Audition Publique et Rapport sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap

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Population sourde : données socio-culturelles et épidémiologiques

La communauté sourde : une identité et une culture propre

La culture sourde se développe en réponse à des besoins d’adaptation propre à la communauté sourde. Emmanuelle LABORIT, sourde de naissance, résume dans son témoignage Le cri de la mouette, la revendication d’une identité, d’une culture sourde par ces mots : « La surdité est le seul « handicap » qui ne se voit pas (…). Ils [les entendants] ne comprennent pas que les sourds n’aient pas envie d’entendre. (…) Ils veulent combler un manque que nous n’avons pas. » ou encore « J’appartiens à une communauté, j’ai une véritable identité » (8). Son témoignage est parsemé d’idées que l’on retrouve souvent au sein de la communauté sourde.
Le « refus » du handicap est lié au fait que les Sourds, au sein de leur communauté, ne ressentent pas ce handicap : ils communiquent et se comprennent. La situation du handicap n’est donc pas permanente. La singularité des Sourds est liée au fait de ne pas entendre, d’avoir une langue visiogestuelle et de créer des formes de sociabilité propres à leur communauté. L’identité sourde se construit au sein de la communauté sourde, par des éléments culturels apportés par d’autres Sourds.
Quelques particularités doivent être connues du monde médical. La notion de secret est différente, la vie privée est, en effet, abordée facilement devant toutes les personnes présentes. De même, la langue des signes étant visuelle, ce qu’exprime une personne peut être compris par d’autres, alors qu’elles n’en étaient pas les destinataires. Le rapport au corps est différent : les contacts physiques spontanés sont nombreux.
Les personnes sourdes développent d’autres capacités : une perception visuelle plus rapide et plus analytique, une perception très fine des variations de l’environnement (lumière, vibrations) ou encore une facilité d’expression gestuelle et corporelle.

