Autoévaluation des élèves et co-évaluation de l’enseignante
Problématique
Énoncé de l’objet étudié Dans la veine de la thèse de Tobola (2017), notre recherche poursuit la problématique soulevée par le déploiement de l’évaluation en cycle 1 au travers des critères d’évaluation. Nous allons pour cela faire un bilan de recherches et de prescriptions par rapport à l’évaluation à l’école primaire. Ce domaine étant vaste, nous nous focaliserons sur les prescriptions du Plan d’étude romand (PER) et certains résultats qui font écho à notre problématique. 2 / Importance du sujet Nous étudions le déploiement des critères d’évaluation par l’enseignant dans une séquence de production orale en français L1 en classe de 2H. Ce projet nous permet d’étudier la place de l’évaluation en cycle 1. Effectivement, l’élève ne reçoit pas de notes jusqu’à la fin de la 3H en Suisse romande. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’y a pas d’évaluation. Il y a bien des processus d’évaluation en classe qui vont permettre de faire les apprentissages attendus et qui demandent une préparation de la part de l’enseignant. Il nous faut donc aller les chercher dans une situation de classe filmée, comme nous l’avons fait, pour montrer les tenants de la réalisation d’une évaluation. 3 / État des lieux des connaissances Nous vous présentons ici les principales conclusions de Tobola (2017) qui, aux côtés de celles d’autres auteurs, permettent d’expliciter notre problématique. 3.1 / La démarche d’enseignement par séquence didactique Les moyens d’enseignement, dont notamment le volume S’exprimer en français des éditions COROME (Dolz, Noverraz et Schneuwly, 2001), préconisent l’enseignement planifié en séquence didactique. Les recherches (De Pietro et al., 2009 ; Dolz et al., 2009 ; Tobola, 2017) démontrent l’efficacité des séquences didactiques pour provoquer des gains d’apprentissage chez l’élève avec un travail par le genre textuel en français. « Comme outil d’enseignement, le genre fixe des significations sociales complexes concernant les activités d’apprentissages langagières. Il oriente la réalisation de l’action langagière, tant du point de vue des contenus, qui lui sont afférents et qui sont dicibles par lui, que du point de vue de la structure communicationnelle et des configurations d’unités linguistiques auxquelles il donne lieu (sa textualisation). Le genre apporte aussi un éclairage nouveau sur l’objet enseigné, il conduit l’enseignant à modifier sa façon de se représenter la production textuelle et son enseignement-apprentissage. Quand il devient outil d’apprentissage, il permet à l’élève qui le pratique d’avoir accès à certaines de ses significations et, s’il les intériorise, d’accroitre ses capacités langagières ». (Dolz & Gagnon, 2008). Effectivement, une telle organisation de l’enseignement permet à l’élève de progresser dans chaque dimension du genre et d’en obtenir une maîtrise certaine. L’étude de Tobola (2017) démontre encore que l’entrée dans l’apprentissage du français par le genre est un « réel levier 9 d’apprentissage ». Cela permet à la fois de développer des compétences pour le genre en particulier mais aussi d’entraîner les aspects orthographiques et grammaticaux de la langue. Cet apprentissage permet de donner un sens et une utilité à la technicité de la langue étudiée. La thèse menée par Tobola (2017) montre que les gains d’apprentissage provoqués par une séquence d’enseignement semblent être fortement influencés par la maîtrise des outils d’enseignement par l’enseignant (Wirthner, 2006). Effectivement, la manière dont un enseignant va utiliser un outil d’enseignement influence la progression des apprentissages de l’élève et de toute la classe. La séquence didactique est un outil pour l’enseignant car cela propose une démarche d’enseignement. Le genre est aussi un outil d’apprentissage et d’enseignement. Il sert de médiatisation du savoir et de support aux apprentissages des élèves. Tobola (2017) met cependant en garde contre l’application stricte de la séquence didactique sans adaptation des modules au contexte de la classe. La séquence se présente comme un outil efficace mais qui doit être régulé selon les besoins des élèves en termes d’apprentissage. Pour pouvoir réguler une situation, l’enseignant doit d’abord l’évaluer. Les processus d’évaluation diagnostique et formative, qui sont au cœur des séquences didactiques, permettent de rendre compte de l’avancée des élèves et de réguler l’enseignement. L’évaluation présente différentes dimensions dans une séquence. L’enseignant peut l’utiliser au début, au cours de sa réalisation et à la fin avec des objectifs inhérents au moment de l’évaluation.
