L’électronique de contrôle des capteurs : exemple du TPMS (Tyre Pressure Monitoring system)
Dans certains cas, l’électronique de contrôle des capteurs peut avoir à fonctionner dans des environnements sévères. Par exemple, le dispositif électronique contrôlant l’acquisition de la température et de la pression dans les pneus d’un avion, nommé TPMS (Tyre Pressure Monitoring System) est exposé à des ambiances thermiques difficiles. Ce dispositif censé avertir le pilote en cas de surchauffe, de surpression ou de crevaison des pneus ainsi que son emplacement sont présentés sur la figure 1-1. Comme le montre la figure 1-1, les jantes des roues de l’avion constituent le seul emplacement où le TPMS peut être installé. A cause de la rotation de celles-ci, le TPMS ne peut être relié au reste de l’appareil que par liaison sans fil. Cette architecture du système impose une contrainte majeure concernant l’alimentation électrique du TPMS : celui-ci doit fonctionner sur batterie ou récupérer l’énergie de son environnement (concept du « Energy Harvesting »). Par ailleurs, les disques de freins d’un avion sont généralement placés à proximité immédiate de la jante (figure 1-2). Lors de l’atterrissage d’un avion, les disques de freins peuvent atteindre jusqu’à 2500°C à 3000°C. Malgré l’isolation thermique placée autour de l’électronique du TPMS, celle-ci subit des températures significativement élevées lors de la phase de freinage. Par exemple, pour l’Airbus A350, cette électronique doit être capable de résister aux profils « hautes températures » présentés sur la figure 1-3. Les divers profils thermiques présentés sur cette figure ainsi que les taux de fréquence associés (dans le cartouche) sont utilisés pour définir les profils de mission pour les équipements électroniques embarqués dans les roues [3]. Ces profils thermiques varient en fonction des conditions dans lesquelles l’atterrissage se produit. L’électronique du TPMS doit être capable de résister à des températures de l’ordre de 160°C ainsi qu’à des variations rapides de températures (jusqu’à 10°C/min). De plus, sur les profils thermiques de la figure 1-3, il est visible que les expositions à haute température se prolongent longtemps après l’atterrissage de l’avion à cause de l’inertie thermique des roues. Par ailleurs, lorsque l’avion est à son altitude de croisière (environ 10 000 mètres) le TPMS est soumis à une température ambiante d’environ -65°C. Cet équipement doit donc être capable de résister à des variations thermiques répétées d’environ 225°C d’amplitude. Sur le plan de la durée de vie, l’exigence du cahier des charges est également forte puisque l’équipement doit pouvoir endurer environ 36 000 cycles (un cycle est constitué d’un décollage, d’une phase de vol et d’un atterrissage). D’un point de vue mécanique, le TPMS doit résister aux « chocs » des roues sur la piste au moment où l’avion touche le sol, aux vibrat ions lorsque l’avion roule ainsi qu’à la force centrifugedue à la rotation des roues.
Théorie d’Irwin
La théorie d’Irwin, établie en 1957, permet de calculer les contraintes mécaniques autour d’une fissure dans le plan à la fois orthogonal au plan de propagation de la fissure et au front de fissure [10], [11]. l désigne la contrainte mécanique à une distance suffisante d’une fissure pour être hors de son champ de perturbation. l est supposée homogène dans le matériau. Comme les fissures de fatigue se propagent dans la plupart des cas perpendiculairement à la contrainte principale maximale [12], le champ de contraintes autour d’une fissure n’est étudié dans ce paragraphe que pour une contrainte l exercée perpendiculairement à la fissure (c’est-à-dire en mode I).
Ruine par fatigue
Il existe une valeur Kc telle que lorsque le facteur d’intensité des contraintes K en pointe d’une fissure dépasse Kc alors la fissure se propage par rupture fragile ou déchirure ductile. Kc est nommé ténacité. Elle est caractéristique du matériau. Lorsqu’un essai de fatigue est piloté en contraintes, une fois que K a dépassé Kc , comme K augmente avec la longueur de la fissure, la fissure devient instable. Une fois Kc atteint, il y a donc rupture. Lorsqu’un essai de fatigue est piloté en déformation et que la déformation est faible, l’avancée d’une fissure par déchirure ductile peut relâcher les contraintes et faire diminuer K. Quelques cycles de fatigue seront alors encore nécessaires pour que K atteigne Kc à nouveau. Dans ce cas, il est possible d’observer juste avant la rupture définitive une alternance entre avancée de la fissure par fatigue et avancée de la fissure par déchirure ductile. Dans la plupart des cas (essais de fatigue pilotés en contraintes et essais de fatigue pilotés en grandes déformations), il existe une demi-longueur critique ac au-delà de laquelle la fissure devient instable.
