Authentic food, authentic people : l’’exigence de VizEat 

Le positionnement de VizEat dans le marché de partage

Les co-fondateurs Camille Rumani et Jean-Michel Petit expliquent leur motivation pour créer cette plateforme de service en ligne avec leurs propres expériences à l’étranger : Jean-Michel Petit aurait dîné avec des autochtones à côté du lac Titicaca au Pérou, bien qu’au même temps Camille Rumani crée des liens avec des chinois en partageant la nourriture à Beijing, où elle fait un stage dans un cabinet légal. Avec ses propres mots :
“À mon retour, avec mon futur associé, on se racontait nos meilleurs souvenirs de voyage. Et on a pris conscience que nos souvenirs les plus forts sont ceux qui sont liés à des rencontres et bien souvent autour d’un repas ! On s’est dit que c’était paradoxal aujourd’hui de pouvoir voyager facilement, dans des villes où des millions de personnes vivent et de ne rencontrer finalement aucun local. Et c’est comme ça qu’on a eu l’idée de VizEat : favoriser des rencontres entre voyageurs et hôtes autour d’une table” (Arot).
Leur idée est donc de voyager autrement, tout cela en connaissant les locaux autour d’une table. Le repas devient donc une plateforme pour les échanges et la création de liens avec les locaux. Naturellement, ils ne sont pas les premiers ni les seuls à avoir cette idée. Par conséquent, à l’heure de leur création en 2014, il y en a plusieurs concurrents au niveau national (p.ex., Cookening, acquis en 2015) comme global.