Moyens de communication : entre Sourds et avec les entendants

La Langue des Signes Française (LSF) est la langue des signes utilisée par les Sourds et malentendants francophones mais aussi par les entendants francophones signants2.
Langue à part entière, c’est l’un des piliers de la culture sourde. Il ne s’agit ni d’un code, ni d’une suppléance. Quelques disparités interrégionales sont observées (11). Il existe dans la plupart des pays une langue des signes officielle mais on observe de grandes similitudes entre les différentes langues des signes surtout entre la LSF et l’American Sign Language (ASL). L’ASL est, en effet, originaire de la LSF. L’utilisation du canal visiogestuel entraîne des spécificités dans le vocabulaire, dans la grammaire et permet d’exprimer des termes, des concepts abstraits ou complexes de tout sujet. Contrairement au français oral, plusieurs actions peuvent être exprimées en même temps (3). Elle ne connaît pas de réelle forme écrite.
Près de 119 000 personnes pratiquent la LSF dont 44 000 déficients auditifs et 75 000 personnes sans déficience auditive selon l’analyse de 2007 de l’enquête HID de 1998-1999 (11). Selon l’INSEE, il y a 527 385 locuteurs LSF mais ce recensement ne tient pas compte du niveau linguistique réel. Ces chiffres, très disparates, montrent qu’il n’y a pas de réel recensement des locuteurs LSF. En 2008, une centaine de personnel soignant s’exprimait en LSF (3). 30% des jeunes sourds profonds utilisent la LSF (11).
Le niveau B23, qui représente 360 heures de formation, permet d’avoir un niveau suffisant pour communiquer avec aisance et spontanéité (3). Il est vraisemblable que la DGOS fixera le niveau linguistique minimal, en rapport avec le Cadre Européen des Langues, au niveau B2 voire C1 pour certaines professions.
Les interprètes en LSF sont des professionnels de la traduction disposant d’un Diplôme d’Etat. Ils permettent aux sourds signants d’avoir une communication libre avec les entendants non signants. L’interprète traduit en français oral à la personne entendante ce que la personne sourde lui a signé et inversement. Dans tous les cas, l’interprète respecte les trois grands principes de son code de déontologie : fidélité au discours des différents interlocuteurs, neutralité (l’interprète ne doit pas émettre de jugement et donner son avis personnel), secret professionnel (12).
Depuis la loi du 11 février 2005, la Maison Départementale des Personnes handicapées (MDPH) accorde aux personnes sourdes une prestation de compensation du handicap (PCH) (13). Il s’agit d’une aide financière destinée à financer les besoins liés à l’autonomie des personnes handicapées. Un « forfait surdité » peut permettre, sous certaines conditions4, de payer des interprètes en LSF et correspond à une équivalence de 30 heures d’aide humaine (12).
Le code LPC (Langage Parlé Complété) est un codage manuel des sons de la langue française, réalisé autour du visage, en complément de la lecture labiale. Il permet une meilleure perception de l’oral en différenciant des phrases où la lecture labiale est très proche ou la même (sosies labiaux). Le codeur en LPC est titulaire d’une licence professionnelle (14).
La lecture labiale est un phénomène visuel, une microgestualité qui accompagne la logique d’une langue audiovocale (3). En pratique, il s’agit d’un décodage des mots sur le mouvement des lèvres de l’interlocuteur. Cependant, elle ne permet la reconnaissance que des mots connus par la personne sourde ce qui rend les capacités en lecture labiale très variables. Le décodage est très aléatoire et les sosies labiaux sont innombrables. Le rythme de la parole, l’articulation et le contexte influent le taux de mots décodés. Les « plus doués » arrivent à décoder un tiers du message pendant un quart d’heure (3). De plus, le français ayant une syntaxe différente de la LSF, maîtriser la lecture labiale ne signifie pas comprendre le message.
Le mime est souvent utilisé pour les interactions entre entendants ne pratiquant pas la LSF et les sourds. Ces derniers ont naturellement une facilité d’expression corporelle et faciale. Bien que les sourds possèdent naturellement une grande expressivité corporelle et faciale, ce mode de communication ne permet souvent pas une compréhension correcte et précise. Il est, de plus, peu utilisé.
La maîtrise du français écrit au sein de la communauté sourde est très variable (3) (15). Le pourcentage de sourds illettrés en France est de 60 à 80 % (15). Ce taux varie particulièrement avec la date d’apparition de la surdité. On notera que l’illettrisme massif n’est pas lié à la psychologie de la surdité comme il a pu être affirmé dans le passé (3). Le rapport à l’écrit est différent de celui des entendants non illetrés. Les Sourds considèrent, pour certains, l’écrit comme ambigu et préfèrent faire confiance aux informations « orales ».
La maîtrise du français oral dépend de l’éducation reçue dans l’enfance (oraliste ou non), du choix de la personne sourde d’utiliser le français oral, de la profondeur et de la date d’apparition de la surdité (surdité post-linguistique) et de l’appareillage (appareil auditif, implants cochléaires). Le terme encore répandu de « sourd-muet » est l’objet d’une idée reçue. Les sourds sont, sauf exceptions d’atteinte de l’appareil phonatoire, en capacité physiologique de parler. La nasalisation excessive, fréquemment observée chez la personne sourde oraliste, est liée à la difficulté à émettre ou à reproduire un son que l’on n’entend pas, entrave parfois la compréhension de l’entendant « non initié » (16).
Les Sourds sont majoritairement bilingues. Il s’agit d’un bilinguisme de minorité car ils utilisent à la fois une langue minoritaire (la LSF) et une langue majoritaire (le français dans sa forme écrite et/ou orale) (3).

Données épidémiologiques de la population sourde

Les dernières données statistiques françaises datent de juin 2008 et sont issues d’une méta-analyse. On estime à 5 182 000 environ l’effectif des déficients auditifs en France (11). Ces données seraient sous-estimées (17).
Aucune publication ne précise le chiffre de la prévalence de la surdité chez les femmes en âge de procréer (15 à 45 ans) en tant que tel d’après nos recherches. Le calcul a donc été réalisé en recoupant plusieurs données des différentes études statistiques dans la population sourde et malentendante mais aussi dans la population générale (18). Les données des études sur la population sourde et malentendante sont relativement anciennes (1998-1999) mais la prévalence semble stable chez les moins de 40 ans ces dernières années (11). Les hommes déclarent plus fréquemment une déficience auditive que les femmes. Cependant, cette disparité n’est pas observée chez les moins de 20 ans et qu’extrêmement faiblement chez les 20-50 ans et ne concerne pas les déficiences profondes à totales (11). Nous avons donc pris le taux de prévalence de la déficience auditive dans la population générale.
Notre calcul aboutit à un nombre de patientes sourdes et malentendantes (tous niveaux de surdité concernés) en France métropolitaine au 1er janvier 2015 de 330 192 femmes (p=0,05) et à un taux de prévalence moyen sur notre tranche d’âge d’étude de 25,9 pour 1000 (p=0,05) [Annexe I]. La répartition selon les niveaux de surdité conclut à un nombre de 18 293 femmes ayant un déficit sévère à profond et 71 440 femmes ayant un déficit moyen à sévère [Annexe II].

