Synthèse et fonctionnalisation des phosphinines
Depuis 1966 et sa première synthèse, l’intérêt des chimistes du phosphore pour la phosphinine ne s’est pas démenti et de nombreuses méthodes de synthèse et de fonctionnalisation ont été développées. Le but de ce paragraphe n’est pas d’en faire un exposé exhaustif, plusieurs revues sur le sujet étant disponibles. [1 , 2 , 3 , 4 , 5] Nous nous bornerons à présenter les principales synthèses.
A partir des sels de pyrilium
C’est donc Märkl qui ouvre le bal en 1966. Il propose une synthèse basée sur l’échange O+/P à partir d’un sel de pyrilium.[6] Le phosphore est amené par un fragment PH3 généré in situ à partir de P(CH2OH)3, [6 , 7] P(SiMe3)3, [8] PH4I.
Cette méthode donne accès à une série d’hétérocycles fonctionnalisés en α, γ et ε par des groupements alkyles[10] ou aryles.[11] Cette synthèse est encore utilisée par plusieurs groupes dont celui de Breit pour fournir des ligands encombrés appliqués à la catalyse d’hydroformylation.
Les limitations de cette voie résident dans des possibilités de fonctionnalisation relativement limitées. En effet, elle est tributaire en la matière de la chimie des sels de pyrilium précurseurs et les conditions de l’échange interdisent la présence de certains groupements.
Réactions d’extension de cycle
Des réactions d’extension de cycle sont également connues. A partir d’un hétérocyle phosphoré à cinq chaînons (le phosphole), le cycle est étendu par insertion d’un carbénoïde généré in situ par l’action d’une base sur un chlorure d’aroyle.[14, 15] Cette méthode a ouvert la voie à la (2,3,6)- triphénylphosphinine (à partir du (1,2,5) triphénylphosphole) et à l’analogue mixte de la (2,2’)- bipyridine, la 2-pyridylphosphinine .
Réactions de cycloaddition
Un certain nombre de réactions de cycloaddition ont été développées. Les précurseurs phosphorés sont alors des (1,4)-dihydrophosphétes, formes masquées de (1,3)-phosphabutadiènes (qui réagissent avec des alcynes activés), ou bien des phosphaalcynes ou phosphalcènes qui jouent le rôle de diénophile. La première voie, illustrée par l’exemple du schéma 1-4, reste assez limitée, du fait du manque de choix permis pour l’alcyne de départ.
La seconde est plus versatile. Le schéma 1-5 présente un florilège des possibilités offertes par le tbutylphosphaéthyne. Les réactions procèdent toujours par cycloaddition du synthon phosphoré avant rétrocycloaddition pour éliminer une petite molécule organique, souvent volatile, pour déplacer la réaction.
Les phosphaalcènes peuvent être également employés. Leur usage réclame qu’ils possèdent un bon groupe partant pour permettre l’aromatisation de la phosphinine in fine. Par exemple, les 1-chloro-2- (triméthylsilyl)phosphaalcènes ouvrent la voie à des 3-hydroxyphosphinine .
Le phosphaalcène peut également être généré in situ, par exemple à partir de (1,1,2,2)- tétrahalogénophosphaéthane traité avec une base. La cycloaddition du trihalogénophosphaéthène résultant avec le (1,3)-butadiène fournit, après réaromatisation, une halogénophosphinine avec des rendements globaux de l’ordre de 60%.
Le composé en version bromée est un composé particulièrement intéressant puisqu’il sert de synthon pour l’accès à des molécules comme les bidentes phosphinine/phosphine, [23] phosphinine/phosphole [24]… mais surtout pour la synthèse de la (2,2’)-biphosphinine par couplage. Il existe plusieurs synthèse de cette molécule, la plus souple procède de la façon suivante : après insertion d’un fragment dicyclopentadiènylzirconium dans la liaison halogène-carbone puis couplage en présence d’un complexe de nickel et enfin décomplexation du ligand, on obtient la biphosphinine avec un rendement moyen de 40%.[25] Une seconde synthèse de cette molécule est décrite dans le paragraphe III-E-1.
