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Polarisation spontanée réversible
Un matériau ferroélectrique présente une polarisation spontanée réversible à l’échelle macroscopique. Comme pour les matériaux pyroélectriques, le terme de polarisation spontanée fait référence au fait que le matériau en lui-même peut contenir une polarisation non nulle alors que le champ électrique qu’il subit est nul. En ce sens, tout matériau ferroélectrique est pyroélectrique. En revanche pour les matériaux ferroélectriques, cette polarisation spontanée peut, en plus, être réorientée sous l’action d’un champ électrique. Elle peut aussi être réorientée sous l’action d’une contrainte mécanique, mais dans ce cas, on parlera plutôt de ferroélasticité.
Le fait que la polarisation spontanée doive s’observer à l’échelle macroscopique est d’importance. En effet, il existe des matériaux présentant, à l’échelle atomique, un moment dipolaire (donc une polarisation spontanée) orientable sous champ électrique sans pour autant qu’ils soient ferroélectriques. Par exemple, les matériaux diélectriques qui se polarisent par orientation (cf. 1.1.1.1) présentent localement des dipôles donc une polarisation non nulle. Pour autant, leur polarisation macroscopique reste nulle à champ électrique nul car l’orientation des dipôles est affectée seulement par les forces de Coulomb. La loi d’évolution de la polarisation est alors réversible en fonction du champ électrique. Les matériaux ferroélectriques, en revanche, ont la particularité d’avoir leurs moments dipolaires couplés. L’orientation des dipôles n’est alors pas seulement affectée par les forces électrostatiques mais aussi par les dipôles voisins. C’est ce couplage qui constitue la ferroélectricité.
La Figure 1-11 illustre la dépendance en température, sous champ électrique et sous contrainte mécanique, de la polarisation spontanée d’une maille cristalline de titanate de plomb, matériau à la fois pyroélectrique et ferroélectrique. Etant donné que les comportements pyroélectriques et ferroélectriques s’appuient tous deux sur la présence d’une polarisation spontanée, toutes les observations faites à la section précédente s’appliquent aux matériaux ferroélectriques. Ainsi, au-delà de sa température de Curie , un matériau ferroélectrique ne l’est plus car le couplage des moments dipolaires n’existe plus ; les moments dipolaires se réorientent aléatoirement de sorte que la polarisation spontanée macroscopique est nulle. Si la température redescend en deçà de , cette orientation aléatoire est conservée tant que le champ électrique (Figure 1-11b) ou la contrainte mécanique (Figure 1-11c) subis par le matériau ne sont pas suffisamment élevés pour réorienter la polarisation spontanée. Un champ électrique aura pour effet d’orienter la polarisation spontanée dans sa direction. Une contrainte de traction/compression orientera la polarisation spontanée dans une direction orthogonale à la direction d’application de l’effort (voir Figure 1-11b et c).
Il est important de noter que l’orientation de la polarisation spontanée des mailles ferroélectriques n’est pas toujours aléatoire lorsque la température redescend en-dessous de . Par exemple pour le titanate de plomb, la structure est cubique au-dessus de ; l’orientation aléatoire n’est donc pas préétablie du fait qu’aucune polarisation spontanée n’existe. Ce n’est que lorsque la température est inférieure à que les mailles retrouvent une polarisation spontanée. Donc, si la température n’est pas uniforme au moment de la transition de phase à , on trouvera à la fois une structure quadratique et une structure cubique dans le matériau. Les zones où la structure est quadratique vont alors influer sur les mailles cubiques à proximité. Passant de cubique à quadratique, ces mailles à proximité auront tendance à orienter leur polarisation dans le sens des mailles quadratiques voisines déjà existantes. Dans ce cas, la polarisation spontanée macroscopique sera non nulle au terme du processus de diminution de température. Cela se produit, par exemple, lorsque la température est relâchée trop rapidement.
Comportement macroscopique d’un polycristal
Le comportement macroscopique d’un polycristal ferroélectrique est majoritairement affecté par le comportement des mailles cristallines et par les défauts internes au matériau (défauts dans la structure cristalline et discontinuités du réseau aux joints de grains). D’un point de vue électromécanique, à température constante, seuls les effets diélectrique, piézoélectrique, ferroélectrique et ferroélastique peuvent être observés dans les mailles cristallines.
