Bases anatomiques de l’utérus gravide

Le segment inférieur

L’utérus gravide mesure, à terme, entre 30 et 33 cm de long. Mais plus encore que cette augmentation, c’est la formation du segment inférieur qui bouleverse l’anatomie de la région (2). Lacomme disait : « le segment inférieur n’est pas une entité anatomique définie » car de forme et de taille variables, il se constitue à partir du 6ème mois chez une primipare et beaucoup plus tard chez une multipare. Le segment inférieur, qui se développe aux dépens de l’isthme et de la partie supérieure du col utérin, correspond à la partie amincie comprise entre le col et le corps utérin (3). Sa constitution est due à la résultante R de la force de dilatation (Fd) et de la force d’ascension (Fa) induite par la tension des parois utérines, entraînant la dilatation isthmique et un amincissement de cette région (3) (fig. 1). La force de dilatation est une conséquence de la pression intra-ovulaire, majorée par les contractions utérines. Une pression optimale est réalisée au mieux par une présentation céphalique bien fléchie. A ce niveau, on ne trouve pas de couche plexiforme. Le segment inférieur est formé en majeure partie de fibres arciformes à direction transversale et à concavité orientée vers le haut. La minceur du segment, sa faible vascularisation en font une région de choix pour l’incision de l’utérus dans les césariennes (4). D’autre part, sa richesse en éléments conjonctifs favorise la cicatrisation (5).

Rapports péritonéaux

En dehors de la grossesse, le péritoine pelvien est solidaire de la face supérieure de la vessie, du corps utérin et de la face antérieure du rectum dont il moule les reliefs. Au cours des six premiers mois, l’accroissement de volume de la cavité utérine se fait exclusivement aux dépens du corps utérin, les rapports ne sont pas modifiés. Au cours du troisième trimestre de la grossesse, la distension isthmique déplace vers le haut le repli vésico-utérin (fig. 2). Le péritoine recouvre la plus grande partie du segment inférieur et est facilement décollable.

Au cours du travail, le cul-de-sac vésico-utérin accentue encore son ascension et la moitié inférieure du segment inférieur est alors en rapport avec la face postérieure de la vessie dont elle reste d’ailleurs facilement clivable (fig. 3). C’est la connaissance anatomique de ces modifications qui a permis la technique de la césarienne segmentaire, possible dès la formation du segment inférieur .

Rapports antérieurs

L’ascension de la vessie n’est pas due seulement aux variations topographiques du péritoine. Lors de l’ampliation vésicale, la face supérieure de cet organe ne peut trouver place qu’au-dessus du pubis et la face antérieure du segment inférieur répond sur presque sa totalité à la face postérieure de la vessie, le cul-de-sac vésico-utérin étant peu profond. La présence d’une sonde vésicale est une nécessité de sécurité lors de l’abord chirurgical de la cavité péritonéale. L’ascension vésicale s’accompagne d’une élongation de l’urètre.

Rapports latéraux 

Le dôme vaginal distendu en fin de grossesse se rapproche de l’uretère et entre en contact avec celui-ci sur toute sa face latérale. L’uretère, solidement fixé à la paroi vésicale, ne contracte avec le vagin que des rapports de contiguïté. Le point de rencontre de l’artère utérine et du muscle utérin se trouve ascensionné et se déplace latéralement. Le trajet artériel devient donc externe par rapport à l’uretère (fig. 4a) (fig.4b). En fin de grossesse, et au cours du travail, l’origine de la branche cervicovaginale de l’artère utérine et son point de pénétration isthmique remontent encore, de telle façon que cette artère perd tout contact avec l’uretère.

RAPPELS THEORIQUES SUR LA CESARIENNE 

Définition 
Le nom de césarienne dérive du mot latin caedare qui veut dire couper. On désigne sous le terme de « césarienne » la réalisation d’un accouchement artificiel après ouverture chirurgicale de l’utérus. La césarienne est presque toujours faite par voie abdominale, la voie vaginale étant rare de nos jours.

