Association entre diagnostique différentiel et immunohistochimie

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Caractéristiques générales des histiocytofibromes

Définition et épidémiologie

L’histiocytofibrome (HCF) est une tumeur conjonctive cutanée fréquente, siégeant de façon préférentielle dans le derme. Cette lésion représente environ 3% des échantillons cutanés reçus dans un service de pathologie (1). Cette lésion répond à de nombreuses autres appellations dont la plus commune est le dermatofibrome. D’autres termes ont été utilisés par le passé tels que l’histiocytome fibreux, l’histiocytome cutané, l’hémangiome sclérosant, la fibrose nodulaire sous-épidermique, fibroma durum, fibroma simplex, le fibrome en pastille, l’histiocytoxan-thome (1). Ces nombreuses appellations reflètent la multiplicité des aspects morphologiques de cette lésion, ainsi que l’incertitude sur son histogenèse.
L’HCF a été décrit pour la première fois au cours de la première moitié du XXe siècle. Malgré l’ancienneté de cette découverte, l’histogénèse n’est pas à ce jour pas totalement élucidée. Cette prolifération conjonctive est supposée être d’origine fibrohistiocytaire à partir des dendrocytes dermiques de type I (2). Ces dendrocytes expriment le facteur XIIIa et siègent dans le derme, autour des glandes sudorales et dans les septums interlobulaires de l’hypoderme. Les dendro-cytes dermiques de type I jouent probablement un rôle de présentation antigénique et dans la phagocytose, et pourraient également représenter un réservoir cellulaire du facteur XIII, inter-venant dans la stabilisation de la fibrine et dans les processus de cicatrisation (2,3).
La nature réactionnelle ou tumorale des HCF a été longtemps débattue. Survenant souvent (20% des cas) après un traumatisme, une excoriation, une folliculite, en post-vaccination, après un piercing (3) ou une piqure d’insecte, on l’attribuait historiquement à un processus réaction-nel (4–6).
Cependant, les données récentes bénéficiant des avancées de la biologie moléculaire, sont en faveur de la nature tumorale des HCF : ces lésions ne régressent pas spontanément et prolifè-rent sur un mode clonal (4,5). Des anomalies génétiques récurrentes ont été récemment misent en évidence (cette partie sera plus développée dans le paragraphe 3.1.5 Profil moléculaire des HCF). L’HCF est une tumeur majoritairement bénigne, mais certaines formes morphologiques particulières peuvent présenter des récidives locales, donner des métastases ganglionnaires et viscérales, et provoquer exceptionnellement des décès (7).

Caractéristiques cliniques

Présentation clinique habituelle

L’HCF peut survenir à tout âge mais touche plus communément l’adulte d’âge médian (20-40 ans) avec une prédominance féminine (ratio de 2,1 :1) (8,9). La topographie la plus classiquement décrite sont les membres et le tronc, mais d’autres localisations sont connues comme le visage, le cuir chevelu, au niveau sous-ungéal, les sites de vaccination (8). Le tableau 1 résume la distribution des HCF en fonction des sites anatomiques (9).
Il n’a pas de distribution préférentielle en fonction du sexe.
Des cas isolés d’atteintes extra cutanées ont été décrits au niveau de la capsule rénale (10) et dans le poumon (11).
De croissance rapide en phase précoce, sa taille se stabilise avec le temps. La lésion est souvent infra-centimétrique (91,8%). Souvent asymptomatique, l’HCF peut cependant être sensible (20,5%), douloureux (11,5%) ou prurigineux (58,2%), conduisant les patients à consulter le dermatologue (10,11). Le délai entre l’apparition de la lésion et la consultation par le patient d’un dermatologue est inférieur à 2 ans dans 58.2% des cas (3). De nombreuses présentations cliniques existent, la lésion se présente le plus souvent sous forme d’une papule (87,6%) ou d’un nodule (7,4%), de plaque (1,7%) ou encore être atrophique (3,2%). Sa pigmentation est variable : rosée (15,6%), rougeâtre (16,1%), brunâtre (65,8%), bleutée (1%), blanchâtre (0,2%) et jaunâtre (1,2%). (12).