Les effets diélectrique et piézoélectrique ont été vus aux sections 1.1.1 et 1.1.2. On notera toutefois que la microstructure d’un matériau ferroélectrique apporte de la non-linéarité à ces effets puisque l’alignement des dipôles internes varie en fonction du champ électrique.
Pour cela, les constantes diélectriques et piézoélectriques des polycristaux∗ se∗ restreignent∗ à des champs électriques faibles et sont parfois annotées d’un astérisque ( , , ) pour les différencier des constantes monocristallines. Au-delà d’un champ électrique appelé « champ électrique de seuil » (threshold field en anglais)[34], ces constantes évoluent avec le champ électrique. Généralement, cette évolution est linéaire jusqu’à un second seuil où l’évolution croît de façon exponentielle. La zone d’évolution∗∗ linéaire∗ est appelée zone de Rayleigh[34].
Au-delà de cette zone, les constantes , , n’ont plus de sens à cause du comportement ferroélectrique[34].
Les comportements ferroélectriques et ferroélastiques sont hystérétiques. Cette hystérésis est observable macroscopiquement en traçant la polarisation et la déformation en fonction du champ électrique (Figure 1-15). Son origine provient, d’une part, des phénomènes de friction se produisant dans le réseau cristallin lors du retournement de polarisation et, d’autre part, des défauts présents dans le matériau. En effet, les défauts bloquent les parois de domaine dans leur mouvement et renforcent ainsi l’hystérésis macroscopique.
Caractérisation matériau pour la conception de systèmes
Les matériaux piézoélectriques et ferroélectriques sont de plus en plus utilisés dans les appareils électriques, mécaniques et mécatroniques. Leur couplage électromécanique et la diversité de leurs caractéristiques permettent à ces matériaux de se positionner là où les autres convertisseurs électromécaniques s’avèrent peu performants. Les intérêts technologiques et l’étendue des applications des matériaux piézoélectriques et ferroélectriques sont abordés ci-dessous. Pour toutes les applications présentées, le matériau est l’élément central puisqu’il est directement à l’origine de la conversion d’énergie électromécanique. Par conséquent, le fonctionnement de ces applications dépend en majeure partie du bon fonctionnement et du bon dimensionnement du matériau. C’est pour cela que ses caractéristiques de fonctionnement et l’évolution de ces caractéristiques avec des variables externes (température[35-38], contrainte[34, 39-41], champ électrique[42-44], fatigue[19, 20, 45, 46] et vieillissement[46]) se trouvent être des sujets d’étude majeurs. Cette thèse s’inscrit dans la continuité de ces études de caractérisation et se positionne dans la caractérisation macroscopique des matériaux ferroélectriques. Les raisons pour lesquelles la caractérisation macroscopique des comportements piézo- et ferro-électriques suscite toujours autant d’intérêt pour la communauté scientifique sont abordées au point 1.2.3.
Applications de la piézoélectricité
Les matériaux piézoélectriques sont à la base de nombreuses applications au sein des thématiques d’actionnement[47], de mesure[48-50], de récupération d’énergie[51, 52], de transformation d’énergie[53] ou d’acoustique[54]. En effet, ces matériaux possèdent des propriétés variées. La fréquence d’utilisation, par exemple, peut aller du statique à plusieurs centaines de mégahertz pour les applications de transduction ultrasonore[54]. Le coefficient piézoélectrique varie de 0 pm/V à environ 750 pm/V pour les polycristaux et peut dépasser 2500 pm/V pour les monocristaux[55] (voir Tableau 1-II). Le coefficient de couplage électromécanique , qui correspond au rapport de conversion de l’énergie électrique en énergie mécanique, est aussi à considérer. Celui-ci peut atteindre 70% pour les céramiques PZT et même 90% pour les monocristaux (voir Tableau 1-II).
En termes d’actionnement, d’après Lang et al.[56], les matériaux piézoélectriques sont classiquement capables de produire des contraintes allant jusqu’à ~10 MPa et peuvent se déformer jusqu’à ~1% (voir Figure 1-17). On notera toutefois que l’on peut trouver dans la littérature des contraintes produites allant jusqu’à 70 MPa à déformation nulle[57]. Ces matériaux transmettent donc des efforts non négligeables et leurs faibles déplacements ne sont pas toujours problématiques puisqu’ils permettent la réalisation d’appareil de positionnement dont la résolution peut atteindre 20 nm[58].
