Base physiologique de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle

Base physiologique de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle

Métabolisme cérébral et changements hémodynamiques

Comme expliqué précédemment, le signal BOLD reflète les changements locaux de concentration en déoxyhémoglobine. Puisque celui-ci est tributaire du métabolisme et de la réponse vasculaire associée, il est impératif de comprendre le rapport existant entre le métabolisme cérébral et les changements vasculaires, dit hémodynamiques.Angelo Mosso (1881) a été le premier à démontrer la relation entre la demande énergétique et le débit sanguin cérébral. Il a remarqué, chez un patient ayant une malformation crânienne au niveau du lobe frontal, une augmentation des pulsations due à l’augmentation du débit sanguin lorsque le patient réalisait des tâches arithmétiques sollicitant son lobe frontal. Cette démonstration illustrait à la fois que (1) l’activité neuronale est associée à une hausse du métabolisme cérébral, et que (2) l’élévation du métabolisme est accompagnée d’une augmentation du débit sanguin cérébral. Roy et Sherrington (1890), lors d’études chez les animaux, ont conclu que certains produits du métabolisme cérébral stimulaient l’activité vasomotrice, apportant des changements hémodynamiques en réponse aux variations de l’activité cérébrale. Par la suite, Sokoloff et al. (1977) ont’ démontré que la variation locale du métabolisme du glucose est couplée à une augmentation du débit sanguin dans là même région cérébrale permettant ainsi de répondre aux besoins en oxygène et métabolites des neurones. Par contre, comme le démontrèrent par la suite les travaux de Malonek et Grinvald, les changements hémodynamiques associés à une hausse du métabolisme sont d’une amplitude démesurée. Ceci implique que plus de sang oxygéné est amené à la région activée qu’il n’en faut pour répondre à la demande métabolique, et cela sur une région plus étendue que l’activité neuronale. Les auteurs ont comparé ce phénomène à: « [ … ] arroser un jardin entier pour les besoins d’une seule fleur» (Malonek & Grinvald, 1996). Suite à la stimulation et à l’activation des neurones, l’augmentation du métabolisme de l’oxygène précède l’augmentation du débit sanguin cérébral, menant à une augmentation de la concentration de déoxyhémoglobine locale. Cela induit donc une diminution initiale « 3s) du signal BOLD suivant l’activation neuronale nommée «initial dip» ou diminution post-stimulus précoce (Rother et al., 2002). Suivant l’élévation du débit, les compartiments artériolaire et veineux se dilatent, menant à une augmentation nette du volume sanguin cérébral local et de la concentration d’oxyhémoglobine (Mandeville et al., 1998; Drew, Shih & Kleinfeld, 2011; Zong, Kim & Kim, 2012). Toutefois,l’augmentation d’oxyhémoglobine ne s’ajustent que grossièrement à l’activité neuronale, comme le démontre les différences spatiotemporelles observées entre la réponse neuronale et les changements de concentration d’oxyhémoglobine locale lors d’une stimulation (Malonek & Grinvald, 1996). Cette seconde phase se traduit par une augmentation prolongée du signal BOLD (Malonek et al., 1997). Enfin, puisque le volume revient moins rapidement au niveau de base que le débit sanguin, on observe tardivement une augmentation de la concentration de déoxyhémoglobine, et donc, une diminution du signal BOLD sans activité neuronale impliquée (Buxton, Uludag, Dubowitz & Liu, 2004). Cette diminution de signal est nommée en anglais «poststimulus undershoot» ou diminution post-stimulus tardive. La diminution précoce est plus circonscrite que l’augmentation du signal BOLD, cette seconde phase pouvant s’étendre jusqu’à une distance de 3 à 5 mm du foyer d’activité neuronale (Malonek & Grinvald, 1996). Certains auteurs ont d’ailleurs avancé que la diminution précoce pourrait mieux représenter l’activité neuronale sous-jacente (Frostig, Lieke, Ts’o & Grinvald, 1990; Ances, 2004; Thompson, Peterson & Freeman, 2003; Malonek & Grinvald, 1996; Kim, Duong & Kim, 2000), mais cette théorie est fortement contestée dans la littérature (Buxton, 2001; Ances, Buerk, Greenberg & Detre, 2002; Vanzetta & Grinvald, 2001; Mayhew et al., 2001; Lindauer et al., 2001; Jones, Berwick, Johnston & Mayhew, 2001; Buerk, Ances, Greenberg & Detre, 2003). Un modèle récent de Friston
et al. (2000) lie les changements BOLD à l’activité neuronale et hémodynamique en 5 phases en couplant: (1) l’activité neuronale aux changements de débit sanguin; (2) les changements de débit sanguin à l’oxygénation des tissus; (3) les changements de débit sanguin au volume sanguin; (4) les changements de débit, de volume et d’extraction de l’oxygène aux changements de concentration de déoxyhémoglobine, et [malement (5) les changements de volume et de concentration de déoxyhémoglobine à la réponse BOLD (Zheng et al., 2002; Friston, Mechelli, Turner & Price, 2000).