Présentation clinique inhabituelle

Des formes géantes (13) ont été décrites (taille supérieure à 5cm). De localisation dorsale, leur aspect histologique est identique à l’HCF classique.
L’HCF est le plus souvent unique, des formes multiples ont été décrites (présence de plus de 15 lésions) mais dans des contextes particuliers comme l’immunodépression, les maladies auto-immunes, les hémopathies, maladies métaboliques (diabète, dyslipidémie) et la grossesse (14). L’utilisation d’une tri-thérapie anti-VIH peut conduire à des formes éruptives (15). Le caractère éruptif est défini par l’apparition de 5 lésions distinctes ou plus en moins de quatre mois.

Démarche diagnostique

Le diagnostic est clinique et il ne nécessite pas de confirmation histologique pour les présentations classiques. Pris entre les doigts, on observe un nodule ferme, sensible, mais mobile par rapport à l’hypoderme.
Si on saisit la lésion latéralement entre le pouce et l’index, elle glisse et semble « plonger » en créant des fossettes à la surface cutanée (Photo 2) : c’est le signe de Fitzpatrick (signe constamment présent sur 1000 HCF examinés par le Dr Fitzpatrick en 1977).
Photo 2 : Signe de Fitzpatrick : prise entre les doigts, la lésion semble « plonger » et on observe des fossettes à la surface cutanée.
Cet aspect de fossettes peut être expliqué par l’altération de la disposition du collagène dans le derme réticulaire. Ce signe clinique permet de distinguer l’HCF du mélanome nodulaire surtout en cas de doute diagnostique lié à la pigmentation lésionnelle (16,17).
En dermatoscopie, cette lésion apparait blanchâtre (« deshabitée ») au centre, avec des contours périphériques spiculés et pigmentés (18).
Les diagnostics différentiels cliniques les plus fréquents sont le kyste épidermique ou le kyste trichilemmal, le pilomatricome, le porome eccrine, le dermatofibrosarcome protuberans (DFSP), la cicatrice chéloïde, le léiomyome et le naevus dermique (3).

Caractéristiques microscopiques

La forme classique de l’HCF (80% des cas (19)) est définie dans la Classification des Tumeurs Cutanées de l’OMS (WHO Classification of Skin Tumours, 2018) comme « une papule ou un nodule composé à des degrés variables de cellules fibrohistiocytaires, de macrophages et d’une trame collagénique grossière ».
La lésion est mal limitée et siège dans le derme réticulaire. Cette lésion peut être séparée de l’épiderme par une bande de derme sain, une « grenz zone », dans 71,3% des cas (3). Des HCF érosifs ou ulcératifs ont été décrits (20).
On observe une répartition cellulaire zonale (centre hypercellulaire et périphérie hypocellu-laire, ou l’inverse). Les zones hypercellulaires sont faites de petits faisceaux de cellules fusi-formes, disposés en « rayons de roue » (architecture storiforme).
Les zones hypocellulaires sont caractérisées par des cellules lésionnelles isolées englobant des fibres de collagène hyalines. Ces aspects de fibres de collagène hyalin isolées et « piégées » en périphérie sont un élément clé du diagnostic.

Variantes histologiques

Les HCF présentent de nombreuses variantes histologiques en fonction des divers éléments composants la lésion : forme pigmentée ou hémosidérinique, forme paucicellulaire / hypocel-lulaire, forme chéloïdienne (25), forme xanthélasmisée, forme myxoïde (26), forme ossifiante (27,28)) ou en fonction des variants cytologiques (forme à cellules claires (19), en bague à chatons (29), à cellules granuleuses (30,31)). Des formes histologiques mixtes peuvent exister (7,3%) (3).
Dans ces formes particulières, la clinique, « l’englobement » des fibres collagéniques hyalines et les signes indirects histologiques comme l’hyperplasie épidermique et la pigmentation de la couche basale sont une aide au diagnostic.

