Autonomie, qualité de vie et aspects psychoaffectifs dans le vieillissement normal 

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L’oxymore du bien vieillir

Le terme « bien vieillir » varie en fonction du contexte culturel (Occident/autres), de la perspective des acteurs (chercheurs/personnes âgées) et d’approches (biomédi-cale/holistique) (Gangbè & Ducharme, 2006). Il s’agit d’un oxymore car « bien vieillir » ne signifie pas « ne pas vieillir ». Ce terme correspond plutôt à un changement qui peut être positif pour l’individu si la culture dans laquelle il vit le permet. Il s’agit d’une notion qui subit les jugements de valeur de ceux qui l’emploient (Balard, 2013).
Comme nous l’avons précisé précédemment, les facteurs qui influencent la « réussite » du vieillissement sont multiples : les stéréotypes de la population, l’autonomie et la productivité des personnes âgées, l’efficience des services de santé, les activités proposées par la mairie ou les associations présentes sur le territoire. Cependant, il semblerait que le fait de maintenir un bon niveau de santé et d’autonomie ainsi que des relations affectives et sociales de qualité soit représentatif d’un vieillissement réussi, quelle que soit la culture prise en considération (e.g., étude effectuée par Fernández-Ballesteros, Arias-Merino, Santacreu, & Ruvalcaba, 2012 en Mexique et en Espagne ; voir aussi Mendoza-Ruvalcaba & Fernández-Ballesteros, 2016). En revanche, les problématiques liées à la vieillesse et au fait de vieillir varient en fonction de la perspective prise en compte : les réponses reçues et les réactions diffèrent selon les situations étudiées et les personnes interrogées (jeunes, adultes, étudiants ou professionnels, personnes âgées).
À partir de ces considérations, nous nous demandons si l’injonction à « bien vieillir » ne risque pas d’enfermer les personnes vieillissantes dans une image non réelle, qui sert seulement à rassurer la société face à la peur du vieillissement et de la vieillesse. Dans un tel contexte, « plus le vieux se doit d’être beau et propre sur lui, plus les signes physiologiques du grand âge peuvent lui apparaître comme insupportables » (Clercq, 2014).
Le modèle du vieillissement réussi, d’un côté, donne une image positive de l’avancée en âge. De l’autre côté, peut représenter une véritable pression sociale pour les personnes âgées. Il pourrait même être un facteur aggravant ce que certains perçoivent comme le « mauvais vieillissement ». Ce qui devrait attirer l’attention de tous les professionnels et les interroger est la manière dont sont vécues les dernières années de la vie d’un individu, afin de les rendre les plus agréables possibles.
Une comparaison des représentations culturelles de l’âge dans une perspective ethnolo-gique a été réalisée par Balard (2013). Cette étude souligne que l’influence culturelle sur les représentations de l’âge et du « bien vieillir » n’est pas seulement ethnique, mais également générationnelle. Parmi les théories qui ont eu le plus d’influence en gérontologie (discipline qui étudie le vieillissement de l’être humain sous ses divers aspects, psychologiques et sociaux), nous retrouvons l’activity theory (Havighurst, 1961 ; Rowe & Kahn, 1987), selon laquelle un vieillissement est réussi si le sujet évite ou repousse les maladies, gardant un bon fonctionnement physique et mental lui permettant d’être actif dans la société (Balard, 2013). Cependant, la plupart des personnes âgées sont atteintes de différentes pathologies (e.g., diabète, troubles cardiaques) et présentent des restrictions d’activités causées, par exemple, par une baisse de l’acuité auditive ou visuelle (e.g., elles ont des difficultés à suivre plusieurs discours en même temps, ont besoin d’augmenter le son de la télévision pour écouter une émission, font plus d’effort à lire un livre). Le fait que ces symptômes puissent faire penser à un cadre pathologique montre à quel point la limite entre le vieillissement pathologique et le vieillissement réussi n’est pas nette, pouvant aussi varier en fonction des recherches et des populations ciblées.
L’émergence de signes cliniques d’un état de démence, par exemple, ne dépend pas seulement de facteurs physiologiques, mais aussi de facteurs psychologiques, c’est-à-dire de la manière dont les aînés réussissent à surmonter les éventuels traumatismes passés et acceptent leur vieillesse (Clément, 2009). De plus, cette distinction entre vieillissement pathologique et vieillissement réussi se base sur des critères méthodologiques objectifs et partagés (indispensables pour poser un diagnostic), critères qui sont néanmoins établis par les chercheurs (Balard, 2013). Ils peuvent donc être conditionnés par la culture de référence de ces professionnels.
Ainsi, Tornstam (1992) critique les travaux en gérontologie, fortement influencés par les valeurs des « hommes blancs occidentaux d’âge moyen », qui se focalisent sur la « productivité, l’efficacité et l’indépendance » des individus. La personne âgée est souvent vue comme un individu sans énergie, sans nouveaux objectifs à atteindre ou activités particulières à accomplir. Alors que dans certaines villes, ou certains pays, l’aîné est considéré une personne sage et respectable. Tornstam (1992) propose ainsi de remplacer le point de vue des chercheurs par celui des personnes âgées, qui peuvent finalement décrire le changement de rôle social et identitaire qu’elles vivent à la première personne.
Dans cette logique, Glascock et Feinman (1980), à partir des données recueillies auprès de 60 sociétés différentes, suggèrent l’existence de 3 critères de base qui permettraient d’identifier une personne âgée : un changement relatif au rôle social/économique, la chronologie et un changement dans les capacités physiques. Environ la moitié des sociétés considérées ont utilisé une définition multiple de ce que signifie être âgé. La partie restante a fait référence à un seul critère (Balard, 2013). Sur la base de ce travail de recherche, nous pouvons voir comme les critères « santé » et « autonomie », qui sont fondamentaux pour la plupart des chercheurs, ne le sont pas pour les échantillons interrogés par Glascock et Feinman (1980).
En ce qui concerne les différences générationnelles, une étude effectuée par Balard (2010) a permis d’évaluer plus précisément les représentations du vieillissement auprès de personnes nonagénaires et centenaires françaises. Cet auteur a rencontré plus d’une centaine de personnes de grand âge, pendant 4 ans, et suivi 12 d’entre elles en utilisant des entretiens compréhensifs et semi-directifs. Les entretiens compréhensifs s’approchent du cadre d’une conversation entre l’enquêteur et le sujet interrogé, qui est considéré comme un informateur, susceptible d’exposer ses raisons concernant ses représentations. Ils se démarquent pour cela des guides d’entretiens semi-directifs qui, en revanche, invitent le sujet à répondre à des questions ouvertes préétablies (Kaufmann, 2011). Cette étude a montré que les représentations des personnes très âgées révèlent une association entre le processus de vieillissement qu’ils expriment en disant « je me sens vieillir » (dégradation physique et sensorielle, état de fatigue, sentiment de vulnérabilité) et la vieillesse, marquée par la proximité de la mort (se sentir inutile). Balard (2013) souligne, à ce propos, que les notions de « santé », de « fonctionnement physique » et de « fragilité », sur lesquelles les chercheurs s’appuient dans la théorie du « bien vieillir », ressortent des discours des personnes très âgées (90 ans et plus).
En outre, pour certains aînés « ce n’est pas l’incapacité physique qui fait devenir vieux, mais plutôt le fait de ne pas avoir de proches sur qui compter et de perdre par là même sa capacité à faire ses choix » (Balard, 2013). Cette analyse renvoie à une autre notion fondamentale, c’est-à-dire le fait d’avoir une « autonomie décisionnelle ». En outre, leurs discours font réfléchir sur le rôle joué par le groupe social d’appartenance. Le fait de penser que les autres ne les écoutent plus fait sentir les personnes âgées vieilles et inutiles, comme si elles ne pouvaient plus apporter du savoir. Ces considérations ne font que renforcer l’idée de l’existence d’une intégration de la dimension physiologique (repousser des marqueurs de la vieillesse) et de la dimension sociale (agir comme quelqu’un qui n’est pas vieux) dans les représentations que les aînés ont du « bien vieillir ».
Comme proposé par d’autres chercheurs (Berquin, 2010 ; Engel, 1980 ; Siksou, 2008), l’idéal serait d’intégrer, dans un même cadre conceptuel, différents modèles afin de pouvoir considérer les déterminants biologiques, psychosociaux et structuraux simultanément, le vieillissement devant être considéré comme une succession de changements. Tout en valorisant les nouveautés apportées par le terme « bien vieillir » nous avons ainsi fait le choix d’utiliser le terme « vieillissement normal » dans le présent manuscrit car, même si ce dernier peut induire l’idée de dégradation, il conduit aussi à penser en termes de dynamique et de processus.