L’évaluation formelle
Le processus d’évaluation peut être formel ou informel. L’évaluation formelle est officielle, elle reprend l’évaluation de la production initiale que l’élève fait en début de séquence et de la production finale de l’élève à la fin de la séquence. Cette évaluation permet de rendre compte des gains d’apprentissage de l’élève durant la séquence. La recherche de Tobola (2017) a soulevé le fait que l’évaluation de la production initiale était toujours respectée mais souvent de manière intuitive, c’est-à-dire sans réel outil critérié. Cette évaluation devient une formalité effectuée dans le cadre de la séquence sans un apport conséquent car les enseignants ne semblent pas s’en servir pour adapter leur séquence au niveau des élèves. Tobola (2017) parle « d’évaluation-alibi » pour mettre en exergue la déviation de cette évaluation. L’évaluation de la production finale est quant à elle menée à l’aide de grilles critériées. Ces grilles sont construites par les enseignants eux-mêmes, qui s’appuient souvent sur les moyens d’enseignement disponibles. Les critères s’additionnent au fur et à mesure de la séquence et reprennent sous forme d’indicateurs les éléments clé de la production de référence, de manière stéréotypée. Deux critères reviennent dans chaque grille et reprennent les composantes orthographiques et syntaxiques. Nous observons par cela le dialogue entre travail du genre et linguistique. Tobola (2017) revient sur le caractère stéréotypé des critères en expliquant que cela peut dévier l’objectif d’apprentissage du genre en lui-même vers l’apprentissage d’une structure ad hoc ; du fond vers la forme. Il est donc indispensable d’ajuster l’apprentissage aux besoins réels des élèves et aux objectifs dictés. 10 Les commentaires généraux du domaine des langues du PER précisent que l’évaluation se centre sur la production et compréhension de l’oral et de l’écrit ou sur le fonctionnement même de la langue. Ces deux aspects apparaissent indissociables car la maîtrise du fonctionnement de la langue induit la capacité de l’élève dans sa production et sa compréhension de texte. 3.2.2 / Évaluation et gestes de l’enseignant L’évaluation diagnostique des productions initiales est souvent perçue comme une « évaluation-alibi » (Tobola, 2017). Les enseignants appliquent régulièrement la séquence didactique proposée par le moyen d’enseignement. Cela a tendance à « sédimenter les pratiques » (Schneuwly et Dolz, 2009 in Tobola, 2017). Les élèves les plus en difficulté ne bénéficient alors d’aucune différenciation spécifique. Or, « il apparait que plus les élèves en difficulté sont impliqués dans la séquence et les interactions, plus ils progressent. » (Tobola 2017). L’engagement de l’élève est influencé par l’utilisation d’outils d’évaluation pendant la séquence, notamment la déclinaison de critères sous forme d’aide-mémoire, de grille de vérification et de grille d’évaluation. Ce sont des grilles qui reprennent les critères travaillés ou construits en classe et qui permettent de vérifier ou d’évaluer leur respect par l’élève. Les recherches de Ruiz-Primo et Furtak (2007) et de Mottier Lopez (2015) notamment montrent que plus l’enfant est engagé dans le processus d’évaluation – que donc celui-ci est conscientisé – plus les gains d’apprentissage sont importants. Tobola (2017) explique que cet engagement « passe par une connaissance des objectifs visés, des dimensions du genre à retenir (aide-mémoire, grille d’évaluation, usage de la grille d’évaluation, etc.). ». Il ne s’agit pas de simplement transmettre l’outil à l’élève mais aussi de le construire dans un partenariat entre l’enseignant et l’élève. L’outillage incombe la création de supports pour soutenir l’apprentissage. L’outil d’apprentissage se distingue de l’outil d’enseignement (Rabardel, 1997 in Tobola, 2017). « Nous considérons comme outils d’apprentissage, tous les supports qui remplissent les fonctions épistémiques (compréhension des concepts), pragmatiques (en vue de transformer des capacités dans une situation donnée) et heuristiques (orientation et contrôle de l’activité). » (Tobola, 2017). Nous observons que les outils sont plus souvent transmis aux élèves tandis qu’ils présentent une plus grande efficacité lorsqu’ils sont construits avec l’élève, notamment celui qui présente des difficultés. Cela lui permet de s’impliquer de manière beaucoup plus importante dans l’apprentissage et de développer sa capacité à s’autoréguler.
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Table des matières
Chapitre 1 : Introduction
1 / Question de départ
2 / Motivation du choix
3 / Buts poursuivis par ce travail
4 / Apport attendu de ce projet dans le champ professionnel
Chapitre 2 : Problématique
1 / Énoncé de l’objet étudié
2 / Importance du sujet
3 / État des lieux des connaissances
3.1 / La démarche d’enseignement par séquence didactique
3.2 / L’évaluation
4 / Objectif du travail
5 / Contexte et orientation disciplinaire de la recherche
Chapitre 3 : Cadre conceptuel
1 / L’évaluation
1.1 / Les différents types d’évaluation
1.2 / L’évaluation en 1-2H
1.3 / Démarche cognitiviste
1.4 / Les critères : un outil à construire
1.5 / Évaluation formative formelle ou informelle
1.6 / Les régulations
2 / Les préoccupation de l’enseignant et le processus d’évaluation
3 / La notion d’outillage
4 / La production orale de genre argumentatif, selon des perspectives didactiques
4.1 / La séquence d’enseignement d’expression du français L1, démarche
4.2 / Travail par genre de texte
4.3 / Oral et écrit
Chapitre 4 : Questionnement de la recherche
1 / Questionnement
2 / Nos hypothèses
Chapitre 5 : Méthode
1 / Description de la situation d’observation
2 / Échantillon
3 / Les outils méthodologiques au service de l’élaboration de la séquence
3.1 / Analyse à priori de la séquence
3.2 / Présentation de la séquence
4 / Les outils méthodologiques de récolte de données
Chapitre 6 : Analyse des données
1 / Mise en œuvre du dispositif
2 / Analyse
2.1 / Analyse des gestes
2.2 / Comparaison des quatre grilles d’évaluation
2.3 / Analyse de l’autoévaluation et de la co-évaluation des productions finales
Chapitre 7 : Interprétation des résultats
1 / Quant aux gestes de l’enseignante
2 / Grille critériée d’évaluation
3 / Autoévaluation des élèves et co-évaluation de l’enseignante
Chapitre 8 : Retour sur le questionnement
1 / A propos de la séquence : axe épistémologique
2 / A propos des gestes de l’enseignante : axe praxéologique
3 / A propos de l’apprentissage des élèves : axe psychologique
Chapitre 9 : Conclusions
1 / Analyse critique
2 / Prolongements
3 / Conclusion finale
Références bibliographiques
Table des figures
Table des tableaux
Table des graphiques
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