Les acteurs du Social Dining en Italie

Le secteur du Social Dining ayant facturé plus de 7,2 millons d’euro en 2014, avec plus de sept mille cuisiniers sociaux organisant plus de 37.000 événements du partage ont réussi à toucher 300.000 personnes (Lovatelli). Le potentiel de cette manière de consommation est donc énorme.
Quand VizEat se lance en Italie en 2014, il y a déjà des autres sites sur place.
Dans l’économie du partage en Italie, existent onze start-ups principales sur le marché de l’alimentaire. On remarque la présence de trois plateformes étrangères, dont VizEat. Ses concurrents directs sur le Social Dining sont BonAppetour, Gnammo, Kitchenparty et PeopleCooks (Mainieri). Il y existent également des associations locales comme Le Cesarine à Bologne, mais ces démarches ne sont pas avec des buts lucratifs en général et par conséquent pas considérés comme une menace directe sur le marché. Sans entrer en trop de détail, les concurrents cités ci-dessus se positionnent de manière très différent : Gnammo s’adresse surtout à une population italienne en le proposant de rencontrer des nouveaux amis autour d’une table, PeopleCooks offre des repas en famille aux personnes hors domicile comme solution financière à la crise économique. BonAppetour, qui serait plus proche à VizEat quant à sa philosophie de rencontre entre touristes et résidents, a son siège à Singapour, donc son activité principale n’est pas concentrée sur le marché européen.
Sans compter la concurrence au niveau mondial et en Italie, VizEat se voit confronté par plusieurs défis. La start-up n’a pas beaucoup d’influence sur les offres et le service proposés par les hosts, en particulier la qualité du repas, l’hygiène sur place et la sécurité. Sans bureau en Italie et avec la start-up basée à Paris, il n’est pas possible de rencontrer les hosts et vérifier si leurs informations sont correctes à distance.
Cependant, l’équipe de VizEat profite des déplacements professionnels pour rencontrer la propre communauté. En plus, avec un prix moyen de plus de 30 euros, les repas fait-maison arrivent au même niveau que les menus proposé par des restaurants.
Cependant, il n’y a pas la même démarche de fidélisation de la clientèle qu’on trouve dans la gastronomie. Cela est dû au fait que même si les personnes restent en contact, leurs rencontres suivantes se font normalement hors VizEat, au niveau privé. Les avis des autres utilisateurs étant le seul moyen de rassurance pour les VizEaters potentiels, leur abstinence à l’heure d’évaluer soit les hosts, soit les guests représente un grave handicap au site. Avec la création de l’application mobile, VizEat arrive à mieux se positionner en comparaison avec les concurrents. Ciblant une population en mobilité, les voyageurs, cela permet de mieux organiser les dîners et faciliter la communication entre hosts et guests via mobile. La disponibilité du site en cinq langues et la forte présence en Europe donnent un caractère international et culturellement riche à l’offre, surlignant l’importance de l’échange culturel et l’ouverture d’esprit.
L’Italie n’est pas seulement un pays qui connaît une forte affluence de touristes, mais elle est aussi très appréciée pour sa cuisine. L’engouement culinaire crée par les émissions de chefs dans la télévision et les photos de « food porn » partagées dans les réseaux sociaux comme Instagram, motive les touristes à participer aux cours de cuisine et aux découvertes hors du commun pendant leur temps libre. Nonobstant, des facteurs comme la législation peuvent influencer sur la décision de devenir host.
Une table d’hôte a reçu une amende pour offrir des repas aux clients, ce qui a poussé Gnammo, concurrent italien de VizEat, à se positionner au sujet dans son blog pour calmer les utilisateurs effrayés (Cosimi 2015). Bien que la start-up italienne relativise la gravité de la pénalisation, cette presse négative peut avoir des répercussions quant au recrutement d’hosts. Une hôte à Bologne qui accueille également des invités sur le site Airbnb explique que ce fait lui cause de l’insécurité : « Selon moi, c’est un grand problème que je ne sache pas comment déclarer l’argent gagné avec VizEat. Avec Airbnb, je sais comment le faire, mais avec VizEat c’est bizarre. Vu qu’en Italie il n’y a pas une législation claire au sujet, je ne sais pas quoi faire. J’explore VizEat tranquillement, mais je n’ai pas encore compris comment le justifier d’un point de vue fiscale. »”.
Bien que le précurseur du Social dans le tourisme, Airbnb, ait trouvé des solutions après des longues négociations dans plusieurs pays, VizEat et le Social Dining sont un défi assez récent pour la législation, qui les considère comme menace à la restauration.
Il faut encore attendre comment les systèmes légaux vont tenter de réglementer des questions comme la sécurité ou l’hygiène en dehors de la déclaration fiscale.
Cependant, l’Italie est le premier pays à se lancer sur une législation plus précise et a proposé une première tentative d’une loi sur l’économie collaborative, englobant les repas chez l’habitant. Un autre facteur à prendre en compte est la saisonnalité du tourisme. Bien que l’Italie offre une vaste gamme de tourisme portant sur plusieurs atouts du Belpaese, la grande partie arrive pendant les mois d’été pour profiter des plages et du soleil italien. Cependant, il s’avère que les italiens eux mêmes prennent souvent leurs vacances dans le mois d’août, le ferragosto, pour rentrer chez la famille ou aller chez la deuxième résidence à la mer ou en campagne, simplement pour éviter la chaleur de la ville. Les métropoles se vident alors pour laisser la place aux touristes – par conséquent, il y reste qu’un nombre réduit de locaux pour les accueillir.
Ce désavantage est surtout remarquable en comparaison avec Airbnb ou Homeswapping : dans ces cas, l’hôte peut gagner d’argent en mettant à disposition son propre appartement même pendant son absence.
Il devient donc clair que le repas n’est que secondaire sur VizEat. On ne peut donc pas l’associer au tourisme gourmand. Le tourisme culinaire est celui construit autour d’une activité gastronomique. Cela englobe les cours de cuisine, dégustations, ateliers, visites de lieux de productions des produits locaux, etc. Le tourisme culinaire, également libellé gourmet ou gourmand, s’adresse donc aux foodies, ne représentant qu’une niche dans le tourisme culturel (Williams et al., p.5). Bien que VizEat offre également des visites guidées de marchés locaux, des cours de cuisines, etc., cela est une activité qui reste plutôt marginale dans l’ensemble de l’offre.
Nonobstant, la mise en valeur de l’échange et partage, facilités par un repas, s’adresse à un public beaucoup plus vaste. C’est surtout la proclamation d’authenticité, le fait de « voyager comme les locaux » qui touche le nerf d’une nouvelle génération de voyageurs et qui réponde donc à une mentalité vastement répandue parmi les touristes.

Méthodologie et problématisation

Afin de trouver des réponses pertinentes aux questions à aborder, ce travail se fonde sur deux axes : la recherche menée par des enquêtes, sondages et entretiens qui sera expliquée avec plus de détails quant à la méthodologie, ainsi que l’étude du concept de l’authenticité, notamment dans le tourisme et quant à l’alimentation dans le tourisme.

Méthodologie de la recherche

Dû au caractère actuel de la thématique et sauf erreur de ma part, il n’existe pas beaucoup de littérature au sujet de l’authenticité dans le Social Dining. Afin de recevoir des réponses pertinentes aux questionnements dans ce cadre, la meilleure démarche était donc de chercher les données sur plusieurs canaux.