Applications de la ferroélectricité
Les applications exploitant les propriétés ferroélectriques des matériaux ferroélectriques sont bien moins nombreuses que celles exploitant leurs propriétés piézoélectriques. En effet, le comportement ferroélectrique est fortement non linéaire et dissipatif puisqu’il fait intervenir des mouvements de parois non réversibles (champ électrique coercitif du cristal dépassé ou parois de domaines accrochées à des défauts). La ferroélectricité apporte ainsi une difficulté d’asservissement et une baisse de rendement énergétique. Cependant, il existe des applications dont la grandeur d’intérêt est justement la dissipation. Ainsi, les matériaux ferroélectriques sont employés au seins de filtres d’électronique analogique[67]. Leur avantage, vis-à-vis des filtres classiques, est qu’ils rendent possible l’ajustement de la bande passante du filtre par champ électrique.
D’autres applications exploitent la propriété bistable du cycle hystérétique P-E. Ainsi, il est possible de réaliser des mémoires non-volatiles dont l’accès en lecture, pour un bit, est inférieur à 5 ns et dont la durée de vie surpassait 1012 cycles P-E dès 1992[68]. Des oscillateurs ferroélectriques peuvent être aussi conçus avec des fréquences de fonctionnement allant du quasi-statique au GHz selon le dimensionnement du condensateur d’oscillation[69].
Enfin, les matériaux ferroélectriques possèdent une forte permittivité relative (supérieure à 1000, voir PbZr0.52Ti0.48O3, PIC151, NCE55 et BaTiO3, Tableau 1-I). Cette caractéristique est intéressante, par exemple, pour les applications de type transistor à structure métal-oxide-semiconduteur (MOS) où la permittivité doit être maximisée[70, 71]. Par ailleurs, la dépendance non linéaire de la permittivité en fonction du champ électrique rend ces matériaux avantageux dans le domaine des capacités à haute tension[72]].
Nécessité d’outils de caractérisation expérimentaux
Comme il a été vu à la section 1.1.4, le comportement ferroélectrique est fortement non linéaire. Cette non linéarité est aussi bien retrouvée dans les courbes usuelles de comportement P-E, S-E, σ‐P et σ-S que dans les constantes diélectriques, piézoélectriques et élastiques ( , et ). En effet, les comportements élastiques, diélectriques et piézoélectriques sont en réalité couplés à la ferroélectricité. Les constantes précédemment citées varient en fonction de l’orientation de la polarisation des domaines et en fonction de leur fraction volumique. Par ailleurs, dans un polycristal, les repères principaux de chaque grain (voir Figure 1-13a) ne sont pas identiques. Ceux-ci sont orientés selon des angles distribués aléatoirement et de plus, dans le cas d’un polycristal texturé, la loi de répartition n’est pas uniforme. La structure polycristalline complexifie donc d’autant plus la détermination des tenseurs.
L’influence de la température est aussi un sujet d’étude complexe. On sait qu’au-delà de la température de Curie, le matériau perd sa polarisation spontanée macroscopique. Or, ce phénomène n’est pas discontinu à , les propriétés électromécaniques du matériau varient bien avant que cette température soit atteinte[73]. Pour des polycristaux et monocristaux, on observe par exemple, dans les travaux de Schader et al.[37] et Kaeswurm et al.[36], de fortes variations des propriétés diélectriques et piézoélectriques entre 25°C et 100°C.
Les complexités citées ci-dessus rendent difficile la conception des systèmes piézo- et ferroélectriques. L’optimisation du point de fonctionnement de ces systèmes, par exemple, nécessite des travaux de recherche spécifiques à chaque application. Un tel travail de dimensionnement est fastidieux et n’est parfois pas envisageable pour des raisons de coût. Par conséquent, les systèmes piézoélectriques sont bien souvent dimensionnés de manière empirique. Ils sont ainsi peu optimisés, les performances des matériaux sont alors sous exploitées.
Afin d’aider à la conception de systèmes piézoélectriques, de nombreux modèles ont été développés pour décrire, à l’échelle macroscopique, les phénomènes issus des comportements piézoélectrique et ferroélectrique[34, 74-76] (modèles phénoménologique). Cependant, ces modèles sont limités car ils omettent la microstructure et les phénomènes physiques internes au matériau. On peut citer, par exemple, l’effet des joints de grains, de la taille des grains sur le comportement[77] ou encore la présence de défauts structuraux dans le réseau cristallin[78, 79]. Certains modèles physiques, tels que les modèles basés sur une représentation microstructurelle[80-84], sont eux plus propices à la prise en compte de tels phénomènes. En effet, ces modèles sont modulaires et rendent tout à fait possible la prise en compte de mécanismes jusqu’ici non identifiés ou négligés.
