Dans la littérature du traitement d’image, l’estimation du mouvement est le plus souvent réalisée en utilisant la contrainte du flot optique [24], qui suppose le transport des niveaux de gris par le champ de mouvement. Le problème de l’estimation du mouvement, sous cette unique contrainte, est qu’il est un problème mal posé au sens d’Hadamard [17]. Cette contrainte aboutit en effet à un système d’équations sous déterminé, qui se traduit par le problème d’ouverture. Il est donc indispensable, pour obtenir une solution unique, d’ajouter à l’équation du flot optique des contraintes supplémentaires. Des méthodes de régularisation, connues sous le nom de régularisation de Tikhonov [44], ont été proposées : dans [24] la norme du gradient spatial du champ de mouvement est minimisée, dans [26] c’est l’intégrale de la norme de la divergence et du rotationnel du champ de mouvement qui est minimisée. D’autres références de la littérature s’intéressent aux dérivées de la divergence et du rotationnel.
Nous nous intéressons plus particulièrement dans cette thèse à l’estimation du mouvement à partir d’images satellite d’écoulements géophysiques. Dans ce cadre, les méthodes variationnelles d’assimilation de données ont récemment émergées. L’assimilation de données [3, 30] consiste à trouver un compromis entre un modèle et des observations. Dans notre cas, le modèle est un modèle d’évolution du mouvement et des images issu d’heuristiques, et les observations sont les images satellite. L’utilisation de modèles dynamiques, basés sur des connaissances a priori du mouvement, telles que les lois physiques d’un écoulement, permet d’imposer une cohérence temporelle à la solution calculée [2, 22, 45]. De plus, ces modèles étant issus de lois physiques, la contrainte ajoutée au flot optique est moins arbitraire que de nombreuses régularisations de Tikhonov.
Les principales limitations des méthodes d’assimilation d’images sont le temps de calcul et la mémoire nécessaires à leur mise en oeuvre. En effet, ceux-ci sont proportionnels à la taille des images multipliée par la durée de l’intervalle temporel de la séquence. Dans le cas d’images satellite, cette taille peut être très importante : de l’ordre de 10⁶ pixels pour une acquisition océanographique sur le bassin de la mer Noire. Ceci limite fortement la mise en œuvre pratique des algorithmes d’assimilation d’images. Afin de contourner ces problèmes, on se propose d’utiliser une technique dite de réduction. La réduction de modèle constitue l’objectif central de cette thèse, afin de limiter le temps de calcul et la mémoire nécessaires à l’estimation du mouvement.
Des modèles réduits, obtenus par projection de Galerkin sur les sous-espaces obtenus par décomposition orthogonale propre, ont été utilisés par D’Adamo et Papadakis [10, 34] pour estimer la dynamique, à partir de champs de mouvement acquis par « Particle Image Velocimetry » [36]. La décomposition orthogonale propre permet d’obtenir des sous-espaces de très faible dimension (en général inférieure à 10) : le temps de calcul et la mémoire nécessaires à la mise en œuvre des algorithmes d’assimilation est ainsi fortement réduit. Ce type de réduction de la dynamique, combiné aux techniques d’assimilation, peut permettre d’obtenir une solution cohérente avec un temps de calcul et une taille mémoire tout à fait raisonnable. Dans la suite du document, on nommera « modèle complet » le modèle issu d’heuristiques et « modèle réduit » la projection de Galerkin du modèle complet sur des sous-espaces du mouvement et des images.
Assimilation d’images pour l’estimation du mouvement
On décrit dans ce chapitre les grands principes et le cadre méthodologique utilisé dans cette thèse pour estimer le mouvement w(x, t) à partir d’une séquence d’images discrète I = {Iz}z = {I(x, tz)}z. Comme décrit dans l’introduction, les méthodes d’assimilation de données ont récemment émergées [2, 22, 45] pour l’estimation du mouvement fluide. C’est sur cette approche que repose le contenu de cette thèse. Puisque les problèmes de traitement d’image sont souvent mal posés, c’est le cas de l’estimation du mouvement, l’assimilation de données permet d’ajouter des contraintes supplémentaires au système à résoudre afin d’aboutir à une solution unique. Dans cette thèse, les contraintes concernent l’évolution temporelle des données, qui est prise en compte à travers un système d’évolution issu d’heuristiques.
L’assimilation de données regroupe un ensemble de méthodes et d’algorithmes qui ont pour but de faire un compromis entre un modèle et des observations. Certaines, comme le filtre de Kalman [27] et le filtre de Kalman-Bucy [28], sont séquentielles. D’autres types de méthodes sont variationnelles [13], par exemple les méthodes dites 4D-Var. Ces dernières incorporent des observations pour ajuster l’état du système sur un intervalle temporel plutôt que de corriger cet état à chaque date d’observation. L’avantage qui en résulte est de calculer une solution cohérente sur l’ensemble de l’intervalle plutôt que d’introduire des discontinuités en corrigeant ponctuellement l’état à chaque date où des observations sont disponibles. Dans la suite du document, afin d’estimer le mouvement à partir d’une séquence d’images, nous utilisons des méthodes variationelles, et particulièrement l’algorithme « 4DVar » [30]. Un système d’assimilation variationnelle est composé de trois équations :
– une équation d’évolution, qui décrit l’évolution du vecteur d’état en utilisant un opérateur nommé « modèle d’évolution »,
– une équation d’observation, qui lie le vecteur d’état aux observations au moyen d’un « opérateur d’observation »,
– et enfin une équation d’ébauche sur la condition initiale, qui traduit les heuristiques dont on dispose sur cette condition initiale.