Historique

L’origine de la césarienne remonte à l’Antiquité où elle était considérée comme une intervention mythique réservée aux dieux et aux héros naissant par voie abdominale. Au début, la césarienne a été pratiquée uniquement sur femme morte pour extraire l’enfant dans le but de le baptiser (conciles de Venise en 1280). Il a fallu attendre le XVIème siècle pour que Jacob Nüfer tente et réussisse la première césarienne sur sa propre femme avec femme et enfant vivants. Mais la description de cette intervention laisse penser qu’il s’agit d’une grossesse abdominale libérée sans incision utérine. Baudelocque (1746 – 1810) pratiquait la césarienne par laparotomie médiane. Le refus de suturer l’utérus, considéré comme « l’ouvrage de la seule nature », l’absence totale d’asepsie et la spoliation sanguine entraînaient une mortalité très sévère (50 à 80%). La première suture utérine fut réalisée par Lebas en 1769 au fil de soie. Le premier à réaliser la suture du péritoine viscéral fut l’Américain Engnam. En 1882, deux auteurs allemands, Kehrer et Sänger, ont préconisé une « bonne suture utérine » systématique. Kehrer conseilla de pratiquer l’hystérotomie au niveau de la partie inférieure de l’utérus, constatant que cette dernière était plus mince et moins vascularisée. En 1907, Frank imagina d’inciser l’utérus par le segment inférieur et de péritoniser la cicatrice d’hystérotomie à l’aide du péritoine préalablement décollé.

Cette césarienne segmentaire, « une des plus belles acquisitions de l’obstétrique moderne » (Schokaert), fut introduite en France par Schickete et imposée par Brindeau (1921). En 1908, Pfannenstiel proposa une incision transversale de l’abdomen. L’amélioration progressive du pronostic maternel fut liée non seulement aux progrès de la technique opératoire, mais aussi à l’évolution de la technique anesthésique, à l’avènement de l’antibioprophylaxie, ainsi qu’aux progrès de la transfusion sanguine. Si bien que cette intervention, autrefois redoutable, tend à être une solution de facilité. Plus récemment, plusieurs études randomisées ont comparé les suites opératoires des césariennes selon que les deux feuillets péritonéaux, viscéral et pariétal, étaient fermés ou non. Ces études ont donné la possibilité de conclure, avec un niveau de preuve élevé, que l’absence de fermeture des deux feuillets péritonéaux est associée à une morbidité post-opératoire précoce moindre, et à une réduction du temps opératoire de 6 à 8 minutes (7).

Fréquence dans les pays développés 
Depuis les années 70, le taux de césarienne ne cesse d’augmenter dans les pays développés (9) (10) (fig. 5). En 1970, ce taux était en Suède, aux Etats-Unis comme en France légèrement supérieur à 6 %. Depuis, il n’a cessé d’augmenter pour atteindre 12,3 % en Suède et 15,9 % en France en 1995. En 1995, plusieurs régions allemandes présentaient des taux moyens de 17 – 19 % (11).

Indications de la césarienne :
Prendre la décision de pratiquer une césarienne ne doit pas être une solution de facilité. Si la sécurité de cette opération est devenue très grande, la mortalité maternelle n’a pas pour autant disparu. Selon une étude (1), les indications les plus fréquentes sont les suivantes : –
– cicatrices utérines : 28,4%
– anomalies de progression du travail : 23,42%
– souffrance fœtale aiguë : 16,7%
– souffrance fœtale chronique : 9,3%
– pathologie maternelle : 18,3%
– siège : 15,2%
– grossesses multiples : 2,8% .

C’est surtout la morbidité d’une telle intervention, dont la fréquence des complications mérite d’être soulignée, qui impose des indications précises et justement posées.

Les dystocies mécaniques

Résultant d’une anomalie dans le mécanisme de l’accouchement, elles représentent encore une part appréciable des césariennes (20 à 40%).

➤ Les disproportions foeto-pelviennes :
Les causes de cette disproportion sont entre autres : la macrosomie fœtale, l’hydrocéphalie. Donc souvent les dimensions du bassin osseux sont normales mais soit le poids de l’enfant est élevé, soit la présentation fœtale est trop volumineuse. La disproportion foeto- pelvienne sur bassin limite est également prônée par certains auteurs. La seule discussion concerne le moment où on doit pratiquer la césarienne : avant tout début de travail ou après un certain temps de travail. La notion de bassin « chirurgical » ne saurait avoir de frontière bien tranchée et seule une épreuve de travail permettra la confrontation du mobile céphalique fœtal en présentation du sommet avec le détroit supérieur du bassin. Si l’épreuve est franchement négative, la présentation reste mobile, la césarienne est nécessaire.
➤ Les obstacles praevia (2):
• Le kyste de l’ovaire pelvien représente un obstacle infranchissable dès que son diamètre dépasse 8 cm.
• Le fibromyome utérin, rarement à l’origine d’une dystocie sauf s’il est pédiculé et enclavé dans le pelvis ou s’il siège sur le segment inférieur, est différencié à l’échographie.
➤ Les dystocies osseuses :
La prévention du rachitisme, les corrections orthopédiques dans les déformations vertébrales ont fait pratiquement disparaître les atteintes sévères dans les pays développés (4). Mais naturellement, les anomalies congénitales persistent. Les dystocies osseuses posent un problème de classification. Plusieurs ont été proposées mais aucune n’est parfaite. La classification anatomique est basée sur les dimensions pelviennes (13) (tableau N° 01).
Les principales anomalies sont :
• Bassin généralement rétréci : c’est une variété « mini » du bassin gynécoïde normal chez une femme de petite taille, présentant un petit losange de Michaelis.
• Bassin plat ou rachitique où le diamètre antéro-postérieur du détroit supérieur présente une forme ovale et le losange de Michaelis une forme trapézoïde.
• Bassin transversalement rétréci,
• Bassin obliquement rétréci : il s’agit d’une anomalie complexe du bassin qui accompagne les troubles de la statique pelvienne : déformation du rachis, fracture du bassin avec enfoncement du cotyle.