Vieillissement normal des capacités cognitives

Nous tenons à présenter dans un premier temps les changements cognitifs souvent observés chez les aînés, ainsi que les hypothèses qui ont été formulées pour essayer de les expliquer. Le vieillissement des fonctions frontales sera traité plus précisément dans la section 2.4 (p. 66). De façon générale (Salthouse, 2010), les opérations mentales « fluides » qui engagent principalement des processus cognitifs comme les FE (e.g., résolution de problèmes, raisonnement) sont affectées précocement. Au contraire, les opérations mentales « cristallisées », s’appuyant davantage sur les habiletés et les expériences acquises au fil du temps (e.g., vocabulaire, connaissances générales), se modifient plus tardivement. Certains auteurs montrent même une absence d’évolution de ces compétences (Jones & Conrad, 1933 ; Kaufman, Reynolds, & McLean, 1989) qui resteraient stables dans le temps.
Il est important de préciser que la détérioration des capacités cognitives commence lorsque le sujet est jeune (18-60 ans ; Salthouse, 2009), même si l’étiologie de ce phénomène n’est pas encore claire (Lockhart & DeCarli, 2014). Ces changements pourraient être liés à une différente concentration de neurotransmetteurs, telle que la dopamine, ou à des altérations observées au niveau synaptique (Klostermann, Braskie, Landau, O’Neil, & Jagust, 2012). En effet, il existerait des associations entre la connectivité fonctionnelle frontostriatale, la dopamine et les performances des sujets jeunes (n = 12) et âgés (n = 18) dans des épreuves de mémoire de travail (Klostermann et al., 2012).
Dans une étude effectuée par Salthouse et Pink (2008), 1000 participants adultes (3 tranches d’âge différent : 18-39 ans, 40-59 ans, 60-98 ans) ont réalisé une batterie de tests cognitifs (matrices de Raven, relations spatiales, mémoire logique, vitesse de perception, mémoire épisodique, vocabulaire) et 3 tâches de mémoire de travail demandant de stocker et d’élaborer simultanément une information donnée. Les épreuves de mémoire de travail se basaient sur le rappel d’un chiffre ou d’un mot, tandis que le sujet devait résoudre un problème d’arithmétique simple, ou répondre à des questions relatives aux textes lus. Les résultats obtenus par ces auteurs ont permis de montrer une forte corrélation entre la mémoire de travail et l’intelligence fluide chez les participants. De plus, le lien observé ne semblait pas dépendre de la complexité de la tâche (augmentation des informations à maintenir en mémoire), ou d’autres processus impliqués (e.g., apprentissage)  (Salthouse & Pink, 2008). Ces résultats renforcent l’idée selon laquelle la mémoire de travail ferait partie des opérations mentales fluides, elle serait donc susceptible de subir des perturbations avec l’avancée en âge (Kirova, Bays, & Lagalwar, 2015 ; Solesio-Jofre et al., 2017 ; Van der Linden, Brédart, & Beerten, 1994).
De nombreuses études (Ducarne de Ribaucourt, 1997) sur l’évolution des fonctions cognitives révèlent, depuis une dizaine d’années, un ensemble de modifications plus ou moins spécifiques au vieillissement normal, à savoir des difficultés d’accès au lexique, de fluence verbale et un amoindrissement des ressources attentionnelles. Il semblerait que les processus qui constituent le système de contrôle attentionnel se modifient (Andrés & Van der Linden, 2000), perturbant les capacités de se focaliser et de se concentrer sur un stimulus donné.
D’autres travaux mettent en évidence une perturbation de la capacité à prendre des décisions, surtout dans des situations nouvelles ou ambiguës, et à comprendre les états mentaux d’autrui (De Beni & Borella, 2015). En référence à des domaines cognitifs spécifiques, il est possible d’observer des modifications au niveau de la vitesse de traitement, de la mémoire, du langage, des habiletés visuo-spatiales et exécutives (Harada et al., 2013 ; Park & Reuter-Lorenz, 2009 ; Salthouse, 2009). La vitesse avec laquelle une tâche est réalisée, par exemple la vitesse d’une réponse motrice, diminuerait progressivement à partir de la troisième décennie de la vie. Cette réduction de la vitesse de traitement des informations peut impacter négativement les performances des sujets âgés dans des tests neuropsychologiques de fluence verbale et attentionnels complexes. Toutes ces aptitudes sont essentielles pour accomplir des tâches complexes du quotidien et avoir une vie sociale satisfaisante. Nous décrirons plus précisément leur évolution par la suite.
