Augmentation de volume des sols gelés liés à la formation de lentilles de glace
Trois éléments sont nécessaires pour que la formation de lentilles de glace ait lieu. Le sol en place doit être gélif, la température ambiante doit être sous 0°C et une source d’alimentation en eau doit être présente (Holtz et Kovacs, 1991; Rouquès et Caniard, 1975). Lorsque la température ambiante passe sous le point de congélation, un flux thermique caractérisé par une basse température est induit dans le sol. Un gradient de température négatif est noté entre la température ambiante et la température du sol non gelé. Ce gradient crée un effet de succion amenant une migration de l’eau du sol inférieur non gelé vers le sol supérieur gelé (Konrad et Morgenstern, 1980). La délimitation entre la couche de sol gelé et la couche de sol non gelé est appelée frange gelée. Il s’agit d’une couche mince de glace que l’eau traverse verticalement. L’eau se déplaçant verticalement dans le sol s’accumule dans une zone tampon et se loge autour des particules de sol en altérant l’équilibre thermodynamique (Konrad et Morgenstern, 1980). Pour rétablir l’équilibre, l’eau doit se transformer en glace. Une lentille de glace est donc créée lorsqu’une accumulation d’eau se solidifie au-dessus de la frange gelée. La dimension de cette lentille de glace ne varie jamais tant que l’alimentation en eau est continue; l’eau de l’alimentation se dépose sur la glace et la fait fondre. La glace fondue se déplace vers la surface, par capillarité, et gèle à une hauteur supérieure (Konrad et Morgenstern, 1980). Ce qui entraîne un déplacement vers le haut de la lentille de glace. La formation des lentilles de glace est présente à condition que la force de succion permette la remontée de l’eau au travers de la frange gelée (Konrad et Morgenstern, 1980). La Figure 1.4 présente une coupe de sol en phase gelé ainsi que les températures reliées. La température à la base de l’échantillon de sol est appelée . La température dans la zone de ségrégation est dénotée . La température ambiante est notée .
La formation de lentilles de glace engendre un phénomène de ségrégation par le gel dans les sols. La ségrégation par le gel se caractérise par une séparation de la structure granulaire du matériau lié à l’accumulation d’eau glacée dans un sol. Pour quantifier ce phénomène, le potentiel de ségrégation est utilisé. Ce potentiel se définit comme étant le rapport de la vitesse d’écoulement de l’eau interstitielle vers le front de gel divisé par le gradient thermique qui se développe au niveau du front de gel lorsque le taux de croissance de la lentille de glace est constant (Direction du laboratoire des chaussées du ministère des Transports du Québec, 2010). Dans le cas d’un sol gélif, la ségrégation est caractérisée par l’accumulation de lentille de glace dans la couche de sol gelé. Cette ségrégation se déroulera selon un axe vertical, cet axe offre le moins de résistance en possédant l’épaisseur de sol la plus faible pour permettre une diffusion rapide de la chaleur (Black et Hardenberg, 1991). La ségrégation par l’action du gel dans les granulométries grossières est souvent ignorée puisque ces matériaux sont censés ne pas être sensibles au gel. Par contre, la présence de particules fines peut modifier la susceptibilité au gel de ces matériaux. En utilisant une cellule de gel, Konrad et Lemieux (2005) ont démontré qu’un mélange grossier peut présenter un comportement similaire à un sol typiquement gélif avec aussi peu que 5% de particules fines très sensible au gel.
L’affaiblissement du sol
Lors de la phase de dégel, un front chaud pénètre dans le sol à partir de la surface et fait fondre la majorité de la glace présente dans les vides interstitiels et la glace sous forme de lentille de glace. L’énergie géothermale du sol inférieur non gelé participe aussi légèrement au phénomène de fonte à partir du bas de la structure de chaussée vers la surface. L’augmentation en eau interstitielle additionnée aux charges appliquées sur la chaussée ainsi qu’à une chaussée qui tente de reprendre sa position initiale entraîne une augmentation de la pression interstitielle qui diminue la résistance au cisaillement menant à un affaiblissement de la couche de sol (Simonsen et Isacsson, 1999). L’importance de l’affaiblissement est contrôlée par la vitesse de fonte de la glace et la capacité drainante du sol d’infrastructure, affectant la quantité d’eau emprisonnée entre la couche de roulement et la couche inférieure de matériau gelée (Andersland et Ladanyi, 2004). Puisque l’évacuation gravitaire de l’eau est impossible à cause de la couche de sol inférieure gelée, deux options de drainage restent possibles pour éliminer l’eau accumulée, le drainage par remontée verticale ou le drainage par écoulement transversal.
