L’activité physique (APhy) peut être définie selon Caspersen et al. (1985) par : « tout mouvement du corps généré par l’activation du système neuro-musculo-squelettique et ayant pour conséquence une dépense énergétique ». L’ensemble des recherches épidémiologiques récentes a démontré un lien étroit entre l’APhy et l’état de santé physique et mentale de toutes les catégories d’âges (Skelton and McLaughlin, 1996; Blumenthal JA et al., 1999; Skelton and Dinan, 1999; Lyons et al., 2005; Boujut and Décamps, 2012; Bonis et al., 2014). En effet, plus le mode de vie adopté par un individu est actif, plus son espérance de vie augmente (Woodcock et al., 2011; Charansonney, 2012). D’autre part, le mode de vie sédentaire est fortement corrélé à une augmentation de la mortalité prématurée, des maladies métaboliques et cardiovasculaires (Stamatakis et al., 2011). De nos jours, l’APhy représente seulement 65% de ce qu’elle a été chez les hommes paléolithique (Simon and Lefai, 2014). Selon l’OMS, ce manque d’exercice physique a de graves répercussions sur la santé publique et cause environ 3,2 millions de décès chaque année. De ce fait, la sédentarité constitue la première cause non transmissible de mortalité dans le monde (Organisation mondiale de la santé, 2002). Malgré son importance, plus de la moitié de population française (âgés de 15 à 75 ans) n’atteint pas un niveau d’APhy suffisant pour acquérir une « bonne » santé (Baromètre santé 2008).
Étant donné l’accroissement de la longévité de la population mondiale d’un trimestre chaque année, la proportion des personnes de plus de 60 ans est passée de 8% en 1950 à 11% en 2009 et devrait augmenter jusqu’à 22% en 2050. En plus du vieillissement qui s’accompagne par un déclin des capacités fonctionnelles (Roos et al., 1997; Rudolph et al., 2007), la sédentarisation de cette population âgée favorise et aggrave l’apparition de certaines pathologies impliquant un coût majeur de prise en charge. Aux États-Unis, une estimation de 4,9 milliards d’euros destinée aux maladies cardiovasculaires pourrait être économisée si 10% des adultes suivaient un programme de marche régulier (Bravata DM et al., 2007).
Historique de l’étude biomécanique de la marche humaine
La marche est une activité usuelle qui constitue le principal mode de la locomotion humaine. Elle requiert un processus d’apprentissage dès le plus jeune âge pour devenir par la suite un geste naturel quasi automatique (Plas, Viel, et Blanc 1982). D’un point de vue biomécanique, la marche est une succession de rotations de segments corporels dans l’espace aboutissant au déplacement de l’ensemble du corps (Bouisset et Maton 1996). Pour de nombreuses personnes, la marche correspond à la forme la plus commune de l’APhy et représente le seul moyen pour produire un effort physique (Perry et Burnfield 2010).
En biomécanique, l’étude de la marche a été initiée en 1836 par les frères Weber par application des lois de la mécanique newtonienne au mouvement humain (Allard et al. 1998). Leurs recherches ont abouti à la toute première description du cycle de marche et à l’estimation de la longueur de pas et de la cadence. Néanmoins, les principales connaissances biomécaniques ont été acquises grâce aux techniques photographiques introduites par le Français Etienne-Jules Marey (1830-1904) et l’Américain Eadweard Muybridge (1830-1904). En effet, ces deux hommes ont réussi par le biais d’instantanés photographiques à décomposer la séquence de mouvement et à détecter aussi bien les détails des activités sportives que ceux de la vie courante. A la fin du dix-huitième siècle, Braune et Fisher deux scientifiques allemand, ont été les premiers à conduire une analyse tridimensionnelle de la marche en utilisant une technique inspirée de la chronophotographie. Ces enregistrements graphiques du mouvement du corps effectués à de brefs intervalles de temps permettent une description quantitative de la marche. Mettant en relation la distribution de la masse du corps et les accélérations des segments corporels, les forces impliquées au cours de la marche ont été estimées. De ce fait, ces études biomécaniques sont les premières à faire le lien entre l’état de mouvement et les forces qui lui permettent d’exister. Cette analyse fût un tournant dans la biomécanique moderne. Depuis, le développement des techniques et celui des instruments de mesure ainsi que l’intérêt accordé par les scientifiques à la marche humaine n’a cessé de croitre. Ces avancées ont permis d’acquérir des connaissances nouvelles permettant de mieux évaluer les différents aspects de la marche saine et pathologique.
