Aux origines du principe de précaution

Aux origines du principe de précaution

Science, incertitude et prudence 

Les premiers philosophes grecs ont tenté de libérer la pensée humaine des mythes et des convictions religieuses. Ils ont affirmé que l ’on pouvait comprendre le monde par l’observation et le questionnement et non par l ’acceptation passive de fables et de dogmes. Avec le IIIe siècle avant notre ère et l’école d ’Alexandrie apparaissent les premières vraies mesures effectuées sur le monde qui nous entoure , mais aussi la prise de conscience de l ’imprécision de ces mesures. En découvrant ainsi qu ’il est possible de s ’approcher de la « vérité », les « physiciens » et « ingénieurs » grecs ont également réalisé qu ’il était impossible de connaître totalement la vérité ultime. Les philosophes grecs ont aussi proposé une définition de la notion de «prudence » , qui correspond à la faculté de délibérer avec succès avant toute prise de décision. Le principe de précaution trouve là son origine lointaine, dans le lien qui s’est établi entre la part d ’incertitude inhérente à la connaissance et la part de prudence qu’implique une décision.

Le développement de la science moderne à partir du XVIe siècle a eu pour origine l’éternel besoin de comprendre le monde dans lequel on vit, mais également la nécessité de résoudre les nombreux problèmes que se posent les « ingénieurs » de l’époque (artillerie, marine, machines de levage et de pompage, puis machines à vapeur, etc.). Ainsi beaucoup des concepts qui nourrissent la science moderne ont pour origine aussi bien la compréhension de la nature que le besoin de développer des technologies nouvelles. Toute une série de succès remarquables ont contribué à donner à l’homme le sentiment qu’il est capable de tout expliquer, de tout prévoir et de tout maîtriser par la science. Le XIXe siècle a vu le développement des applications de la science à l’échelle industrielle et des enjeux économiques qui en découlent. Dans le même temps, on commence à déplorer les nuisances qui accompagnent cette évolution : nuisances pour la santé (pollution, amiante, plomb …), nuisances pour la nature (pollution de l ’air, contamination des sols…), etc. La science fondamentale et ses applications technologiques sont étroitement liées et ne peuvent donc être dissociées dans la réflexion sur le principe de précaution. L’application du principe de précaution à la recherche scientifique peut ainsi être définie comme l’application de ce principe aux technologies que la recherche scientifique contribue à produire.

Même si la science et les développements technologiques du XXe siècle ont contribué à une amélioration considérable des conditions d ’existence et à un allongement sans précédent de l’espérance de vie, la société se rend compte progressivement de la dangerosité de certaines technologies issues de la science. Ainsi le développement d’armes de destruction de grande ampleur lors des deux grandes guerres marque durablement les esprits . Après la seconde guerre mondiale, le développement économique considérable et la mondialisation des échanges conduisent à une prise de conscience croissante des dangers avérés ou potentiels des technologies dans les domaines de la santé, de l’environnement, du climat et de la biodiversité. C’est ainsi que Günther Anders parle de « honte prométhéenne » pour évoquer les dangers de la technologie. Le sentiment que l’Homme est en train de modifier la planète est désormais largement partagé. Certains considèrent même que nous entrons dans une nouvelle époque de l’histoire de la Terre, l’anthropocène . S’installe alors dans la société la conscience de risques non seulement à l’échelle locale et à court terme pour les individus, mais aussi à long terme et à grande échelle pour la survie de l’humanité et de la planète, ce qu’illustre les prémonitions de la science-fiction.

Les premières actions

Malgré l’évolution rapide de la science et de ses applications technologiques, il a semblé longtemps évident que la planète pouvait supporter une exploitation massive et systématique de ses ressources et que l’environnement, fortement altéré, pouvait se régénérer tout seul. Mais après plusieurs tragédies humaines et environnementales, entre la fin des années 1950 et les années 1980 , on a pris conscience que les sociétés ne peuvent subir indéfiniment un développement technologique anarchique. Diverses réponses ont été proposées successivement par les politiques pour la protection de l’environnement.

La première réponse a été celle du principe du « pollueur-payeur ». Consacré dans l’acte unique européen, il a été adopté par les pays de l’OCDE dès 1972 et défini comme la prise en charge financière par le pollueur de mesures de prévention et de lutte imposées par les pouvoirs publics pour que l’environnement reste dans un état « acceptable ». Assumer le coût de la réhabilitation a posteriori des dommages devait pousser l’acteur rationnel à réduire a priori les effets potentiellement nocifs. Cependant, même si ce principe du « pollueurpayeur » peut résoudre des problèmes environnementaux locaux et ponctuels, il devient inapplicable lorsque les dégâts ne sont pas perceptibles, s’ils sont diffus ou constatés tardivement, ou encore quand le coût de la réparation est trop élevé. Ceci est encore plus vrai lorsque les dommages sont devenus irréversibles.

