Les exosomes
D’un point de vue étymologique, le terme exosome vient du grec exô-, qui signifie hors de, et de –sôma, signifiant corps. Les exosomes sont de petites vésicules membranaires, sécrétées dans le milieu extracellulaire par différents types de cellules. Comme nous le discuterons un peu plus loin, la composition moléculaire et la fonction de ces exosomes peuvent varier en fonction du type de cellule libérant les vésicules. Toutefois, un paramètre reste quasi systématique, celui de leur morphologie et de leur taille. De forme sphérique, les exosomes ont un diamètre variant de 50 à 100nm.
Le concept d’exosome est un concept récent, né dans les années 80, lors de l’étude du trafic du Récepteur de la Transferrine (RTf) durant la maturation du réticulocyte. Comme tout nouveau concept en biologie, la communauté scientifique a d’abord été sceptique quant à l’existence de telles structures, les considérant comme un artéfact expérimental. Toutefois, la multiplicité des expériences et des modèles animaux a permis de valider ce concept de sécrétion d’exosomes par les réticulocytes (Johnstone, Bianchini et al. 1989). La fonction proposée alors, était d’envisager la sécrétion d’exosomes comme un moyen mis en place par la cellule pour éliminer des protéines devenues inutiles, telles que le RTf. Dix ans plus tard, les études concernant les exosomes se sont multipliées, à la suite de la découverte d’exosomes sécrétés par les cellules présentatrices d’antigène (CPA). De plus, il s’est avéré que dans certaines conditions, ces exosomes pouvaient stimuler la prolifération des lymphocytes T in vitro, et d’induire une réponse anti-tumorale in vivo. Il a donc été suggéré que les exosomes de CPA pouvaient avoir un rôle dans la réponse immunitaire. Depuis ces premières découvertes, des exosomes ont pu être isolés à partir de divers surnageants de culture de nombreux autres types cellulaires tels que des lymphocytes T, des mastocytes, des plaquettes, et différentes cellules épithéliales ou lignées de cellules tumorales.
Découverte, historique
Les premiers travaux
Si le terme d’exosome est apparu pour la première fois dans la littérature en 1987 (Johnstone, Adam et al. 1987), les études qui ont mené à la découverte de ces vésicules ont commencé dans les années 70. A l’origine, on pensait que ces vésicules résultaient d’un phénomène de bourgeonnement de la membrane plasmique. Rose Johnstone et son équipe travaillaient à l’époque sur le transport des acides aminés dans une lignée de cellules tumorales et recherchaient une méthode pour identifier spécifiquement un transporteur dans la membrane plasmique, afin de pouvoir le purifier (Bardin and Johnstone 1978; Johnstone 1979). Elle montra alors que le réticulocyte de mouton transportait certains acides aminés par une voie dépendante du sodium, appelée transport actif secondaire. Or, dans les réticulocytes de mouton, cette fonction de transporteur est perdue lors de la maturation des cellules en érythrocytes (Benderoff, Blostein et al. 1978) en même temps que le Récepteur de la Transferrine (RTf). Néanmoins, depuis plusieurs années, le devenir du RTf était sujet à controverse. Alors que l’on savait que la capture du fer s’arrêtait quand la cellule maturait et que ces cellules ne pouvaient plus lier la Transferrine, la protéine du sérum en charge du fer (Jandl and Katz 1963); la question d’une dégradation ou d’une inactivation du RTf lors de la maturation du réticulocyte restait ouverte (Leibman and Aisen 1977). Alors que le transporteur d’acides aminés représente une part mineure en termes de quantité de protéines de la membrane plasmique, le Récepteur de la Transferrine (RTf), a contrario, est une protéine majoritaire. Le groupe décida alors de se pencher sur le devenir du RTf lors de la maturation du réticulocyte. En utilisant un anticorps monoclonal dirigé contre le RTf et couplé à l’or colloïdal, ils suivirent la maturation en microscopie électronique (Pan, Teng et al. 1985) et observèrent l’endocytose de l’anticorps conjugué à l’or suivi d’un bourgeonnement dans un compartiment vacuolaire interne, l’endosome multivésiculaire (EMV). Après 3 heures d’incubation, il y avait accumulation de petites vésicules d’environ 50nm dans la lumière du compartiment vacuolaire ; compartiment dont la taille augmentait, se chargeait en vésicules marquées et qui, finalement, fusionnait avec la membrane plasmique, libérant alors les vésicules (Figure 1). Après 24 heures d’incubation à 37°C, le processus était terminé et aucune structure marquée à l’or ne subsistait dans la cellule (Pan, Teng et al. 1985). Le RTf est donc perdu au cours de la maturation du réticulocyte, associé à des vésicules, qui prirent alors le nom d’exosomes.