Le terrain géographique

Le terrain choisi au début de la recherche était Bologne, ville avec une forte identité culinaire, également intéressant pour son classement au huitième rang dans les dix villes plus visitées en Italie entre 2007-2012. Au cours de mes recherches j’ai remarqué que non seulement il n’y avait pas beaucoup d’activité à Bologne, mais que les hôtes ne me répondaient pas en grand nombre. J’ai donc décidé d’amplifier le terrain en intégrant Milan, une ville cosmopolite et touristique, en plus d’être la deuxième ville plus active sur le site de VizEat après Rome. Les analyses sur les profils et menus en ligne, ainsi que les entretiens, se limitent donc à ces deux villes italiennes. Quant aux sondages, j’ai choisi de cibler toute l’Italie afin d’obtenir un maximum de réponses pour l’analyse.

Les sondages quantitatifs

Ces enquêtes incluent l’analyse des données reçues directement de VizEat, ainsi que deux sondages, envoyés à une base de donné de leurs hosts et guests en Italie.
Les données reçues directement par VizEat englobent le nombre d’utilisateurs et hosts en France et Italie, ainsi que leur présence dans les dix villes avec une activité plus prononcée. La start-up a également fourni des adresses emails d’une base de données d’hosts en Italie ayant déjà reçu des invités ainsi que des utilisateurs ayant participé à un repas en Italie.
Le sondage aux guests internationaux (cf. Annexe 2) à été traduit et mis à disposition en quatre langues (anglais, français, italien et espagnol) pour encourager leur participation. L’email a été envoyé le 5 et 6 juillet et les réponses ont été reçues jusqu’au 8 juillet inclus. Ayant ciblé 251 adresses, dont 7 adresses se sont montrée fausses, 56 visiteurs ont répondu au questionnaire (14 en anglais, 13 en français, 29 en italien et personne en espagnol), ce qui correspond à un taux de réponses de 23%. Le questionnaire est construit pour comparer leurs attentes (filtres qu’ils ont utilisés pour trouver le repas, options qu’ils ont choisis) à l’expérience finale et leur bilan du vécu en incorporant leurs observations (évaluation du repas, de la conversation, remarques sur ce que les a marqué, etc.). Quant au questionnaire rédigé en italien avec les hosts en Italie, le lien a été envoyé le 28 juillet et le premier août. J’ai ciblé 145 hôtes italiens, dont 3 adresses email n’étaient plus correctes. Avec les 22 réponses reçues, on obtient un taux de réponses de 15%. Les questions aux hôtes avaient le but de vérifier s’ils avaient une affinité générale à la Sharing Economy et quelles étaient les motivations principales pour inviter des inconnus à leur table.
L’idée principale était de trouver des preuves pour le fait qu’ils changeaient leur service, soit pour copier les restaurants, soit pour répondre aux attentes anticipées (si réelles ou pas) des invités. A ce but, la détermination du prix, la cuisine, les adaptations et la flexibilité quant au menu ont été étudiés.

Les entretiens qualitatifs

Dans le but de gagner plus de connaissance sur l’expérience, j’ai décidé faire des entretiens individuels tant avec des hosts comme des guests en Italie. Deux guests italiens qui ont participé au repas à Milan avec moi, se sont montrés motivés pour répondre à mes questions. Cela se faisait par email et téléphone dû au fait que je n’étais plus en Italie (cf. Annexe 6-7). Les questions se posaient plutôt de manière ouverte pour gagner d’introspection sur leurs impressions de la soirée et leurs motivations.
En outre, j’ai contacté tous les hosts ayant déjà reçu à Bologne et à Milan par email, après avoir reçu cette information de part de VizEat. Une host était disponible à Bologne, et trois m’ont répondu pour Milan. Cependant, une fois arrivée à Milan, deux d’eux ne me répondaient plus à mes messages et, par conséquent, je n’ai pu que réaliser qu’un entretien dans cette ville. Les deux entretiens se sont effectués dans des cafés en proximité aux appartements des hosts dans les villes respectives pour mettre les interlocuteurs à l’aise. La durée était d’une heure environ et les questions étaient préétablies en partie, laissant la liberté de suivre des pistes spontanément durant la conversation. Un autre hôte de Rome était disponible pour répondre à quelques questions par email. Pour remettre les résultats de la recherche dans un contexte cohérent, Ester Giacomoni, Country Manager Italy chez VizEat était disponible pour un entretien via Skype (cf. Annexe 8).

