Autoévaluation des enseignant-concepteurs

Collecte des données

Les différents outils de collecte des données sont présentés ci-dessous avec pour chacun d’eux les bénéfices et les limites de leur utilisation. Le traitement et l’analyse feront l’objet du paragraphe suivant.

Entretiens semi-directifs

Deux séries d’entretiens d’une durée contrainte de moins de 15 minutes ont été proposées : le premier visait le prélèvement dans le discours des enseignants des indicateurs thématiques et théoriques relatifs à leur expérience d’enseignant-concepteur. Le second avait l’ambition de relever les indicateurs qualitatifs de gain en développement professionnel à la suite de l’autoévaluation. Tous les verbatim sont présentés en annexes.

Entretiens exploratoires

• Objectif : Vérifier la méconnaissance des enseignant-concepteurs du gain en développement professionnel généré par l’expérimentation #Lecturedoc
• Mesure : Entretien semi-directif
• Les 15, 22 et 29 novembre 2018Entretien collectif
• Objectif : Co-élaborer, avec les enseignant-concepteurs, une grille de critères d’auto-évaluation du gain en développement professionnel
• Mesure : Entretien collectif
• Le 7 mai 2019 Outil d’auto évaluation
• Objectif : Renseigner (par les enseignant-concepteurs) l’outil d’auto-évaluation
• Mesure : Grille de notation
• Mai-juin 2019
Entretiens individuels
• Objectif : Vérifier le gain « réel » en développement professionnel
• Mesure : Entretien semi-directif
• Les 23 mai et le 6 juin

Les entretiens préalables

Les premiers entretiens semi-directifs ont été menés à l’automne 2018 soit au démarrage de la seconde année d’expérimentation de l’outil #Lecturedoc. Les principales caractéristiques sont notées dans le tableau ci-dessous.

Entretien collectif

Mon objet de questionnement étant l’effet de l’autoévaluation instrumentée du développement professionnel grâce à un outil co-élaboré par les enseignants-concepteurs, il s’est agi d’un entretien de recherche visant à collecter des données discursives destinées à l’analyse, provoquées et recueillies à dessein. Certains auteurs précisent que « les interactions auraient un apport sur l’apprentissage des participants en les aidant à donner du sens ou en renforçant leurs propres significations » (Gunn et Goding, 2009 ; O’Donnell et Tobbell, 2007 ; Standal et Jespersen, 2008). En effet, les pairs parlent le même langage et ont un vécu similaire dans le processus pour parvenir à intégrer les savoirs dans leur pratique. Cela contribuerait « à la fois au sentiment d’identité par une meilleure connaissance de soi et par la construction d’une identité professionnelle. »
La durée de l’entretien collectif était contrainte (moins d’une heure) et a mis en scène les cinq enseignants-concepteurs supposant ainsi un rapport de confiance entre chacun (enquêtrice / enquêté.e). En effet, les participants ont formé « un groupe d’appartenance doté d’une expérience commune » ce qui a favorisé les prises de paroles : les interactions qui se sont jouées dans ce cadre collectif sont notées dans le tableau ci-après.

Outil d’autoévaluation

Le document intitulé « Auto-évaluation du gain en développement professionnel » (cf. annexe 3) a été le fruit des réflexions et des échanges menés lors de l’entretien collectif (cf. § précédent). Il était destiné à l’ensemble des enseignants-concepteurs d’Orléans et de son agglomération et a permis d’évaluer l’apport de l’expérience #LectureDoc. En effet, chaque enseignant-concepteur (ciblé ou non par la recherche) s’est approprié l’outil pour alimenter son regard, sa perception du « gain » en développement professionnel.
Autrement dit, comment l’enseignant-concepteur a jugé, évalué son action sur un ensemble d’activités liées à la co-conception d’un outil didactique innovant ? Une échelle de Likert avec cinq degrés était prévue (1-pas du tout ; 5-tout à fait) pour estimer, noter les items proposés. Concernant l’analyse des notations, 16 documents ont été complétés ce qui est un peu faible pour permettre des analyses statistiques complexes. Cependant, il sera tout de même possible de procéder à quelques calculs permettant d’éclairer la validation des hypothèses.
La formulation des items, les regroupements effectués ainsi que la présentation finale du document ont tenu compte des éléments exposés, corrigés et validés par les enseignants-concepteurs. Mon rôle a été de guider la réflexion et d’assurer la mise en forme de l’outil d’autoévaluation en cohérence avec les indicateurs de développement professionnel vus au § 1.1.1.

