Atomes et photons en cavité

Atomes et photons en cavité 

Toutes nos expériences reposent sur l’interaction entre deux éléments essentiels : des cavités supraconductrices de grande finesse et des atomes de Rydberg circulaires. L’interaction entre ces deux systèmes permet d’utiliser les atomes pour modifier et mesurer l’état de la lumière piégée dans deux cavités. Dans ce chapitre, nous commençons par rappeler les principaux éléments théoriques de description d’un mode du champ électromagnétique quantifié, d’un atome à deux niveaux et de leur interaction. Nous présentons ensuite le montage permettant de préparer les atomes de Rydberg circulaires et de les faire interagir avec les modes de deux cavités. Puis nous montrons les techniques usuelles de manipulation de l’état d’une cavité utilisées dans l’équipe, ainsi que les nouvelles techniques développées pour le système à deux cavités micro-onde.

Description quantique d’un mode du champ électromagnétique

Quantification du champ

En physique quantique, le champ électromagnétique est quantifié : il est constitué de photons, dont le caractère corpusculaire peut être mis en évidence dans des expériences de mesure de fonction de corrélation du champ [36]. On peut rendre compte de ce résultat théoriquement en choisissant une base des modes du champ électromagnétique, qu’on quantifie [37]. Chaque mode est alors décrit par un oscillateur harmonique quantique. Les états quantiques accessibles au mode j appartiennent à un espace de Hilbert Hj , de dimension infinie, dont une base est donnée par les états de Fock {|nê}n∈N.

Le dispositif expérimental

Nos expériences reposent sur deux éléments essentiels, qui se combinent pour atteindre le régime de couplage fort. En guise d’atome à deux niveaux, on utilise des atomes de Rydberg, préparés dans un état circulaire qui sera défini dans la section I.4.2 [44]. Ces atomes ont pour propriété d’avoir des transitions micro-ondes isolées, qui permettent de les traiter comme des atomes à deux niveaux, dont le dipôle est très élevé, ce qui les fait interagir très fortement avec la lumière. Ils ont par ailleurs de très grands temps de vie,de l’ordre de quelques dizaines de millisecondes, ce qui permet de leur faire parcourir plusieurs dizaines de centimètres dans un jet atomique, sans qu’une proportion notable d’entre eux ne se désexcite. Ils nécessitent cependant d’être manipulés dans des conditions cryogéniques, à cause de leur grande sensibilité au rayonnement thermique micro-onde.

Le rôle de l’oscillateur harmonique est quant à lui joué par un mode d’une cavité micro-onde supraconductrice de très grande finesse, dans une configuration Fabry Perot ouverte. Ces cavités sont fabriquées au laboratoire grâce à une technique mise au point au CEA [45]. Entre 2006 et 2014, deux paires de miroirs ont été utilisées. Les temps de vie des cavités formées de ces miroirs étaient respectivement de 130 ms et 65 ms. Comme les atomes, ces cavités nécessitent un environnement cryogénique.

Le dispositif sur lequel j’ai travaillé a été conçu pendant le travail de thèse de Sébastien Gleyzes [46]. Il a par la suite été au cœur de nombreux travaux de thèse portant sur les sauts quantiques de la lumière [47], l’effet Zénon quantique [48], la préparation et la reconstruction d’états exotiques du champ et l’étude de leur décohérence [29], la rétroaction quantique [49], la mesure adaptative [50], la métrologie quantique [51], etc. Avant mon arrivée au laboratoire, il a subi un déménagement et une reconstruction qui ont permis de rénover plusieurs parties du montage. Nous avons en particulier passé beaucoup de temps à mettre en place deux cavités, ce qui était l’objectif initial du montage, mais qui n’avait jamais pu être réalisé. Ces cavités ont rendu possible l’étude d’états délocalisés du champ électromagnétique, présentée dans ce mémoire.

De nombreuses techniques ont été mises au point pour ces expériences de CQED. On se contentera dans cette partie de présenter le dispositif et d’exposer les principaux éléments nécessaires à la compréhension du présent travail. Les détails du montage et des méthodes utilisées sur le dispositif peuvent être trouvés dans les travaux de thèse des doctorants précédents [30, 32, 34, 46, 52–56].