L’analyse des profils et menus en ligne

Afin de mieux pouvoir analyser les discours appliqués à l’offre « italienne » sur le site avec le logiciel Iramuteq, j’ai fait deux types d’extraction : des profils des personnes offrant des repas libellés « cuisine italienne » dans les dix villes plus actives en Italie tant qu’en France ainsi que les menus respectifs pour ces profiles.
L’extraction se faisait en anglais pour mieux comparer les résultats. Il faut remarquer que je n’ai pris que le texte en anglais en considération s’il y avait la même description en anglais et italien sur le site. Pour vérifier si le discours change quand les hosts s’adressent à des invités italien ou étrangers, j’ai repris la même base avec les profils en langue italienne.

Les observations pendant des repas VizEat

Pour enrichir l’image décrit par les données et réponses que les utilisateurs avaient partagés avec moi, j’ai décidé faire des observations sur place durant des dîners VizEat. À ce but, j’ai demandé VizEat de m’informer dès qu’il y avait des demandes de réservation pour rejoindre les événements et suivre l’échange entre guests et hosts. Malheureusement, il n’y avait pas de repas à Bologne durant cette période et mes tentatives d’organiser des repas avec mes amis en tant que guests étaient en vaine dû à la manque de disponibilité des hôtes bolognais. Grâce à l’aide des amis à Milan, j’ai finalement réussi à y organiser un repas VizEat en juillet 2016.
Un autre dîner VizEat, vécu en octobre 2015 à Paris chez l’host italienne Maura, servira comme point de comparaison.
Tous ces résultats de recherche seront abordés à continuation pour étudier l’importance de l’authenticité dans le contexte de l’offre de la start-up VizEat. Mais il faudrait répondre à ces questions d’abord pour mieux comprendre les enjeux de VizEat dans l’offre touristique actuelle : Qu’est-ce que l’authenticité ? Et comment doiton l’interpréter dans le cadre du tourisme ?

La problématisation de l’authenticité dans le tourisme

En 1957 en Italie, a eu lieu un congrès pour décider si les études de Géographie et de Tourisme devraient être regroupées sur une seule branche. Heureusement, ce propos a été refusé, mais le fait même d’avoir pris en considération cette possibilité montre l’importance portée aux études de phénomènes de l’activité touristique et leur fort lien avec la géographie. Bien que l’histoire du tourisme est longue et remonte à l’Antiquité, ce champ d’études est relativement récent. Le tourisme devient un phénomène de masse, transcendant les couches sociales, dans le dernier siècle, après la Seconde Guerre Mondiale dans l’Occident, d’où l’intérêt de consacrer des analyses aux phénomènes liées à ces activités et les confrontations qu’il entame (Bagnoli, p.26-32).
Qu’est ce qu’on doit entendre par « tourisme » ? Le Larousse le définit comme « action de voyager, de visiter un site pour son plaisir » ainsi que « l’ensemble des activités, des techniques mises en oeuvre pour les voyages et les séjours d’agrément ». La Sociologie a développé un intérêt plus prononcé à partir des années 70 du dernier siècle, observant les relations entre population autochtone et les autres acteurs comme les touristes ou les professionnels (guides, agences de voyage,…) dans ce secteur. Un des principaux questionnements originaires du tourisme de masse est la notion d’authenticité.

La problématisation de l’authenticité dans le tourisme

En 1957 en Italie, a eu lieu un congrès pour décider si les études de Géographie et de Tourisme devraient être regroupées sur une seule branche. Heureusement, ce propos a été refusé, mais le fait même d’avoir pris en considération cette possibilité montre l’importance portée aux études de phénomènes de l’activité touristique et leur fort lien avec la géographie. Bien que l’histoire du tourisme est longue et remonte à l’Antiquité, ce champ d’études est relativement récent. Le tourisme devient un phénomène de masse, transcendant les couches sociales, dans le dernier siècle, après la Seconde Guerre Mondiale dans l’Occident, d’où l’intérêt de consacrer des analyses aux phénomènes liées à ces activités et les confrontations qu’il entame (Bagnoli, p.26-32).
Qu’est ce qu’on doit entendre par « tourisme » ? Le Larousse le définit comme « action de voyager, de visiter un site pour son plaisir » ainsi que « l’ensemble des activités, des techniques mises en oeuvre pour les voyages et les séjours d’agrément ». La Sociologie a développé un intérêt plus prononcé à partir des années 70 du dernier siècle, observant les relations entre population autochtone et les autres acteurs comme les touristes ou les professionnels (guides, agences de voyage,…) dans ce secteur. Un des principaux questionnements originaires du tourisme de masse est la notion d’authenticité.