Influence du fluage ou de la relaxation sur le vieillissement des assemblages électroniques
Bien qu’étant un facteur décisif, la fatigue n’est pas l’unique cause du vieillissement des assemblages électroniques placés en environnements sévères. La plupart du temps, le fluage et la relaxation prennent également part à la réduction de la durée de vie des équipements placés à haute température. Le fluage désigne la déformation progressive d’un matériau au cours du temps lorsque celui ci est soumis à une contrainte constante inférieure à sa limite élastique [21]. A l’inverse, la relaxation consiste en une diminution non instantanée de la contrainte dans un matériau soumis à un allongement constant. Fluage et relaxation sont en réalité pilotés par les mêmes mécanismes physiques. Ces phénomènes peuvent se produire dans les joints d’attache de composants électroniques à chaque cycle thermomécanique qu’ils subissent (en particulier lorsque ces cycles thermomécaniques comportent des paliers à haute et basse température). Or, fluage et relaxation causent des dégâts dans les matériaux d’assemblage. Ainsi, la figure 1-27 montre des exemples d’endommagements créés par le fluage dans une brasure eutectique étain-plomb (brasure traditionnellement utilisée en assemblage électronique mais qui disparait progressivement à cause de problèmes environnementaux liés au plomb).
Brasures habituellement utilisées en électronique haute température
Il est d’usage de considérer comme de l’électronique haute température l’électronique pouvant fonctionner au-delà de 125°C (car c’est la température limite d’utilisation de la brasure eutectique étain-plomb). En électronique haute température, afin de limiter le fluage, des brasures ayant une température de fusion élevée sont généralement privilégiées. Toutefois, selon la température d’utilisation visée ainsi que les propriétés mécaniques et thermiques voulues, le choix de la brasure diffère.
Analyses DSC / TGA couplées de deux pâtes à fritter
La pâte 1 a une viscosité significativement moins élevée que la pâte 2. Cette différence de viscosité est le résultat d’une différence de composition entre les deux pâtes. Or, généralement, plus les solvants sont visqueux plus les pâtes d’argent les contenant sont facilement sérigraphiables mais plus ils sont difficilement éliminés par chauffage. Afin de vérifier cela et de tester la capacité des solvants des pâtes d’argent 1 et 2 à être éliminés par chauffage, des analyses par calorimétrie différentielle à balayage (DSC) et des analyses thermogravimétriques (TGA) couplées ont été menées [2], [3]. Ces analyses ont été effectuées sous air et sous argon afin de déterminer quel rôle joue la combustion des solvants dans leur élimination. Les figures 2-2 et 2-3 montrent les analyses couplées DSC/TGA de la pâte 1 respectivement sous air et sous argon. Sur ces figures, la courbe de DSC est exprimée en µV/mg et non en mW/mg car l’appareil de mesure (Netzsch STA 449) n’avait pas été calibré. Les creusets utilisés étaient en alumine.
Procédé de métallisation
Les substrats en alumine sont métallisés par sérigraphie. Une encre à base d’argent est déposée sur le substrat, séchée à 150°C puis recuite à 850°C. Après cuisson, l’encre forme une couche solide, monolithique et solidaire du substrat. Cette encre argent utilisée pour métalliser les substrats ne doit pas être confondue avec la pâte à fritter à base d’argent utilisée pour fabriquer les joints d’attache des composants. Pour former une métallisation en argent, l’encre sérigraphiée contient majoritairement de la poudre d’argent qui est frittée lors de l’étape de cuisson. Toutefois, des additifs chimiques doivent être ajoutés à la poudre d’argent afin de faciliter la mise en œuvre du procédé de métallisation et de permettre l’adhésion de l’argent sur une céramique. En général, les additifs chimiques contenus dans les encres argent sont les suivants [4] :
– Un solvant donnant un aspect fluide à la pâte. Ce solvant doit pouvoir être évaporé à 150°C lors de l’étape de séchage.