Variantes histologiques à risque

Seules trois formes histopathologiques sont importantes car elles sont associées à un risque de récidive locale, indépendant des marges d’exérèse :
La forme cellulaire (2,1% des HCF) touche aussi bien les hommes que les femmes avec un âge médian de 32 ans. La topographie de cette variante est identique à l’HCF classique. Ce type d’HCF est souvent de plus grande taille et a une densité cellulaire élevée avec une prolif-ration en faisceaux avec des cellules fusiformes, plus « dodues » que dans la forme classique, mais sans atypie. L’aspect des cellules est plus « monotone » et contribue à la perte de l’architecture storiforme. De rares cellules de Touton peuvent être présentes. L’extension hypodermique est possible mais pas constante, principalement le long des cloisons. L’activité mitotique est plus élevée (environ 10 mitoses pour 10 champs à fort grossissement). On peut observer des plages de nécrose dans 12% des cas (34). Le diagnostic différentiel peut se poser avec un sarcome à cellules fusiformes.
Les HCF cellulaires récidivent localement dans 10% des cas. Les facteurs prédictifs des récidives locales sont la taille supérieure à 1cm et la positivité des berges lors de l’exérèse initiale (32).
La forme anévrysmale est rare (1,7% (32)) et touche de préférence les femmes (9). En clinique, ces lésions sont polypoïdes, kystisées, bleutées ou pigmentées. Elles peuvent augmenter de taille brutalement, avoir des remaniements hémorragiques ou devenir douloureuses, conduisant à une suspicion de lésion maligne (35). En microscopie, on observe de larges cavités sanguines, sans bordure épithéliale, remplies d’hématies et dissociant des zones hypercellulaires à cellules fusiformes sans atypie. Ces aspects sont associés à des dépôts d’hémosidérine et à la présence de cellules géantes multinucléées et de cellules spumeuses. L’activité mitotique peut atteindre 5 mitoses pour 10 champs à fort grossissement. Le profil moléculaire de cette variante histologique sera développé dans 3.1.5 Profil moléculaire des HCF.
Le diagnostic différentiel est l’angiosarcome.
Les taux de récidives décrits dans la littérature scientifique varient de 10 à 20%.
La forme atypique / pseudosarcomateuse / HCF avec des « cellules monstrueuses » atteint les femmes de 20-40 ans surtout au niveau des jambes et représente 7,6% des HCF (9). La lésion est souvent de grande taille, polypoïde, mal limitée et ayant une extension hypodermique. Les HCF atypiques ont la même répartition topographique que la variante classique. En dermatos-copie, ces lésions ont une vascularisation accrue par rapport à la présentation habituelle des HCF. Ces aspects dermatoscopiques atypiques font évoquer d’autres diagnostics différentiels (carcinome basocellulaire, mélanome, naevus de Spitz) et peuvent parfois complexifier la démarche diagnostique (12). En histologie, les cellules sont pléomorphes, « monstrueuses ». On observe des plages de nécrose. Des mitoses atypiques sont possibles. Mais la lésion conserve des foyers d’HCF plus caractéristique, avec des noyaux réguliers, permettant d’orienter le diagnostic.
La difficulté diagnostique peut se poser avec un fibroxanthome atypique (FXA). La clinique reste une aide. En effet, le FXA atteint préférentiellement des personnes âgées sur peau insolée.
La lésion est souvent ulcérée.

Profil moléculaire des HCF

La présence d’anomalies génétiques communes dans les HCF confirment leur nature tumorale. Mises en évidence récemment par la FISH, le RNA-séquençage et le RT-PCR, des fusions impliquant des gènes de protéines kinases C (PRKCB et PRKCD) sont détectées dans 15 à 25% des lésions, indépendamment de la morphologie. Les protéines kinases C, phosphorylent d’autres protéines, et de ce fait sont impliquées dans différentes fonctions physiologiques de la cellule telles que les phénomènes d’apoptose, l’activation des plaquettes, la conformation de l’actine dans le cytosquelette, la modulation de l’activité des canaux ioniques, la sécrétion et la prolifération cellulaire. Trois partenaires de fusion ont été identifiés à ce jour : PDPN, CD63 et LAMTOR1. Il en résulte des protéines de fusion chimériques membranaires ectopiques avec une hyperactivation du domaine catalytique de la protéine kinase C (36,37).
Une étude décrit dans la variante anévrysmale, la translocation t(3;11)(p21;q13) à l’origine de deux gènes de fusion NUMA1-SFMBT1 et PRKCD-LAMTOR1. Le NUMA1 joue un rôle dans l’organisation des microtubules et dans la division mitotique. Le SFMBT1 intervient dans le processus transcriptionnel. Cette translocation soutient l’hypothèse de la nature tumorale des HCF (38).
L’HCF épithélioïde (histiocytome fibreux épithélioïde), considéré comme une entité distincte de l’HCF conventionnel, présente des réarrangements du gène ALK dans 88% des cas. Cette lésion a été développée dans la paragraphe 3.1.4 Variantes histologiques (32,33).