Travail d’analyse des données

Traitement des données quantitatives

Les vingt-quatre items identifiés par les enseignants-concepteurs pour autoévaluer leur développement professionnel constituent une riche combinaison d’indicateurs en interaction les uns avec les autres. Ainsi, à partir de la constitution d’une base de données et du relevé des notations (cf. annexe 4), deux « radars » (global et détaillé) sont proposés pour chacun des enseignants concepteurs.

Traitement semi-automatisé des données qualitatives

L’analyse automatique de contenus a été appliquée aux entretiens. C’est le logiciel Tropes qui a été choisi avec la volonté de dépasser la lecture intuitive du texte et d’arriver à une certaine objectivité puisqu’il était essentiel d’être « méfiant » et « critique » (Bardin, 2003). Ce logiciel a analysé le contenu du texte en faisant apparaitre son ossature, son sens et a permis de mettre la subjectivité du chercheur à distance, au moins pendant le temps de l’analyse. Tropes a effectué un traitement complexe visant à affecter tous les mots significatifs dans des catégories, à analyser leur répartition en sous-catégories tel que cela est proposé par Laurence Bardin (2003) lorsqu’elle parle de « catégorisation ». L’enjeu était de rester fidèle au contenu et d’élaborer, au préalable, une grille de références la plus pertinente et exhaustive possible sur laquelle Tropes s’est appuyé pour établir des « analyses statistiques, probabilistes et cognitives ».
Tous les discours des enseignants-concepteurs ont été enregistrés et l’application en ligne otranscribe.com a été utilisée pour la retranscription manuelle. De plus, afin d’analyser ces entretiens oraux retranscrits, il a été impératif de revoir la ponctuation du texte initial et de segmenter le texte. En effet, dans le cas contraire, le logiciel aurait été incapable d’effectuer correctement le découpage propositionnel et le fonctionnement de l’analyse en aurait été perturbé. Chaque entretien semi-directif a par conséquent fait l’objet d’une retranscription complète et enregistré sous format texte (.txt). Au-delà de la difficulté et du temps nécessaire à toutes les retranscriptions ainsi qu’à la prise en main de ce logiciel, le choix des catégories dans un scénario pertinent a représenté un réel obstacle. Néanmoins, le logiciel a pu être paramétré pour individualiser le traitement des données selon les objectifs poursuivis pour la recherche. De plus, pour « interpréter » les contenus, une approche ciblée d’extraits de discours des enseignants a également été réalisée dans cette étude. « Elle a consisté à lire le corpus, fragment par fragment, pour en définir le contenu en le codant selon des catégories qui peuvent être construites et améliorées au cours de la lectu re » (Fallery et Rodhain, 2007). Enfin, les analyses des discours seront rapprochées des données recueillies sur les documents d’autoévaluation, les un pouvant éclairer les autres.

Analyse des données

Résultats des données quantitatives

Après avoir co-élaboré les items permettant d’autoévaluer le développement professionnel (cf. § 2.3.2 et 2.3.3.), les enseignants-concepteurs ont complété le document d’autoévaluation (cf. annexe 3). Les résultats des notations individuelles présentent, ci-après, des éléments de réponse relatifs à l’enrichissement multidimensionnel du déve-loppement professionnel, cela au-delà des connaissances en didactique et en pédagogie de lecture compréhension de textes numériques explicatifs scientifiques. La comparaison avec les autoévaluations des enseignants-concepteurs non ciblés par l’étude apporte des éclairages complémentaires

Résultats des données qualitatives

Pour décrire, comprendre et expliquer le développement professionnel, il existe trois principaux éléments en relations : l’enseignant-concepteur, ses modalités d’actions et son environnement professionnel. Celui-ci doit, en outre, être en capacité d’évaluer son expérience, de réfléchir sur ses processus de pensée et de les modifier le cas échéant (autoanalyse, autorégulation). La comparaison des résultats qualitatifs entre les entretiens exploratoires et les seconds entretiens permet de vérifier ou non si la co-élaboration et l’utilisation de l’outil d’autoévaluation ont aidé les enseignantsconcepteurs à mieux connaitre, mieux analyser et mieux expliquer ce qu’ils ont appris.