Ces modèles ont cependant besoin d’outils expérimentaux pour quantifier leur pertinence et pour identifier les phénomènes physiques qui restent à être modélisés. Par ailleurs, la conception même de systèmes piézoélectriques nécessite des outils de caractérisation expérimentale avancée. Les méthodes macroscopiques de caractérisation actuelles n’offrent qu’une vue moyenne du comportement ferroélectrique. Pour la polarisation[85] par exemple, les méthodes de mesure existantes ne donnent accès qu’à la polarisation moyenne du matériau. De la même manière, les mesures de déformation macroscopique se font classiquement par jauges de déformation[86] ou LVDT[87] (Linear Variable Differential Transformer). Ces deux méthodes de mesure permettent seulement une mesure scalaire moyenne de la déformation des échantillons. Il n’est donc pas possible d’étudier le comportement ferroélectrique de manière locale (à une échelle inférieure au millimètre) et il n’est pas non plus possible de caractériser les conditions d’essai. Par conditions d’essai, dans le cadre de cette thèse, on entend : homogénéité du comportement dans le matériau et homogénéité du chargement (effets de bords et conditions aux limites). Cette thèse s’inscrit dans la volonté d’apporter une réponse à ces problématiques expérimentales.
Principe général de la CIN
La Corrélation d’Images Numériques (CIN) est une technique permettant la mesure de déplacements se produisant entre deux images d’une même scène. On la dit numérique car, historiquement, celle-ci a été introduite pour les images numériques[88]. Lorsque la CIN est employée à des fins expérimentales, il convient de distinguer la mesure et le calcul de corrélation. La mesure concerne l’acquisition des images tandis que la CIN est l’opération permettant d’extraire et de quantifier les déplacements observés dans ces images. L’outil permettant de réaliser le calcul de corrélation est un programme informatique. Il en existe aujourd’hui plusieurs avec des algorithmes variés et adaptés à des cas de mesure spécifiques (grands déplacements[89], petits déplacements[90], calcul rapide[91] ou grande précision[92]). Ces programmes peuvent être open source[90, 91] ou non[93] et être distribués gratuitement[90] ou à des fins commerciales[94-96]. On notera qu’il existe deux types de corrélation d’images : la corrélation dans le plan (CIN 2D) et la stéréocorrélation (CIN 3D). La CIN 2D permet d’obtenir des déplacements qui ne se produisent que dans le plan de l’image. A ce titre, la Figure 2-1 montre les données d’entrée et de sortie types d’un logiciel de CIN 2D. La Figure 2-1a montre les images de référence et après déformation d’une pièce mécanique trouée sous traction verticale. La Figure 2- 1b montre les déplacements, calculés en pixels, qui se sont produits entre les deux images. correspond aux déplacements verticaux (axe ), correspond aux déplacements horizontaux (axe ) et représente l’amplitude et la direction des déplacements totaux.
Champs d’application en mécanique des matériaux
En mécanique des matériaux, un des axes d’étude concerne le couplage qui existe entre des variables de chargement (température, contrainte, champ électrique,…) et la déformation du matériau. Or, la déformation infinitésimale dérive des déplacements : , (2-3) où est le tenseur des déformations, est le vecteur déplacement défini dans la base orthonormée et , sont des indices allant de 1 à 3. Ainsi, il est aisé de remonter aux déformations à partir d’un champ de déplacement obtenu par CIN. En ce sens, il est possible d’utiliser la CIN pour la caractérisation mécanique des matériaux.
