Les observations satellitaires
Déjà soixante ans d’observation de la Terre par satellite ! Une aventure qui a démarré en 1957 avec Sputnik-1 lancé par l’ancienne Union Soviétique et qui a officiellement ouvert la porte vers la conquête de l’espace. Dès lors, les missions spatiales se sont multipliées en réponse à des programmes de recherche de plus en plus ciblés permettant ainsi d’obtenir des informations précieuses sur les océans, les glaces, les terres émergées et l’atmosphère.
Le premier satellite météorologique lancé avec succès par l’agence spatiale américaine (NASA) le 1er avril 1960 est TIROS-1 (Television InfraRed Observational Satellite). Le lancement ultérieur d’autres satellites a abouti à la création d’un réseau mondial d’observation (Figure 2.1) favorisant un accès plus facile à la donnée météorologique même dans les zones les plus hostiles (e.g, déserts, sommet des montagnes, les pôles) où les stations in-situ sont presque inexistantes.
Les satellites météorologiques fournissent des données en temps réel, enregistrées et archivées en permanence et offrent une couverture globale avec des résolutions (spatiales, spectrales et temporelles) qui ne sont pas atteintes par d’autres systèmes de mesure. La couverture globale des données météorologiques est assurée par des satellites polaires et géostationnaires.
– Généralement, les satellites polaires (ou défilants) observent la Terre à seulement 850 km d’altitude et se caractérisent par une orbite circulaire qui passe par les pôles. Leur couverture spatiale varie selon les instruments et leurs fauchées. Ils permettent une meilleure résolution spatiale et surtout l’observation des régions qui ne sont pas couvertes par les satellites géostationnaires. Les satellites polaires Metop (Meteorological operational satellite) appartiennent au système « Initial Joint Polar Orbiting Operational Satellite System » (IJPS) développé conjointement par l’Europe et les États-Unis (avec la NOAA). EUMETSAT Polar System (EPS) développé par EUMETSAT est la contribution européenne au projet. Les satellites Metop sont essentiellement dédiés à l’observation de l’atmosphère pour la prévision météorologique mais contribuent aussi à la surveillance du climat. Les instruments communs aux satellites européens et américains sont : • HIRS (High-resolution Infrared Radiation Sounder) sondeur infrarouge à 20 canaux pour le sondage atmosphérique de la température, de la vapeur d’eau, de l’ozone et du dioxyde d’azote. HIRS fournit également des données sur les nuages, la température de surface, la composition atmosphérique et la qualité de l’air. Ces données sont utilisées aussi bien en météorologie qu’en océanographie. • AMSU (Advanced Microwave Sounding Unit) sondeur hyperfréquence à 15 canaux opérationnel depuis 1998. Les instruments AMSU sont composés de 2 sous-unités : AMSU-A et AMSU-B. AMSU-A donne les profils de température atmosphérique et AMSU-B fournit des données sur l’humidité. Les données de AMSU-A sont conjointement utilisées avec celles de HIRS (pour les satellites de la NOAA) ou celles de IASI (pour les satellites européens) pour extraire les profils d’humidité et de température atmosphérique depuis la surface de la Terre jusqu’à la haute stratosphère. AMSU-A fournit également des données sur les précipitations, la couverture neigeuse, la glace de mer et l’humidité du sol. Il est divisé en deux modules indépendants : AMSU-A1 qui contient 13 canaux mesurant entre 23.8 GHz et 57.3 GHz et AMSU-A2 avec seulement 2 canaux opérant entre 57.3 GHz et 89.0 GHz. • MHS (Microwave Humidity Sounder) est un sondeur hyperfréquence à 5 canaux conçu pour mesurer l’humidité atmosphérique à différentes altitudes (il peut également fournir des informations sur la température de surface). • AVHRR-3 (Advanced Very High Resolution Radiometer) radiomètre à balayage dédié à la météorologie, la climatologie et le suivi de la végétation. AVHRR se caractérise par une résolution spatiale de 1 km dans l’IR et de 0,5 km dans le visible et par une fauchée de 2940 km. Avec ces 6 canaux mesurant dans le visible et l’IR (Table 2.1), AVHRR est particulièrement adapté à la détection nuageuse puisqu’il donne des images de nuages à l’échelle globale au moins 2 fois par jour. L’instrument est également utilisé pour la détection de la température de surface, des feux de forêts, de l’avancement du désert ou du rétrécissement de la calotte glaciaire et du changement de la végétation. Dans le cadre de ce travail de thèse, l’identification des observations claires ou nuageuses s’est basée sur la détection nuageuse fournie par l’AVHRR. Cette détection nuageuse repose sur une analyse des propriétés des nuages présents dans les observations de IASI.