Exploitation des graphes édités par Tropes

Plusieurs graphes sont édités par le logiciel Tropes. Le premier d’entre eux est le graphe des acteurs qui représente la concentration de relations entre les principaux acteurs (actants : mots placés avant le verbe/actés : mots placés après le verbe) sur la totalité du texte. Il permet de faire une comparaison visuelle du « poids » des relations entre les principales références du scénario. Les références sont présentées sur deux axes :
– L’axe des X (horizontal) indique le taux actant/acté (de gauche à droite).
– L’axe des Y (vertical) indique la concentration de relations pour chaque référence affichée (forte en haut du graphe et faible en bas).
Les traits indiquent les relations entre la référence sélectionnée et les autres références affichées. Un trait en pointillé indique une relation peu fréquente. Un trait plein indique une relation fréquente. Par défaut les relations sont construites à partir des références utilisées.
Les fragments de discours de S (cf. annexe 15) démontrent un intérêt certain pour l’enseignement des thématiques scientifiques ainsi qu’une réelle prise de conscience des apprentissages didactiques liés à l’utilisation de #Lecturedoc. S insiste également sur ses facteurs de motivation et la nécessaire réflexivité induite par l’expérimentation.

Thème n° 3 : Effets

Lors du premier entretien, S est confiant sur l’intérêt et l’utilité de son rôle de co-concepteur. Eneffet, cela lui « permettait de changer des méthodes de travail, de voir d’autres choses puis de participer à un travail d’équipe » (S1) qu’il juge très intéressant. S ne poursuivait pas d’objectif professionnel précis mais il a rapidement « pris la peau de co-concepteur » (S2) grâce notamment à Mme Renaud qui, dans l’expérimentation, a laissé une place à chacun avec l’envie de « vraiment de s’impliquer » et « d’y apporter le plus possible » (S2). Cependant, S ajoute que cela ne devait pas être trop couteux en temps parce que sa priorité était « d’avoir des supports tout prêts qui sont très intéressants à travailler » (S6). S accompagne ainsi ses élèves dans leur acculturation tout en se formant car « il y a un apport de savoir-faire pour travailler avec les élèves » (S9).
Au printemps, S reprend le principal apport de #Lecturedoc : la didactique sur la lecture documentaire. Il ajoute tout de même qu’il appréhende beaucoup mieux « toutes les difficultés que peuvent avoir les enfants sur des recherches internet ou autre » (S1).
En outre, il envisage « d’élaborer de [son] côté pour réinvestir dans d’autres matières » (S1) ce qui prouve qu’il passe d’un statut d’utilisateur à celui de concepteur en transférant ses apprentissages professionnels. Par ailleurs, S souligne qu’il prend le temps non seulement de « l’analyse avec les autres » mais aussi de l’’analyse de ses propres séances car il se sentait « obligé d’avoir une trace écrite » (S4), ce qui n’était pas dans ses habitudes de travail.

Thème n° 4 : Satisfaction

A l’automne, S se disait déjà très satisfait de l’expérimentation bien qu’au départ il « ne savait pas quel investissement ça allait demander » (S11). S souligne l’investissement nécessaire en tant que co-concepteur puisqu’il a « l’impression qu’il en faut toujours plus […] qu’il y a une petite frustration là-dessus […] qui est tempérée car on arrive à un certain résultat » (S11). S est ainsi conscient du rôle de la motivation dans son engagement et de l’importance qu’il accorde au collectif : « on y arrive tous ensemble parce qu’il y la motivation de la plupart des collègues […] ce qui me motive le plus, c’est le travail en équipe. Tout seul je n’arrive pas forcément à me motiver mais là tous ensemble […] ça permet de vraiment vouloir aller jusqu’au bout » (S13). S est satisfait des méthodes de travail suggérées et du guidage précis proposé par #Lecturedoc.
Paradoxalement ce n’est « pas forcément quelque chose qui [lui] corresponde » mais il avoue que « ça permet d’avoir une trame » à suivre progressivement, de « [se] concentrer et d’avoir une réflexion sur [sa] pratique également » (S9). Néanmoins, malgré le protocole, S évoque sa liberté pédagogique pour adapter la durée des séances car pour lui « au-delà de 3/4 heure c’est compliqué pour tenir les enfants » (S14) et pour communiquer les propositions d’améliorations puisque « toutes les remarques sont prises en considération » (S14).
Au printemps, S démontre son intérêt pour « remettre en question [son] enseignement, [son] objectif professionnel parce que c’est important d’apprendre à « concevoir des outils » (S8). Toutefois, la question de l’investissement en temps est reprise ici car S estime ne pas avoir « eu assez de temps pour aller au fond du sujet, de tout exploiter, de réinvestir, d’installer réellement des connaissances des élèves » (S10). Il estime que « beaucoup d’élèves ont besoin de plus de temps, de plus d’exercices d’entrainement pour apprendre » (S10). C’est pourquoi, S avait proposé de tester, de manière plus approfondie, qu’un seul module par an.