Aspects législatifs, réglementation et recommandations du système de santé en matière de surdité

En France

Le code de déontologie de la profession de sage-femme rassemble les droits et devoirs des sages-femmes. Il énonce les règles professionnelles que toute sage-femme doit connaître et doit s’engager à respecter. L’article R4127-305 énonce que « la sage-femme doit traiter avec la même conscience toute patiente (…) quel(s) que soi(en)t (…) son handicap ou son état de santé » (19). Les infractions au code de déontologie peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires.
Le Code de la Santé Publique, légifère l’égalité d’accès aux soins de qualité. L’article L.1110-1 formule le droit fondamental à la protection de la santé par tous moyens disponibles : « (…) Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, […] et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible » (20). L’article L.6321-1 sollicite la continuité et la coordination de la prise en charge « notamment celles spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires » (21). La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances (13), la participation et la citoyenneté des personnes handicapées instaure que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie5 ». Selon l’article 78 de cette même loi, relatif à l’accessibilité des services publiques, « (…) les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant selon des modalités et un délai fixés par voie réglementaire. Le dispositif de communication adapté peut notamment prévoir la transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. (…) ».
Un versant du Plan Périnatal 2005-2007 « Humanité, proximité, sécurité, qualité » recommande plus « d’humanité » notamment « par l’accompagnement spécifique des femmes enceintes et des couples faisant face à un handicap ou une maladie invalidante ». Pendant toute la période périnatale, « les femmes ayant un handicap ou porteuse d’une maladie invalidante, ainsi que les pères, doivent faire l’objet d’un accompagnement attentif pour faciliter leur vie, dans les domaines où ils sont mis en difficulté du fait de leur handicap » (22).
Selon la Charte de la personne hospitalisée (23), « les aménagements nécessaires à l’accueil des personnes souffrant d’un handicap physique, mental ou sensoriel doivent être prévus ». De même que, « le recours à des interprètes ou à des associations spécialisées dans les actions d’accompagnement des personnes qui ne comprennent pas le français, ainsi que des personnes sourdes ou malentendantes, sera recherché ». On retrouve aussi que « l’établissement doit tenir compte des difficultés de compréhension et de communication des personnes hospitalisées et des personnes susceptibles de leur apporter un soutien » (article 1). D’une manière plus générale, « l’information donnée au patient doit être accessible et loyale » (article 3).
La surdité est l’une des pathologies néonatales les plus fréquentes. Elle touche 1 à 3 nouveau-nés sur 1000 naissances en moyenne. De plus, dans 50% des cas, lorsque le dépistage est dit positif, le nouveau-né ne présente pas de facteurs de risque de surdité. Le dépistage auditif néonatal est ainsi organisé depuis 2012 de manière nationale. La région Haute-Normandie a été l’une des régions pilotes de ce dépistage mis en place dès 1999 à Evreux (24). Le dépistage néonatal permet ainsi une prise en charge précoce et ainsi une amélioration du pronostic notamment en matière de développement du langage.
Comme nous avons vu précédemment, certains Sourds se revendiquent comme appartenant à une minorité culturelle et refusent ainsi le dépistage néonatal auditif de leur(s) enfant(s) car ils vivent celui-ci comme « une introspection qui les empêcherait de découvrir par eux-mêmes la surdité de leur enfant » (25). Certains Sourds vivent la surdité comme une variante comme peut l’être la couleur des cheveux ou le sexe d’un nouveau-né. Dans un article paru dans les Archives de Pédiatrie en 2016, le Réseau sourds et santé de Lille relativise « l’urgence du dépistage pourrait être relativisée dans les familles de sourds » notamment car la « probabilité de rater le diagnostic est forcément réduite » (25). Cet article met en avant l’éventuelle légitimité que les parents puissent demander à découvrir par eux-mêmes si leur enfant est sourd avant de le faire confirmer par un médecin ORL.
Nous rappellerons que comme tout acte médical, le dépistage auditif doit faire l’objet d’une information préalable, claire et loyale et d’un consentement éclairé. Bien que non invasif, il doit être proposé systématiquement et non imposé. De plus, selon l’arrêté du 23 avril 2012 relatif à l’organisation du dépistage de la surdité permanente néonatale, les professionnels de santé informant les parents sur ce dépistage doivent renseigner les parents sur les différents modes de communication existants, en particulier la Langue Des Signes Française (26).