L’évolution de la notion de l’authenticité dans le tourisme

L’authenticité est devenue un mot clé, un buzzword appliqué, il semblerait, généreusement voire arbitrairement aux publicités et offres touristiques. Cependant, il est difficile donner une définition précise du terme et de ce qu’il implique. Selon le Larousse, l’adjectif « authentique » peut désigner trois choses :
 Dont l’exactitude, la vérité ne peut être contestée : Histoire authentique.
 Dont l’origine est indubitable : Un authentique Rubens.
 D’une totale sincérité : Une passion authentique.
Etymologiquement, l’authenticité est dérivée du latin “authenticus”, dont l’origine est le mot “authentikós” en grec ancien, décrivant un objet qui “se détermine par sa propre autorité »6. Bien que l’authenticité soit le sujet de nombreux écrits dans plusieurs domaines, nous allons nous limiter au contexte touristique pour trouver une définition plus pertinente. Pour ce faire, le premier pas est de se poser la question de comment la notion de l’authenticité s’est développée dans le tourisme. Dans ce champs de recherche, sa définition a évolué au long du temps et en parallèle avec les mutations du tourisme même, en acquérant une myriade de significations.

Développement historique de la notion d’authenticité

Selon Trilling, la première fois que l’adjectif « authentique » est utilisé dans le contexte de tourisme, c’est dans les musées. Ici, le mot atteste une originalité d’artefacts d’exposition ou, au moins, ils semblent être ce qu’ils prétendent (Torabian & Arai, p. 3). Au moment où le tourisme devient accessible aux masses, l’idée d’authenticité est amplifiée pour s’appliquer également aux autres reproductions culturelles, comme les danses, les festivals ou l’alimentation. En 1973, MacCannell se pose la question si un touriste serait dans la mesure de pouvoir identifier des éléments authentiques dans une culture autre que la sienne. Il reprend l’observation de Goffman que, dû à la menace du tourisme de masse, les populations tendent à protéger leur culture originaire en créant deux « espaces » ou « scènes » : une front region où se déroule le spectacle pour les touristes (marchés avec souvenirs, restaurants « typiques », etc.) bien que la vraie vie est réservée à la back region. Le touriste doit donc quitter les sentiers battus et aller chercher l’authenticité dans les ruelles ou les villages loin des espaces avec une forte connotation et orientation touristique. Il parle d’une mise en scène d’authenticité (staged authenticité) qui perdrait donc ces valeurs, parfois pas seulement pour les touristes, mais aussi pour le groupe auquel les éléments culturels appartiennent. La quête de l’authenticité est, selon lui, la première motivation de voyage pour les touristes occidentaux. Cependant, leur envie de pénétrer de plus en plus les back regions, pousse l’industrie à mettre en scène des fausses back regions encore plus construites pour tromper le touriste. La recherche d’authenticité dans le tourisme engendrerait un cercle vicieux sans manière d’y échapper. Il faut aussi souligner le fait que la banalisation n’est pas seulement un résultat négatif dû à une exposition trop grande au tourisme de masse. Dans quelques cas, elle peut même sauver les habitudes ou traditions, et aider à renouveler un patrimoine destiné à la disparition. La valeur donnée par les touristes à certains produits artisanaux, comme les bijoux faits à main ou vêtements folklore ainsi que la maroquinerie peut générer une activité économique qui survit grâce à leur engouement.
D’autres auteurs critiquent cette distinction binaire en back et front region ainsi que l’idée d’une authenticité objective. Pour Cohen comme pour Wang, l’authenticité n’est pas un attribut inhérent à un objet, sinon plutôt une perception subjective. Un seul et même artefact ou la même offre touristique, par exemple, un plat servi dans un restaurant, peuvent être perçus comme authentique ou non dépendant des expectatives, expériences et définitions de chaque individu. L’authentique n’est pas une décision de noir et blanc, mais peut être situé sur un spectre de nuances. Cette conception reste flexible et peut changer quant aux exigences et le vécu du touriste.
Dans ce sens, Cohen critique l’introduction du terme philosophique de l’authenticité dans la Sociologie sans réflexion ou adaptations de la définition. Il confirme qu’on doit comprendre l’authenticité non pas comme valeur absolue, universellement vraie ou valable pour tous, sinon comme construction sociale (Cohen 1988, p.374). Bien que l’authenticité soit souvent reprise dans le marketing touristique, elle n’est pas forcément le critère plus important pour les touristes. Sur cette gradation de Cohen, chaque personne a son propre seuil. Le tourisme fait partie du loisir, et on y trouve des éléments ludiques, de « faire sembler » (make believe). Si un touriste perçoit une chose comme « assez authentique », cela peut être suffisant pour lui, bien qu’il soit conscient du fait qu’il ne s’agit pas d’un service ou produit complètement authentique ou que ne serait pas considéré comme tel par la population locale. L’insinuation d’authenticité, même si très vague, suffit généralement pour satisfaire des besoins d’évasion des touristes modernes. Alors que la première approche à l’authenticité dans l’offre touristique était basée sur l’idée qu’elle était inhérente à un objet, elle doit être perçue comme construction sociale. Au delà de ces définitions, l’authenticité dans le tourisme peut aussi acquérir une autre dimension, faisant référence au touriste même.