Le dispositif 

Les principaux éléments de notre dispositif expérimental sont présentés sur la figure I.7. Un four chauffé à 200 ◦C fournit un jet atomique de 85Rb. Les atomes sont sélectionnés en vitesse à 250 m/s par des lasers pulsés, avant d’être excités dans un état de Rydberg circulaire dans la boîte à circulariser B. Ils entrent ensuite dans une boîte d’isolation du champ magnétique, dans laquelle se déroulent les phénomènes d’interaction avec le champ qui nous intéressent. Dans cette boîte, ils interagissent successivement avec les deux cavités C1 et C2. Leur état atomique peut être contrôlé avant et après chaque cavité à l’aide des zones de Ramsey R1, R2 et R3, dans lesquelles on peut leur appliquer des impulsions micro-ondes fournies par la source SR. Deux autres sources micro-ondes S1 et S2 permettent d’injecter deschamps cohérents dans C1 et C2 respectivement. Enfin, les atomes sont détectés à la sortie de la boîte d’écrantage par ionisation dans le Channeltron D.

Toute la portion de trajet de B à D a lieu dans un cryostat. Celui-ci comporte un premier étage de refroidissement à l’azote liquide à la température de 77 K, qui écrante tout le dispositif. Un second étage contenant un bain d’4He atteint quant à lui 4.2 K. En pompant sur un réservoir d’4He alimenté par un capillaire, on atteint la température de 1.6 K. Enfin, un dernier étage cryogénique, connecté au premier grâce à un échangeur contenant de l’3He, écrante le dispositif et définit sa température. Celle-ci peut être maintenue à 1.6 K par le pompage de l’4He, ou atteindre 0.8 K par pompage de l’3He. Tout ce dispositif est pompé par des pompes turbomoléculaires et par cryopompage à une pression inférieure à 10⁻⁷ mbar.

Des cavités de grande finesse 

Les cavités utilisées dans nos expériences sont des cavités micro-ondes supraconductrices. Les miroirs les constituant sont fabriqués par pulvérisation cathodique d’une couche de niobium de 12 µm sur un substrat en cuivre. Le niobium a une température critique T Nb C = 9.3 K. Une fois placé dans un environnement cryogénique sous T Nb C , son absorptions’annule à fréquence nulle. Pour des fréquences finies, l’absorption n’est pas nulle à T Nb C et continue de décroître jusqu’à environ 1 K. De ce fait, nos cavités ont un temps de vie deux fois plus élevé à 0.8 K qu’à 1.6 K. Il semble donc intéressant de toujours travailler à la température la plus faible. Cependant, à cause d’un incident arrivé au cours de la thèse,le capillaire remplissant le réservoir d’3He a été partiellement bouché. Il n’était donc plus possible de pomper sur ce dernier pendant plus d’une heure, ce qui limite fortement la prise de données. Les expériences présentées ici ont donc été réalisées à l’une ou l’autre des températures, selon la contrainte la plus importante entre le temps de vie des cavités et la quantité de données à acquérir.

Les miroirs sont montés dans une configuration de Fabry-Pérot ouverte, nécessaire pour pouvoir appliquer un champ électrique permettant de maintenir les états de Rydberg des atomes. Les miroirs, représentés sur la figure I.8, sont séparés de 2.8 cm de sorte que la fréquence du mode utilisé (TEM900) soit de 51.1 GHz, proche de la fréquence de résonance des atomes. Dans cette configuration, deux modes, de polarisations orthogonales, coexistent dans la cavité. Afin de lever la dégénérescence entre ces deux modes, les miroirs sont toroïdaux : ils ont deux rayons de courbure distincts 39.4 mm et 40.6 mm qui permettent d’obtenir une séparation de 1.26 MHz.

Afin de contrôler finement cette distance, les atomes sont installés dans des blocs cavités (Fig. I.9), dont la longueur est définie par l’épaisseur de cales piézoélectriques. Par application d’une différence de potentiel comprise entre −2500 V et 2500 V, la fréquence de la cavité peut être accordée sur une gamme de ±5 MHz, ce qui correspond à ±2.5 µm. La distance de la cavité, une fois installée dans le cryostat, après pompage et refroidissement à température cryogénique, doit donc être correcte à quelques microns près pourtomber dans la gamme d’accord des cales piézoélectriques. Dans ce but, on place contre les cales piézoélectriques deux cales en cuivres, qui participent à la définition de la longueur de la cavité. Si lafréquence de la cavité, qu’on ne peut mesurer qu’à froid à l’aide des atomes de Rydberg, est trop faible, on ronge ces cales à l’acide, afin d’enlever les quelquesmicrons de trop [46]. Cette phase d’accord nécessite donc de mesurer l’épaisseur des cales à l’aide d’une cavité test par des mesures micro-ondes à chaud, d’installer les cavités dans le cryostat, de mesurer la fréquence de résonance du bloc cavité, puis de réchauffer le cryostat, de démonter les cavités, de ronger les cales et de refaire une mesure de leur épaisseur pour contrôler qu’on a enlevé la bonne quantité. Une telle opération est pénible et nécessite au moins 1 mois de travail. À cause de l’extrême précision mécanique nécessaire et du vieillissement du dispositif, dont de nombreuses pièces ont dû être changées, 8 cycles d’accord ont été nécessaires avant de parvenir à mettre les cavités à résonance.