Prise en charge

L’HCF est une lésion bénigne, ne nécessitant pas de prise en charge thérapeutique en dehors de considérations esthétiques, d’une lésion symptomatique ou de doute diagnostique. Le traitement est le plus souvent l’exérèse chirurgicale, mais on peut également proposer un traite-ment par cryothérapie, par laser de remodelage dermique ou par laser fractionné CO2, ou encore par injection locale de corticoïdes. Les principales limitations de ces techniques alternatives à la chirurgie sont: une disparition incomplète de la lésion, un risque accru de récidive locale ainsi que l’existence de certains effets secondaires spécifiques (remaniements cicatriciels, atrophie cutanée, hypo ou hyperpigmentation) (39).
Les variantes histologiques à risque nécessitent une reprise d’exérèse et une surveillance.

Pronostic

L’HCF classique ne récidive pas après une exérèse chirurgicale complète, alors que si l’exérèse est incomplète, le taux de récidive locale est inférieur à 2% (7).
Les HCF cellulaires, anévrysmaux et atypiques présentent un risque majoré de récidive locale (20% des cas). Les lésions à risque récidivent précocement, ce qui doit alarmer le clinicien.
Les métastases sont exceptionnelles et ont été décrites au niveau des poumons (34), des ganglions lymphatiques, des tissus mous et dans le foie, pouvant conduire au décès du patient. L’aspect histologique des métastases est identique à la lésion primitive, bien que les atypies puissent devenir plus ou moins marquées. L’intervalle médian entre l’apparition des lésions secondaires et le diagnostic est de 7 ans (7).

Les diagnostics différentiels histologiques d’histiocytofibrome

Les difficultés diagnostiques histopathologiques se rencontrent surtout en cas d’extension hypodermique et devant des formes morphologiques inhabituelles. Les diagnostics différentiels sont principalement constitués de néoplasies conjonctives cutanées à cellules fusiformes.

Le dermato fibrosarcome protuberans (Darier et Ferrand)

Le diagnostic différentiel principal, et le plus grave, est le dermato fibrosarcome de Darier et Ferrand (dermato fibrosarcome protuberans). Il survient également chez l’adulte jeune mais plutôt au niveau du tronc. Le dermato fibrosarcome protuberans (DFSP) se caractérise par une prolifération de cellules fusiformes monomorphes d’architecture storiforme. Les cellules plu-rinucléées sont exceptionnelles. Contrairement à l’HCF, il n’y a pas de sidérophages ou de cellules xanthomisées Il n’y a pas d’hyperplasie épidermique pigmentée en regard et de trous-seaux de collagène hyalin en périphérie lésionnelle comme dans l’HCF. L’extension hypoder-mique du DFS est caractéristique et se fait en disséquant les lobules adipocytaires, en isolant des adipocytes (« aspect en nid d’abeilles ») et s’étendant le long des septa fibreux.
L’immunohistochimie peut être une aide afin de distinguer cette lésion de l’HCF (elle sera discutée dans le paragraphe 3.3 Aide de l’immunohistochimie pour le diagnostic des HCF ). Le DFS présente une translocation t (17 : 22) (q22:q13) avec pour transcrit de fusion corres-pondant la protéine PDGFβ-COL1A1. Une technique par RNAseq, RT-PCR ou FISH peut ainsi permettre d’assoir le diagnostic en cas de doute diagnostique. Cependant les techniques de RNAseq et de RT-PCR sont onéreuses. La FISH n’est pas réalisée dans tous les services d’anatomopathologie et cette technique n’est positive que dans 91% des cas (40).