L’authenticité existentielle

Par définition, le tourisme implique une confrontation avec l’Autre, l’inconnu, souvent perçu comme exotique. Dans la Sociologie et, plus précisément, la Psychologie Interculturelle, l’identité se construit dans les échanges avec l’autre, la propre personnalité se confirme dans l’interaction sociale. Plus grand cet écart entre les deux parties est perçu, plus on se voit renvoyé et affirmé dans sa propre personnalité et son appartenance à sa propre culture (Thomas, p. 27). Souvent des touristes ne reconnaissent des actitudes ou caractéristiques attribuées à leur culture dans leur propre comportement quand ils voyagent dans les cultures extrêmement différentes, car ces particularités sont considérées normales dans leur pays d’origine.
L’engouement pour les voyages type « sac à dos » a augmenté dans la dernière décennie. De plus en plus de personnes partent dans la grande aventure, en cherchant les endroits (à leur paraître) originaires, primitives, pas touchés par la modernisation ou industrialisation que définissent les cultures occidentales.
D’une part, cela est dû au fait qu’ils considèrent leur propre réalité dans la société occidentale comme « inauthentique » : la société postmoderne s’est éloignée de son origine et a perdu des valeurs essentielles, sacrifiées pour le progrès et la technologie (Taylor, p.10). Dans l’occident, le rêve d’authenticité ouvre la voie au passé, d’une société intouchée par les vices de la vie moderne. Le propre passé innocent n’étant plus achevable, le touriste doit se déplacer pour renouer avec le naturel et fuir une vie d’industrialisation, construite et commercialisée. Sans aucun doute, la racine pour ce désir, cette soif d’authenticité se trouve dans l’inauthenticité perceptible dans la vie quotidienne, ce que Taylor appelle « le monde en plastique du consommateur ».Par conséquence, les personnes qui y vivent rêvent d’une vie plus simple, plus naturelle et croient qu’ils doivent se déplacer aux endroits jugés moins touchés par les tendances modernes pour retrouver du sens. Pour eux, l’idéal est loin et se trouve dans l’histoire de leur propre culture ou dans cultures souvent libellées primitives (MacCannell 1973, p.589-590).

« Don’t be a tourist » : La philosophie du tourisme de partage

Outre que dans les prospects de voyage et les publicités touristiques, évoquant des destinations paradisiaques, l’authenticité est un pilier fondamental du tourisme dans la Sharing Economy. L’économie du partage, ou collaborative, décrit un phénomène où les consommateurs partagent des produits ou services, priorisant leur usage par rapport à la propriété du sujet. Cet usage peut être gratuit (p.ex. Couchsurfing) ou impliquer des frais (p.ex. Airbnb) (Schor & Fitzmaurice, p.93).