A l’international

En premier lieu, on citera l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » (27).
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) aide les États Membres à élaborer des programmes visant à intégrer les troubles de l’audition dans le système de soins de santé primaire du pays. Les mesures proposées consistent notamment à sensibiliser à l’ampleur, aux causes et aux conséquences de la déficience auditive ainsi qu’aux possibilités de prévention, de dépistage et de traitement ou encore réunir des données à l’échelle mondiale sur la surdité et la déficience auditive pour démontrer l’ampleur et le coût du problème (28).
La Convention relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée le 13 décembre 2006 au Siège de l’ONU à New York et a été ouverte à la signature le 30 mars 2007 [Annexe III]. Le nombre de signataires d’une Convention de l’Organisation des Nations Unies (ONU) au premier jour est le plus élevé de l’histoire (29). C’est le premier grand traité du XXIème siècle en matière de droits de l’homme. Elle reconnaît les langues des signes comme langues à part entière (Article 2), met l’accent sur la discrimination des femmes handicapées (Article 6) et demande aux Etats signataires de mettre en œuvre une politique de sensibilisation au handicap (Article 8). On retrouve un article sur la santé qui mentionne le « droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination fondée sur le handicap ».
La Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne du 7 décembre 2000 interdit toute discrimination fondée sur le handicap (article 21).

Audition Publique et Rapport sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap

Le chapitre de l’Audition Publique de 2008 sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap, permettant de faire un état des lieux de l’accès aux soins gynécologiques, se termine par la proposition d’axes de réflexion. L’auteur propose notamment la formation spécifique au cours du cursus universitaire ou scolaire des professionnels de santé avec des stages sur le terrain mais aussi la prévision d’une rémunération spécifique des consultations et/ou des examens dont la durée est allongée du fait du handicap (30).
Le dernier rapport sur l’accès aux soins des personnes handicapées a été établi par Pascal Jacob et est paru en avril 2013 (17). Il a été axé sur de grandes idées : la sensibilisation, la motivation et la formation autour du handicap, respecter, encourager et développer l’autonomie des personnes handicapées afin de « faire tomber un à un les obstacles de l’accès aux soins ». Il a permis d’établir la « Charte Romain Jacob » soumis à signature des établissements de santé qui s’engagent alors à la respecter [Annexe IV]. Le CHU de Rouen l’a signée le 24 février 2016.