Du cas historique du réticulocyte à l’urine : les exosomes sont partout
Depuis l’exemple de la libération d’exosomes par les réticulocytes, il a été montré que d’autres types cellulaires sécrètent des exosomes. En effet, la fusion de l’EMV avec la membrane plasmique libérant les exosomes dans le milieu extracellulaire a été observée dans des cellules impliquées dans la réponse immunitaire comme : les lymphocytes B (Raposo, Nijman et al. 1996; Escola, Kleijmeer et al. 1998), les lymphocytes T (Peters, Geuze et al. 1989; Blanchard, Lankar et al. 2002), les cellules dendritiques (Thery, Regnault et al. 1999; Thery, Boussac et al. 2001), les mastocytes (Raposo, Tenza et al. 1997; Skokos, Le Panse et al. 2001) et les cellules épithéliales de l’intestin (Karlsson, Lundin et al. 2001; van Niel, Raposo et al. 2001). Les exosomes issus de ces cellules possèdent à leur surface le complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH-I) et de classe II (CMH-II) présentant l’antigène , suggérant un rôle potentiel de ces vésicules dans le processus de défense immunitaire. Dans ces cellules, le CMH-II est concentré dans le compartiment MIIC (compartiment de charge du peptide antigénique), qui après fusion avec la membrane plasmique libère des exosomes dans le milieu extracellulaire (Raposo, Nijman et al. 1996; Wubbolts, Fernandez-Borja et al. 1996). D’un point de vue quantitatif cependant, un travail réalisé par Graça Raposo a permis de montrer que (i) 90% du complexe était présenté en surface de la cellule et que (ii) dans le même temps, 10% du CMH-II était libéré associé à ces vésicules (Raposo, Nijman et al. 1996). Des cellules cancéreuses issues de tumeurs sont également capables de sécréter des exosomes. Les cellules de mélanomes (Riteau, Faure et al. 2003) et d’adénocarcinome mammaire (Wolfers, Lozier et al. 2001) présentent des structures internes identiques aux EMVs, qui fusionnent et libèrent des vésicules d’un diamètre compris entre 60 et 90nm (Wolfers, Lozier et al. 2001). Ces exosomes contiennent des protéines retrouvées de manière conservée (e.g. tétraspanines) dans ces structures mais aussi des antigènes tumoraux portés par les molécules CMH-I (Wolfers, Lozier et al. 2001; Riteau, Faure et al. 2003).
Des vésicules de diamètre variable (entre 30 et 100nm), possédant les caractéristiques des exosomes, sont retrouvées dans le surnageant de culture d’autres types cellulaires comme les plaquettes sanguines (Heijnen, Debili et al. 1998) ou les cellules épithéliales de la prostate (Utleg, Yi et al. 2003). Enfin, l’étude protéomique des exosomes de l’urine a permis de mettre en évidence la libération par les cellules du tubule rénal de l’aquaporine 2 (AQP2) associée à des exosomes (Pisitkun, Shen et al. 2004). Les exosomes sont donc retrouvés dans différents fluides corporels (e.g. plasma, effusion pleurale, urine, lait) et proviennent de différents types cellulaires, n’ayant pas forcément les mêmes caractéristiques (Bard, Hegmans et al. 2004; Pisitkun, Shen et al. 2004; Caby, Lankar et al. 2005; Admyre, Johansson et al. 2007). Néanmoins, quel que soit le type cellulaire, de nombreuses études ont permis de converger sur un mécanisme de biogenèse commun, indépendant du type cellulaire dont sont issues ces vésicules.