Thème n° 5 : Indicateurs généraux de déplacement professionnel

Lors de l’entretien exploratoire S précisait que l’expérimentation pouvait lui permettre éventuellement de se « relancer dans un autre projet de co-conception » (S15) parce qu’il avait constaté que les co-concepteurs « étaient entendus par les chefs de projet, par la hiérarchie ». S jugeait cela « très intéressant, très valorisant » ((S15). En outre, S insiste en fin d’entretien sur la possibilité de bénéficier non seulement d’une « réflexion sur sa pratique » mais aussi plus largement une « réflexion théorique sur ce qu’on fait » (S15).
Lors du second entretien, S précise que la co-élaboration du document d’autoévaluation lui a « permis de faire une analyse » et qu’il n’avait pas « réalisé en fait tout ce que l’expérimentation [lui] avait apporté » (S6). Pour lui, le fait d’en parler, « ça [lui] donne des pistes de travail et des objectifs pour les prochaines années » (S6). S complète l’intérêt de ce travail collectif car il se souvient ne pas avoir exposé les apports dont il n’avait pas conscience « j’ai regretté de ne pas avoir signalé un certain nombre d’autres apports. Parce qu’il y en a dont on ne se rend pas compte » (S6). Enfin, il semble que S soit davantage précis sur le vocabulaire lié au développement professionnel « connaissances didactiques et pédagogiques » par le fait de « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement » (S8).

Thème n° 3 : Effets

Le premier entretien est l’occasion pour V d’exprimer qu’elle apprend à suivre un guide du maitre, une méthode ce qui n’était pas le cas dans sa pratique habituelle de classe. Elle précise que le projet lui « apporte énormément » sans donner plus de détails. Elle évoque néanmoins sa motivation et le changement sa pratique « de classe ordinaire » (V13).
Le second entretien a d’abord permis de préciser les apprentissages réalisés en collectif puisque cela a permis à V d’enrichir sa propre pratique « au contact et à la découverte des pratiques des collègues » (V1). Ensuite V souligne l’importance de prendre le temps « d’analyser un outil et des séances » (V1) car cela ne faisait pas partie de ses habitus. Elle précise avoir ainsi développé cette compétence-là. V synthétise l’ensemble des apports de l’expérimentation grâce au fait de « travailler sur un outil qui est en train de se construire » (V1) et de réfléchir entre co-concepteurs aux améliorations à apporter. L’enseignante complète par les compétences développées en lien avec le métier du formateur (V suit le parcours Cafipemf). Pour elle, il s’agit de « penser, concevoir et élaborer » (V2) et ensuite « analyser et évaluer » un outil. En outre, elle insiste sur la capacité à travailler en groupe et à accepter les dissensus.

Thème n° 4 : Satisfaction

Lors de l’entretien exploratoire, V précise son intérêt pour « avoir la main nous aussi sur cet outil » (V2) et pour satisfaire les attendus en tant que co-conceptrice « mon rôle c’était d’essayer de le faire le plus sérieusement et le mieux possible » (V4). En effet, elle souligne qu’elle investit beaucoup de temps pour préparer en amont les séances parce que « ce n’est pas évident d’essayer de suivre au maximum et de s’imprégner d’un outil qu’on n’a pas créé non plus » (V7). L’enseignante est « vraiment contente de continuer » l’expérimentation en raison de la « richesse des échanges» (V9). Elle est particulièrement satisfaite de constater « les fruits de tous les échanges et de toutes les idées » (V9) apportés ensemble sur le nouveau guide du maitre. En effet, V souligne comment l’outil a progressé, a évolué au profit des élèves et qu’elle est « hyper contente de voir comment eux réagissent à ces séances » (V12).
Au second entretien, elle exprime sa satisfaction de manière très précise en lien avec ses buts et motivations En effet, pour V, il s’agissait de « participer à un projet commun, de construire et élaborer un outil à plusieurs et d’essayer qu’il soit le plus performant possible » (V8) pour « atteindre quelque chose de presque parfait ensemble ». C’est à travers cela que V s’enrichit personnellement et professionnellement : « c’est ce travail de groupe et de réflexion, d’analyse qui m’intéresse » (V8).

