiques urbaines ont également adopté cette dynamique. Progressivement, alors que le pouvoir urbain était majoritairement centralisé jusqu’alors, un rééquilibrage de son exercice s’établit pour laisser place à la voix de la société civile, au détriment des États et institutions urbaines locales (Jouve, 2007).
En effet, à partir des années 1970, de nombreuses études dans le champ des sciences sociales voient le jour et appuient sur le fait que les instances publiques, qu’elles soient nationales ou locales, sont capables de produire et gérer seules les politiques urbaines ; toutefois, il ne faut pas surestimer leur capacité à mener cette mission de manière efficace et unilatérale. C’est à cette période-même que la notion de gouvernance urbaine voit le jour : il est ainsi aisé de comprendre qu’elle ne représente donc qu’une déclinaison à l’échelle territoriale d’une dynamique bien plus vaste ayant déjà été appliquée au champ de la politique et ayant mené à de grandes réformes telles que l’institutionnalisation des démocraties et la mise en place des élections pour désigner les chefs des États. L’émergence progressive de cette notion pourra ainsi être observée au travers des différents exemples internationaux et nationaux traités cidessous.
Tout d’abord, voici l’exemple de la ville de Venise qui est très représentatif. Cette ville souffre depuis l’après-guerre d’une situation très nocive dont elle souhaite se dépêtrer. En effet, plusieurs sites vénitiens hébergent des activités à hauts impacts environnementaux et sociaux dans le cadre de la restructuration du secteur des industries lourdes. De plus, la gestion de l’espace est très compliquée car la politique adoptée ne peut être imposée et appliquée au gré seul des institutions : d’énormes pressions sont exercées par différents groupes tels que les taxistes, les hôteliers, les gondoliers, les commerçants, les grandes industries et les groupes politiques divers. Pour autant, certains textes de gestion des territoires tels que le Piano Strategico di Venezia (plan de gestion stratégique) sont adoptés dans le but de mieux gérer les contraintes de cette ville très touristique, mais sans grand succès. En effet, l’adoption d’un texte et de lois ne garantit pas leur application par les personnes concernées, d’autant plus si de grands enjeux économiques sont mis en cause. L’exemple de la zone industrialo-portuaire de Porto Marghera (Venise) permet de bien illustrer ces propos : depuis l’après-guerre, ce site de deux-milles hectares abrite des activités de pétrochimie à très lourdes conséquences environnementales et sociales. Depuis les années 90, il est géré par les grandes entreprises qui l’occupent et ne peut être géré par l’État. A cette époque, la ville est alors gérée par défaut par les forces extraterritoriales telles que les industries ou le tourisme et l’urbanisme. Il faudra attendre l’arrivée de Massimo Cacciari en tant que maire de Venise pour faire bouger les choses : élu au suffrage universel direct, il souhaite restaurer la capacité politique locale à agir sur sa ville. Jusque-là centralisée par l’État, la gestion des territoires et de l’urbanisme était plutôt chaotique. Un tournant dans l’histoire de la gestion des territoires a ainsi lieu : Massimo Cacciari a une vision de la gestion de ses territoires plus souple, il souhaite s’associer aux forces économiques et sociales locales dans le but de négocier avec eux et d’opérationnaliser une dynamique d’institutionnalisation d’un système d’acteurs entre public et privé. Cette dynamique correspond aux prémices d’une gouvernance vénitienne urbaine qui permettrait de réguler les conflits d’intérêts territoriaux et surtout, de faire reconnaître aux différents acteurs prenant part à ce nouveau système que la ville est un espace politique et urbain ne dépendant plus des ressources et industries extérieures (Pinson, 2006).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. État de l’art : les modes de gouvernance urbains
1.1. Définition : qu’est-ce que la gouvernance ?
1.2. Benchmark historique sur la gouvernance urbaine
1.3. Étude de l’émergence de la gouvernance urbaine participative
1.3.1. D’où provient une telle émergence ?
1.3.2. Gouvernance et clusters d’innovation
1.4. Regard critique et questionnements
2. Étude de cas : le projet Joliot Curie
2.1 Introduction au cas d’étude
2.1.1. Présentation du projet
2.1.2. Généralités sur les transformations d’axes urbains structurants
2.1.3. Les phénomènes de couture et de coupure urbaines
2.1.4. Pertinence du cas d’étude
2.1.5. Méthodologie générale
2.2. Étude de cas : méthodologie et application
2.2.1. Méthodologie détaillée
2.2.2. Application à l’étude de cas
2.3. Analyse des réseaux d’acteurs
2.4. Analyse au travers du prisme du cluster
3. Conclusion
Annexes
Bibliographie
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