La remontée verticale est essentiellement limitée par une couche de roulement imperméable. La majorité de l’eau doit donc s’évacuer dans un axe transversal. Si la fondation sous l’accotement est encore gelée ou s’il y a une accumulation d’eau et de neige dans les fossés, le rythme auquel l’eau est évacuée horizontalement sera ralentie. Le temps nécessaire pour que la résistance au cisaillement revienne à son niveau optimal dépend principalement de la perméabilité et du gradient hydraulique du sol en dégel (Doré et Imbs, 2002). Toujours selon Doré et Imbs (2002), le phénomène d’affaiblissement au dégel est une fonction de la quantité de soulèvements au gel dans la couche étudiée, du taux de dégel de la couche ainsi que du taux auquel la couche se consolide.
Le gel et le dégel dans les méthodes de dimensionnement de chaussées rigides Tous les mécanismes et les effets du gel sur les structures de chaussées ont été présentés aux sections précédentes. La section 1.5 présente comment ces effets sont considérés lors du dimensionnement d’une structure de chaussée rigide. Les méthodes de conception de chaussées rigides sont nombreuses. En Amérique du Nord, la méthode AASHTO (American Association of State Highway and Transportation Officials) datant de 1993, sans la révision du chapitre de conception de chaussée rigide de 1998, est la plus utilisée (American Concrete Pavement Association, 2005). Certains états ou provinces imposent de légères adaptions à la méthode de dimensionnement AASHTO dans le but de mieux s’adapter à un environnement particulier. La méthode proposée par le Portland Ciment Association existe aussi, mais est de moins en moins utilisée. Ces méthodes se font lentement remplacer par une méthode plus mécanistique, le MEPDG (Mechanistic-Empirical Pavement Design Guide).
La transition ne se fait pas rapidement à cause des nombreux paramètres intrants que la méthode nécessite (Illinois Bureau of Design and Environment, 2010). En effet, le MEPDG demande une période de recherches pour modéliser avec fidélité les caractéristiques régionales dans le logiciel. L’Allemagne, étant un grand constructeur de chaussées rigides, de même que la Belgique utilisent des abaques prédéterminés dans le but de concevoir les chaussées rigides (Kathleen Hall et al., 2007). En France, une méthode de conception mécanique-empirique des chaussées rigides est utilisée depuis longtemps (Peyronne et Caroff, 1984). Dans les Pays-Bas, la méthode Vencon 2.0 a été développée et est utilisée. Cette méthode est reprise par certains pays environnants (Söderqvist, 2006). Un travail quant à la prise en compte du gel et du dégel dans les principales méthodes de dimensionnement de chaussées de béton a été réalisé.
Variation de l’indice de viabilité
L’indice d’entretien se base sur une échelle de 0 à 5, 0 étant une route impraticable et 5 étant une route parfaite. Le concepteur doit déterminer une limite minimum théorique dépendamment du type de route, la limite maximum étant, pour une chaussée rigide, fixée à 4,5. La variation de l’indice d’entretien se chiffre comme la différence entre la limite maximum et la limite minimum. L’AASHTO propose de quantifier le soulèvement par le gel en perte d’indice d’entretien (AASHTO, 1993). Pour obtenir la perte d’indice d’entretien lié au soulèvement par le gel, il est nécessaire d’évaluer trois aspects selon la méthode AASHTO, le taux de soulèvement par le gel en mm/jour (φ), la perte d’indice d’entretien maximal liée au soulèvement par le gel et la probabilité au soulèvement par le gel (AASHTO, 1993). Le taux de soulèvement est régi par le type de matériaux utilisés dans la fondation granulaire et le pourcentage de particules fines présent. L’utilisation du système de classification unifié des sols (système USCS) est nécessaire pour déterminer la valeur à utiliser. La perte d’indice de viabilité maximale liée au soulèvement par le gel est directement reliée à la capacité drainante du sol et à la profondeur de gel. La probabilité de soulèvement au gel est estimée par le concepteur. Elle devrait représenter le pourcentage du projet où le soulèvement au gel est présent. Le soulèvement est caractérisé par la gélivité du sol de fondation, l’humidité relative du sol, la qualité drainante du sol, le nombre de cycles de gel et de dégel annuel et la profondeur de gel (AASHTO, 1993). Lorsque toutes les données sont déterminées, le concepteur doit utiliser l’équation (1.2) pour calculer une perte d’indice de viabilité liée au soulèvement par le gel.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Introduction à la structure de chaussée