La CIN permet de réaliser des mesures de déformation dans des conditions très diverses, sous en haute température[102], en grandes déformations[89], à haute vitesse de déformation[120], en régime explosif [104]. La CIN est utilisée classiquement pour des essais de fatigue[121] ou de vieillissement[122] et est devenue un standard pour les essais de traction simple[123], compression simple[124], cisaillement[125], torsion[126] et flexion plane simple[127]. Les matériaux de structure ne sont pas les seuls à être étudiés. Les matériaux actifs font aussi l’objet d’essais expérimentaux employant la CIN. Les alliages à mémoire de forme (couplage thermo-mécanique) ont ainsi été étudiés en fatigue[128], pour comprendre les micro-mécanismes à l’œuvre dans le matériau[129] ou pour comprendre leur comportement lorsqu’ils sont structurés sous forme de câble[130]. De la même manière, les matériaux magnétostrictifs (couplage magneto-mécanique) sont étudiés par CIN pour caractériser l’hétérogénéité de déformation au sein de composites ou de structures hétérogènes[131, 132]. Les matériaux piézoélectriques (couplage electro-mécanique) ne font pas exception et ont été étudiés par CIN pour comprendre l’apparition et la propagation de fissures[133, 134].
Plus récemment, la CIN a été employée pour caractériser le comportement ferroélectrique d’un PZT de 0,5 mm sous un champ électrique maximum de 2000 V/mm[135].
La constante piézoélectrique (cisaillement) d’une plaque mince ferroélectrique a aussi fait l’objet de mesures par CIN[33]. Par la suite, le comportement d’un matériau ferroélectrique a été caractérisé sous 2000 V/mm, dans un liquide isolant, et les conditions d’essai ont été qualifiés grâce à l’évaluation de champs de déformation[136]. La CIN a ensuite été utilisée pour la caractérisation du comportement ferroélastique de 0 à 400 MPa[137]. Dans ces deux études, la qualité optique des images n’était pas optimisée pour la corrélation (mesure effectuée sous texture naturelle). La précision des mesures par CIN est donnée à , px en déplacement[136]. En déformation, l’erreur est de pour une régression linéaire du champ de déplacement sur 1800 px[136]. Ces précisions ont été atteintes pour des imagettes de taille
La perspective d’utilisation de la CIN au sein des matériaux ferroélectriques ne s’arrête pas là. Cette technique pourrait permettre à terme de caractériser des conditions d’essais expérimentales plus complexes telles que la caractérisation de comportements sous sollicitations couplées (couplage électrique, mécanique et/ou thermique). C’est dans cette optique que cette thèse s’inscrit. Par ailleurs, cette thèse laisse en perspective d’autres types d’utilisation de la CIN tels que l’étude de cas hétérogènes (géométrie complexe ou sollicitation hétérogène).
Banc optique pour les essais matériaux
Lorsque l’on réalise des essais sur des matériaux en employant la CIN, il est primordial de connaître l’erreur de mesure ainsi que l’erreur de l’algorithme sur les déplacements et les déformations. Dans ce chapitre, nous n’aborderons que les erreurs liées à l’algorithme de corrélation. Cependant, l’erreur de l’algorithme est en partie dépendante de l’information contenue dans les images. Si l’on souhaite optimiser l’erreur en agissant sur l’information contenue dans les images, il est important d’avoir en tête comment ces images sont produites. Pour cela, cette section décrit de manière globale la chaîne de mesure type d’un dispositif optique dédié à la CIN (Figure 2-3).
La Figure 2-3a montre les éléments de base d’un dispositif optique d’acquisition d’images : l’objet mesuré, le système optique, l’image et le capteur optique. La Figure 2-3b montre la modélisation de cette chaîne de mesure telle qu’on la conçoit en optique géométrique. L’objet contient l’information optique réelle que l’on souhaite mesurer.
L’information correspond à une fonction d’intensité lumineuse continue où est un couple de coordonnées réelles. Le système optique correspond à une association de lentilles et diaphragmes. Il permet de produire une image de l’objet. Cette image se trouve dans le plan image et correspond à une fonction . Le capteur est une grille plane de récepteurs optiques (photosites) . Cette grille est placée au plan image et échantillonne la fonction afin d’obtenir une image numérique où est un couple de coordonnées discrètes.
C’est cette fonction qui sera stockée sur un ordinateur, dans un fichier image, et c’est cette fonction qui sera corrélée par l’algorithme de corrélation (voir section 2.1.1.2).