– Un plastifiant permettant d’ajuster la viscosité de l’encre
– Un dispersant ayant pour fonction d’empêcher les particules d’argent de fritter à trop basse température et donc de faire vieillir l’encre prématurément à température ambiante
– Un liant permettant aux différents constituants de l’encre de rester solidaires après séchage et devant être éliminé lors de la cuisson
– Des promoteurs d’adhésion permettant à l’argent d’adhérer sur l’alumine. Hormis l’argent et les promoteurs d’adhésion, les additifs chimiques s’évaporent pendant le séchage et la cuisson.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Besoins, Contexte et Etat de l’Art
1. Les besoins en électronique fonctionnant en environnements sévères en aéronautique
1.1. L’électronique de contrôle des capteurs : exemple du TPMS (Tyre Pressure Monitoring system)
1.2. L’électronique de puissance pour l’aéronautique
1.2.1. L’avion « plus électrique »
1.2.2. Les modules de puissance
2. Problèmes posés par l’électronique fonctionnant en environnements thermiques sévères
2.1. Contraintes mécaniques dans les joints d’attache des composants
2.1.1. Estimation analytique de la contrainte normale moyenne dans le joint d’attache d’une puce en élasticité linéaire
2.1.2. Modèle analytique de contraintes de cisaillement dans le joint d’attache d’une puce en silicium
2.2. Le vieillissement par fatigue
2.2.1. Champs de contraintes autour d’une fissure
2.2.1.1. Théorie d’Irwin
2.2.1.2. Zone plastiquement affectée en pointe de fissure
2.2.2. Description de la fatigue
2.2.2.1. Grandeurs caractérisant les cycles de contraintes
2.2.2.2. Les régimes de fatigue
2.2.2.3. Les micro-mécanismes de la fatigue
2.2.2.4. Ruine par fatigue
2.2.3. Approche quantitative de la fatigue
2.2.3.1. Modèle analytique heuristique de la fatigue
2.2.3.2. Loi de Paris
2.2.3.3. Application de la loi de Paris
2.2.3.4. Loi de Basquin
2.2.3.5. Prise en compte de la contrainte moyenne σm
2.2.3.6. Loi de Coffin-Manson
2.3. Influence du fluage ou de la relaxation sur le vieillissement des assemblages électroniques
2.4. Problèmes métallurgiques aux interfaces
3. Etat de l’art des technologies d’assemblage haute température
3.1. Brasures habituellement utilisées en électronique haute température
3.2. Le frittage d’argent comme alternative à la brasure
4. Aspects théoriques
4.1. Généralités sur le frittage
4.2. Mécanismes physiques à l’origine du frittage
4.3. Cinétique du frittage
4.3.1. Modèle de frittage par diffusion aux joints de grains [45], [44]
4.3.2. Loi générale sur la cinétique de frittage
4.4. Influence de la taille des particules d’argent sur le frittage
Bibliographie du Chapitre 1
Chapitre 2 : Mise en œuvre et amélioration du procédé d’assemblage par frittage d’argent
1. Etude du matériau de frittage
1.1. Description d’une pâte à fritter pour l’électronique
1.2. Analyses DSC / TGA couplées de deux pâtes à fritter
1.3. Observation de la poudre
2. Métallisations en argent couramment utilisées en combinaison avec le frittage d’argent
2.1. Procédé de métallisation
2.2. Analyse de la métallisation
2.3. Polissage ionique de la métallisation
3. Procédé de frittage sans pression « classique »
3.1. Profil de frittage “basse température”
3.2. Méthodes de vieillissement et d’évaluation de la tenue mécanique des composants
3.3. Analyse de défaillance des assemblages de condensateurs
4. Mise en place d’un profil thermique de frittage « haute température »
4.1. Description du profil thermique « haute température »
4.2. Utilité de l’étape de pré-frittage
4.3. Perte de masse du matériau d’attache au cours du procédé
4.4. Texture cristallographique à l’issue du procédé de report des condensateurs
5. Intégrité des condensateurs après un profil thermique de frittage « haute température »