Les modifications observées dans le vieillissement normal au niveau mnésique pourraient être en lien avec le ralentissement du traitement des informations, la détérioration des capacités d’inhibition des informations non pertinentes ainsi que des stratégies d’encodage et de récupération (Luo & Craik, 2008). Selon Luo et Craik (2008), la mémoire prospective et la mémoire épisodique, se basant sur les expériences personnelles autobiographiques, montrent une détérioration progressive tout au long de la vie, alors que la mémoire sémantique, impliquée dans le langage, la signification des mots et les connaissances pratiques ne se perturberait que tardivement (exception faite pour les informations hautement spécifiques telles que les noms). En revanche, la mémoire procédurale semblerait subir très peu de changements avec l’avancée en âge.
Les FE, dont l’abstraction et la flexibilité mentale, subiraient une détérioration après 70 ans. Le raisonnement verbal et mathématique pourrait subir une perturbation à partir de 45 ans (Harada et al., 2013). Les habiletés visuo-constructives (e.g., mettre ensemble les différentes parties d’une boîte ou d’un objet) déclineraient au cours du vieillissement, tandis que les habiletés visuo-spatiales (e.g., perception d’objets, de visages, de lieux) resteraient intactes.
Cette tendance à la moindre efficience des opérations mentales a conduit, d’une part, à parler d’une détérioration des processus cognitifs et d’autre part, à attribuer à l’âge la cause principale de ce déclin (Brouillet, 2011). À ce propos, nous tenons à préciser que les changements associés à la vieillesse ne sont pas nécessairement ressentis comme un manque par les aînés. Ceci peut être vrai, tant au niveau cognitif que psychologique (Brouillet, 2011). Comme nous l’avons déjà précisé, l’âge médiatise l’effet d’autres variables causales qui sont de nature biologique, psychologique, cognitive, sociale (e.g., santé, éducation, phénomènes de plasticité cérébrale et de compensation) (Bier & Belleville, 2010 ; Metcalfe & Open University, 1998 ; Villeneuve & Belleville, 2010). Tous ces facteurs renvoient à la notion de réserve cognitive (Stern, 2002 ; Stern, 2009 ; voir la section 2.3, p. 58) et peuvent être à la base de la forte hétérogénéité intra- et interindividuelle observée chez les aînés lors des évaluations neuropsychologiques (Brouillet, 2011 ; Resnick et al., 2000 ; Sylvain-Roy, 2013).
Un autre facteur fondamental est la façon dont chaque individu fait face aux difficultés rencontrées au quotidien et quelles stratégies il met en place pour les surmonter. Par exemple, les personnes âgées semblent réussir à combiner plusieurs stratégies de coping (formes d’adaptation) qui sont focalisées sur la régulation des émotions et sur une meilleure acceptation, par rapport aux jeunes adultes, de leur état physique et psychologique (De Beni & Borella, 2015). Cette attitude leur permet de s’adapter plus facilement à la situation vécue et à maintenir un certain niveau de contrôle en cas d’événements stressants, de deuils, ou d’apparition de maladies chroniques. Les personnes âgées maintiendraient un niveau de qualité de vie satisfaisant grâce à leur gestion des ressources internes et sociales externes qui sont à leur disposition. Ces ressources peuvent se traduire en comportement adaptatifs proactifs (le sujet prend l’initiative de l’action, anticipe les difficultés et adopte des mesures pour les surmonter), qui incluent une meilleure prévention et une volonté à aider autrui (Martin et al., 2015).
Selon d’autres études (e.g., Vieillard & Harm, 2013), ce phénomène correspondrait à une tentative d’évitement des situations désagréables, à cause des changements subis par le cortex préfrontal (impliqué dans le contrôle émotionnel) au cours du vieillissement normal.
À ce propos, il est important de préciser que les notions de « régulation des émotions » et de « coping » ne sont pas équivalentes. La première notion renvoie à une réponse adaptative motivée de la part du sujet, la deuxième correspond aux pensées et comportements que le sujet mobilise consciemment pour faire face aux situations de stress (Vieillard & Harm, 2013).
Plusieurs chercheurs de niveau international s’intéressent, aujourd’hui, aux changements cognitifs caractérisant l’avancée en âge car ces perturbations peuvent influencer les AVQ, mais également aider à distinguer un état cognitif normal d’un état pathologique (Harada et al., 2013). Dans la section suivante, nous présentons les principales hypothèses explicatives proposées à ce sujet.