1.2 Le gel et le dégel dans les sols
1.2.1 Catégories de sols : gélifs et non gélifs
1.2.2 Les phases du gel et du dégel
1.2.3 Phénomènes engendrés par le gel dans les sols
1.2.3.1 Changement de comportement des sols gelés
1.2.3.2 Augmentation de volume des sols gelés liés à la saturation du sol
1.2.3.3 Augmentation de volume des sols gelés liés à la formation de lentilles de glace
1.2.4 Phénomènes engendrés par le dégel des sols
1.2.4.1 L’affaiblissement du sol
1.2.4.2 Tassements et consolidation liés au dégel
1.3 Les effets du gel et du dégel sur une structure de chaussée
1.3.1 Soulèvements au gel
1.3.1.1 Soulèvements uniformes
1.3.1.2 Soulèvements différentiels des couches de fondation et de sous-fondation
1.3.1.3 Soulèvements différentiels dans les sols d’infrastructure
1.3.2 Perte de capacité portante
1.4 Les effets du gel et du dégel sur une structure de chaussée rigide
1.4.1 Soulèvements au gel
1.4.2 Perte de capacité portante au dégel
1.5 Le gel et le dégel dans les méthodes de dimensionnement de chaussées rigides
1.5.1 AASHTO 1993
1.5.1.1 Fondement de la méthode
1.5.1.2 Variation de l’indice de viabilité
1.5.1.3 Coefficient de drainage
1.5.1.4 Module de réaction de la structure de chaussée (k)
1.5.2 AASHTO 1998
1.5.2.1 Fondements de la méthode
1.5.2.2 Contrainte centrale de la dalle liée aux chargements et à la variation de température
1.5.3 Portland Cement Association (PCA)
1.5.3.1 Diminution du module de réaction du sol d’infrastructure
1.5.4 MEPDG
1.5.4.1 Sols susceptibles au gel
1.5.4.2 Modèle climatique amélioré (Enhanced Integrated Climatic Model)
1.5.4.3 Prise en compte des cycles de gel et de dégel
1.5.4.4 Prise en compte des cycles de gel et de dégel
1.5.5 Méthode de dimensionnement française
1.5.5.1 Lois de propagation du gel
1.5.5.2 Gonflement du sol
1.5.5.3 Profondeur de gel
1.5.5.4 Vérification des structures de chaussées
1.5.5.5 Recommandations si la structure est non conforme
1.5.6 Vencon 2.0
1.5.6.1 Le modèle climatique
1.6 Adaptations des méthodes par les administrations de réseau
1.6.1 Québec
1.6.1.1 Le modèle de simulation
1.6.1.2 Sensibilité du modèle de simulation au gel
1.6.2 Winnipeg
1.6.3 Illinois
1.6.4 Minnesota
1.6.4.1 Prise en compte de l’environnement
1.7 Atténuation des phénomènes liés au gel et au dégel intégré aux méthodes de dimensionnement
1.7.1 Isolation
1.7.1.1 Problématique et solution au givrage différentiel
1.7.2 Géotextiles
1.7.2.1 Barrières capillaires
1.7.2.2 Renforcement
1.7.3 Les systèmes de drainage
1.7.3.1 Drains latéraux
1.7.3.2 Drains transversaux
1.7.4 Transitions lors du changement de type de sol
1.7.5 Restriction de charges
1.8 Résumé de la revue de littérature
CHAPITRE 2 OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE
2.1 Objectifs
2.2 Méthodologie
CHAPITRE 3 DÉTERMINATION DES SOULÈVEMENTS AU GEL D’UNE STRUCTURE DE CHAUSSÉE BITUMINEUSE
3.1 Outils de prédiction des soulèvements au gel étudiés
3.1.1 Comparaison des outils de prédictions des soulèvements au gel des
logiciels Pavement ME et Chaussée 2
3.1.1.1 Pavement ME
3.1.1.2 Chaussée 2
3.1.2 Sélection de l’outil de prédiction des soulèvements au gel
3.2 Description de la chaussée bitumineuse type
3.3 Résultats de simulation de soulèvements au gel à l’aide de l’ODPSG
3.4 Résumé du chapitre 3
CHAPITRE 4 PRÉPARATION AUX SIMULATIONS DES SOULÈVEMENTS AU GEL PAR DIFFÉRENCES FINIES
4.1 Description du logiciel de simulation FLAC 7,0
4.1.1 Description du code de calcul intégré au logiciel FLAC 7,0
4.1.2 Description des éléments nécessaires à la simulation par différences finies
4.1.2.1 Géométrie du modèle
4.1.2.2 Conditions aux frontières
4.1.2.3 Conditions aux interfaces