Autres diagnostics différentiels

Par argument de fréquence, ce sont souvent les remaniements cicatriciels tels que la chéloïde ou la cicatrice hyperplasique qui posent un problème de diagnostic différentiel. Les annexes cutanées dans les remaniements cicatriciels sont refoulées en périphérie. Le réseau élastique est interrompu. On recherchera l’aspect caractéristique de fibres collageniques hyalinisées, iso-lées et « entrapées » de l’HCF.
Il peut également être évoqué l’éventualité d’un mélanome régressif ou d’un mélanome des-moplastique. La lésion est alors massive, asymétrique et très infiltrante. Elle détruit les annexes et a un fort tropisme nerveux. En IHC, Sox10 est positif.
La tumeur fibrohistiocytaire plexiforme atteint les adultes jeunes surtout au niveau des membres supérieurs. Cette lésion est de localisation dermo-hypodermique avec une extension musculaire possible. Elle est d’architecture nodulaire, faite de 3 types de cellules : histiocy-taires arrondies, fibroblastiques fusiformes et de cellules géantes plurinucléées. Les cellules expriment CD68, CD10, AML et NKIC3.
La fasciite nodulaire est caractérisée par une prolifération rapide. Elle touche les adultes jeunes et se localise principalement au niveau des membres supérieurs. Elle est souvent de localisation hypodermique, parfois même aponévrotique ou musculaire. La lésion est bien limitée, faite de faisceaux cellulaires myofibroblastiques. On observe des zones plus myxoïdes et hypocellu-laires au centre. On peut observer des cellules multinucléées d’allure ostéoclastique isolées. L’activité mitotique peut être élevée mais sans atypie. Les cellules lésionnelles expriment AML et HMGA-2. La FISH met en évidence un réarrangement du gène USP6.
Dans le neurofibrome, la prolifération tumorale est isolée, diffuse ou plexiforme. Elle se pré-sente en faisceaux entrecroisés, composés de cellules fusiformes aux noyaux ondulés mêlées à des bandes de collagène et à des plages de matériel mucoïde. La positivité à l’immunohisto-chimie du Sox10, du CD34, du NF et d’EMA permet également de le distinguer de l’HCF.
La tumeur fibreuse solitaire peut être de localisation dermique. Sans « pattern » architectural, elle associe des zones hyper et hypocellulaires séparées par des bandes collagéniques hyalini-sées. La vascularisation est hémangiopéricitaire. Les cellules lésionnelles expriment Stat6 nu-cléaire et CD34.
Comme le HCF, le léiomyome siège de préférence au niveau des membres mais le nodule est sensible à la palpation. La lésion est dermique pouvant s’étendre dans l’hypoderme. Elle est plus ou moins bien limitée, faite de faisceaux entrelacés de cellules fusiformes. L’immunohis-tochimie est une aide au diagnostic puisque la lésion exprime les marqueurs musculaires lisses (H-caldesmone, desmine).
Un des diagnostics le plus difficiles se pose avec le fibroxanthome atypique dans le cas d’HCF atypique. Il n’existe pas d’IHC spécifique et la clinique joue un rôle essentiel. Le FXA touche surtout les patients âgés sur une peau avec des dommages actiniques (région céphalique).
L’épiderme est souvent ulcéré en regard de la lésion. Il est également important de connaître les antécédents du patient afin d’éliminer une métastase cutanée.
La variante xanthomisée de l’HCF peut être difficile à distinguer du xanthogranulome juvénile. Il survient surtout chez les jeunes enfants et au niveau de la région cervico-faciale. La présence de polynucléaires éosinophiles, l’absence d’architecture storiforme et une bonne limitation lé-sionnelle sont des arguments en faveur du xanthogranulome juvénile.

Aide de l’immunohistochimie pour le diagnostic des histiocytofibromes

Profil immunohistochimique des HCF

Le diagnostic histologique des formes classiques des HCF est souvent facile et ne nécessite pas d’aide immunohistochimique. L’immunohistochimie (IHC) devient intéressante dans les formes histopathologiques rares ou lors de l’extension hypodermique des HCF afin de le dif-férencier du dermatofibrosarcome de Darier et Ferrand (DFSP). Cependant il n’existe pas d’an-ticorps spécifique des HCF.
Les HCF expriment le facteur XIIIa, marqueur des dendrocytes dermiques mais qui est éga-lement positif dans les cicatrices, les angiokératomes acraux et les fibroxanthomes atypiques (2). Le facteur XIIIa n’est jamais utilisé en routine diagnostique d’HCF.
L’anticorps CD34 est souvent utilisé afin de distinguer l’HCF du DFS. L’HCF a une expression prédominante dans les zones périphériques, contrairement au DFS qui a une expression intense et homogène dans 80% des cas. Cependant 25% des HCF ont une expression du CD34 diffuse et intense (41). L’utilisation de cet anticorps reste donc seulement une aide au diagnostic.
CD68 et CD163 sont exprimés dans la population d’accompagnement histiocytaire des cellules lésionnelles.
On observe une expression fréquente du CD10 (42).
AML et desmine sont exprimées lorsque les cellules sont fusiformes, en différenciation myo-fibroblastique (43).
Apolipoproteine D (44) et nestine (45) sont exprimées dans les DFS, et pas dans les HCF.
Stromelysine-3 est exprimée dans les HCF et pas dans les DFS (46).
L’activité mitotique évaluée par phosphohistone-H3 et Ki67 est plus élevée dans les HCF, quel que soit le sous-type histologique, comparativement aux DFSPs (moins de 1 mitose par champ à fort grossissement, sauf en cas de transformation sarcomateuse). Dans les HCF, cette activité mitotique est plus concentrée en périphérie lésionnelle (47).
A notre connaissance, aucune étude n’a permis à ce jour de mettre en évidence un anticorps d’une spécificité suffisante pour distinguer l’HCF du DFSP.