A partir de la diazaphosphinine
La méthode la plus récente de synthèse des phosphinines, et sans doute la plus versatile, est basée sur la réactivité des (1,3,2)-diazaphosphinines en tant que diène de Diels Alder. Développée au laboratoire en 1996, cette méthode a fourni la plus grande partie de la matière première du travail de thèse présenté plus loin.[26 , 27, 28] Elle permet de préparer des phosphinines polyfonctionnalisées à partir d’alcynes fonctionnels. Elle exploite la réactivité du complexe diméthyl-titanocène qui génère in situ le réactif de Tebbe par élimination de méthane. En présence de t-butylnitrile, ce dernier subit deux cycloadditions successives pour donner un diaza-titanacycle. Une réaction de transmétallation avec PCl3, en présence d’une base pour favoriser la réaromatisation fournit la (1,3,2)-diazaphosphinine I-1.
La réactivité de la (1,3,2)-diazaphosphinine I-1 vis à vis des acétyléniques en fait un remarquable précurseur de phosphinines polyfonctionnelles. Le processus de formation de ces hétérocycles fait intervenir une cycloaddition [4+2] des diazaphosphinines avec les acétyléniques suivie d’une élimination de t-butylnitrile (retro Diels-Alder).
Le Floch et al. ont montré que cette approche est très efficace pour construire des structures sophistiquées tels que les cycles (2,3,5,6)-tétrafonctionnalisés, [28, 29] les bis- et trisphosphinines ainsi que les macrocycles à base d’unités phosphinines.[30, 31] Ces travaux ont également permis de démontrer que les alcynes silylés réagissaient de façon régiosélective, la fonction silyle se plaçant toujours en position α du phosphore dans la molécule finale. Cette préférence est aisément rationalisée par le caractère « dipôle 1,4 » de la diazaphosphinine. Ces propriétés sont illustrées par la synthèse du sila-calix 2 de phosphinine I-2 publiée en 2001.[32] Deux équivalents de diazaphosphinine I-1 réagissent avec un diyne pour donner une bismonoazaphosphinine. Celle-ci est traitée avec un autre équivalent de diyne dans des conditions diluées afin de favoriser la macrocyclisation par rapport à la polymérisation.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : la chimie des phosphinines
A. Synthèse et fonctionnalisation des phosphinines.
1) A partir des sels de pyrilium
2) Réactions d’extension de cycle
3) Réactions de cycloaddition
4) A partir de la diazaphosphinine
B. Etude des propriétés de la phosphinine
1) Configuration électronique de la phosphinine
2) Etude du comportement de la phosphinine en réduction
3) Etude de l’hybridation du phosphore dans la phosphinine
4) Aromaticité
5) Réactivité de la phosphinine
C. Références bibliographiques
Chapitre 2 : Autour de la réduction électronique d’édifices organiques et organométalliques contenant des phosphinines
A. L’interaction liante à un électron
1) Introduction bibliographique : la liaison à un électron
2) Introduction bibliographique : les interactions électroniques à plus de 2 centres en chimie du groupe principal
3) Etude de systèmes à deux unités phosphinines peu contraints : la bis et la mono-phosphinine
i. Synthèse des composés étudiés
ii. Etude RPE de la bisphosphinine II-3.
iii. Etude RPE de la mono-phosphinine II-4.
4) Etude de la réduction d’un macrocyle à trois entités phosphinines : II-6
5) Synthèse de cyclo et de pyridino-phanes et étude de leur comportement en réduction
i. Synthèse du pyridinophane II-15
ii. Etude de la réduction du macrocycle de pyridine II-15.
iii. Synthèse de cyclophanes silylés
iv. Etude de la réduction du macrocycle II-12
B. Les complexes réduits de ligands comportant un phosphore sp2
1) Les complexes réduits à base de (2,2’)biphosphinines
i. Etude énergétiques des conformations possibles pour les complexes [M(II-26)2]q
ii. Analyse orbitalaire des complexes de conformations plan carré et tétraèdre
iii. Le rôle du contre cation dans le complexe de ruthénium
2) Complexes neutres et diréduits de diphosphabutadiènes.
i. Introduction bibliographique : les (1,2)-dihydrophosphétènes comme (1,4)-diphosphabutadiènes « masqués ».
ii. Synthèse de complexes dianioniques du fer et du ruthénium
iii. Synthèse de complexes distannés neutres du fer et du ruthénium
C. Conclusions et perspectives
D. Références bibliographiques
Chapitre 3 : Attaque nucléophile sur la phosphinine : Etude des anions λ4 de phosphinine, complexation et réactivité
A. Introduction : pourquoi une attaque nucléophile de la phosphinine ?
1) Chimie de coordination de la phosphinine
2) Synthèse des anions de phosphinine
3) Chimie de coordination des anions de phosphinine.