Les sourds et le monde de la santé

Difficultés rencontrées

Les personnes sourdes sont très fortement touchées par les inégalités d’accès aux soins de santé de qualité.
Il a été démontré, par certains auteurs, que le temps de consultation entre un professionnel de santé et une personne sourde est insuffisant et que les moyens de communication sont inadaptés (31). 1 personne sourde sur 5 se dit satisfaite de la communication avec le médecin (32).
Les barrières linguistiques présentes dans le domaine de la santé ont une action négative sur la qualité des soins (32). De nombreuses études ont été réalisées sur les difficultés d’accès aux soins de santé des minorités linguistiques, ethniques ou encore culturelles (33). La LSF répond, en effet, à la définition d’une minorité linguistique. L’information est, en France, quasiment exclusivement dispensée en français (oral et écrit). De plus, comme nous l’avons vu précédemment, peu de personnes utilisent couramment la LSF et donc peu de prestataires de soins la pratiquent.
Si la consultation médicale est assurée sans interprète ou sans membre de l’entourage pratiquant la LSF, celle-ci est considérée comme non satisfaisante en matière d’informations délivrées (34). Réciproquement, la présence d’un interprète ou d’un membre de la famille pratiquant la LSF améliore la relation de soins (31). La présence d’un membre de l’entourage ou d’un interprète améliore la satisfaction pour 2/3 des personnes sourdes (32). Cependant, la présence d’un tiers pose le problème du respect de la vie privée, de la confidentialité ou encore de la neutralité de l’interprète. Il paraît difficile, en tant que proche du patient, de traduire en toute objectivité et sans donner son avis contrairement à un interprète professionnel (35). Il a été décrit que, dans cette situation de traduction, les proches peuvent entraver la conversation et la fidélité de la traduction (31). Ils peuvent également prendre des décisions médicales importantes à la place des patients (36). Une étude conclut qu’il devrait être du ressort du médecin d’exiger un interprète lorsqu’une décision médicale est à prendre ou lorsqu’un consentement est recherché (37). Certaines personnes sourdes refusent la présence d’un interprète estimant avoir une communication correcte avec le médecin (34). Malheureusement, il paraît difficile d’avoir un interprète à tout moment, notamment lors des urgences ou tout au long d’une hospitalisation (38). En termes de « linguistique pure », certains termes médicaux ne possèdent pas de signes en LSF.
Les sourds ont un problème général d’accès à l’information sur la santé et donc d’accès à la prévention. Les informations sur la santé ou de prévention sont peu délivrées ou mal comprises. Or les professionnels de santé jouent un rôle important de santé publique et la variable qui prédit le mieux le recours aux programmes de prévention et de dépistage est la communication avec le professionnel de santé (33). On note aussi que face à une barrière linguistique, la participation à un programme de prévention est moindre (39).
Au-delà de l’information délivrée par les professionnels de santé, les supports de communication autour de la santé sont globalement inadaptés (34). Les personnes sourdes ayant accès à l’écrit déclarent préférer les informations visuelles (40). Cependant, il faut prendre en compte les difficultés d’accès à l’écrit, le manque de connaissances en santé, la culture sourde et la LSF. On rappellera l’exemple du « Sida transmis par le soleil ».
Comme nous l’avons vu précédemment, les sourds ont leur propre culture. Une « consultation satisfaisante » passe, pour certains auteurs, par la sensibilité du professionnel de santé à la culture sourde (37). D’autres auteurs ont affirmé que la prise en compte des différences culturelles est à l’origine d’un meilleur dépistage et d’un meilleur suivi des patients (41). On observe également une augmentation significative des patients aux activités de prévention (33).
L’information donnée par les soignants est de plus en plus grande. Les professionnels sont confrontés à des questions éthiques et déontologiques lorsque la communication n’est pas optimale : Comment informer correctement le patient ? Comment obtenir son consentement ? Comment s’assurer que l’information donnée a été comprise ?
De plus, il a été rapporté que certains professionnels ne réalisent pas les adaptations nécessaires : ils n’articulent pas, parlent derrière un masque, ne se placent pas en face du patient pour parler, ne répètent pas et ne s’assurent pas que le patient a réellement compris (34). On retrouve des conséquences de ces difficultés chez les professionnels de santé qui sont « mal à l’aise », « frustrés » ou encore ressentent de la « culpabilité » (3).
L’audition réalisée en 2008 sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap estime que la pathologie liée au handicap est, en général, bien suivie mais qu’il en est autrement des autres domaines du suivi médical de ces femmes en particulier du suivi gynécologique. Elle recense ainsi les principaux obstacles rencontrés par les femmes en situation de handicap et notamment des femmes sourdes : les obstacles liés à la mauvaise qualité de l’accueil, les obstacles liés à une mauvaise rémunération des soins prodigués aux personnes en situation de handicap et les obstacles liés à la méconnaissance du handicap par le personnel. Elle note également l’obstacle de la durée de la consultation : les impératifs du professionnel de santé ne permettent pas toujours de dépasser, voire de doubler, le temps de consultation. La notion de handicap devra être abordée lors de la prise de rendez-vous afin de prévoir un temps suffisant.