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Table des matières

INTRODUCTION
I Atomes et photons en cavité
I.1 Description quantique d’un mode du champ électromagnétique
I.1.1 Quantification du champ
I.1.2 Couplage du mode à un courant classique
I.1.3 La fonction de Wigner
I.1.4 État du champ à deux modes fonction de Wigner
I.1.5 Décohérence du champ
I.2 L’atome à deux niveaux
I.2.1 Le pseudo-spin atomique
I.2.2 Évolution temporelle
I.2.3 Interaction de l’atome à deux niveaux avec un champ classique
I.3 Interaction entre atomes et lumière
I.3.1 Modèle de Jaynes et Cummings et théorie de l’atome habillé
I.3.2 Interaction résonnante
I.3.3 Interaction dispersive
I.3.4 Le passage adiabatique
I.3.5 Pertinence du modèle d’un atome couplé à un mode du champ
I.4 Le dispositif expérimental
I.4.1 Des cavités de grande finesse
I.4.2 Atomes de Rydberg
a) Propriétés des atomes de Rydberg circulaires
b) Préparation sélective d’échantillons atomiques
c) Détection des atomes
I.5 Techniques d’électrodynamique quantique
I.5.1 Calibration du champ électrique et contrôle de la fréquence atomique
I.5.2 Initialisation du mode dans l’état vide
I.5.3 Oscillations de Rabi et préparation d’états de Fock à un photon
a) Mesure de la fréquence de Rabi du vide
b) Oscillations de Rabi à proximité de la résonance : effet de l’habillage initial de l’atome
I.5.4 Interférométrie de Ramsey et mesure de la fonction de Wigner
II Préparation et mesure d’états intriqués en électrodynamique quantique à deux cavités
II.1 Préparation d’un état délocalisé d’un photon
II.1.1 La séquence d’impulsions
II.1.2 Les états noon
II.1.3 Propriétés de l’état |10ê + |01ê
II.1.4 Préparation d’un état à deux photons
II.2 La mesure résonnante
II.2.1 Séquence de mesure
II.2.2 Optimalité de la mesure résonnante : états propres et information de Fisher
II.3 Résultats
II.3.1 Un interféromètre de 6000 km
II.3.2 Contraste de l’interféromètre
a) Erreurs de détection
b) Erreurs de préparation
c) Contraste de Rabi
d) Échantillons à deux atomes
e) Bilan
II.3.3 Mesure de coupes de la fonction de Wigner de l’état |10ê + |01ê
III Principes de la tomographie d’états quantiques
III.1 Quelques rappels de théorie de l’estimation
III.1.1 Cadre de l’estimation d’un paramètre réel
III.1.2 Efficacité de l’estimateur
a) Information de Fisher et borne de Cramer-Rao
b) Estimation par maximum de vraisemblance
III.2 Principe de la tomographie quantique et des méthodes de reconstruction
III.2.1 Rappels sur l’opérateur densité
a) Définitions et propriétés
b) Ensemble D(H) des matrices densité
c) Paramétrisation de D(H) pour un qubit
III.2.2 Méthodes usuelles de reconstruction
III.2.3 Limitations des méthodes usuelles
III.3 Tomographie par trajectoires
III.3.1 Trajectoires quantiques, opérateurs de Kraus et matrice d’effet
a) Mesure généralisée
b) Description de mesures imparfaites
c) Cartes quantiques et somme de Kraus
d) Interaction d’un système avec un environnement
e) Équation pilote de Lindblad
f) Matrices d’effet
g) Conclusion de la section
III.3.2 Tomographie par trajectoires : principe et mise en application
a) Principe de la méthode et construction des matrices d’effet
b) Le choix des mesures et leur nombre
c) Calcul du gradient et détermination de l’estimateur
d) Algorithme de montée de gradient
e) Interprétation de la méthode : cas du qubit
III.3.3 Prise en compte des imperfections et pertinence des résultats
a) Les résultats sont-ils physiques ?
b) Le cas des états purs ou presque
III.4 Incertitudes de la tomographie
III.4.1 Surfaces d’isovraisemblance et volumes de confiance
III.4.2 Information de Fisher et calcul des barres d’erreur
III.4.3 Incertitudes sur la reconstruction d’un qubit
CONCLUSION

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