Théories explicatives du vieillissement cognitif

Hypothèse de la vitesse de traitement (Salthouse, 1996)

Depuis les années quatre-vingt, plusieurs hypothèses ont été formulées pour essayer d’expliquer les changements cognitifs liés à l’âge. L’une des hypothèses du vieillissement les plus connues est la théorie de la vitesse de traitement, supportée par Salthouse (1996). Selon cet auteur, la perturbation de la vitesse de traitement des informations est à la base du déclin cognitif observé lors du vieillissement normal. Une explication possible est le constat biologique d’un ralentissement général de la vitesse de transmission neuronale (Thiebaut de Schotten et al., 2016).
Cette cause générale, influençant toutes les capacités cognitives, aurait un impact évident sur les AVQ, non seulement dans les tâches simples, mais également dans les tâches complexes. Ce ralentissement limiterait, d’une part, le temps passé sur certains processus fondamentaux pour le traitement en cours et d’autre part, la quantité d’informations pouvant être disponibles et traitées par le sujet (Deline, 2011). Selon Duverne et Lemaire (2004), le ralentissement général de la vitesse de traitement expliquerait une grande partie de la variance liée à l’âge dans des tâches de haut niveau cognitif, comme la réalisation de problèmes d’arithmétique. La vitesse de traitement prédirait la variabilité des performances des sujets aussi dans d’autres tâches cognitives, comme par exemple celles demandant une certaine automaticité (e.g., test de fluence verbale).
Toutefois, même si une baisse de la vitesse de traitement est souvent vérifiée chez les aînés dans de nombreux et divers travaux en neuropsychologie, cette hypothèse ne permet pas d’expliquer toutes les modifications qui sont observées chez ces personnes sur le plan cognitif et comportemental, surtout lorsqu’elles sont confrontées à des situations complexes (Kliegl, Maayr, & Krampe, 1994).
À partir de cette hypothèse, Cepeda, Blackwell, et Munakata (2013) ont présenté les résultats issus de différentes études. Ces auteurs suggèrent l’existence d’une surestimation des contributions de la vitesse de traitement sur la cognition, car les tâches qui sont censées mesurer ce processus cognitif impliqueraient d’autres processus, telles que les FE. En effet, cette étude montre que le choix de la mesure de la vitesse de traitement (différentes tâches plus ou moins complexes) affectait la relation observée entre la vitesse de traitement et le processus de contrôle exécutif (évalué au moyen de tests de mémoire de travail, d’inhibition et de mise à jour).
Habeck et al. (2015) ont essayé d’analyser les éventuels liens existant entre vitesse de traitement des informations et d’autres fonctions cognitives, aussi au moyen de données issues de l’imagerie cérébrale. Ils ont proposé 6 tâches cognitives (3 tests de vitesse de perception et 3 tests de raisonnement) à 106 sujets âgés entre 20 et 77 ans. Les résultats obtenus, à partir des 2 scores composites calculés par ces auteurs (Habeck et al., 2015), ont mis en évidence une activation cérébrale similaire, d’un point de vue topographique, lorsque les sujets réalisaient des tests censés mesurer le même processus cognitif. L’activation cérébrale différait lorsque les épreuves réalisées étaient censées évaluer des habiletés différentes. Il existerait donc des réseaux neuronaux distincts qui s’activeraient lors de tâches demandant un certain niveau de raisonnement ou de vitesse de traitement des informations. Considérant les résultats discordants obtenus, d’autres hypothèses du vieillissement cognitif normal ont été développées au cours des années.

Hypothèse de la cause commune (P. B. Baltes, 1997)

Dans un cadre théorique s’intéressant à 3 niveaux (âge des sujets, organes et fonctions), Lindenberger (2000) essaye de montrer les possibles liens existant, par exemple, entre cerveau, reins (organes), cognition et flux sanguin (fonctions). À partir des résultats obtenus, il ne semble pas exister de cause organique commune entre les changements observés sur le plan cognitif et ceux concernant le flux sanguin (purification). Cependant, les modifications du fonctionnement cognitif seraient liées à celles du fonctionnement sensoriel et sensori-moteur, dont une cause commune serait le vieillissement du système nerveux (P. B. Baltes, 1997).
Considérant que les mécanismes de base de nature sensorielle semblent avoir une influence croissante sur le fonctionnement intellectuel, M. M. Baltes et Lang (1997) proposent l’hypothèse de la « cause commune ». Selon ces chercheurs, il existerait une relation stricte entre les sphères sensorielles et cognitives qui dépendraient d’une structure commune : l’architecture physiologique du SNC. Ces liens expliqueraient la relation observable dans le vieillissement normal entre facteurs biologiques et génétiques, fonctions sensorielles (e.g., vision, ouïe) et habilités cognitives (De Beni & Borella, 2015). D’autres hypothèses essayent d’expliquer le lien existant entre fonctionnement cognitif, sensoriel et sensori-moteur, dont l’hypothèse de la privation sensorielle et l’hypothèse de la saturation cognitive. Selon la première, les perturbations touchant les systèmes sensoriels peuvent réduire les échanges avec l’environnement. Sur le long terme, cela pourrait provoquer d’importants changements cérébraux (Lindenberger, 2000). Plus précisément, l’état sensoriel antérieur serait un bon indicateur des détériorations qui peuvent se présenter au niveau cognitif avec l’avancée en âge. Selon l’hypothèse de la saturation cognitive, le vieillissement normal serait caractérisé par une réduction de la précision, de l’automaticité et de la coordination des processus sensoriels et sensori-moteurs qui aurait un impact négatif sur plusieurs tâches quotidiennes. Comme Lindenberger (2000) le précise, la théorie formulée avec ses collaborateurs ne spécifie pas la nature de cette cause commune, ou d’un ensemble de possibles causes communes. Cela a constitué une limite et ouvert leur hypothèse à des critiques.