De la crise économique au plaisir du partage

Les origines de l’économie collaborative remontent à des crises économiques, plus précisément celles du début du millénium. C’est une manière créative de prendre un service ou utiliser un objet sans devoir d’abord l’acquérir. Un des premiers acteurs avec une offre liée au voyage est BlablaCar, créé en 2006, suivi par le géant qui révolutionnera le secteur du tourisme, Airbnb, start-up créée en 2008 dans le Silicon Valley en Californie. À ce jour, l’offre s’est bien diversifiée : Si on ne regarde que le marché sur les logements, on constate la présence de HomeSwapping, Couchsurfing et Homeaway. Les acteurs traditionnels du secteur doivent s’adapter à cette nouvelle tendance et apprendre à réagir aux besoins de leurs clients. En 2015, le groupe hôtelier Accor SA, par exemple, a acheté la start-up Onefinestay avec le but de créer une nouvelle offre hybride entre économie de partage et hôtellerie conventionnelle.
Cela constitue une réponse aux besoins de leur clientèle qui préfet une expérience plus personnelle (Ting). En outre, l’offre sur le secteur touristique englobe à ce jour plus de services, comme les guides touristiques par les résidents d’une ville (TravelWith), transport (Uber) et l’alimentation (VizEat).
Malgré ses origines dans la nécessité, le gain économique n’est plus le facteur plus motivant pour les collaborateurs, surtout dans le tourisme. Ils sont plutôt des adhérents d’une philosophie. Cette pratique est souvent considérée comme plus durable, et s’éloigne de la consommation capitalistique, offrant un style de vie moins matérialiste. Néanmoins, un tiers de touristes et la moitié des personnes en déplacement professionnel utilisent les plateformes offrant les logements privés pour épargner d’argent. Pour les touristes, cet épargne les permet voyager aux destinations qui seraient trop chères pour eux ou de voyager plus souvent sans se priver du confort (Störs & Kagermeyer, p.99). En comparaison, l’avantage monétaire joue un rôle inférieur pour les utilisateurs de VizEat: Comme l’indique la figure 12, la passion pour la cuisine, le partage de la propre culture et la connaissance d’autres cultures sont les facteurs principaux qui motivent aux utilisateurs à devenir hôte. Seulement un 16% affirment que la possibilité de gagner d’argent a influé dans cette décision.
Ce refus du tourisme de masse est encore renforcé par des autres facteurs : En général, l’authenticité qui fait toujours référence au passé, donne un sentiment de sécurité face à un futur incertain. En même temps, le touriste recherche de l’authenticité existentielle en se permettant d’être la « vraie version de soi même » et recherchant des expériences différentes, parfois même extrêmes, pendant ses déplacements. En plus de cette individualisation du voyage, le champ du tourisme a évolué considérablement : En 1950, les cinq pays plus visités englobaient 71% des touristes, alors que en 2002 ce pourcentage est baissé à seulement 35%. Avec acharnement, la concurrence entre les destinations touristiques augmente, en appliquant des stratégies de marketing plus agressives. Cela peut avoir des effets non desirés sur les touristes, qui souhaitent être perçus comme individus avec des besoins particuliers au lieu des simples consommateurs. En conséquence, il n’est pas surprenant que plus de 30% des touristes confirment qu’ils évitent les autres touristes pendant leurs vacances en choisissant d’autres destinations (Yeoman et al., p.1134). D’ailleurs, le contact avec les locaux garantit une expérience plus personnalisée, donc automatiquement autre que le tourisme de masse. Pour reprendre l’idée de back / front region de Goffman, on remarque une pénétration plus forte dans des espaces jugés les plus intimes dans le tourisme collaboratif : la voiture, la maison, voire la chambre. Cela ne veut pas impliquer l’absence de banalisation ni qu’il n’y ait pas d’ « authenticité mise en scène ». Mais avec ce dernier pas vers les espaces privés, il devient de plus en plus difficile de distinguer entre ce qui est créé pour plaire au touriste et ce qui correspond avec la vraie vie des hôtes.
Le paradoxe du tourisme est que malgré l’explosion de l’activité touristique, les expériences sont de moins en moins satisfaisantes. Il est devenu plus facile et abordable de se déplacer à l’autre bout du monde. En même temps, un effet du tourisme de masse est que les locaux retirent leur culture régionale de plus en plus de la front region afin de la protéger, ce que laisse le touriste confronté avec une mise en scène stéréotypée voire « disneylandisée » de ce qu’il attendait. L’idée proposée par les acteurs de l’économie de partage dans le tourisme, est d’entrer en contact avec la « vraie » ville, de voir la vie quotidienne et de connaître des autres nuances de la destination. Le voyageur ne souhaite plus rencontrer les locaux seulement en tant que vendeur ou offrant un service touristique – et ne souhaite pas non plus être considéré exclusivement comme client potentiel ou « porte-monnaie sur deux pattes » qui sera harcelé pour le faire acheter des produits ou à entrer dans les restaurants piège à touristes. Au lieu de cette dynamique « client touriste – vendeur local », il cherche une connexion plus profonde, plus « authentique », un vrai échange interpersonnel.
En conséquence, les locaux offrent plus qu’un simple service de logement, déplacement ou un repas : L’argument de vente est basé sur leurs personnalités, leurs connaissances et le lien qu’ils créent avec leurs visiteurs. Pour cela il est important que ce ne soient pas les habituels employés du tourisme, mais des résidents qui ne sont pas forcément liés à cette activité qui entrent dans ce secteur.
L’apparition de ces prosumers (néologisme hybride de producer et consumer) change la position de pouvoir entre résidents et touristes, avant tout déterminée par une dynamique de « client – vendeur (de bien ou de service)». Les limites entre les deux catégories deviennent plus floues dans un réseau international de voyageurs qui s’entre-visitent et échangent. L’hospitalité et l’expertise sur le lieu en combinaison deviennent un bien commercialisable, le rencontre avec les inconnus un revenu supplémentaire.
Cela est également vrai pour VizEat. Alors que le service consiste en un repas, ce qui rajoute de la valeur et différencie l’expérience d’un dîner en restaurant est le lien avec les résidents et la possibilité d’apprendre plus sur la culture ou les lieux non-touristiques à visiter.