Les européens ont de leur côté développé d’autres instruments : GOME-2 (Global Ozone Monitoring Experiment-2) un spectromètre à balayage conçu par l’agence spatiale allemande et embarqué à bord de Metop A. Il mesure l’ozone atmosphérique, le dioxyde d’azote et donne la distribution du rayonnement ultraviolet de surface complétant ainsi les données de tous les Metop. GRAS (Global Navigation Satellite System Receiver for Atmospheric Sounding) fournit les profils de température et d’humidité dans la troposphère et la stratosphère en se basant sur la radio-occultation. ASCAT (Advanced SCATterometer) est utile pour la mesure de la vitesse et la direction du vent au-dessus des océans, ainsi que la mesure de l’humidité du sol. IASI (Infrared Atmospheric Sounding Interferometer) est un interféromètre Michelson à IR pour le sondage de la température, de la vapeur d’eau et de l’ozone en conditions de ciel clair .
– Les satellites géostationnaires sont placés à 35.800 km d’altitude au-dessus de l’équateur et observent constamment la même zone à la surface de la Terre. Avec une orbite parfaitement circulaire, leur période de révolution, le taux de rotation de leur plan orbital et leur vitesse angulaire de rotation sont égaux à celui de la Terre. Les satellites géostationnaires Météosat Seconde Génération (MSG) développés par l’agence spatiale européenne (ESA) à la demande de l’organisation météorologique européenne (EUMETSAT) sont placés à l’équateur sur le méridien de Greenwich et couvrent l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient, une grande partie de l’océan Atlantique et l’océan Indien occidental avec des données toutes les 15 minutes visant une utilisation opérationnelle en météorologie. L’instrument le plus connu des MSG est l’imageur SEVIRI (Spinning Enhanced Visible and InfraRed Imager). Avec sa bonne résolution spatiale, sa haute résolution temporelle et sa grande couverture spectrale (12 canaux du visible à l’infrarouge dont un canal visible haute résolution (HRV) – Table 2.2), SEVIRI fournit des données précieuses sur l’atmosphère (surtout sur les masses nuageuses) améliorant considérablement les entrées des modèles de PNT. Il construit une image de la zone couverte chaque 12 minutes et 30 secondes permettant ainsi la détection et l’identification des structures nuageuses, l’observation des aérosols ainsi que le suivi des nuages et de la végétation d’une manière très précise et plus rapide. MSG embarque également le radiomètre visibleinfrarouge GERB (Geostationary Earth Radiation Budget) conçu pour étudier le bilan radiatif de la Terre. Il donne des mesures précises sur le rayonnement réfléchi et/ou émis par la Terre et son atmosphère.
Les satellites géostationnaires surveillent en continu la même zone du globe. La couverture globale est assurée par un ensemble de satellites météorologiques géostationnaires en orbite (Figure 2.2) : Meteosat opéré par EUMETSAT avec MSG 1 situé au-dessus de l’océan Indien, MSG-2 et MSG-3 couvrent l’Europe, tandis que MSG-4 est en stockage en orbite. GOES-EAST et GOES-WEST (GOES pour Geostationary Operational Environmental Satellite) sont des satellites américains positionnés respectivement à 75◦ et 135◦ Ouest et couvrent le Nord et le Sud américain (pour le premier) et la partie Est du Pacifique (pour le second). MTSAT-1R, MTSAT-2 et Himawari sont des satellites japonnais situés respectivement à 140◦ , 145◦ et 140.7◦ Est et fournissent des données sur le Japon, l’Australie et la partie Ouest du Pacifique. Cette partie du globe (Ouest du Pacifique) est également couverte par le satellite sud coréen COMS-1 situé à 128.2◦ Est. S’ajoutent à cette série de satellites, les satellites chinois FY-2E et FY-2G qui sont positionnés respectivement à 86.5◦ et 105◦ Est (et plus récemment FY-4 lancé en 2016 et positionné à 86.5 Est) le et le satellite indien INSAT-3D positionné à 82◦ Est qui couvrent l’océan Indien.