Thème n° 5 : Indicateurs généraux de déplacement professionnel

Au premier entretien, l’enseignante est impatiente de connaitre les nouvelles évolutions dont fera l’objet #Lecturedoc pendant cette seconde année d’expérimentation notamment avec l’arrivée des nouveaux concepteurs. Elle termine en précisant une de ses attentes « pouvoir bosser avec Juliette pour voir comment elle a fait à partir de l’outil de départ » (V14). Elle souhaiterait comprendre l’envers du décor et de « voir toute la conception dès le départ » (V14).
Le second entretien permet de constater l’évolution du discours sur la prise de conscience du déplacement professionnel notamment grâce à l’outil d’autoévaluation. Elle remarque que l’expérimentation lui a apporté « énormément de choses dans beaucoup de domaines et de façon très tranchée » (V4). Elle s’aperçoit que l’outil a permis de « faire un point et de se rendre compte » du développement professionnel car elle « en n’avait pas pris la mesure » (V4). En effet, sans le travail collectif de co-élaboration des items à autoévaluer, l’enseignante n’aurait pas pensé avoir développé des compétences sur l’utilisation des outils collaboratifs et des réflexions sur les enjeux du numérique, sur les perspectives professionnelles et sur le développement du sentiment d’efficacité. Toutefois, elle ajoute « gagner en efficacité ce n’était pas ma priorité […]. Ce n’était pas mon moteur » (V7). V serait tout à fait intéressée par nouvelle expérimentation si elle y trouve un intérêt personnel et s’il y a « quelqu’un avec pour qu’on puisse échanger » puisque pour elle, « tout seul dans son coin, on ne grandit pas» (V16).

Discussion

Au terme de cette recherche proposant un important matériau à analyser, les résultats obtenus sont discutés au regard des hypothèses formulées et du cadre théorique. Un regard critique sur les résultats obtenus et la méthodologie employée est proposé également. Je terminerai cette partie par les perspectives possibles en formation d’enseignants.
A partir de ces constats, il était intéressant de connaitre et de comprendre quels étaient les apprentissages réels des enseignants-concepteurs non précisés de manière explicite lors des premiers entretiens. Selon Cohen (2005), ce sont la réflexion et les interactions entre pairs qui semblent être les principaux vecteurs favorisant de nouveaux apprentissages. C’est pourquoi, les enseignants-concepteurs ont été invités dans le cadre de cette recherche à co-définir une liste d’items représentatifs, de leur point de vue, du développement professionnel produit par la co-conception. Le contenu de l’outil d’autoévaluation (cf. annexe 3) ainsi que le détail des interactions lors de l’entretien collectif (cf. annexe 6) illustrent l’étendue des apports professionnels induits par l’expérimentation. Par ailleurs, les résultats quantitatifs présentés dans la partie précédente (cf. § 3.1.) montrent ce que les enseignants ont le sentiment d’avoir le plus/le moins appris ou le plus/le moins réussi. A partir des « radars » individuels et au regard des aspects théoriques évoqués en première partie sur la conception d’instruments sur le lieu de travail, l’acquisition de nouvelles compétences par les utilisateurs est clairement perçue. Néanmoins, la démonstration ou la preuve de la réalité de la transformation des pratiques ne pourrait être apportée qu’avec une étude rigoureuse sur l’efficience de la qualité de l’enseignement. Le fait de compléter l’outil d’autoévaluation, d’auto-questionner la signification des différents items, de remettre en question son rôle de co concepteur, d’accepter des points faibles, démontrent d’une habileté d’autoanalyse et d’un besoin de reconnaissance professionnelle. En outre, les enseignants-concepteurs ont la volonté de faire la preuve de leurs savoirs et de leurs compétences individuelles. Il y a une prise de conscience de certains aspects à améliorer alors qu’ils présentent un sentiment positif au travail. Les notations réalisées démontrent pour quatre enseignants-concepteurs sur cinq de la réalité du sentiment de compétence et d’auto-efficacité. Quant à la réticence de la cinquième enseignante-conceptrice, il est utile de rappeler que l’évaluation, en formation, doit pouvoir être au service des acteurs. Quelles conceptions ou dimensions du développement professionnel a pu faire défaut dans ce cas ? Au niveau personnel, les significations de l’évaluation n’ont sans doute pas été suffisamment partagées. Au niveau professionnel, la démarche réflexive a été biaisée par l’absence ou l’insuffisance de savoirs communiqués autour du pourquoi et du comment autoévaluer. Quant au volet socio-culturel, il s’agit peut-être d’un défaut d’adhésion à de nouvelles croyances, valeurs ou habiletés. Cela n’a pas permis l’exploration de nouvelles conceptions favorisant le changement. Globalement, les items les mieux notés par les enseignants-concepteurs ciblés concernent le travail collectif, l’engagement dans une démarche individuelle de développement professionnel, la réflexion sur les enjeux et sur les conditions qui favorisent l’enseignement de la lecture numé rique, le réinvestissement des compétences sur d’autres domaines d’enseignement. Il se trouve que ces éléments sont en cohérence avec la classification des dimensions du développement professionnel présentée dans le tableau 2 (p 24) : savoirs construits par le collectif, savoirs construits par l’enseignant, dimension collective des représentations et conceptualisations, dimension personnelle relative à l’intérêt stratégique. Les items les moins bien notés sont : valoriser son expérience auprès de l’équipe, utiliser les outils de travail collaboratifs, identifier les apprentissages professionnels individuels et collectifs.