Comme on peut le constater, l’estimation du mouvement par assimilation d’images permet d’obtenir de bons résultats. Les avantages de ces algorithmes sont discutés dans .
Ces méthodes souffrent cependant d’inconvénients majeurs : le temps de calcul et la mémoire nécessaires à leur mise en œuvre sont proportionnels à la taille des images multipliée par la durée de l’intervalle temporel. Dans le cas d’images satellite SST pour le bassin de la mer Noire, par exemple, l’ordre de grandeur est de 10⁶ pixels, ce qui rend très difficile l’estimation du mouvement par assimilation de données. Un moyen de contourner ces inconvénients est d’appliquer une technique de réduction du modèle. La dynamique est projetée sur un sous-espace de dimension très inférieure à la taille de l’espace image. Cela permet d’assimiler les images en un temps de calcul beaucoup plus raisonnable et en utilisant beaucoup moins de mémoire.
Apprentissage de base par décomposition orthogonale propre
L’estimation du mouvement w(x, t), à partir d’une séquence d’images I(x, t), par des algorithmes d’assimilation de données a fait l’objet d’un important effort de recherche ces dernières années [2, 6, 45]. Ces méthodes, que nous avons brièvement présentées dans le chapitre 1, ont pour principales limitations le temps de calcul et la mémoire nécessaire à leur utilisation. La complexité de ces algorithmes est proportionelle à la taille des images multipliée par la durée de la fenêtre temporelle. Un moyen de contourner ces difficultés d’utilisation est d’utiliser une technique dite de réduction : la projection du modèle complet M sur un sous-espace de faible dimension permet de réduire considérablement le temps de calcul et la mémoire nécessaire. Le sous-espace de projection peut être, par exemple, obtenu par décomposition orthogonale (« Proper Orthogonal decomposition » ou POD). Également connue sous le nom d’Analyse en Composantes Principales (ACP) ou décomposition de Karhunen-Loève [31], cette technique a été en premier lieu introduite pour la mécanique des fluides par Lumley [32]. Elle a depuis été largement utilisée pour approximer la description de divers écoulements [11, 23, 37, 38]. Un modèle réduit, obtenu par projection de Galerkin, a ainsi été utilisé par D’Adamo et Papadakis dans [10, 35] pour estimer la dynamique réduite d’un écoulement, par assimilation de données, à partir d’observations du champ de mouvement acquises par « Particle Image Velocimetry » [36]. Ce modèle dynamique réduit décrit l’évolution temporelle des cœfficients de projection ai(t) du mouvement w(x, t) sur une base Φ = {φi(x)} i=1…K afin d’approximer l’évolution temporelle du champ de vitesse w(x, t).
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Table des matières
Introduction
1 Assimilation d’images pour l’estimation du mouvement
1.1 Introduction
1.2 Système d’assimilation
1.3 Modèle d’advection du mouvement et des images
1.4 Résultats d’assimilation
1.5 Projection de Galerkin d’un modèle dynamique
1.6 Conclusion
2 Apprentissage de base par décomposition orthogonale propre
2.1 Introduction
2.2 Projection de Galerkin du modèle d’advection image
2.2.1 Rappel des équations
2.2.2 Projection des équations
2.3 Bases réduites obtenues par décomposition orthogonale propre
2.3.1 Simulation du modèle complet
2.3.2 Décomposition orthogonale propre
2.3.3 Analyse des projections sur les bases Φ et Ψ
2.4 Simulation du modèle réduit
2.4.1 Simulation du modèle réduit
2.4.2 Résultats
2.5 Assimilation dans le modèle réduit
2.5.1 Système d’assimilation
2.5.2 Expérience jumelle d’assimilation
2.6 Conclusions
3 Réduction du modèle de mouvement à divergence nulle
3.1 Introduction
3.2 Modèle complet d’advection image à divergence nulle
3.2.1 État du modèle
3.2.2 Dynamique du modèle
3.2.3 Calcul de w en fonction de ξ
3.2.4 Calcul de ϕ
3.3 Projection de Galerkin pour l’obtention du modèle réduit
3.4 Simulation
3.4.1 Simulation du modèle complet
3.4.2 Simulation du modèle réduit
3.4.3 Conclusions
3.5 Assimilation dans le modèle réduit
3.5.1 Conclusions
3.6 Expérience à fenêtre glissante
3.6.1 Introduction
3.6.2 Description de l’expérience
3.6.3 Expérience jumelle par fenêtre glissante
3.6.4 Remarques et conclusions
3.7 Comparaison avec l’état de l’art
3.8 Conclusions
4 Projection du modèle à divergence nulle sur une base de fonctions sinus
4.1 Introduction
4.2 Rappels du formalisme
4.3 Espace réduit – Base de fonctions sinus
4.4 Simulation
4.4.1 Simulation modèle complet
4.4.2 Simulation modèle réduit
4.4.3 Conclusions
4.5 Expérience jumelle d’assimilation
4.5.1 Assimilation dans le modèle réduit MR-AIMIDF_sinus-POD
4.5.2 Conclusions .
4.6 Projection de l’équation du mouvement sur base de fonctions sinus
4.6.1 Introduction
4.6.2 Assimilation dans le modèle réduit MR-AIMIDF_sinus
4.6.3 Conclusions
4.7 Comparaison des résultats d’assimilation dans les modèles complet et réduit
4.7.1 Expérience d’assimilation sur des données synthétiques
4.7.2 Assimilation d’images satellite
4.8 Expérience fenêtre glissante
4.8.1 Introduction
4.8.2 Description de l’expérience
4.8.3 Expérience jumelle par fenêtre glissante
Conclusion
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