B. Synthèse et étude des anions λ4 de phosphinine
1) Synthèse et caractérisation RMN des anions de phosphinine.
2) Etude des structures RX des anions
3) Etude théorique
C. Synthèse de complexes η5 d’anions de phosphinine : application en hydroformylation des alcènes
1) Introduction bibliographique : le ligand phosphinine en catalyse d’hydroformylation
2) Synthèse de complexes η5 de rhodium(I)
3) Activité en catalyse des complexes η5 de rhodium(I)
D. Synthèse d’un complexe η2 d’anion de phosphinine, étude expérimentale et théorique de sa fluxionalité.
1) Synthèse de complexes η2 de Pd(II) et de Pt(II).
2) Etude expérimentale du phénomène de fluxionalité dans les complexes III10 et III-12
3) Etude théorique des complexes III-10 et III-12
E. Synthèse du premier cation phosphininium. Synthèse de sulfure de phosphinine. Etude théorique de ces espèces, aromaticité et réactivité en tant que diène dans les réactions de Diels-Alder
1) Introduction bibliographique : le cation phosphininium et le sulfure de phosphinine comme intermédiaires réactionnels.
2) Synthèse du premier cation phosphininium et réactivité.
3) Caractérisation des premiers sulfures de phosphinine et réactivité.
4) Etude théorique de l’état d’hybridation du phosphore et de l’aromaticité dans les cations phosphininium et les sulfures de phosphinines.
5) Etude théorique de la réactivité en tant que diène de Diels Alder des cations phosphininium et des sulfures de phosphinines.
F. Conclusions et perspectives
G. Références bibliographiques
Chapitre 4 : Réduction d’un précurseur d’or en présence de phosphinines : première synthèse de nanoparticules d’or stabilisées par des dérivés de phosphores sp2 et quelques applications.
A. Introduction : les nanoparticules d’or, synthèse, applications et propriétés d’absorption optique. Méthodes de synthèses de substrats inorganiques de mésoporosité contrôlée
1) Synthèse de nanoparticules d’or
2) La catalyse avec des nanoparticules d’or
3) Les propriétés optiques des nanoparticules d’or
4) Méthode de synthèse de substrats inorganiques de mésoporosité contrôlée.
B. Synthèse de nanoparticules d’or stabilisées par des phosphinines : immobilisation sur billes inorganiques mésoporeuses (Silice/Titane)
1) Synthèse de nanoparticules stabilisées par des phosphinines.
2) Propriétés des nanoparticules stabilisées par des phosphinines
3) Analyse infra rouge de la phosphinine libre ou coordonnée sur une nanoparticule
4) Immobilisation sur billes inorganiques mésoporeuses (Silice/Titane)
C. Etude des réactions de substitution de ligands à la surface des nanoparticules. Immobilisation sur films mésoporeux et application pour la détection de petits thiols et de petites phosphines.
1) Les réactions d’échange de ligands en solution : thiols, phosphines et disulfures
2) La position du pic plasmon en fonction des propriétés des ligands sur les nanoparticules.
3) Caractérisation des nanoparticules par microscopie TEM.
4) Application des nanoparticules stabilisées par les phosphinines à la détection de thiols et de phosphines
D. Etude des réactions de substitution partielle de ligands à la surface des nanoparticules. Synthèse de nanoparticules de type Janus. Etude des phénomènes de ségrégation de phase à la surface des nanoparticules
1) Introduction bibliographique : les particules ou macromolecules de type tête de Janus
2) Expériences d’échange partiel de ligands à la surface des nanoparticules et propriétés d’auto-organisation des nanoparticules Janus
3) Des nanoparticules d’or au caractère Janus permanent : une preuve locale de la ségrégation de phase des ligands
4) Des nanoparticules d’or au caractère Janus permanent : propriétés optiques en solution et preuve macroscopique de la ségrégation de phase
5) Immobilisation directionnelle de nanoparticules Janus
E. Conclusions et perspectives
F. Références bibliographiques
Chapitre 5 : Conclusions
Conclusion
Télécharger le rapport complet