4.1.2.4 Paramètres de modélisation des matériaux
4.1.3 Description de la méthode d’application des soulèvements au gel dans le logiciel FLAC 7,0
4.1.3.1 Soulèvement de la sous-couche où les lentilles de glace se créent
4.1.3.2 Hypothèses utilisées lors de l’application des soulèvements dans les simulations par différences finies
4.2 Détermination des contraintes liées au soulèvement au gel de la chaussée bitumineuse type
4.2.1 Présentation des résultats de simulations par différences finies
4.3 Résumé du chapitre 4
CHAPITRE 5 SIMULATIONS PAR DIFFÉRENCES FINIES DES SOULÈVEMENTS AU GEL DES STRUCTURES DE CHAUSSÉE RIGIDE
5.1 Soulèvements liés à une forte saturation du sol d’infrastructure
5.2 Détermination des prédictions de soulèvement pour les trois types de revêtement rigide étudiés, en appliquant les contraintes mesurées sur la chaussée bitumineuse type
5.2.1 Explication de la méthodologie de simulation utilisée dans le logiciel FLAC 7,0 pour l’approche de contraintes imposées
5.2.2 Résultats de simulation des soulèvements au gel
5.2.2.1 Coupe transversale et longitudinale de BAC (béton armé continu)
5.2.2.2 Coupe transversale de DCNANG (dalles courtes non armées non goujonnées) et DCNAG (dalles courtes non armées goujonnées)
5.2.2.3 Coupe longitudinale de DCNANG (dalles courtes non armées, non goujonnées)
5.2.2.4 Coupe longitudinale de DCNAG (dalles courtes non armées, goujonnées)
5.3 Détermination des prédictions de soulèvement pour les trois types de revêtement rigide étudiés, en appliquant les déformations mesurées sur la chaussée bitumineuse
5.3.1 Description de l’approche de prise en compte de la rigidité du revêtement
5.3.1.1 Analogie à la théorie des poutres doublement appuyées
5.3.2 Explication de la méthodologie de simulation utilisée dans le logiciel FLAC 7,0 pour l’approche de déformations imposées
5.3.3 Résultats de simulation des soulèvements
5.3.3.1 Coupe transversale et longitudinale de BAC (béton armé continu)
5.3.3.2 Coupe transversale de DCNANG (dalles courtes non armées non goujonnées) et DCNAG (dalles courtes non armées goujonnées)
5.3.3.3 Coupe longitudinale de DCNANG (dalles courtes non armées non goujonnées)
5.3.3.4 Coupe longitudinale de DCNAG (dalles courtes non armées goujonnées)
5.4 Résumé du chapitre 5
CHAPITRE 6 ANALYSE DES RÉSULTATS DE SIMULATIONS DES SOULÈVEMENTS AU GEL
6.1 Analyse des résultats des simulations de soulèvements au gel par contraintes imposées
6.1.1 BAC (Béton armé continu)
6.1.2 DCNAG (Dalles courtes non armées goujonnées)
6.1.3 DCNANG (Dalles courtes non armées non goujonnées)
6.1.4 Résumé de l’analyse des résultats de l’approche de contraintes imposées
6.2 Analyse des résultats des simulations de soulèvement au gel par déformations imposées
6.2.1 BAC (Béton armé continu)
6.2.2 DCNAG (Dalles courtes non armées goujonnées)
6.2.3 DCNANG (Dalles courtes non armées non goujonnées)
6.2.4 Résumé de l’analyse de l’approche de déformations imposées
6.3 Comparatif entre les résultats obtenus avec l’approche par contraintes imposées et les résultats obtenus avec l’approche par déformations imposées
6.4 Dimensionnement d’une chaussée rigide de DCNAG (dalles courtes non armées goujonnées) en suivant les conclusions obtenues
6.4.1 Dimensionnement structural avec AASHTO 1993
6.4.2 Vérification au gel (prédiction des soulèvements)
6.4.2.1 Vérification au gel – Approche conventionnelle (Chaussée 2)
6.4.2.2 Vérification au gel – Approche par contraintes imposées
6.4.2.3 Vérification au gel – Approche par déformations imposées
6.4.3 Comparaison des structures de chaussées dimensionnées
6.4.3.1 Comparaison économique
CONCLUSION
ANNEXE I DIMENSIONNEMENT DE LA CHAUSSÉE BITUMINEUSE TYPE
ANNEXE II JUSTIFICATION DES PARAMÈTRES DES MATÉRIAUX
ANNEXE III ESSAI DE LABORATOIRE
ANNEXE IV APPROCHE DE PRISE EN CONSIDÉRATION DE LA RÉSISTANCE DU REVÊTEMENT
ANNEXE V ÉTUDE DE LA VARIATION DES PARAMÈTRES DES MATÉRIAUX COMPOSANT LA STRUCTURE DE CHAUSSÉE
ANNEXE VI EXEMPLE DE DÉTERMINATION DES PRÉDICTIONS DE SOULÈVEMENT EN UTILISANT L’APPROCHE PAR DÉFORMATIONS IMPOSÉES
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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