Conséquences

Les conséquences des difficultés rencontrées par les sourds au sein du milieu de la santé sont multiples et non négligeables.
Le manque de compréhension entre professionnel de santé et patient peut avoir de lourdes conséquences : mauvaise prise d’un traitement, non suivi des soins, perte de temps qui peut aller jusqu’à une perte de chance : retard de diagnostic ou encore diagnostic erroné (3) (31) (33). On peut également noter un coût économique avec des explorations inutiles ou mal réalisées par manque de communication. De même, les patients parlant une autre langue que la langue majoritaire du système de santé ont 70% plus de risque d’être hospitalisés, par « mesure de précaution » (33). De plus, leur séjour à l’hôpital est plus long que dans la population générale (36).
Face à la quasi-absence de communication entre les professionnels de santé et le patient dans certains cas, le professionnel peut même omettre de demander le consentement au patient (33). On peut aussi noter qu’une consultation en urgence est déjà, en elle-même une situation stressante, mais elle apparaît d’autant plus stressante lorsqu’il y a des difficultés de communication (36). Face à une situation anxiogène, le besoin de s’exprimer est encore plus important.
Le suivi gynécologique chez les femmes sourdes est, de manière générale, moins bien réalisé que dans la population générale : ceci d’autant plus quand une première expérience s’est soldée par un échec ou par une frustration du fait d’un mauvais accueil (30).
Les difficultés de communication ne peuvent parfois pas, en cas d’illétrisme, être palliées par la lecture de la posologie sur l’ordonnance ou sur la notice. On observe alors plus d’erreurs, plus de confusions, plus d’effets secondaires (32) (33). On notera que le vocabulaire technique médical n’est, de plus, pas toujours accessible au « grand public ».
Les personnes sourdes sont au fait de la méconnaissance de leur culture mais aussi de l’incompréhension des entendants à leur égard. Cela entraine de nombreuses conséquences : frustration, peur, angoisse, manque de confiance envers le milieu de la santé et les professionnels de santé, évitement des structures de soins, mauvaises relations soignant-soigné, souffrance de ne pas être respecté comme personne à part entière (sentiment que l’on explique plus sa maladie à ses proches), ou encore sentiment d’abandon (34). Les sourds rapportent être moins compris par les professionnels de santé et évitent donc de demander des explications supplémentaires (35). Cela entraîne parfois une demande d’explication de la personne sourde envers l’interprète après le départ du professionnel.

Attitude et communication adaptées

Comme nous l’avons vu précédemment, les soins de santé de qualité sont intimement liés et nécessitent une bonne communication avec le professionnel de santé. Les capacités de communication améliorent la satisfaction du patient (42). Le Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes a réalisé un « guide de l’accueil des personnes en situation de handicap » à destination des personnes impliquées dans le service public (43). Il émet quelques conseils pour mieux accueillir les personnes en situation de handicap [Annexe V]. Malgré tout, on peut noter qu’à la question « Avez-vous compris ? » (que le guide conseille de poser), les sourds, depuis petits, ont pris l’habitude de répondre « oui » (3). Le recours à l’interprétariat doit être discuté avec le patient sourd signant et en fonction de la situation de recours aux soins.
Nous noterons, depuis le 14 septembre 2011, la mise en place d’un numéro national pour les appels d’urgence (SAMU, police/gendarmerie, sapeurs-pompiers) en France Métropolitaine accessible aux personnes qui ont des difficultés à entendre ou à parler. Ce numéro d’urgence est accessible uniquement par SMS et par fax. Le 114 recueille les informations indispensables (identité de la personne, localisation, type de demande, circonstances) et transmet ensuite l’alerte aux services d’urgence appropriés.