Immunomarquage de la cathepsine K

Faisant partie du groupe des cathepsines, cathepsine K (catK) est une protéase. Elle possède des propriétés de lyse collagénique et élastosique, impliquées dans le renouvellement de la matrice extracellulaire. CatK joue aussi un rôle essentiel dans la résorption osseuse ostéoclas-tique et dans l’homéostasie de la matrice extracellulaire des poumons. Peu étudiée dans la peau, elle pourrait jouer un rôle important dans l’homéostasie de la matrice extracellulaire dermique et dans l’équilibre dynamique entre la synthèse de la matrice et la dégradation protéique, évitant ainsi la formation des cicatrices hypertrophiques.
On observe une expression immunohistochimique de cette cathepsine dans la peau lors de re-maniements cicatriciels récents, puis cette expression s’estompe avec le temps et disparait dans un délai de trois ans. Les cicatrices chéloïdes expriment également catK. Cette expression semble aussi liée à la densité cellulaire élevée. CatK est positive en IHC dans le stroma des carcinomes basocellulaires et des carcinomes épidermoïdes. Elle n’est pas exprimée dans les fibroblastes normaux de la peau saine (48).
L’expression de catK a été étudié sur une petite cohorte (34 cas de HCF et 18 cas de DFS) dans l’étude de Yan et al (46), elle était positive dans tous les HCF (34/34) et négative dans tous les cas DFS (0/18).

Immunomarquage de l’HMGA-2

HMGA-2 (Human high Mobility Group A) est un gène qui code pour une protéine qui modifie la structure chromatinienne et régule la transcription de plusieurs gènes, impliqués dans la dif-férenciation cellulaire et dans l’oncogenèse. La famille des protéines HMG inclue également HMGA1a, HMGA1b, HMGA1c. Le gène HMGA-2 est situé sur la bande chromosomique 12q14.3. La protéine HMGA-2 est fortement exprimée durant le développement embryonnaire et elle est très faiblement exprimée à l’âge adulte. La surexpression d’HMGA-2 a été démontrée dans les néoplasies malignes pulmonaires et pancréatiques, dans des carcinomes épider-moïdes de la sphère ORL et dans les néoplasies mammaires. Cette surexpression a été mise en évidence par RT-PCR et par étude immunohistochimique. Elle est souvent corrélée à un mau-vais pronostic et à la présence de métastases. Le gène HMGA-2 joue également un rôle dans le développement et la différenciation des tissus mous. La protéine HMGA-2 est donc surex-primée dans les néoplasies mésenchymateuses comme les tumeurs adipocytaires (lipome con-ventionnel, liposarcome bien différencié et dédifférencié), le sarcome épithélioide, le syno-vialosarcome, le rhabdomyosarcome embryonnaire et le myxofibrosarcome. Cette protéine est également exprimée par des nombreuses tumeurs à cellules fusiformes comme la fasciite no-dulaire, le schwannome, le myofibrome et le léiomyome.
Deux hypothèses s’affrontent. Cette surexpression pourrait être la cause de la prolifération cel-lulaire ou au contraire, sa conséquence. La surexpression serait induite par la prolifération cel-lulaire et certains facteurs de croissance. Dans quelques lésions comme les léiomyomes (49) et les angiomyxomes (50), il a été identifié des réarrangements au niveau du gène HMGA-2.
Des études récentes ont analysé également l’expression de l’anticorps HMGA-1 et/ou de l’HMGA-2 sur des petites cohortes (51,52). Dans l’étude de Li N et al., 96% des HCF expri-maient HMGA-2 (21/22) et 7% des DFSP (1/14). L’expression immunohistochimique d’HMGA-2 dans les HCF était intense et diffuse, alors qu’elle était faible et hétérogène dans les DFSP. Dans l’étude de Dreux et al., 88% des HCF exprimaient HMGA-2 (15/17) et aucun des DFSP (0/10).