 

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Table des matières
Introduction
Partie 1 : Co-conception, développement professionnel et autoévaluation
1. Co-conception dans l’usage et développement professionnel
1.1. Co-conception dans l’usage de l’outil didactique #Lecturedoc
1.1.1. Contexte institutionnel de l’enseignement de la lecture
1.1.2. Co-conception et formation continue
1.1.3. Compétences de l’autodétermination
1.2. Expérimentation d’un outil didactique et développement professionnel
1.2.1. Expérimentation d’un outil didactique
1.2.2. Développement professionnel
2. Autoévaluation du développement professionnel
2.1. Evaluation et autoévaluation
2.2. Autoévaluation : une démarche pour des enseignants réflexifs
2.2.1. Analyse réflexive et autoévaluation
2.2.2. S’autoévaluer pour agir
2.2.3. Agir et s’autoformer
2.2.4. Biais de l’autoévaluation
3. De la théorie au protocole de recherche
Partie 2 : Autoévaluation des enseignant-concepteurs
1. Choix méthodologiques
1.1. Justifications et limites des choix méthodologiques
1.1.1. Indicateurs du développement professionnel
1.1.2. Choix de l’entretien semi-directif
1.2. Posture et éthique de chercheur
2. Méthodologie de recueil d’analyse des données
2.1. Population étudiée
2.2. Planification de la recherche
2.3. Collecte des données
2.3.1. Entretiens semi-directifs
2.3.2. Entretien collectif
2.3.3. Outil d’autoévaluation
2.4. Travail d’analyse des données
2.4.1. Traitement des données quantitatives
2.4.2. Traitement des données qualitatives
3. Analyse
3.1. Résultats des données quantitatives
3.1.1. Autoévaluation de A
3.1.2. Autoévaluation de AM
3.1.3. Autoévaluation de L
3.1.4. Autoévaluation de S
3.1.5. Autoévaluation de V
3.1.6. Compilation des notations
3.1.7. Comparaison avec les enseignants non ciblés
3.2. Résultats des données qualitatives
3.2.1. Exploitation des graphes édités par Tropes
3.2.2. Développement professionnel perçu par les enseignants
Partie 3 : Discussion
1. Au regard de la première hypothèse de l’étude
2. Au regard de la seconde hypothèse de l’étude
3. Limites de la recherche
4. Perspectives pour la formation des enseignants
Conclusion
Bibliographie 
Table des tableaux
Table des figures
Table des annexes 

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