L’authenticité de l’alimentation dans le tourisme

Pendant les vacances, manger devient une possibilité de s’ouvrir à la culture de la destination. Cet acte multisensoriel permet d’entrer en contact très intime avec la culture locale, voire « incorporer le paysage ». Par conséquent, les touristes dépensent en moyenne 33% de leur budget de vacances sur l’alimentation (Quan & Wang, p.301) – pour les passionnés du tourisme culinaire, ce pourcentage peut être bien élevé.
L’alimentation peut prendre deux rôles différents dans l’activité touristique. D’une part, elle peut motiver des touristes à visiter une certaine destination, c’est-à-dire être le motivateur pour un tourisme de niche : Le tourisme dit culinaire, gourmet ou gourmand. Ce food tourism se définit comme le tourisme dont la motivation principale pour visiter un lieu est fondée sur les aliments sur place pour le voyage entier ou seulement une partie. Le touriste gourmand est en quête des expériences culinaires authentiques ou exceptionnelles, au niveau régional comme international (Williams et al., p.8). D’autre part, l’alimentation peut jouer un rôle périphérique, se limitant à nourrir les visiteurs, de répondre aux besoins vitaux qu’ils doivent satisfaire plusieurs fois par jour pendant leur déplacement.
Dans le tourisme actuel, ces rôles deviennent plus flous : Bien que la raison principale pour un séjour dans une ville ou un pays ne soit pas principalement liée à l’offre alimentaire sur place, les touristes peuvent profiter de leurs vacances pour visiter, par exemple, un restaurant gourmet ou participer à d’autres activités autour de la production alimentaire, comme les cours de cuisine, les dégustations de vin ou la pêche. Cela n’est pas restreint à une population qui s’auto-définit comme « gourmande « ou foodie, car l’activité peut être appréciée pour sa valeur récréative. Le consommateur moderne est devenu très flexible quant à ses besoins et appétits : il n’y a plus de contradiction entre un touriste qui fait un pèlerinage gourmand au restaurant primé par le guide Michelin pour manger du street food dans un marché local le lendemain. L’interaction des touristes avec l’alimentation locale est une partie essentielle durant leurs vacances. Une manière pour mesurer l’importance qu’ils donnent au delà de leur séjour sur place, est de vérifier leur appréciation pour l’achat des aliments en tant que souvenirs. Il n’est pas surprenant qu’une enquête menée sur l’alimentation locale dans le tourisme révèle que plus de 50% des personnes comptent définitivement acheter des souvenirs en forme de denrées alimentaires pendant leur voyage (Sims, p.328). En même temps, il se pose la question de l’impact de l’alimentation dans le tourisme et les facteurs qui lui donnent son positionnement si spécial dans le contexte touristique.

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Table des matières

Remerciements 
Sommaire 
Introduction
I. VizEat – une plateforme touristique pour mettre le monde à table 
1) Un service pour les internautes et voyageurs
2) La communauté au coeur du service
3) Le positionnement de VizEat dans le marché de partage
II. Méthodologie et problémisation 
1) Méthodologie de la recherche
2) La problématisation de l’authenticité dans le tourisme
2.1) L’évolution de la notion de l’authenticité dans le tourisme
2.2) « Dont be a tourist » : La philosophie du tourisme de partage
2.3) L’authenticité de l’alimentation dans le tourisme
III. Authentic food, authentic people : l’’exigence de VizEat 
1) L’authenticité du repas : Le goût pour l’italianité
2) L’authenticité du rencontre : « La table est le premier réseau social »
3) L’influence de VizEat : le succès au coût de l’authenticité ?
Conclusion 
Annexes 
Références bibliographiques 
Table de figures 
Table de matières

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