Hypothèse de réserve cérébrale et cognitive (Stern, 2012)

L’hypothèse de « réserve cérébrale » est née des discordances observées entre les performances des aînés lors des évaluations cognitives et la présence de signes cliniques typiques d’une neuropathologie chez les mêmes sujets. Plus précisément, les personnes ayant un niveau d’éducation élevé, un haut coefficient intellectuel et beaucoup de responsabilités dans leur milieu professionnel pourraient ne pas présenter de difficulté cognitive jusqu’à un âge avancé, tout en étant porteuses de lésions cérébrales comme celles caractérisant la maladie d’Alzheimer (Michel, Herrmann, & Zekry, 2009). D’autre part, dans la population à haute réserve cérébrale et souffrant de cette pathologie, la symptomatologie cognitive dans la phase initiale serait souvent retardée, atypique et peu expressive. Puis, une fois un certain seuil de lésions cérébrales franchi, la maladie se manifesterait et s’aggraverait très rapidement (Bier & Belleville, 2010). Dans ce cas, la réserve correspondrait à « la quantité de détérioration qui peut être supportée avant d’atteindre un seuil critique, identique pour tous les individus, à partir duquel des signes cliniques vont se manifester » (Kalpouzos, Eustache, & Desgranges, 2008).
Un autre exemple est donné par les travaux qui ont trouvé une accumulation de 20-30 % de plus par rapport à la normale de la protéine beta-amyloïde dans le cortex de sujets adultes sains (Rodrigue, Kennedy, & Park, 2009). Ces données suggèrent que ces individus pourraient développer la maladie d’Alzheimer. Cependant, nous savons que malgré la présence de signes cliniques fréquemment associés à un cadre pathologique, la plupart des sujets adultes âgés de 65 ans et plus ne développent pas de démence ou de trouble cognitif léger (Harada et al., 2013). L’une des explications possibles pour la variabilité interindividuelle observée au niveau cognitif est la différence de réserve cognitive chez les personnes âgées. Grâce à cette notion, Stern (2002) explique que le « capital intellectuel » de départ n’est pas le seul facteur à prendre en considération et qu’avoir une bonne activité intellectuelle, même à un âge avancé, peut retarder la survenue de pathologies comme la maladie d’Alzheimer, si elle doit survenir (Stern, 2009). De plus, selon Amieva et al. (2014), l’éducation jouerait un rôle protecteur dans l’évolution des signes cliniques précédant le diagnostic de démence de type Alzheimer. Avoir plus d’éducation induit selon les auteurs un développement accru des synapses, un cortex plus épais et une possibilité de compensation plus importante grâce à l’implication de circuits neuronaux alternatifs (Mascret, 2012).
Précisons que le concept de « réserve passive » fait référence aux caractéristiques déterminées génétiquement, comme le volume cérébral et le nombre de neurones et de synapses présent. Alors que la « réserve active » correspondrait au potentiel du cerveau en terme de plasticité et de capacité de réorganisation neuronale suite à la survenue de neuropathologies (Harada et al., 2013 ; Stern, 2002). Ces processus actifs peuvent être de 2 types : la capacité de flexibilité, qui permet d’utiliser des paradigmes alternatifs afin de surmonter les effets liés à l’âge, et la capacité à recruter des structures neurales compensatoires, permettant de substituer les réseaux ayant subi des modifications au cours du vieillissement normal (Staff, Murray, Deary, & Whalley, 2004). D’où l’importance de différentier la notion de « réserve » (réseaux cérébraux normalement impliqués) de celle de « compensation » (recrutement de réseaux cérébraux différents). D’une manière générale, la mobilisation des réseaux cérébraux accessoires semblerait pouvoir optimiser le vieillissement cérébral (Michel et al., 2009). Cependant, la quantité de neurones disponibles est variable avec l’avancée en âge et peut être influencée par le vécu de chaque individu (Kalpouzos et al., 2008). L’hypothèse de réserve cérébrale et cognitive permettrait donc d’expliquer la « protection » contre les modifications, cérébrales et cognitives, souvent observées dans le vieillissement normal.
À partir de cette hypothèse, Staff et al. (2004) ont étudié 3 facteurs qui pourraient être associés à la réserve cérébrale : le volume total intracrânien, l’éducation et la réussite professionnelle des sujets. Des personnes âgées (n = 92) ont participé à cette étude, effectuée aussi à l’aide des technologies d’IRM. Les résultats obtenus par ces auteurs montrent que le niveau d’éducation, l’épanouissement professionnel (processus actifs) et le volume total intracrânien (processus passifs) contribuent à la réserve cérébrale et aident à maintenir le fonctionnement cognitif stable avec l’avancée en âge. Plus précisément, la variabilité des capacités mnésiques a été expliquée par l’éducation de 5 % à 6 %. La réussite professionnelle a contribué à 5 % à la variabilité des capacités de mémoire et à 6-8 % à la variabilité des habiletés de raisonnement.
Tucker-Drob, Johnson, et Jones (2009), à travers une étude longitudinale (suivi de 5 ans), ont montré que la connaissance du vocabulaire (sélection du synonyme le plus approprié parmi plusieurs proposés) et le niveau d’éducation (13,4 ans en moyenne) de 690 participants âgés (65-89 ans) sains étaient associés au niveau de fonctionnement cognitif. Toutefois, il n’existait pas de liens entre ces 2 marqueurs de réserve cognitive (vocabulaire, niveau scolaire) et le taux de changements cognitifs observés grâce à des tâches de raisonnement (séries de lettres ou de mots) et d’épreuves de vitesse de traitement. Ces dernières tâches étaient caractérisées par des niveaux différents de demande cognitive. La vitesse de traitement, sensible aux changements neurobiologiques (Salthouse, 1996), montrait des liens plus faibles avec le niveau d’éducation et de vocabulaire par rapport aux capacités de raisonnement. La connaissance du vocabulaire a donc été un médiateur dans la relation existante entre niveau d’éducation et fonctionnement cognitif.