Recueil des données cliniques et histopathologiques des histiocytofibromes et des diagnostics différentiels

Les données cliniques furent extraites rétrospectivement à partir d’une base de données institu-tionnelle comportant le compte rendu anatomopathologique anonymisé de chaque patient avec le sexe, l’âge au moment du diagnostic, les renseignements cliniques fournis, la localisation lésionnelle et le diagnostic retenu.
L’étude immunohistochimique par catK a été réalisée sur la moitié des HCF de la cohorte et HMGA-2 sur l’autre moitié.
Les deux techniques immunohistochimiques (HMGA-2 et catK) ont été réalisées sur la cohorte des DFSP.
L’évaluation des résultats de l’immunohistochimie et la confirmation du résultat initial ont été réalisés en double lecture pour l’ensemble des HCF et des DFSP.

Etude immunohistochimique par la cathepsine K

La technique d’IHC a été réalisée sur l’appareil VENTANA-Benchmark-XT ou ULTRA. L’an-ticorps primaire était un anticorps monoclonal de souris de laboratoire ABCAM (Référence ab37259). La dilution était de 1/2000 (Annexe 1). Le témoin de positivité cytoplasmique in-terne était la gaine pilaire. L’intensité du témoin positif sur lame était considérée comme un marquage d’intensité de référence.
Une échelle de positivé de la cathepsine K était convenue selon les critères suivants :
– score 0 ou négatif (aucune des cellules tumorales ne présente de positivité cytoplas-mique).
– score 1 ou intensité faible (l’intensité d’expression cytoplasmique des cellules tumo-rales est plus faible que l’intensité du marquage du témoin interne).
– score 2 ou intensité forte (l’intensité d’expression cytoplasmique des cellules tumorales est identique à celle du témoin interne).
Photos : Intensité d’expression faible (à gauche) et forte (à droite) de CatK. L’expression forte est identique au témoin interne (la gaine pilaire).

Etude immunohistochimique par l’HMGA-2

La technique d’IHC était réalisée sur le même appareil que la précédente. L’anticorps primaire était un anticorps polyclonal de lapin de BIOCHECK laboratoire (South San Francisco, Référence 59170AP) et était utilisé à une dilution de 1/1000 (Annexe 2). Un témoin de la positivé nucléaire de l’anticorps était présent sur chaque lame examinée.
Une échelle de positivé d’HMGA-2 était convenue selon les critères suivants :
– score 0 ou étendue du marquage négative (aucun noyau des cellules tumorales n’est positif).
– score 1 ou étendue du marquage discrète (moins de 25% des noyaux tumoraux positifs par champ à fort grossissement).
– score 2 ou étendue du marquage faible (positivité nucléaire tumorale entre 25% et moins de 50%).
– score 3 ou étendue du marquage modérée (positivité nucléaire tumorale entre 50% et moins de 75%).
– score 4 ou étendue du marquage forte (positivité nucléaire tumorale entre 75% et 100%).
Pour chaque score tumoral de l’échantillon analysé, l’intensité du marquage était précisée :
faible ou forte. L’intensité du témoin positif sur lame était considérée comme un marquage fort.

Obligations légales du recueil de données et des ressources biologiques

Avant de commencer ce travail, un résumé du protocole de l’étude a été transmis au Portail d’Accès aux Données de Santé de l’AP-HM afin de nous guider dans nos démarches selon les règles définies par la Commission d’Accès aux Données de Santé du CHU. Cette étude est inscrite au registre RGPD/AP-HM sous le numéro : 2019-38. On peut donc considérer l’utilisation de ces données comme en règle de déclaration vis-à-vis du Règlement Général sur la Protection des Données.

Analyses statistiques

Les caractéristiques des patients et des tumeurs ont été résumées selon leurs médianes avec  l’écart interquartile (IQR) correspondant pour les variables quantitatives, ou leurs nombres et leurs fréquences pour les variables qualitatives. Un test du X2 a été réalisée pour évaluer l’association entre le diagnostic de la tumeur (HCF Vs DFSP) et les caractéristiques suivantes de l’IHC : l’intensité d’expression de catK, positivité immunohistochimique de catK, l’étendue du marquage immunohistochimique d’HMGA-2, l’intensité d’expression d’HMGA-2 et positivité immunohistochimique d’HMGA-2. Lorsque les conditions d’application du X2 n’étaient pas remplies, il a été réalisé un test exact de Fisher.
Les performances de l’IHC, selon l’intensité d’expression et le pourcentage des cellules positives (étendue du marquage), ont était estimées selon la spécificité (Sp), sensibilité (Se), valeur prédictive positives (VPP) et valeur prédictive négative (VPN). Différentes stratégies diagnostiques comportant une ou plusieurs caractéristiques IHC ont été évaluées. L’objectif étant de rechercher le meilleur compromis entre la Sp et la Se, en privilégiant la Sp.
Enfin, pour évaluer le biais diagnostique associé à la possibilité de dégradation antigénique liée au vieillissement des blocs, l’association entre l’âge des blocs et l’intensité/pourcentage d’expression d’HMGA-2 et de catK a été estimée par régression linéaire.
Pour tous les tests statistiques, un p< 0,05 était considéré comme significatif.
Toutes les analyses ont été réalisées sur le logiciel RStudio : Integrated development environ-ment for R (Version 1.2.5001), RStudio, Boston, MA.