 Mécanismes cellulaires

Comme expliqué précédemment, une stimulation activant une région du cerveau amène une augmentation du métabolisme cérébral de l’oxygène significativement moins élevée que l’amplitude de la réponse hémodynamique ou que le métabolisme du glucose (Fox, Raichle, Mintun & Dence, 1988; Madsen, Cruz, Sokoloff & Dienel, 1999; Malonek & Grinvald, 1996; Raichle, 1998; Vanzetta & Grinvald, 2008). Bien que les mécanismes exacts impliqués dans cette divergence ne soient pas bien connus, certains éléments nous permettent de comprendre comment les changements hémodynamiques s’ajustent au métabolisme cellulaire cérébral. Premièrement, la diffusion de l’oxygène dans le tissu cérébral est lente alors qu’un ajustement rapide des substrats énergétiques
est requis (Buxton & Frank, 1997; Raichle & Mintun, 2006). Lors d’augmentation rapide d’activité neuronale, la glycolyse anaérobique, donc sans consommation d’oxygène, permet une production d’énergie plus rapide. Bien que la contribution de la glycolyse soit minime comparativement au métabolisme oxydatif, il semble qu’elle soit stratégiquement essentielle (Zonta et al., 2003). En effet, lors de l’activation rapide des neurones, une quantité importante de glutamate, le neurotransmetteur excitateur principal du système nerveux central, s’accumule dans la fente synaptique. Puisque celui-ci mène à une excitotoxicité neuronale, le glutamate doit être capté rapidement par les astrocytes, une cellule de soutien du système nerveux central. Celle-ci permet la transformation du glutamate en glutamine et le transfert de nouveau au neurone pré-synaptique pour être retransformé en neurotransmetteur actif. Ce processus actif mène à l’accumulation de lactate, le produit de lâ combustion anaérobique du pyruvate.
Les vaisseaux sanguins, sensibles à l’altération du ratio lactate-pyruvate dans le milieu extracellulaire, se dilatent lors d’une augmentation du ratio et se contractent lors d’une diminution (Ruettel et al., 2004; Raichle & Mintun, 2006). Parallèlement, l’activation des récepteurs glutamatergiques de l’astrocyte produit une augmentation de calcium intracellulaire menant à la synthèse d’acide arachidonique, laquelle est métabolisée en prostaglandines E2, une molécule vasodilatatrice (Rudzinski, Swiat, Tomaszewski & Krejza, 2007; Zonta et al., 2003). L’accumulation du lactate et la relâche d’acide arachidonique causées par la participation de l’astrocyte engendrent un changement de tonus des vaisseaux sanguins menant à la réponse hémodynamique locale lors d’une activation des neurones.