Vieillissement des fonctions frontales

Hypothèse exécutive-frontale du vieillissement (West, 1996)

D’un point de vue morphologique, le vieillissement normal est caractérisé par une réduction générale du volume cérébral de 10 % dans le cortex frontal contre 1 % en temporal, pariétal ou occipital (Haug & Eggers, 1991 ; Tisserand, van Boxtel, Gronenschild, & Jolles, 2001 ; Tisserand et al., 2002). Haug et Eggers (1991) indiquent également l’apparition d’une réduction de la taille cellulaire au-delà de 65 ans plus prononcée dans la région préfrontale (43 %, 11 % et 13 % dans le cortex préfrontal, pariétal et occipital respectivement). Toutefois, le nombre de cellules présentes dans le cortex frontal ne semble pas diminuer avec l’avancée en âge (Samson & Barnes, 2013). D’autres chercheurs ont observé une baisse de volume concernant le thalamus (Van Der Werf et al., 2001) qui serait prédicteur de la vitesse de traitement, et une baisse de volume du striatum (Gunning-Dixon, Head, McQuain, Acker, & Raz, 1998). En effet, l’atrophie cérébrale accompagnant le vieillissement normal atteint les circuits cortico-striato-palido-thalamiques frontaux (Alexander et al., 1986) connectant le cortex frontal aux noyaux gris frontaux. Il est important de rappeler que ces boucles (circuits neuronaux) jouent un rôle important dans le contrôle du mouvement (Cambier et al., 2008), dans la régulation des comportements et des conduites cognitives complexes.
Raz (2000) avait mis en évidence une corrélation entre l’âge et le volume cérébral variable, allant de 47 % pour le cortex préfrontal et 32 % pour le striatum (noyau caudé et putamen) à 27 % pour le cortex temporal et 29 % pour le cortex pariétal. Raz, Gunning-Dixon, Head, Dupuis, et Acker (1998) avaient déjà montré l’existence d’une relation significative entre les performances des sujets âgés en mémoire de travail et leur volume cérébral frontal. D’autres auteurs (Hanninen et al., 1997) ont montré une relation significative entre le volume cérébral frontal et les capacités de flexibilité mentale chez 43 sujets âgés (70.5 ans en moyenne) présentants des troubles mnésiques.
Une étude effectuée, plus récemment, par Lindberg (2012), qui s’appuie sur le modèle neuroanatomique de Stuss (2008), confirme que l’avancée en âge est associée à une diminution du volume des régions corticales situées dans les lobes frontaux. Toutefois, les résultats obtenus (n = 505 ; 6 groupes d’âge différent : 60, 66, 72, 78, 83, 90 ans en moyenne) montrent que cette diminution du volume cérébral est plus importante dans les régions préfrontales, comme le cortex orbitofrontal (n = 124), que dans les régions limbiques, comme le gyrus cingulaire antérieur (n = 505). Samson et Barnes (2013) soulignent que les fonctions cognitives qui dépendraient de l’hippocampe (e.g., cognition spatiale, apprentissage d’un parcours), ainsi que celles impliquant le cortex préfrontal (e.g., mémoire de travail, flexibilité), seraient particulièrement touchées lors du vieillissement normal. Cependant, des données précédentes avaient montré que la diminution du volume de l’hippocampe, dont le rôle est essentiel aussi au fonctionnement de la mémoire, était moins importante que celle du cortex préfrontal (Isingrini, 2004).
Dans une étude de Nissim et al. (2016), la détérioration des performances de 27/56 personnes âgées (70,29 ans en moyenne) dans une tâche de mémoire de travail était associée à une réduction du volume de différentes régions corticales droites : le gyrus frontal orbitaire médian, le gyrus frontal inférieur et le gyrus frontal supérieur. Cox et al. (2014), sur la base des performances de 90 sujets âgés (73 ans en moyenne) à 6 tests frontaux (Tower, Self-ordered pointing task, Simon, Reversal learning, dilemmes moraux et faux pas) et des données neuroanatomiques obtenues, montrent que le volume des régions frontales était significativement et positivement corrélé à la plupart des scores obtenus aux tests proposés. De plus, les résultats issus de cette étude suggèrent que les changements observés au niveau des régions dorsolatérales et du cortex cingulaire antérieur avaient un impact plus important sur le vieillissement cognitif par rapport aux modifications dans d’autres régions cérébrales (Cox et al., 2014). Driscoll et al. (2009) montrent que la diminution du volume cérébral s’accélère, au cours du vieillissement normal, dans le système ventriculaire qui participe à la sécrétion et à la circulation du liquide céphalorachidien, dans la matière grise frontale, mais également dans les régions supérieures, médianes et médianes frontales, et pariétales supérieures.
En ce qui concerne les changements observés, plus précisément, au niveau de la substance blanche et de la substance grise, Tisserand et al. (2002) (voir aussi Samson & Barnes, 2013 ; Wellington, Bilder, Napolitano, & Szeszko, 2013) affirment que le volume de substance blanche frontale reste relativement stable jusqu’à un âge avancé (65-70 ans), pour décroître ensuite rapidement. Cette diminution de la matière blanche de 16 à 20 % est observée au niveau du gyrus précentral, du gyrus rectus et du corps calleux (Lockhart & DeCarli, 2014), aires qui ne montrent que 6 % de réduction de matière grise (Meier-ruge, Ulrich, Brühlmann, & Meier, 1992). Kennedy et Raz (2009) ont étudié les liens susceptibles d’exister entre l’intégrité de la substance blanche dans plusieurs régions cérébrales (corps calleux, capsule interne, régions préfrontale, temporale, pariétale et occipitale) et les performances de 52 sujets (19-81 ans) dans des tâches de vitesse de traitement, de mémoire de travail, d’inhibition, de flexibilité et de mémoire épisodique. Les résultats obtenus montrent que les modifications dans les régions antérieures étaient associées à une perturbation de la vitesse de traitement et des capacités de mémoire de travail. Les changements observés dans les régions postérieures étaient liés à une détérioration des processus d’inhibition et de flexibilité. La perturbation des capacités de mémoire épisodique était liée à des réductions de substance blanche dans les régions cérébrales centrales (Kennedy & Raz, 2009). Ces données confirment celles de O’Sullivan et al. (2001), qui montraient l’existence de liens entre la réduction de la matière blanche antérieure et le déclin des FE chez la personne âgée.
Une autre étude post-mortem (Kemper, 1994) met en évidence une atrophie plus importante de la substance blanche frontale que de la substance grise. Cependant, le volume de la substance grise commencerait à diminuer à partir de 20 ans (Wellington et al., 2013), surtout dans le cortex préfrontal, à cause de 2 phénomènes : la mort neuronale et la réduction de la densité synaptique, voire de la taille et du nombre de connexions inter-neuronales (Harada et al., 2013 ; Samson & Barnes, 2013). Même si ces données ont été confirmées en utilisant les techniques d’IRM chez l’âgé sain (Resnick et al., 2000), toutes les études ne sont pas concordantes.