Marche saine dite « normale »
Selon Imms et Edholm (1981), la marche est tributaire du fonctionnement du système nerveux, circulatoire, respiratoire, musculaire et squelettique (Imms and Edholm, 1981). Le dysfonctionnement d’un ou de plusieurs de ces systèmes peut entrainer une altération du pattern de la déambulation et par conséquence une diminution de la mobilité et de l’indépendance des sujets. La marche « saine » ou encore « normale » fait référence à la marche en régime stable à vitesse librement choisie d’un adulte sain. Elle est caractérisée par son efficience aussi bien sur le plan énergétique que sur le plan biomécanique et met en place des patterns symétriques, réguliers, coordonnés et reproductibles. Selon Gage (1991) une marche est qualifiée de « normale » lorsque les cinq critères suivants sont remplis (Gage, 1991):
• La préservation de la stabilité en phase d’appui,
• Un passage de pas sans obstacle,
• Un emplacement adéquat du pied en fin d’oscillation,
• Une longueur de pas adéquate,
• Une conservation de l’énergie mécanique.
La marche saine a été décrite dans un premier temps d’un point de vue global en décrivant la trajectoire du CM du corps dans l’espace tridimensionnel (Inman et al., 1981). Par la suite, une description plus détaillée a été réalisée en se basant sur les déplacements linéaires et angulaires d’un modèle de solides rigides poly-articulés (Gage, 1991; Perry and Burnfield, 2010).
Afin d’évaluer et comprendre le rôle de chaque segment composant ce modèle, les études précédentes s’appuient sur la fusion des données anatomiques, cinématiques, dynamiques et énergétiques. Dans ce sens, Perry and Burnfield, (2010) ont pu démontrer que chaque mouvement segmentaire tend à assurer une fonction locomotrice bien définie à savoir : la progression, la propulsion, l’équilibre, l’absorption des chocs et la conservation de l’énergie mécanique.
La marche saine a été largement étudiée afin de mettre en place un ensemble d’indices et de paramètres biomécaniques de références permettant de distinguer une marche saine d’une marche pathologique. Toutefois, il importe de souligner que ces valeurs de références sont spécifiques à une cohorte de personnes influencée aussi bien par le protocole expérimental, l’appareillage utilisé ainsi que l’environnement et le milieu socio culturelle, (Al-Obaidi et al., 2003; Damme et al., 1998; Ebersbach et al., 2000). En effet, certaines études ont mentionnées que la marche sur tapis roulant comparée à celle sur sol entraine:
• Une augmentation significative de l’amplitude articulaire de la hanche chez les femmes et du genou chez les hommes (Alton et al., 1998),
• Une augmentation de la dépense énergétique (Sohn et al., 2009),
• Une augmentation de la cadence (Alton et al., 1998; Waters and Mulroy, 1999).
De même, Murray et al. (1966) ont démontré que les expérimentations effectuées sur de longues distances aboutissent à des vitesses de marche plus élevées (Murray et al., 1966). De ce fait, il s’avère judicieux de comparer des sujets dans les mêmes conditions afin de pouvoir déceler des changements relatifs à la présence de pathologie. Pour ce faire, il importe de détecter les cycles de la marche qui permettent de comparer différents sujets sur la même base.