Etude immunohistochimique par cathepsine K

L’étude immunohistochimique par la cathepsine K a été réalisée sur 70 HCF. 100% des HCF étaient positifs dont 60% avaient une forte expression immunohistochimique (identique à celle du témoin interne).
L’Annexe 4 résume les caractéristiques de la cohorte de catK dans les HCF.
96% des DFSP étaient positifs pour catK, dont seulement 11% avaient une forte expression immunohistochimique (identique à celle du témoin interne).
Le Tableau 4 résume les résultats d’IHC de catK dans la cohorte des HCF et des DFSP si on considère seule une intensité d’expression forte comme positive.

Etude immunohistochimique par l’HMGA-2

L’étude immunohistochimique par HMGA-2 a été réalisée sur 69 cas.
51% des HCF étaient positifs. Une expression tumorale diffuse et étendue était observée dans 16% des lésions (étendue de marquage forte). L’intensité d’expression forte (identique à celle du témoin) était observée dans 20% des cas.
L’Annexe 5 résume les caractéristiques de la cohorte d’IHC d’HMGA-2 des HCF.
25% des DFSP étaient positifs. Dans 11% des lésions, presque toutes les cellules lésionnelles étaient marquées (étendue de marquage forte). L’intensité d’expression forte (identique à celle du témoin) était observée dans seulement 4% des cas.

Age des blocs

Au moment de l’étude en 2019, les blocs d’inclusion en paraffine les plus anciens étaient âgés de 6 ans (2013) après la chirurgie initiale. Pour prendre en compte la dégradation antigénique liée au vieillissement des blocs, la positivité du signal a été analysée en tenant compte de la date à laquelle le prélèvement a été reçu dans le laboratoire d’anatomopathologie. Aucune différence statistique significative pour les anticorps analysés n’a été mise en évidence (p=0,9 pour l’expression IHC de catK, p=0,2 pour HMGA-2).
L’analyse sur des lames entières n’a pas mis en évidence un phénomène de zone au niveau de l’immunomarquage quel que soit l’anticorps utilisé.

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Table des matières

1. LISTE DES ABREVIATIONS
2. RESUME
3. INTRODUCTION
3.1. Caractéristiques générales des histiocytofibromes
3.1.1. Définition et épidémiologie
3.1.2. Caractéristiques cliniques
3.1.3. Caractéristiques microscopiques
3.1.4. Variantes histologiques
3.1.5. Profil moléculaire des HCF
3.1.6. Prise en charge
3.1.7. Pronostic
3.2. Les diagnostics différentiels histologiques d’histiocytofibrome
3.2.1. Le dermato fibrosarcome protuberans (Darier et Ferrand)
3.2.2. Autres diagnostics différentiels
3.3. Aide de l’immunohistochimie pour le diagnostic des histiocytofibromes
3.3.1. Profil immunohistochimique des HCF
3.3.2. Immunomarquage de la cathepsine K
3.3.3. Immunomarquage de l’HMGA-2
3.4. Objectifs
4. MATERIEL ET METHODES
4.1. Critères de sélection
4.2. Recueil des données cliniques et histopathologiques des histiocytofibromes et des diagnostics différentiels
4.3. Etude immunohistochimique par la cathepsine K
4.4. Etude immunohistochimique par l’HMGA-2
4.5. Obligations légales du recueil de données et des ressources biologiques
4.6. Analyses statistiques
5. RESULTATS
5.1. Données cliniques
5.2. Etude immunohistochimique par cathepsine K
5.3. Etude immunohistochimique par l’HMGA-2
5.4. Caractérisation immunohistochimique par sous-type histologique des HCF
5.5. Analyse des résultats
5.5.1. Association entre diagnostique différentiel et immunohistochimie
5.5.2. Performances
5.6. Age des blocs
6. DISCUSSION
7. CONCLUSION
8. BIBLIOGRAPHIE

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