Fonction de forme du déplacement
Lorsque le champ de déplacement est uniforme ou très peu hétérogène au sein d’une imagette, il est possible de considérer que l’étape de comparaison donnera le déplacement moyen du centre de cette imagette. Cependant, le champ de déplacement introduit dans la section précédente peut présenter de fortes hétérogénéités. C’est le cas par exemple pour une torsion, contraction ou pour un cisaillement. Ainsi, au sein d’une même imagette, il peut y avoir des variations de déplacement non négligeables. Lorsque c’est le cas, il n’est plus possible de considérer seulement le déplacement d’ordre 0 de l’imagette. Il est nécessaire de prendre en compte sa déformation propre sous peine de ne plus savoir à quelle partie de l’imagette il faut attribuer le déplacement calculé. Pour répondre à cette problématique, les algorithmes de corrélation introduisent une fonction de forme du champ de déplacement de chaque imagette (voir Figure 2-5). Celle-ci permet de prendre en compte des variations de déformation à des ordres supérieurs à 0. Pour une fonction de forme polynomiale d’ordre 2 par exemple, l’algorithme peut prendre en compte des mouvements de corps rigides (translations), des variations linéaires de déplacement, des variations irrégulières et des variations quadratiques[138].
Taille des imagettes et des éléments
La taille des imagettes (CIN locale) ou des éléments (CIN globale éléments finis) influe directement sur l’incertitude en déplacement de chaque point du champ de déplacement. Plus une imagette est grande, plus elle contient d’informations sur lesquelles s’appuyer pour quantifier son déplacement moyen. L’influence de la taille des imagettes sur l’incertitude en déplacement a fait l’objet de nombreuses études[118, 160, 161]. Dans le cadre d’une approche locale, Bornert et al.[116] ont par exemple étudié cette influence pour différents interpolants. Pan et al. ont effectué une étude similaire sur différentes images de base[156]. Pour une approche locale, toutes ces études montrent que l’erreur en déplacement évolue en loi de puissance inverse avec la taille des imagettes (voir Figure 2-10a).
Les approches globales semblent aussi respecter cette conclusion[154]. Ce n’est que l’apport de techniques de régularisation qui permet de changer la tendance de cette loi. En effet, Tomičevć et al.[92] ont montré qu’avec la régularisation mécanique de CorreliRT3, l’incertitude tendait à saturer pour des tailles d’éléments s’approchant de 1 px (voir Figure 2-10b).
Mouchetis aléatoire avec recouvrement : influence d’une dégradation
L’influence du filtre passe-bas sur la qualité de la CIN a été étudiée dans le cadre d’un mouchetis aléatoire avec recouvrement. Pour cela, des mouchetis aléatoires de 10 000 x 10 000 px ont été tirés pour des rayons moyens compris entre 1 et 60 px. Chacun de ces tirages a été dégradé en utilisant une fréquence de coupure comprise entre 0,01 et 0,5 lp/px. Tous les tirages ont été effectués pour une densité de 0,5. L’évolution du gradient quadratique moyen de ces tirages en fonction des paramètres étudiés est présentée en Figure 2-20.
La Figure 2-20a présente le cas où l’aléa du rayon des disques est de 10%. La Figure 2-20b concerne le cas où cet aléa est de 50%. Ces deux figures sont quasiment identiques ce qui signifie que, même lors d’une dégradation, l’aléa du rayon des disques influe peu sur le gradient moyen de l’image. Le gradient maximum est de 0,25 NdG/px. Celui-ci est atteint lorsque le mouchetis n’est pas dégradé et lorsque le rayon est le plus faible (1 px). Si l’on augmente le rayon, le gradient moyen diminue, ce qui est cohérent avec les résultats présentés précédemment et avec d’autres études faites sur ce type de mouchetis[163]. En revanche, lorsqu’une dégradation apparaît, le rayon qui maximise le gradient moyen augmente. En effet, entre le cas sans filtrage et le cas où lp/px, le rayon optimal passe de 1 à 2 px. Cette tendance est conservée jusqu’au plus fort filtrage, ( = lp/px). Il faudra aussi noter que plus est faible, plus le gradient maximum diminue. La dégradation via le filtre diminue donc la qualité des images numériques, ce qui était attendu, puisque le filtrage retire de l’information.