En ce qui concerne le métabolisme frontal, N. D. Anderson et Craik (2000) montrent qu’il diminue lorsque les sujets effectuent des activités cognitives complexes, comme par exemple des doubles tâches. Plusieurs chercheurs (Cabeza et al., 1997 ; Grady et al., 1995 ; Schacter, Savage, Alpert, Rauch, & Albert, 1996), qui se sont intéressés au débit sanguin cérébral en réponse à des tâches de mémoire explicite, ont montré des différences liées à l’âge pour l’activation frontale au moment de l’encodage et de la récupération. D’autres études sur les différences d’activation cérébrale lors du vieillissement normal ont été présentées dans la section 2.3 (p. 58).
Malgré les modifications décrites au niveau du volume cortical et cellulaire frontal, plusieurs études ont montré une sur-activation, une dé-différentiation et un phénomème de compensation plus importants dans les régions préfrontales, chez les personnes adultes et âgées. Parmi les théories formulées pour expliquer les changements observés avec l’avancée en âge, l’hypothèse « exécutive-frontale » du vieillissement (West, 1996) semble être, à l’heure actuelle, la plus solide et celle qui est partagée par la plupart des chercheurs (Cox et al., 2014 ; Nissim et al., 2016 ; Samson & Barnes, 2013). En effet, selon cette hypothèse, l’essentiel des détériorations observées au cours du vieillissement s’expliquent par l’atteinte préférentielle des aptitudes psychologiques supportées par les lobes frontaux (West, 2000). Les modifications liées à l’âge seraient donc consécutives à une perturbation précoce du fonctionnement frontal qui permettrait d’expliquer les principales altérations cognitives observées chez les aînés.
Selon cette conception, le contrôle exécutif serait parmi les premières fonctions cog-nitives qui se modifieraient au cours du vieillissement normal (West, 1996 ; West, 2000). Les données neuropsychologiques (Isingrini, 2004) indiquent par ailleurs que, comparées aux jeunes, les personnes âgées présentent un déclin des capacités exécutives, révélé par leur performance à des tests neuropsychologiques classiques, tels que le WCST, le TMT, les tests de Stroop, de fluence verbale, de la tour de Londres et de Hanoï, ces derniers évaluant les capacités de planification. D’autres données seront détaillées par la suite.
Les FE ne sont pas les seules habiletés cognitives à être supportées par les lobes frontaux, donc à subir des perturbations lors du vieillissement normal (Denburg & Hedg-cock, 2015). De plus, les études montrent que les différentes catégories de fonctions frontales ne sont pas toutes perturbées de la même façon (Lamar & Resnick, 2004 ; MacPherson, Phillips, & Della Sala, 2002). Ces résultats pourraient être dus aux modifica-tions morphologiques observées dans les différentes régions cérébrales (frontales, pariétales, temporales, occipitales) ou, plus particulièrement, dans les régions frontales dorsolatérales et orbitaires (Phillips & Della Sala, 1998). Une autre explication possible renvoie au fait que le retentissement des modifications cérébrales dépend largement du milieu de vie de la personne âgée, de son histoire antérieure et de ses ressources propres (Bouisson, 2005).
Pour résumer, les arguments qui peuvent être évoqués à l’appui de cette hypothèse sont les modifications morphologiques observées chez les aînés, surtout dans les régions frontales, la diminution de l’activité métabolique frontale, et la dégradation des capacités cognitives dépendantes de l’intégrité des lobes frontaux (De Beni & Borella, 2015). L’hypothèse exécutive-frontale pose néanmoins une question fondamentale : le vieillissement normal du fonctionnement frontal affecte-t-il toutes les compétences frontales ou seulement certaines ? Les chercheurs ont souvent essayé de répondre à cette question en effectuant des comparaisons entre les performances d’aînés en bonne santé et celles de patients ayant reçu un diagnostic de trouble cognitif léger ou atteints de la maladie d’Alzheimer (Belleville, Bherer, Lepage, Chertkow, & Gauthier, 2008 ; Bherer, Belleville, & Hudon, 2004 ; Gonneaud et al., 2009), ou d’une démence frontotemporale (Gonneaud et al., 2009 ; Piquard, Derouesné, Lacomblez, & Siéroff, 2004 ; Piquard, Derouesné, Meininger, & Lacomblez, 2010), à des tests frontaux. En effet, leur objectif principal a été d’étudier les signes cliniques qui sont communs ou spécifiques au vieillissement normal et au vieillissement pathologique, en utilisant des protocoles expérimentaux toujours différents.
Dans le présent manuscrit, nous présenterons surtout les études sur le fonctionnement normal des systèmes frontaux, qui se sont basées sur les performances de sujets jeunes, adultes et âgés en bonne santé (Calero & Navarro, 2011 ; Ghisletta & Lindenberger, 2005 ; Lindenberger & Baltes, 1997). Nous tenons également à préciser que de nombreux travaux réalisés en neuropsychologie du vieillissement s’appuient sur le modèle développé par Miyake et al. (2000) qui proposent un fractionnement du système exécutif. À partir d’analyses factorielles confirmatoires, ces auteurs affirment, plus particulièrement, que la mémoire de travail est sous-tendue par 3 processus : l’alternance ou flexibilité mentale, la mise à jour et l’inhibition (Miyake et al., 2000). Considérant que ces fonctions cognitives font partie des FE décrites par Stuss et Knight (2002), nous tiendrons aussi compte des résultats obtenus à partir du modèle de Miyake et al. (2000) dans la section suivante. Il faut souligner que, même si dans le cadre de ces travaux l’inhibition est étudiée de façon spécifique, les données obtenues par Stuss et Alexander (2007) ne permettent pas d’isoler cette habileté d’un point de vue cognitif. Les auteurs expliquent leurs résultats par le fait que tout choix présuppose la sélection d’une réponse considérée comme la plus adaptée au contexte, donc l’inhibition des réponses non pertinentes. En effet, selon Stuss et Alexander (2007), l’inhibition existerait seulement d’un point de vue neurobiologique et neurochimique. Les résultats divergents relatifs à l’intégrité des capacités d’inhibition dans le vieillissement normal pourraient s’expliquer par le fait que cette fonction n’est pas un processus unitaire, mais plutôt un ensemble de processus spécifiques et distincts (Collette & Salmon, 2014).
Nous focaliserons ainsi notre attention sur les études ayant évalué au moins l’une des 4 catégories de fonctions frontales décrites par Stuss (2008) : les FE, la PD, l’énergisation et la métacognition (conscience de soi et TDE), ces habiletés pouvant être perturbées de façon sélective au cours du vieillissement normal (pour revue voir Calso et al., 2016 ; Annexe 5). Faire référence à un modèle neuroanatomique comme celui développé par Stuss et al. (2002) permettra d’étudier l’évolution d’aptitudes de niveau supérieur indispensables dans la réalisation d’AVQ ainsi que dans la réalisation d’activités nouvelles.