Avec ce constat d’une possible irréversibilité des dégâts causés par la technologie, l’attention s’est portée sur la nécessité d’actions de prévention . Ceci suppose cependant que la science soit capable d’anticiper avec certitude et précision le niveau de dommage environnemental ainsi que toutes ses conséquences. Or, un tel niveau de connaissance et d’information n’est pas toujours accessible à la science. C’est ainsi que dans les domaines de la pollution chimique sont apparues les notions de risque hypothétique et de menace, impliquant des prévisions scientifiques basées sur l’incertitude et la probabilité . Les incertitudes concernent avant tout l’extension géographique des dégâts potentiels, la durée de vie et la réactivité des polluants avec l’environnement, la durée de leurs manifestations (par exemple pour les gaz à effet de serre) et leur caractère réversible / irréversible (altération de la couche d’ozone par exemple) .

Actions de prévention, principe de précaution et principe d’innovation 

Actions de prévention

Il n’existe pas de définition très précise pour un principe de prévention. Il vaut mieux parler d’actions de prévention. Il signifie que les pouvoirs publics ont le devoir d’imposer des mesures pour éviter ou réduire les dommages liés aux risques avérés que certaines technologies peuvent entraîner pour la société. Il s’agit de risques confirmés par les résultats scientifiques -même s’ils comportent des incertitudes- et dont l’existence ne fait pas ou plus de doute. En France il existe un Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT). Créé en 1976 sous le nom de CSIE pour les seules « installations classées » pour la protection de l’environnement, il a ensuite vu ses compétences élargies en 2011. C’est aujourd’hui un organe consultatif qui assiste les ministres chargés des installations classées pour la protection de l’environnement et des installations nucléaires. Par exemple le CSPRT s’est manifesté en 2018 pour forcer la limitation des boues rouges rejetées par l’industrie en mer Méditerranée dont les dommages pour l’écosystème marin sont avérés .

Le principe de précaution

Les actions de prévention se justifient quand les risques de certaines technologies sont bien identifiés pour le temps présent. Mais il peut arriver que les incertitudes soient trop grandes pour que la science puisse évaluer les risques pour l’avenir. On parle alors de risques contrefactuels en ce sens qu’ils ne reposent pas sur des faits d’observation Ainsi est apparu le principe de précaution, qui concerne des menaces potentielles et hypothétiques pour le futur. L’idée à la base de ce principe est que les incertitudes ne doivent pas retarder l’adoption de mesures pour éviter ou ralentir une dégradation probable de l ’environnement sur le long terme. A travers la dimension scientifique des notions d’incertitudes et de probabilités, le principe de précaution peut être considéré comme une adaptation à la planète, à l’humanité actuelle et aux générations futures, de la notion de « prudence » qu’Aristote prônait pour la Cité (sans pour autant suggérer de prendre des mesures dans l’incertitude pour des risques contrefactuels pour lesquels l’expérience acquise au fil du temps ne suffit pas).

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Table des matières

I. INTRODUCTION
II. AUTO-SAISINE
III. ANALYSE
A. Aux origines du principe de précaution
Science, incertitude et prudence
Les premières actions
Actions de prévention, principe de précaution et principe d’innovation
B. Estimation du risque par les scientifiques
L’approche imparfaite de la vérité par les experts
L’importance des échelles de temps et d’espace
La responsabilité des chercheurs-experts
Transparence et vigilance
C. Le contexte du principe de précaution
Le contexte culturel de la notion de précaution
Les biais cognitifs dans la perception des risques
Des applications parfois excessives du principe de précaution
De l’usage légitime du principe de précaution
D. Les limites éthiques aux pratiques de la recherche
Des recherches aux conséquences difficiles à apprécier
Les intérêts économiques et politiques dans les applications des recherches à risques
La limitation des libertés individuelles
E. Le principe de précaution, les chercheurs et le droit
F. Conclusion. Responsabilités, éthique et principe de précaution
IV. CONCLUSION
V. ANNEXES
VI. GLOSSAIRE DE ABREVIATIONS
VII. REMERCIEMENTS

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