L’organisation des consultations externes dans les établissements de santé et les particularités de la consultation avec une personne handicapée

La nécessité de rentabilité économique des structures hospitalières est aujourd’hui très présente. Le financement des consultations est celui qui pose le plus question dans le handicap. Actuellement et progressivement depuis 2004, la cotation des consultations s’effectue « à l’acte » par la T2A. La T2A représente le mode quasi-unique de financement pour les activités de médecine, chirurgie et d’obstétrique (MCO) des établissements publics et des établissements privés.
La présence de consultations dans les centres hospitaliers fait partie intégrante de la mission de soins. Hors pour les personnes sourdes, son déroulement est complexe.
La personne sourde doit entrer en contact avec l’établissement afin de programmer le rendez-vous désiré ou demandé par un professionnel de santé. Actuellement, cette partie est assurée majoritairement par une centrale d’appels. Les établissements sont actuellement majoritairement dans l’optique d’augmenter la capacité de leur centrale d’appels (en général le nombre de postes de secrétaires médicales) afin d’augmenter la satisfaction des patients. Ce processus a cependant un coût non négligeable (embauches, création de nouveaux postes de travail).
La prise de rendez-vous en ligne est actuellement en plein développement dans le champ de la santé. Ceux-ci permettent de faciliter la prise de rendez-vous (portail accessible depuis un ordinateur, une tablette ou un Smartphone à toutes heures du jour et de la nuit, en semaine ou le week-end) et de pouvoir bénéficier de créneaux libérés à la dernière minute. D’après une étude de l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) de novembre 2014, dans la population générale, près de deux tiers des patients renoncent à consulter, découragés par la prise de rendez-vous et les délais d’attente. Ce qui est vraisemblablement encore plus important dans la population sourde. Avant le rendez-vous, le patient doit s’enregistrer auprès des secrétaires d’accueil, qui paraît encore un fois être un frein pour les personnes sourdes.
Ce schéma montre la complexité des consultations en établissement hospitalier [Annexe VI] (46). La prise en charge du handicap entraine des consultations plus longues, parfois avec plusieurs acteurs, des actes supplémentaires non cotés car en dehors de tout protocole mais aussi du matériel supplémentaire nécessaire (achat et amortissement6).
Au sein des consultations obstétricales, il est souvent donné des informations écrites (prévention contre la toxoplasmose, trousseau de maternité, qui appeler/consulter en cas d’urgence) notamment devant le nombre élevé d’informations délivrées. Il paraît encore plus important de donner ces informations écrites lorsque la communication est complexe. Cependant, nous avons vu qu’au sein de la population sourde, le français écrit n’est pas toujours maîtrisé. Ainsi, les informations écrites se doivent d’être accompagnées de schémas et/ou d’images claires, ne pouvant porter à confusion (dessins d’aliments non recommandés barrés par exemple). Ces informations écrites ne doivent cependant pas remplacer la communication orale, essentielle au cours des consultations médicales.

Développement de prises en charge hospitalières personnalisées et spécifiques

L’importance des consultations au sein d’un établissement de santé

La concurrence en matière de santé est de plus en plus importante entre les établissements notamment en raison du suivi de nombreux indicateurs par les services financiers (nombre de consultants externes, taux d’occupation des lits, nombre de séjours pris en charge, répartition des séjours par modes de prise en charge ou encore nombre d’accouchements par an).
Les consultations constituent une véritable « vitrine » de l’établissement, de part le nombre de personnes transitant par ce service (nombre de consultants externes) mais aussi du fait que quatre consultations sur dix sont liées à l’hospitalisation (admission ou suivi médical) selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) (47). Dans notre cas, le suivi de grossesse effectué dans l’établissement entraine une inscription à la maternité et, sauf cas de transferts et cas de force majeure, un accouchement dans cet établissement. Le nombre d’accouchements dans l’établissement est un indicateur très suivi et ayant des répercussions sur l’organisation de l’établissement (nombre d’Equivalent Temps Plein (ETP) des sages-femmes et du personnel paramédical selon les décrets de périnatalité du CSP).
La satisfaction des patients (qui est intimement liée à la renommée de l’établissement) et l’offre de services proposée sont deux critères de choix majeurs lorsque les patients choisissent leurs établissements de santé.
Comme le montre N. SCHOBEL dans son mémoire, les consultations externes sont une source importante de recrutement de patientèle pour l’hôpital (46). Elle souligne, comme nous l’avons abordé précédemment, qu’il s’agit d’un point important dans le contexte financier actuel mais aussi par la volonté de l’établissement de développer ses activités.