Autorégulation cérébrale et pression artérielle systémique

Le cerveau a des besoins élevés en glucose et oxygène. En effet, bien qu’il ne représente que 2 % de la masse corporelle, il consomme environ 20 % de l’énergie produite au repos (Attwell et al., 2010). Il est donc primordial de conserver un apport constant en sang oxygéné. L’autorégulation cérébrale désigne l’ensemble des mécanismes spécifiques au tissu cérébral qui interviennent afin d’éviter que l’apport sanguin ne soit modulé à la hausse ou à la baisse par la pression artérielle ou par une diminution importante de volume sanguin. Cette intervention permet d’éviter la syncope
dans le cas d’un apport sanguin insuffisant ou la rupture d’un vaisseau lors d’un apport sanguin excessif dû à l’augmentation de la pression de perfusion, elle-même régie par la pression artérielle et la pression intracrânienne. La pression de perfusion cérébrale est régulée en partie par l ‘habileté intrinsèque de l’endothélium des vaisseaux sanguins de libérer des facteurs induisant une contraction ou relaxation des muscles lisses de la paroi vasculaire (Rudzinski et al., 2007). De plus, le diamètre des vaisseaux sanguins est régulé par l’activité des terminaisons nerveuses périvasculaires (régulation neurogène) (Iadecola & Nedergaard, 2007; Petersen, 2011; Hamel, 2006; Cauli, 2010). À l’extérieur du parenchyme cérébral, les afférences sympathiques provenant du ganglion cervical supérieur régissent le débit sangum cérébral (Lee, 2002). L’effet principal est de produire un décalage de la courbe d’autorégulation vers la droite lors d’augmentation de
la pression artérielle moyenne (MAP) induite par l’activation du système nerveux sympathique (Figure 1.1). À l’intérieur du parenchyme, la régulation neurogène est exercée par les voies vasoactives sous-corticales provenant du noyau basal de Meynert (NBM), du locus coeruleus et des noyaux du raphé, ainsi que par les intemeurones. Ces afférences produisent leur effet en libérant principalement de l’acétylcholine (ACh), de la noradrénaline (NA) et de la sérotonine (5-HT) sur leur récepteur respectif situé sur les cellules endothéliales et les intemeurones. Ceux-ci produisent finalement la relâche d’oxyde nitrique (NO) menant à une vasodilatation locale (Toda, Ayajiki & Okamura, 2009).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
RESUME
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 Base physiologique de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
1.1.1 Principes fondamentaux
1.1.2 Signal BOLD
1.1.3 Origine neurophysiologique du signal BOLD
1.1.4 Métabolisme cérébral et changements hémodynamiques
1.1.4.1 Mécanismes cellulaires
1.1.4.2 Autorégulation cérébrale et pression artérielle systémique
1.2 Couplage neurovasculaire
1.2.1 Généralités
1.2.2 Couplage neurovasculaire et somesthésie
1.3 Couplage et nociception
1.3.1 Physiologique de la douleur et de la nociception
1.3.2 Modulation endogène de la nociception et de la douleur
1.3.3 Couplage neurovasculaire et stimulations nociceptives
1.4 Objectifs et hypothèses
CHAPITRE II NEUROV ASCULAR COUPLING DURING NOCICEPTIVE PROCESSING IN THE PRIMARY SOMATOSENSORY CORTEX OF THE RAT
Résumé
Abstract
Introduction
Materials and Methods
AnimaIs and surgi cal procedures
Local field potential recordings
Cortical blood flow recordings
Somatosensory stimuli
Experimental protocol
Data analysis and statistics
Results
Neurovascular changes in SI during hindpaw stimulation
MAP changes induced by hindpaw stimulation
Pattern and temporal characteristics of CBF and MAP changes
Neurovascular changes in SI during counter-stimulation
Discussion
Alteration of neurovascular coupling during nociceptive processing
Effect of counter-stimulation on neurovascular coupling
Limitations and future directions
Conclusion
Acknowledgements
Figure legends
Reference list
CHAPITRE III DISCUSSION
3.1 Altération du couplage neurovasculaire lors de stimulations nociceptives
3.1.1 Effet de la pression artérielle sur l’activité neuronale
3.1.2 Inhibition neuronale et changements hémodynamiques
3.1.3 Effet de l’activation sympathique sur les changements hémodynamiques
3.1.4 Caractéristiques spatiales de l’activité neuronale dans SI et influence sur le couplage neurovasculaire
3.2 Effet de la contre-stimulation sur le couplage neurovasculaire dans SI
3.2.1 Inhibition sélective des neurones à large gamme dynamique
3.2.2 «Vascular steal effect» et contre-stimulation
3.3 Retombées et directions futures
3.4 Conclusion
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES.

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