Le transfert radiatif
Généralités
Les satellites captent le rayonnement électromagnétique (REM) réfléchi et/ou émis par la surface de la Terre, des océans et de l’atmosphère dans les domaines du visible (VIS, de 0.38 µm à 0.78 µm), des infrarouges (IR, subdivisé en proche IR « PIR » (0.7 µm < λ < 3 µm), en IR moyen « MIR » (3 µm < λ < 25 µm) et en IR lointain (au-delà de 25 µm)) et des micro-ondes ou hyperfréquences (µO, de 0.1 mm à quelques dizaines de centimètres) .
Les différentes couches atmosphériques filtrent le REM reçu du soleil et de la Terre. De ce fait, l’interprétation des données satellitaires requièrt la connaissance du transfert radiatif. Ce dernier décrit les interactions entre le REM et la matière (e.g, gaz, aérosols et nuages). En fonction des propriétés intrinsèques de la matière, cinq interactions majeures peuvent avoir lieu : (a) émission, (b) absorption, (c) transmission (Figure 2.4), (d) réflexion (Figure 2.8) et/ou (e) diffusion (Figure 2.9) [Bonn and Rochon, 1992].
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Table des matières
1 Introduction
2 Assimilation des radiances satellitaires
2.1 Les observations satellitaires
2.1.1 Introduction
2.1.2 Le transfert radiatif
2.1.3 Les radiances IASI
2.2 L’assimilation des données satellitaires dans les modèles de PNT de Météo-France
2.2.1 Prévision numérique du temps : de la formulation à la pratique
2.2.2 Description des modèles de PNT de Météo-France
2.3 Conclusion
3 Estimation de la Ts depuis l’espace
3.1 Introduction
3.2 Méthodes de restitution de la Ts à partir des radiances satellitaires
3.2.1 Restitution de la Ts avec une émissivité connue
3.2.2 Restitution de la Ts avec une émissivité inconnue
3.3 Vers une meilleure estimation des Ts restituées
3.4 Conclusion
4 Restitution et évaluation des Ts à partir des radiances IASI dans le modèle à aire limitée AROME
4.1 Introduction
4.2 Restitution des Ts à partir des observations IASI
4.2.1 Sélection des canaux IASI sensibles à la surface
4.2.2 Comparaison des Ts restituées à partir de IASI Metop A & B
4.2.3 Comparaison des Ts de l’ébauche et des Ts restituées à partir des radiances IASI, SEVIRI et AVHRR
4.2.4 Extension des comparaisons vers le modèle global ARPEGE
4.3 Sélection du canal IASI le plus approprié à la restitution de la Ts
4.3.1 Comparaison des Ts restituées à partir de IASI et SEVIRI
4.3.2 Comparaison des Ts restituées à partir de IASI et AVHRR
4.4 Étude comparative des Ts restituées à partir de IASI et SEVIRI : cas d’étude sur la Sardaigne
4.5 Conclusion
5 Impact de l’utilisation des Ts restituées sur l’assimilation de IASI dans AROME
5.1 Introduction
5.2 Impact de l’utilisation des Ts restituées à partir du canal IASI 11 sur les processus de simulation des radiances IASI sur terre
5.2.1 Impact sur les simulations des températures de brillance
5.2.2 Impact sur la détection nuageuse
5.3 Vers une amélioration de l’assimilation des radiances IASI sur terre
5.3.1 Impact sur l’assimilation des observations IASI
5.3.2 Impact sur les analyses et les prévisions
5.4 Impact de l’intégration des Ts restituées à partir du canal IASI 11 dans le modèle global ARPEGE
5.5 Conclusion
5.6 Publication associée aux chapitres 4 et 5
6 Conclusion