Le cycle de la marche
L’aspect périodique des contacts des pieds avec le sol confère à la marche humaine la possibilité d’être divisée en un ensemble de cycles. Ces derniers sont définis par convention internationale comme étant le temps qui sépare deux contacts initiaux du même pied avec le sol et représente l’unité fondamentale sur laquelle repose l’évaluation de la marche. Les alternances des activités des membres inférieurs au cours d’un cycle de marche permettent de découper ce dernier en diverses phases. En milieu clinique, l’analyse de la marche en se référant à ces phases du cycle représente la technique la plus courante (Patrik Kutilek et al., 2014). Généralement, ces phases sont normalisées par rapport à la durée totale du cycle et sont exprimées en pourcentage de celuici afin de faciliter la comparaison et l’interprétation entre les individus. La méthode la plus simple fractionne le cycle en fonction des périodes de contact des pieds avec le sol, distinguant pour chaque membre inférieur, une phase d’appui (pied en contact avec le sol) et une phase d’oscillation (pas de contact du pied avec le sol) qui représente respectivement 60% et 40% de la durée totale du cycle .
L’alternance des contacts droits et gauches a conduit les chercheurs à subdiviser la phase d’appui en une phase de simple appui et de double appui. La phase de double appui (appui bipodal) pendant laquelle les deux pieds sont au sol représente 20% de la durée du cycle de marche. Elle débute à l’instant où le pied entre en contact avec le sol (CI) et se termine à l’instant du contact terminal (CT) du membre controlatéral. Au cours de cette phase, on assiste à un transfert du poids du corps vers la jambe la plus avancée. Suite à cela, la phase de simple appui ou encore appui unipodal (40% du cycle), définie comme étant la phase d’oscillation du membre controlatéral, commence et se prolonge jusqu’au CI du pied oscillant .
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Table des matières
CHAPITRE I REVUE DE LITTÉRATURE
I.1. Historique de l’étude biomécanique de la marche humaine
I.2. Marche saine dite « normale »
I.3. Le cycle de la marche
I.4. Paramètres déterminants de la marche
I.4.A. Les paramètres cinématiques
I.4.B. Les paramètres dynamiques
I.4.C. Les paramètres dérivés
I.5. Facteurs influençant la marche
I.5.A. Effet de la surface
I.5.B. Effet des chaussures
I.5.C. Effet de la vitesse
I.5.D. Effet de l’anthropométrie
I.5.E. Effet du genre
I.5.F. Effet de l’âge
I.5.G. Effet de l’activité physique
I.6. Outils d’évaluation de la marche
I.1.A. Méthodes subjectives
I.6.A. Méthodes Objectives
I.7. Configuration de capteurs inertiels
I.8. Score
I.9. Synthèse et Conclusion
CHAPITRE II IDENTIFICATION DES ÉVÉNEMENTS CLÉS DE LA MARCHE
II.1. Introduction
II.1. Protocole
II.2. Détection des événements de la marche
II.2.A. Cinématique (Algorithme basé sur la vitesse)
II.2.B. Méthode basée sur la force de réaction du sol
II.2.C. Méthodes accélérométriques
II.2.D. Gyromètre
II.3. Analyses des données
II.4. Résultats
II.4.A. Accéléromètre lombaire
II.4.B. Détection des événements de la marche
II.4.C. Paramètres temporels
II.4.D. Pourcentage d’erreur
II.5. Discussion
II.6. Conclusion
CHAPITRE III ÉVALUATION DE LA MARCHE
III.1. Introduction
III.2. Dispositif BodyTrack
III.3. Protocole expérimental
III.3.A. Population étudiée
III.3.B. Méthode
III.3.C. Instrumentation
III.4. Traitement des signaux
III.5. Analyses des données
III.6. Résultats
III.6.A. Évaluation des paramètres spatiaux
III.6.B. Évaluation de la capacité discriminative des paramètres biomécaniques
III.6.C. Comparaison de la marche nordique et de la marche classique
III.7. Discussion
III.8. Conclusion
CHAPITRE IV DÉVELOPPEMENT DU MULTIFEATURES GAIT SCORE
IV.1. Introduction
IV.2. Méthodologie
IV.2.A. Réduction du nombre des paramètres (ACP)
IV.2.B. Élaboration du score
IV.2.C. Analyse de la répétabilité du score global
IV.3. Résultats
IV.3.A. Réduction du nombre des paramètres (ACP)
IV.3.B. Élaboration du score
IV.3.C. Analyse de la répétabilité du score global
IV.4. Discussion
IV.5. Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
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