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Table des matières

Liste des abréviations et des acronymes
Introduction
I Approche théorique 
1 Fonctionnement frontal 
1.1 Anatomie des lobes frontaux
1.2 Fonctions supportées par le cortex préfrontal
1.3 Modèle neuroanatomique de Stuss (2008)
1.3.1 Fonctions exécutives cognitives
1.3.2 Capacités d’autorégulation et de PD
1.3.3 Énergisation
1.3.4 Métacognition
1.4 Évaluation des aptitudes frontales
1.5 Modifications du fonctionnement préfrontal
1.6 Synthèse
2 Vieillissement cognitif normal 
2.1 Le concept du « Bien vieillir »
2.1.1 Facteurs qui influencent le « vieillissement réussi »
2.1.2 L’oxymore du bien vieillir
2.2 Vieillissement normal des capacités cognitives
2.3 Théories explicatives du vieillissement cognitif
2.4 Vieillissement des fonctions frontales
2.4.1 Hypothèse exécutive-frontale du vieillissement (West, 1996)
2.4.2 Contrôle exécutif
2.4.3 Autorégulation et PD
2.4.4 Énergisation
2.4.5 Conscience autonoétique
2.4.6 TDE cognitive et affective
2.5 Synthèse
3 Autonomie, qualité de vie et aspects psychoaffectifs dans le vieillissement normal 
3.1 Autonomie et qualité de vie dans le vieillissement
3.1.1 Autonomie fonctionnelle
3.1.2 Qualité de vie
3.1.3 Autonomie, qualité de vie et fonctionnement cognitif
3.2 Aspects psychoaffectifs dans le vieillissement
3.2.1 La solitude, le passé et la dépression
3.2.2 L’anxiété et la peur pour l’avenir
3.2.3 Dépression, anxiété et fonctionnement frontal
3.3 Synthèse
II Contributions expérimentales 
4 Problématique et méthodologie générales 
4.1 Problématique
4.1.1 Objectifs et hypothèses
4.2 Méthode
4.2.1 Participants
4.2.2 Matériel
4.2.3 Procédure
5 Étude du vieillissement normal des fonctions exécutives 
5.1 Méthode
5.2 Évaluation cognitive globale des participants
5.3 Présentation des épreuves exécutives
5.3.1 ARTIST : Une nouvelle tâche d’énergisation et de contrôle exécutif
5.4 Comparaisons intergroupes
5.5 Discussion
6 Étude du vieillissement normal de la prise de décision 
6.1 Méthode
6.2 Présentation des épreuves neuropsychologiques
6.3 Comparaisons intergroupes
6.4 Discussion
7 Étude du vieillissement normal de l’énergisation 
7.1 Méthode
7.2 Présentation des épreuves neuropsychologiques
7.3 Comparaisons intergroupes
7.4 Discussion
8 Étude du vieillissement normal de la métacognition 
8.1 Méthode
8.2 Présentation des épreuves neuropsychologiques
8.2.1 MPS-TOMQ : Une nouvelle tâche de tromperie-coopération
8.3 Résultats obtenus au test de conscience de soi
8.4 Résultats obtenus aux tests de TDE
8.5 Discussion
9 Étude de la sphère personnelle et sociale des aînés 
9.1 Méthode
9.2 Présentation des échelles et des questionnaires
9.3 Comparaisons intergroupes
9.4 Discussion
10 Étude de profils 
10.1 Méthode
10.2 Résultats
10.2.1 Profils des participants jeunes
10.2.2 Profils des participants âgés
10.2.3 Profils des participants très âgés
10.3 Discussion
11 Analyses corrélationnelles 
11.1 Méthode
11.2 Résultats
11.2.1 Liens entre les scores obtenus aux échelles/questionnaires et les capacités frontales
11.2.2 Liens entre autonomie, qualité de vie, aspects psychoaffectifs et cognitifs
11.3 Discussion
III Discussion générale 
12 Synthèse et discussion générale des études expérimentales 
12.1 Vieillissement normal des fonctions frontales
12.2 Liens entre vieillissement cognitif, aspects psychoaffectifs, autonomie et qualité de vie
12.3 Critiques méthodologiques
Conclusions et perspectives futures 217
Annexe 1 : Questionnaire de santé I
Annexe 2 : ARTIST III
Annexe 3 : Tâche modifiée de tromperie-coopération VII
Annexe 4 : Calso, Besnard, Calò, & Allain (2015) IX
Annexe 5 : Calso, Besnard, & Allain (2016) XXIII
Annexe 6 : Liens entre les fonctions frontales XXXIII
Références

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