➤ Présentations dystociques et autres anomalies mécaniques (2) (14) :
• La présentation de l’épaule ou transversale est la présentation dans laquelle le grand axe du fœtus n’est pas vertical. C’est l’épaule, le dos ou le ventre du fœtus qui viennent au contact du détroit supérieur. Le repère de la présentation est l’acromion par rapport aux régions droite ou gauche de la mère. Pour le dos en avant :
. AIGA : Acromio-iliaque gauche antérieure ;
. AIDA : Acromio-iliaque droite antérieure ;
pour le dos en arrière :
. AIGP : Acromio-iliaque gauche postérieure ;
. AIDP : Acromio-iliaque droite postérieure.
Une autre classification (15) énonce l’épaule :
. épaule gauche, dos en avant ou en arrière ;
. épaule droite, dos en avant ou en arrière.
La présentation de l’épaule, en cas d’échec de la manœuvre externe, exige une césarienne.
• Le deuxième jumeau en présentation transversale pourrait être extrait par une version podalique par manœuvre interne. Certains répugnent à cette manœuvre et pratiquent une césarienne.
• La présentation du front relève aussi de l’hystérotomie dès qu’elle se fixe en début de travail.
• La césarienne s’impose après la surveillance de la présentation de la face lors d’une anomalie dans le déroulement harmonieux de l’accouchement.

➤ Présentation du siège (16):
Le siège est une « présentation potentiellement dystocique » (17), plutôt qu’une présentation dystocique à priori. La morbidité périnatale de l’accouchement par le siège est la conséquence de traumatismes obstétricaux liés à des manœuvres (18). La majorité des auteurs, notamment Raudrant (19), Roman (20), Krebs (21), notent que l’accouchement par voie basse expose à un risque plus élevé d’Apgar inférieur à 7 à la 5 ème minute que par césarienne. A l’heure actuelle, les publications disponibles sont toutes criticables et d’un niveau de preuve insuffisant pour recommander une pratique plutôt qu’une autre.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : revue documentaire
I. Bases anatomiques de l’utérus gravide
I.1. Le segment inférieur
I.2. Rapports péritonéaux
I.3. Rapports antérieurs
I.4. Rapports latéraux
II. Rappels théoriques sur la césarienne
II.1. Définition
II.2. Historique
II.3. Fréquence dans les pays développés
II.4. Indications de la césarienne
II.4.1. Les dystocies mécaniques
II.4.2. Les dystocies dynamiques
II.4.3. Indications liées à l’état général
II.4.4. Indications liées aux annexes fœtales
II.4.5. Pathologie gravidique
II.4.6. Souffrance fœtale
II.4.7. Autres indications
II.5. Les contre-indications
II.6. La technique
II.6.1. Techniques anesthésiques
II.6.2. Techniques d’ouverture pariétale
II.6.3. L’hystérotomie ou incision utérine
II.6.4. Extraction fœtale
II.6.5. La délivrance
II.6.6. Suture de l’utérus
II.6.7. Fermeture péritonéale
II.7. Soins post-opératoires
II.7.1. Analgésie post-opératoire
II.7.2. Réalimentation
II.7.3. Prévention de la maladie thromboembolique
II.8. Les complications de la césarienne
DEUXIEME PARTIE : Etude proprement dite
I. Buts de l’étude
II. Cadre de l’étude
III. Méthodologie
III.1. Moyens d’étude
III.2. Méthode
IV. Analyse des résultats
IV.1. Etude descriptive
IV.1.1. Profil des femmes césarisées
IV.1.2. Les caractéristiques des enfants nés de césarienne
IV.1.3. Les caractéristiques des opérations césariennes
IV.2. Etude analytique
TROISIEME PARTIE : commentaires et suggestions
CONCLUSION

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