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Table des matières
Chapitre 1 Les matériaux ferroélectriques
1.1 Comportements diélectriques
1.1.1 Diélectricité
1.1.1.1 Polarisation
1.1.1.2 Polarisation induite : lois de comportement
1.1.1.3 Déformation des matériaux diélectriques
1.1.1.4 Exemples de matériaux diélectriques et quelques valeurs
1.1.2 Piézoélectricité
1.1.2.1 Effet piézoélectrique
1.1.2.2 Structure cristalline
1.1.2.3 Comportement piézoélectrique des cristaux
1.1.3 Pyroélectricité
1.1.4 Ferroélectricité
1.1.4.1 Polarisation spontanée réversible
1.1.4.2 Microstructure en domaines
1.1.4.3 Différentes échelles
1.1.4.4 Comportement macroscopique d’un polycristal
1.2 Caractérisation matériau pour la conception de systèmes
1.2.1 Applications de la piézoélectricité
1.2.2 Applications de la ferroélectricité
1.2.3 Nécessité d’outils de caractérisation expérimentaux
Conclusion
Chapitre 2 Corrélation d’Images Numériques pour la mesure de déformations
2.1 La CIN : un outil de mesure de déformations
2.1.1 Principe général de la CIN
2.1.1.1 Description et applications
2.1.1.2 Principe historique
2.1.2 Champs d’application en mécanique des matériaux
2.1.3 Banc optique pour les essais matériaux
2.2 Technique numérique
2.2.1 Comparaison
2.2.2 Interpolation : résolution sub-pixel
2.2.3 Fonction de forme du déplacement
2.2.4 Méthodes locales et méthodes globales
2.2.5 CorreliRT3 : programme de corrélation globale
2.2.6 Post-traitement : du déplacement à la déformation
2.2.7 Incertitude numérique
2.2.7.1 Résolution, résolution spatiale, incertitude et erreur systématique
2.2.7.2 Interpolation
2.2.7.3 Profondeur d’encodage
2.2.7.4 Taille des imagettes et des éléments
2.3 Traceurs dans l’image : le mouchetis
2.3.1 Définition d’une image numérique
2.3.2 Qualité des images numériques
2.3.3 Mouchetis simulés
2.3.4 Qualification des mouchetis simulés
2.3.5 Mouchetis aléatoire avec recouvrement : influence d’une dégradation
Conclusion
Chapitre 3 Développement du dispositif optique et d’acquisition
3.1 Quelques notions d’optique
3.1.1 Lumière
3.1.2 Système Optique
3.1.3 Diaphragme
3.1.4 Caméra
3.2 Choix des éléments optiques
3.2.1 Objectif et tripode
3.2.2 Éclairage
3.2.3 Caméra
3.3 Chaîne de mesure et sources d’erreur
3.3.1 Lumière
3.3.2 Objectif optique
3.3.2.1 Fonction de Transfert Optique (FTO)
3.3.2.2 Focalisation
3.3.2.3 Aberrations optiques
3.3.3 Caméra
3.3.3.1 Bruit de la caméra
3.3.3.2 Temps d’exposition
3.3.3.3 Repliement de spectre
3.3.4 Objet
3.3.4.1 Mouchetis
3.3.4.2 Parallélisme capteur/échantillon
3.3.4.3 Mouvements hors plan
3.3.5 Environnement
3.4 Acquisition d’images et protocole de calibration optique
Conclusion
Chapitre 4 Mesures ferroélectriques
4.1 Mesure de polarisation
4.1.1 Méthodes de mesure classique
4.1.2 Choix de la méthode
4.1.3 Caractérisation du boîtier de mesure
4.2 Banc électrique portatif de caractérisation par CIN
4.2.1 Présentation du banc
4.2.2 Caractérisation du banc d’essai
4.2.2.1 Qualification des conditions d’essai
4.2.2.2 Estimation de l’erreur d’essai
4.2.3 Répétabilité des cycles S-E
4.3 Caractérisation du comportement ferroélectrique par CIN
4.3.1 Définition des essais
4.3.2 Résultats d’essais
4.3.2.1 Champ électrique bipolaire
4.3.2.2 Champ électrique unipolaire
4.3.3 Évolution des propriétés du matériau
Conclusion
Chapitre 5 Mesures ferroélectriques sous contrainte
5.1 Réalisation d’essais de compression simple
5.2 Banc électromécanique
5.2.1 Présentation du banc
5.2.2 Caractérisation du banc d’essai
5.3 Caractérisation du comportement sous contrainte
5.3.1 Courbes contrainte-déformation
5.3.2 Comportement ferroélectrique sous contrainte
5.3.2.1 Définition des essais
5.3.2.2 Résultats d’essais
5.3.2.3 Évolution des propriétés matériaux
Conclusion
Conclusion Générale
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