L’exemple de l’IMM et de sa consultation « Parentalité et Handicap »

L’Institut Mutualiste Montsouris (IMM) est un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) situé dans le XIVème arrondissement de Paris. Il possède, parmi ses nombreuses activités hospitalières, un service d’obstétrique où près de deux mille naissances ont lieu chaque année. Il s’agit d’une maternité de niveau I.
L’IMM est l’un des seuls établissements en France à offrir une consultation « Parentalité et Handicap » adaptée aux personnes en situation de handicap moteur, auditif et visuel. Mme Béatrice IDIARD-CHAMOIS, sage-femme, a été à l’initiative de cette consultation qui a ouvert en 2006. Cette consultation peut être assurée en langue des signes française (LSF), avec une consultation préconceptionnelle, un suivi obstétrical mensuel, des cours de préparation à la naissance et à la parentalité. Elle propose aussi une aide pour les démarches administratives liées aux aides sociales. Il s’agit d’un accompagnement global à la parentalité. Une évaluation des besoins est réalisée afin d’adapter au mieux la prise en charge. Ces consultations sont ouvertes à toutes les patientes d’Ile-de-France et celles qui font le déplacement depuis la Province. Il est possible pour les personnes ne pouvant pas se déplacer à l’IMM d’un contact téléphonique avec l’élaboration d’un compte rendu qui sera transmis au praticien suivant la patiente. 2 patientes sur 3 que Mme IDIARD-CHAMOIS a accueilli ne recevaient pas les aides sociales auxquelles elles pouvaient prétendre (45).

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Table des matières

SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Histoire, données socio-culturelles et épidémiologiques de la population sourde
1.1. Histoire des Sourds : une construction identitaire et sociétale
1.2. Population sourde : données socio-culturelles et épidémiologiques
1.2.1. La communauté sourde : une identité et une culture propre
1.2.2. Moyens de communication : entre Sourds et avec les entendants
1.2.3. Données épidémiologiques de la population sourde
2. Aspects législatifs, réglementation et recommandations du système de santé en matière de surdité
2.1. En France
2.2. A l’international
2.3. Audition Publique et Rapport sur l’accès aux soins des personnes en situation de handicap
3. Les sourds et le monde de la santé
3.1. Difficultés rencontrées
3.2. Conséquences
3.3. Attitude et communication adaptées
3.4. L’organisation des consultations externes dans les établissements de santé et les particularités de la consultation avec une personne handicapée
4. Développement de prises en charge hospitalières personnalisées et spécifiques
4.1. L’importance des consultations au sein d’un établissement de santé
4.2. L’exemple de l’IMM et de sa consultation « Parentalité et Handicap »
4.3. Les initiatives du CHU de Rouen
4.4. Des études « parlantes » en maternité : à l’international et en France
CONCLUSION DE LA REVUE DE LA LITTERATURE
PARTIE II : MATERIEL ET METHODE
1. Problématique et hypothèse
1.1. Problématique
1.2. Hypothèse
2. Etude : objectifs et méthodologie
2.1. Objectifs de l’étude
2.2. Entretiens exploratoires
2.3. Stage d’observation
2.4. Entretiens semi-directifs
PARTIE III : RESULTATS DE L’ETUDE
1. Résultats des entretiens exploratoires
2. Stage au sein de la consultation « Parentalité et Handicap »
2.1. Organisation de la consultation spécialisée « Parentalité et Handicap » à l’IMM 33
2.2. Le financement de la consultation « Parentalité et Handicap »
3. Résultats des entretiens semi-directifs
3.1. Généralités
3.2. Choix de l’IMM
3.3. Place de la sage-femme, signante ou non, dans la prise en charge des femmes sourdes
3.4. Vécu de la prise en charge à l’IMM et satisfaction des femmes interrogées
3.5. Suivi gynécologique à l’IMM
3.6. Propositions d’améliorations
PARTIE IV : DISCUSSION
1. Validation de l’hypothèse et réponse à la problématique
2. Discussion
2.1. Points forts
2.2. Points faibles et biais
2.3. Discussion des résultats de l’étude
2.3.1. Concernant les entretiens exploratoires
2.3.2. Concernant le stage au sein de la consultation « Parentalité et Handicap »
2.3.3. Concernant les entretiens semi-directifs
2.4. Propositions d’améliorations dans tous les établissements de santé
CONCLUSION

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