Bibliographie du chapitre 2
Chapitre 3 : Impact du profil de température de frittage sur la microstructure de l’argent fritté
1. Etude dilatométrique du frittage d’argent
1.1. Protocole expérimental
1.2. Incertitudes sur la mesure
1.3. Résultats
1.3.1. Rétreint en fonction du temps
1.3.2. Rétreint en fonction de la température
1.3.3. Mesures d’énergies d’activation du frittage
1.3.4. Impact d’un procédé de frittage en deux étapes sur le rétreint
1.3.5. Influence de la pâte d’argent utilisée sur le rétreint
2. Analyse d’images
2.1. Préparation des échantillons
2.2. Images obtenues
2.3. Seuillage des images prises au microscope électronique à balayage
2.4. Roses des intercepts
2.5. Mesure du taux de porosité
2.6. Précision de la mesure de porosité
2.7. Porosimétrie par ouverture
2.7.1. Définitions
2.7.2. Modèle de Rosin-Ramler
2.7.3. Densité de répartition sous la forme d’une exponentielle d’un polynôme de degré 3 (modèle polynômial)
2.7.4. Conclusion des mesures par analyse d’images
2.8. Taille des grains
3. Mesures de masse volumique
3.1. Objectif
3.2. Principe de la mesure
3.3. Lien entre masse volumique et porosité
3.4. Echantillons utilisés
3.5. Résultats
4. Calculs de taux de porosité à partir de courbes de dilatométrie
4.1. Lien théorique entre rétreint et porosité
4.2. Mesure de la porosité initiale des pastilles d’argent utilisées
4.3. Evolution du taux de porosité en fonction du temps
5. Interprétation
5.1. Discussion
5.2. Interprétation du grossissement de la porosité lors du pré-frittage
5.3. Stabilité des pores
Bibliographie du chapitre 3
Chapitre 4 : Caractéristiques mécaniques et vieillissement des joints d’attache en argent fritté de composants électroniques
1. Caractérisation mécanique de l’argent fritté
1.1. Indentation instrumentée
1.1.1. Principe de la mesure
1.1.2. Echantillons
1.1.3. Calcul du module d’élasticité par la méthode d’Oliver et Pharr
1.1.4. Calcul du module d’élasticité par la méthode CSM (Continuous Stiffness Measurement)
1.1.5. Avantages et inconvénients des deux méthodes de mesure du module d’élasticité
1.1.6. Valeurs des coefficients de Poisson utilisés pour les calculs
1.1.7. Résultats
1.1.8. Viscoplasticité sous le pénétrateur lors de la charge maximale
1.2. Essai de traction sur de l’argent fritté selon un profil thermique haute température
1.3. Essai de cisaillement instrumenté
1.4. Eléments bibliographiques sur les caractéristiques mécaniques de l’argent
1.4.1. Essais de traction sur de l’argent massif
1.4.2. Essais de traction sur de l’argent poreux
1.5. Fatigue des matériaux poreux
1.5.1. Eléments bibliographiques
1.5.2. Essais de fatigue sur éprouvettes
2. Caractérisation des condensateurs haute température
2.1. Essais d’indentation
2.2. Mesure dilatométrique
3. Essais de vieillissement accélérés
3.1. Présentation des véhicules de test
3.2. Cycles thermiques de vieillissement
3.3. Vieillissement des assemblages de puces
3.3.1. Véhicules de test 2014
3.3.2. Véhicules de test 2015
3.4. Vieillissement des assemblages de condensateurs
3.4.1. Méthodologie
3.4.2. Résultats des VT2014
3.4.3. Résultats des VT2015
3.4.4. Essai additionnel
Bibliographie du Chapitre 4
Chapitre 5 : Interactions métallurgiques entre l’argent fritté et certaines métallisations courantes de composants et de substrats
1. Report par frittage d’argent de condensateurs ayant des électrodes en argent-palladium
2. Interactions argent fritté – métallisations en or
2.1 Vieillissement de condensateurs ayant des électrodes métallisées avec de l’or
2.2 Interaction à 480°C d’argent fritté avec l’encre Au pour métallisation de substrats
Bibliographie du chapitre 5
Conclusion
Liste des publications et brevets publiés pendant ma thèse
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