|
Table des matières
INTRODUCTION
Revue Bibliographique
Chapitre I : Les exosomes
A- Découverte, historique
1- Les premiers travaux
2- Du cas historique du réticulocyte à l’urine : les exosomes sont partout
B- Trafic endosomal et biogenèse des exosomes
1- L’endocytose : de la membrane plasmique au compartiment endosomal
a- Voie d’endocytose dépendante de la clathrine
b- Voies d’endocytose indépendantes de la clathrine
La phagocytose
La macropinocytose
Les cavéoles
Les rafts
2- Les différents types d’endosomes
a- Endosomes précoces
Endosome de tri
Endosome de recyclage
b- Endosomes tardifs
c- Lysosomes
3- L’endosome multivésiculaire (EMV)
a- L’EMV, un peu d’histoire
b- Les signaux de tri vers les EMVs
L’ubiquitine comme signal de tri vers les EMVs
Signaux de tri indépendants de l’ubiquitine
c- Le rôle des lipides dans le tri vers l’EMV
Le phosphatidylinositol 3 phosphate (PI(3)P) et le phosphatidylinositol 3,5 biphosphate
(PI(3,5)P2)
Le cholestérol
Le lyso-bisphosphatidic acid (LBPA)
d- La machinerie ESCRT dans la biogenèse de l’EMV
ESCRT-0
ESCRT-I
ESCRT-II
ESCRT-III
e- Virus et EMV
f- Devenir de l’EMV
La dégradation lysosomale
Un stockage temporaire
La sécrétion des ILV : la naissance des exosomes
C- Composition moléculaire des exosomes
1- Compositions protéiques et lipidiques communes à tous les types d’exosomes
a- Protéines ubiquitaires
b- Lipides
2- La spécificité de composition protéique des deux grands types d’exosomes
a- Les exosomes de cellules présentatrices d’antigène
b- Les exosomes de réticulocyte
D- Fonctions des exosomes
1- Exosomes de cellules du système immunitaire
2- Exosomes de cellules épithéliales
3- Exosomes de réticulocyte
E- Exosomes versus ectosomes
Chapitre II : Le réticulocyte
A- L’érythropoïèse et sa régulation
1- Les cellules souches
a- Cellules souches pluripotentes
b- Cellules souches multipotentes
c- Progéniteurs érythroblastiques
2- Les érythroblastes
a- Proérythroblastes
b- Erythroblastes basophiles
c- Erythroblastes polychromatophiles
d- Erythroblastes orthochromatiques
e- L’îlot érythroblastique
3- Les réticulocytes
4- Les érythrocytes
5- Régulation de l’érythropoïèse
a- Le Stem Cell Factor (SCF)
b- L’érythropoïétine (EPO)
c- Le fer
B- La maturation du réticulocyte
1- Généralités
2- Evolution morphologique au cours de la maturation
3- La synthèse d’hémoglobine
4- Perte de protéines membranaires
5- La perte des organites intracellulaires
a- Les ribosomes
b- Le réticulum endoplasmique et l’appareil de Golgi
c- Les lysosomes
d- Les mitochondries
C- La dégradation programmée des mitochondries : La Mitoptose
1- Le rôle clé de la 15-lipoxygénase (15-LOX)
a- Synthèse de la 15-LOX
b- Structure et fonction de la 15-LOX
c- La libération et l’élimination des protéines mitochondriales
2- L’autophagie
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet