Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Interaction interparticulaire
Forces de Van der Waals
Les interactions entre NPs dans une dispersion colloïdale font toujours intervenir les forces de Van der Waals (VdW). Ce sont des forces d’origine électrostatique, généralement attractives qui peuvent être de trois types différents en fonction de la nature des éléments, chargés ou non, en interaction : les interactions de Keesom entre deux dipôles, les interactions de Debye entre un dipôle et un dipôle induit et les interactions de London entre deux dipôles induits.19 Ces trois types d’interactions sont additifs.
Les interactions de Keesom se produisent entre deux atomes, molécules ou NPs qui présentent des dipôles permanents et se réorientent de sorte à favoriser leurs interactions attractives. Les interactions de Debye se produisent lorsqu’une NP dipolaire induit un dipôle dans une NP initialement non polaire mais polarisable (notion détaillée dans §I.2.1), ce qui génère une attraction entre les deux NPs. Les interactions de London enfin, sont majoritaires dans les dispersions colloïdales qui ne sont que rarement composées de nano-objets avec des moments dipolaires permanents. Elles apparaissent entre des NPs non polaires mais polarisables grâce à des changements de distribution des charges qui les entourent. En effet, les porteurs de charges (nuage électronique ou double couche électronique définie plus loin) entourant les NPs sont en perpétuel mouvement et peuvent s’agencer de sorte à induire un moment dipolaire transitoire aux nanoparticules via l’apparition de charges partielles à leur surface. La polarisation coopérative de deux NPs engendre leur attraction, par induction dipolaire mutuelle et génération de champs électriques momentanés.
La détermination exacte des forces de VdW dans une dispersion colloïdale est complexe en raison des effets d’interactions à corps multiples et des morphologies non parfaitement sphériques des corps en interactions, qui induisent des axes de polarisation privilégiés par anisotropie. Il est néanmoins possible de définir une force d’interaction de VdW entre deux NPs sphériques de même rayon séparées par une distance petite devant leur rayon ≪ telle que :19 12 ² = − Equation 1.12
Avec la constante de Hamaker qui peut être approximée par l’expression suivante : ≈ 3 ( − ) 2 Equation 1.13
Où et sont les constantes diélectriques relatives de la NP et du solvant dans lequel elle se trouve, respectivement.
La portée des forces de VdW peut atteindre plusieurs dizaines de nanomètres selon la polarisabilité des NPs en interaction et la nature de leur milieu de dispersion. Ces forces étant toujours attractives, la stabilité d’une dispersion colloïdale est assurée par la présence d’autres forces entre les NPs notamment de la répulsion par effets électrostatiques ou stériques comme explicité dans le paragraphe suivant. Les forces de VdW sont particulièrement importantes au cours des assemblages de NPs puisqu’elles participent à la cohésion et à la stabilité des structures formées.
Répulsion des doubles couches électriques
La plupart des nanoparticules, dans les milieux aqueux principalement, possèdent une charge de surface non nulle. En effet, leurs groupements chimiques de surface peuvent s’ioniser ou se dissocier ou bien des molécules chargées ou des ions présents dans le milieu de dispersion peuvent s’adsorber à leur surface.21 La charge nette d’une NPs est alors contrebalancée par la formation d’un nuage ionique autour de celle-ci. Ce nuage est constitué de deux couches :
– la couche de Stern composée de contre-ions, de charges opposées à celle de la surface de la nanoparticule, directement adsorbés sur celle-ci.
– la couche diffuse composée d’une distribution de co-ions de même polarité que la surface chargée de la NPs et de contre-ions, qui entoure la couche de Stern.
Une représentation schématique de ces deux couches ioniques, dont l’ensemble est appelé double couche électrique, est donnée sur la Figure 1.6.
Figure 1.6 (a) Représentation schématique de deux NPs entourées de leurs doubles couches électriques et séparées d’une distance d. Inspiré de 21 (b) Représentation schématique détaillée du recouvrement des doubles couches électriques des deux NPs en interaction et définition des couches de Stern et de la couche diffuse. (c) Variation du potentiel électrique entre les deux NPs en fonction de la distance qui les sépare.
Le potentiel électrique autour d’une nanoparticule, varie linéairement de Ψ0 à Ψ au sein de la couche de Stern, d’une épaisseur équivalente au diamètre d’un contre-ion. Il décroit ensuite, au sein de la couche diffuse comme représenté sur la Figure 1.6c, de manière exponentielle de Ψ (appelé potentiel de Stern) à zéro avec une constante caractéristique égale à la longueur de Debye −1 qui s’exprime :−1=√0 2 ² Equation 1.14
Avec 0 et la permittivité du vide et celle du solvant respectivement, la constante d’Avogadro, la charge de l’électron et la force ionique du solvant.
La longueur de Debye correspond à la distance à laquelle le potentiel électrique Ψ0, a diminué de 77%, elle est généralement utilisée pour caractériser l’épaisseur de la double couche électrique. Sa dépendance à la permittivité et à la force ionique du solvant fait qu’elle pourra être supérieure au diamètre de la nanoparticule dans certains cas, ce qui exaltera les effets d’un champ électrique externe par exemple.
Le recouvrement des doubles couches électriques de deux NPs identiques, en taille et charge, se trouvant à une distance nanoparticule-nanoparticule génère une force répulsive dont l’énergie d’interaction est donnée par la relation : = 2 Ψ2 − Equation 1.15
Il en résulte la force de répulsion des doubles couches électriques :19 = 2 Ψ2 − Equation 1.16
Pour deux nanoparticules identiques de 10nm de diamètre, dispersées dans l’eau ( ~ 80), avec une longueur de Debye de 10nm, un potentiel de Stern |Ψ | = 20mV et séparées par une distance de 2nm, la force de répulsion des doubles couches électriques sera de l’ordre de la dizaine de picoNewton. Cette force sera d’autant plus importante que le potentiel de Stern et la longueur de Debye des NPs en interaction sont importants. L’introduction d’ions spécifiques dans le milieu de dispersion notamment par changement de pH modifie les couches de Stern et diffuse des NPs et donc leur longueur de Debye et la force de répulsion des doubles couches électriques. Il est ainsi possible de stabiliser ou au contraire déstabiliser des dispersions colloïdales par ajout d’ions dans le milieu de dispersion.
Lorsqu’une nanoparticule chargée se déplace en milieu polaire, les ions constitutifs de sa double couche électrique se déplacent également mais de manière légèrement désynchronisée. Il apparait alors un plan entre la couche ionique fixe et la couche mobile, où les ions ne sont plus adsorbés à la nanoparticule, qui est appelé plan de cisaillement. Le potentiel qui est défini au niveau de ce plan de cisaillement est le potentiel zêta qui est souvent assimilé à la charge de surface effective d’une nanoparticule tel que .
Stabilité colloïdale par la théorie DLVO
La stabilité des dispersions colloïdales peut être caractérisée par la théorie Derjaguin-Landau-Verwey-Overbeek (DLVO)23 qui permet d’évaluer l’énergie totale d’interactions entre deux nanoparticules, de même rayon en fonction de la distance qui les sépare. L’énergie totale d’interaction est déterminée en additionnant les énergies de recouvrements des doubles couches électriques et les énergies de Van der Waals soit : = 2 Ψ2 − − Equation 1.18
Une allure typique de courbe d’interaction totale entre deux NPs dans une dispersion colloïdale est donnée sur la Figure 1.8a.23
Figure 1.8 Représentations schématiques (a) des potentiels d’interactions de VdW , de recouvrement des doubles couches électriques et total dans la théorie DLVO entre deux NPs identiques (b) de l’influence de la concentration ionique de la dispersion sur le potentiel d’interaction total (c) de l’influence de la taille des particules sur le potentiel d’interaction total. Adapté de 23
Cette courbe peut être décomposée en différents domaines, pour des distances de séparation importantes (cas 4) entre les deux NPs en interaction, les énergies de VdW et de recouvrement des doubles couches électriques sont négligeables et la stabilité des NPs est déterminée par les autres forces en dispersion. Pour des distances correspondantes au cas 3, l’énergie d’interaction de VdW domine légèrement, une attraction se produit entre les NPs qui floculent. Il est possible de stabiliser la dispersion par agitation mécanique ou changement de la température. Pour des distances de séparation plus faibles encore (cas 2), c’est l’énergie de recouvrement des doubles couches électriques qui est prédominante, ce qui génère une barrière de potentiel qui est synonyme de stabilisation électrostatique par répulsion. Pour des distances extrêmement faibles (cas 1), l’énergie de VdW redevient prédominante et une attraction irréversible se produit entre les deux NPs qui s’agrègent.
L’allure de la courbe de potentiel d’interaction DLVO entre deux NPs est dépendante de plusieurs paramètres dont la charge effective et la taille des nanoparticules, la température, la polarité du milieu de dispersion … La Figure 1.8b présente les résultats de Polte23 sur l’effet de la concentration en ions de la dispersion sur l’énergie d’interaction totale DLVO. La concentration ionique influence directement la longueur de Debye et donc l’énergie de recouvrement des doubles couches électriques. Plus cette concentration est importante plus diminue et plus la barrière de potentiel électrostatique devient petite ce qui amoindrit la stabilité électrostatique de la dispersion colloïdale. En pratique, il est possible d’adsorber des ligands de type polymères ou oligomères sur les NPs pour compenser cette attraction via une stabilisation stérique de la dispersion. La Figure 1.8c présente l’effet de la taille des NPs en interaction qui sont d’autant plus stables électrostatiquement que leurs dimensions sont importantes. En revanche, cette stabilisation ne prévient pas leur sédimentation comme vu au §I.1.4.a.
Pour conclure, il est possible de stabiliser une dispersion colloïdale par deux approches : électrostatique ou stérique. Dans le premier cas, on peut exalter la répulsion électrostatique des colloïdes en greffant des ligands chargés à leur surface ou en modifiant la quantité d’ions en dispersion. Dans le second cas, on peut greffer des ligands à longues chaines polymériques ou carbonées sur les colloïdes pour créer de l’encombrement stérique qui prévient la coalescence des particules.
Assemblage dirigé de dispersions colloïdales via l’application d’un champ électrique externe
Dans le but de faciliter la caractérisation des NPs colloïdales, qui présentent des propriétés uniques comme préalablement présenté, et/ou de les intégrer à des dispositifs fonctionnels, il est intéressant de les transférer sur des surfaces solides, de manière sélective. Pour ce faire, l’équilibre des forces existant dans la dispersion colloïdale d’intérêt, qui peut être défini par la théorie DLVO, doit être rompu. Dès lors, différentes forces présentes ou non en dispersion peuvent être utilisées pour créer ce déséquilibre : des forces magnétiques, électriques, capillaires, gravitationnelles, de VdW …
Parmi l’ensemble de ces forces, nous avons choisi de créer des assemblages dirigés de NPs colloïdales par utilisation de la force électrique selon la technique de nanoxérographie, explicitée plus loin. Afin de positionner la technique choisie par rapport aux autres méthodes existantes d’assemblages de NPs exploitant la force électrique, nous avons défini un ensemble de critères à évaluer pour chacune de ces méthodes. Il s’agit du type de NPs que l’on peut assembler (taille, morphologie, composition, chargée ou polarisable, standard ou molle), de la rapidité de l’assemblage, des géométries et dimensions des motifs d’assemblage accessibles, de la possibilité de faire des assemblages de deux types de NPs différents (binaires) et des contraintes imposées pour le substrat (présence d’électrodes, de composés chimiques, composition spécifique).
Ainsi, deux catégories de méthodes exploitant la force électrique ont été identifiées et analysées dans ces travaux : celles ayant recours à un champ électrique externe à la dispersion colloïdale, qui est appliqué en continu pendant toute la durée de l’assemblage et celles employant des motifs chargés, créés à la surface du substrat. Cette partie I.2 est dédiée à la présentation non exhaustive des principales méthodes d’assemblage dirigé appartenant à la première catégorie.
Les forces électrophorétiques et diélectrophorétiques
La réalisation d’assemblages dirigés par utilisation de la force électrique implique que les NPs colloïdales chargées ou polarisables (notion définie en-dessous) sont soumises à une force globale de la forme : = + ( . ∇) + ⃗ ⃗ ⃗ ⃗⃗⃗⃗ Equation 1.19
Avec la charge surfacique effective de la nanoparticule considérée, son moment dipolaire effectif, ⃗⃗⃗⃗ caractérisant les contributions multipolaires effectives qui seront négligées dans la suite et ⃗ le champ électrique, externe ou induit par des motifs chargés.
Cette force globale peut être décomposée en deux contributions : la force électrophorétique qui s’exerce sur des NPs chargées et la force diélectrophorétique qui s’exerce sur des NPs polarisables.
Les forces électrophorétiques
Le premier terme de l’équation 1.19 est caractéristique de l’interaction qui se produit entre une nanoparticule de charge surfacique non nulle et un champ électrique externe ⃗ uniforme. C’est la force de Coulomb aussi appelée force électrophorétique : = ⃗ Equation 1.20
Cette force sera attractive ou répulsive en fonction de la polarité de la surface chargée de la nanoparticule. Ainsi, les assemblages électrophorétiques de NPs colloïdales se feront sur des surfaces présentant une polarité opposée à celle des NPs étudiées.
La détermination de la force électrophorétique nécessite de connaître la charge effective qui peut être estimée par la mobilité électrophorétique des nanoparticules. C’est cette dernière grandeur qui sera mesurée pour les NPs colloïdales considérées dans la suite de ces travaux. Par ailleurs, en fonction de la composition et des propriétés de la nanoparticule, d’autres méthodes peuvent être mises en œuvre pour déterminer la charge de surface effective.24–26 Kumal et al.26 ont par exemple exploité la génération de la seconde harmonique de nanoparticule d’or de 50nm de diamètre en fonction du taux d’ions NaCl et MgCl en dispersion pour évaluer leur charge de surface effective.
Les forces diélectrophorétiques
Le second terme de l’équation 1.19 caractérise l’interaction entre un champ électrique externe ⃗ non uniforme et une nanoparticule polarisable. Il s’agit de la force diélectrophorétique. Cette force est dépendante de la polarisabilité d’une NP qui est une caractéristique importante, définie comme la capacité de réponse d’un dipôle à un champ électrique externe ⃗ . Une NP adoptera ainsi un moment dipolaire d’autant plus intense, sous l’action d’un champ électrique non uniforme, qu’elle sera polarisable. Cette polarisabilité dépend de la capacité de déformation du nuage électronique de chacun des atomes constitutifs de la NP et des interactions dipôle-dipôle de tous ces atomes.27 Elle dépend également de la double couche électrique de la NP (voir §I.1.4.b). C’est donc une caractéristique intrinsèque difficile à définir. Ce qui nous intéressera dans le cadre de ces travaux c’est la polarisabilité relative des NPs par rapport à leur milieu de dispersion. Elles seront ainsi attirées par les maxima de champs électriques lorsqu’elles seront plus polarisables que leur milieu de dispersion, on parlera dans ce cas de diélectrophorèse positive. Elles seront attirées par les minima de champs dans le cas contraire, on parlera de diélectrophorèse négative.
Pour une nanoparticule sphérique de rayon et de permittivité complexe ∗ , plongée dans un solvant de permittivité , une bonne approximation de la force diélectrophorétique est donnée par la relation :28
Pour lequel 0 est la permittivité du vide et ℝ(Κ) est la partie réelle du facteur Κ de Clausius- Mossoti tel que : Κ = ( ) ∗ + 2 ∗ ∗ − ∗ Equation 1.23
On en déduit : = 2 0 ℝ ( ) ∇ ² ∗ + 2 ∗ ∗ − ∗ 3 ⃗ ⃗⃗⃗⃗ Equation 1.24
On constate avec cette expression que pour des NPs présentant une permittivité complexe, liée à la polarisabilité de leurs éléments constitutifs, plus grande que la permittivité de leur milieu de dispersion, la partie réelle du facteur de Clausius-Mossoti est positive. La force d’attraction entraine alors les NPs vers les zones de gradients de champs forts, et inversement pour une permittivité plus petite que celle du solvant, on retrouve bien les notions de diélectrophorèse positive ou négative définies précédemment. On remarque par ailleurs la forte dépendance de la force diélectrophorétique au rayon de la NP étudiée. Plus celle-ci sera grande plus elle sera sensible à la force diélectrophorétique.
La définition donnée de la force diélectrophorétique n’est valable que dans le cas d’une nanoparticule sphérique composée d’un matériau diélectrique. Il est possible d’affiner cette expression en fonction de la forme ou de la composition des nanoparticules.29
Assemblage par électrophorèse
La méthode d’assemblage par électrophorèse consiste à soumettre des NPs chargées à un champ électrique externe uniforme appliqué entre deux électrodes, de sorte à diriger leur dépôt sur une surface, généralement l’une des deux électrodes. Cette méthode exploite la force électrophorétique définie précédemment (Equation 1.20).
La dispersion colloïdale est mise en contact avec les surfaces conductrices de polarités opposées soit par dépôt d’une goutte soit par immersion dans un bain. Le champ électrique est ensuite généré entre les électrodes et maintenu pendant toute la durée de l’assemblage. Les NPs se trouvent ainsi attirées par la surface conductrice présentant une polarité opposée à leur propre charge de surface. Le contrôle de la densité d’assemblage se fait par modulation de l’amplitude du champ électrique continu généré entre les deux surfaces conductrices et du temps de polarisation. La concentration de la dispersion doit également être adaptée. Des exemples de films monocouches de NPs de Poly(styrène-co-maléique anhydride) (PSMA) de 280nm obtenus par assemblage par électrophorèse sont donnés sur la Figure 1.10 en fonction des consignes choisies de potentiels appliqués et de temps de polarisation. Marin-Suarez et al.30 ont dans ce cas assemblé des NPs négativement chargées ( < −30 ) sur une électrode de silicium de grande dimension (1*1cm²), recouverte d’un film fin d’or. La densité de NPs déposées augmente avec le potentiel électrique et le temps de polarisation ce qui apporte un contrôle des assemblages monocouches formés.
La méthode d’assemblage par électrophorèse donne lieu à des motifs d’assemblages de géométries prédéfinies dépendantes de la géométrie des électrodes utilisées pour générer le champ électrique continu ou de la structuration du substrat sous l’électrode. Siavoshi et al.31 ont par exemple créé un substrat topographiquement structuré présentant un réseau de trous conducteurs (en Or) de différents diamètres dans une matrice de polymère isolante (PolyMéthacrylate de Méthyl, PMMA). Ce réseau topographique en or, utilisé en tant qu’anode dans un procédé de dépôt électrophorétique, leur a permis d’assembler des NPs de latex de différentes dimensions (50nm, 60nm, 100nm et 200nm) de manière individuelle et sélective. Les NPs ont été piégées électrostatiquement et topographiquement grâce à des immersions séquentielles du substrat dans les différentes dispersions colloïdales en commençant par celle contenant les NPs les plus grosses. La résolution de l’assemblage finalement formé est celle d’une nanoparticule unique (50nm). La Figure 1.11 présente une image de microscopie électronique à balayage de l’assemblage de NPs de latex de 200 et 50nm sur un substrat présentant deux réseaux de trous conducteurs de 225 et 100nm respectivement. Cet exemple prouve qu’il est possible de faire des assemblages binaires de deux types de NPs différentes par électrophorèse via une structuration topographique du substrat.
Assemblage par diélectrophorèse
L’assemblage par diélectrophorèse est basé sur le même principe que l’assemblage par électrophorèse mis à part que le champ électrique utilisé est non uniforme et que les NPs considérées présentent un caractère dipolaire. La non uniformité du champ est introduite par la géométrie spécifique des électrodes (sous formes de pointes, peignes interdigités, réseaux de points…). Les NPs quant à elles peuvent avoir une composition qui leur confère un moment dipolaire permanent ou être polarisables. Dans le second cas c’est les capacités de déformation de leurs nuages électroniques et ioniques qui permettent leur interaction avec le champ électrique externe non uniforme comme expliqué dans le §1.2.1. Cette méthode est basée sur l’exploitation de la force diélectrophorétique (Equation 1.24).
Une différence importante entre les méthodes d’assemblage par électrophorèse et par diélectrophorèse vient du fait que les NPs s’assemblent entre les deux électrodes qui génèrent le champ électrique d’interaction dans le second cas. Il est ainsi possible de les aligner sur des surfaces de substrat non conductrices. Les paramètres de contrôle de l’assemblage sont ici encore l’intensité du champ électrique généré entre les deux électrodes et le temps de polarisation. La fréquence du champ électrique est également un paramètre clé puisqu’elle permet de moduler l’interaction avec les colloïdes et leur alignement sur les électrodes. Le possible alignement des NPs donne naissance à des réseaux 2D présentant un ordre cristallin. Velev et Bhatt40 ont par exemple réalisé des assemblages de microsphères de latex de 1,4µm de diamètre formant un réseau 2D avec un agencement hexagonal. Les microsphères ont été alignées sur un substrat en verre de plusieurs dizaines de millimètres carrés en seulement 15s de polarisation des deux électrodes en or disposées au bord du substrat. La Figure 1.12 présente la méthode ainsi que des images de microscopie optique des assemblages en fonction du temps de polarisation des électrodes.
Figure 1.12 (a) Représentation schématique du procédé d’assemblage dirigé de NPs par diélectrophorèse (b) Images de microscopie optique d’assemblages dirigés de microsphères de latex de 1,4µm de diamètre correspondant avec un temps de polarisation des électrodes de 5 ou 15s. Adapté de 40
Selon la géométrie choisie pour les électrodes utilisées dans le procédé de diélectrophorèse, il sera possible de former des assemblages de très haute résolution avec des NPs assemblées de manière individuelle41,42 ou de former des réseaux 3D ordonnés de nanoparticules. La méthode par diélectrophorèse permet d’obtenir des réseaux multicouches de NPs plus facilement que la méthode par électrophorèse puisque les NPs colloïdales utilisées sont polarisables et non chargées, il n’est donc pas nécessaire de contrebalancer leur répulsion électrostatique. Deux exemples illustrant les possibilités offertes par la méthode d’assemblage par diélectrophorèse sont donnés sur la Figure 1.13.
Dans le premier exemple (Fig 1.13a) Raveendran et al.43 ont utilisé des électrodes dans une configuration quadripolaire pour obtenir des assemblages 3D de particules de silice de 2µm de diamètre dans un mélange de solvants eau : DMSO (DiMéthylSulfOxide). En modulant l’amplitude et la fréquence du champ électrique généré par les électrodes, ils ont pu former des assemblages multicouches allant jusqu’à 36µm d’épaisseur sur une largeur de 110µm, soit plus de dix couches de NPs assemblées (pour une amplitude de 20V et une fréquence de 100kHz). La forme finale de l’assemblage peut également être modulée par les paramètres d’amplitude et de fréquence, ce qui offre une large diversité de géométries. Dans ce contexte, la concentration de la dispersion colloïdale utilisée influe également sur la formation de l’assemblage multicouche, il faut fournir un réservoir en NPs suffisant pour l’obtenir. Il est par ailleurs important de stabiliser l’assemblage créé qui se détruit dès que le champ électrique n’est plus appliqué. Dans l’exemple donné, Raveendran et al.43 ont réalisé une encapsulation de l’assemblage via un procédé de gélation thermique. Dans le second exemple, Leiterer et al.41,42 ont une démarche opposée qui consiste à assembler par diélectrophorèse des NPs d’or de 100, 30 et 15nm de diamètres de manière individuelle au bout d’une électrode en or en forme de pointe obtenue par lithographie à faisceaux d’électrons. Cette haute résolution est permise par adaptation de la distance inter-électrodes (80nm dans l’exemple donné) en plus des paramètres d’amplitude, de fréquence du champ électrique, et de la concentration de la dispersion colloïdale.
L’assemblage par diélectrophorèse permet par ailleurs d’assembler des colloïdes anisotropes en exploitant leur axe de polarisation privilégié.44,45 Là encore la résolution des assemblages dépend du positionnement et de la géométrie des électrodes. Il devient possible d’aligner ces colloïdes entre les deux électrodes utilisées pour l’assemblage ce qui facilite leur caractérisation par la suite ou le développement de nouveaux dispositifs nanométriques. Collet et al.46 ont par exemple assemblé des nanofils d’arséniure d’indium et de silicium de quelques micromètres de long de manière individuelle sur des réseaux d’électrodes de chrome. Leurs résultats sont présentés sur la Figure 1.14. En plus, de la possibilité d’aligner deux colloïdes anisotropes de différentes compositions sur un même substrat, cet exemple montre qu’il est également possible de faire du tri sélectif de ces colloïdes. En effet, Collet et al.46 ont utilisé deux réseaux d’électrodes soumises à des consignes de fréquences sinusoïdales différentes ce qui leur a permis de diriger sélectivement le dépôt des deux types de nanofils. Selon la composition intrinsèque des nanofils, notamment leur permittivité et leur conductivité électriques, ceux-ci ne vont pas interagir de la même façon avec le champ électrique non uniforme généré entre les électrodes, ce qui permet de les séparer au cours de l’assemblage.
Figure 1.14 Images de microscopie électronique à balayage (a) d’un assemblage binaire de nanofils de silicium et d’arséniure d’indium par diélectrophorèse (b) zoom sur l’assemblage de nanofil de silicium (c) zoom sur l’assemblage de nanofil d’arséniure d’indium. Adapté de 46
Enfin, en se concentrant sur les critères considérés comme importants pour un assemblage dirigé dans ces travaux, on constate que l’assemblage diélectrophorétique, comme l’assemblage électrophorétique, permet de travailler sur des surfaces de plusieurs centimètres carrés et d’assembler une large gamme de NPs de tailles variables de quelques nanomètres42 à plusieurs micromètres.43 Il est seulement nécessaire qu’elles soient polarisables. L’assemblage est également rapide puisqu’il peut se faire en quelques secondes seulement sous application du champ électrique. La méthode diélectrophorétique permet par ailleurs d’assembler des colloïdes anisotropes ou de réaliser des assemblages binaires. En revanche peu de travaux ont été menés pour assembler par diélectrophorèse des colloïdes mous ou biologiques tout en conservant leurs propriétés spécifiques une fois déposés.47 Il semble également que peu d’assemblages de NPs de moins de 500nm de diamètres aient été réalisés par diélectrophorèse. Les autres inconvénients de cette méthode d’assemblage par diélectrophorèse sont principalement les mêmes que la méthode par électrophorèse.
Finalement les possibilités offertes et les limitations de chacune des deux méthodes d’assemblages par électrophorèse et diélectrophorèse sont résumées selon les critères clés définis en introduction de cette partie I.2 dans le Tableau 1.2 suivant.
On constate que les principales limitations de ces méthodes (écrites en rouge dans le Tableau 1.2) sont la géométrie des assemblages qui est contrainte par la présence des électrodes et leur stabilité qui nécessite de maintenir le champ électrique externe pendant tout le procédé, jusqu’à une éventuelle étape de séchage. En revanche les gammes d’amplitudes et de fréquences de champs électriques qu’il est possible de créer par ces méthodes sont extrêmement larges ce qui permet de fortement interagir avec les NPs colloïdales.
Assemblage dirigé de dispersions colloïdales via la présence de films ou de motifs chargés
Afin de dépasser les limitations des techniques préalablement présentées d’électrophorèse et de diélectrophorèse, des méthodes d’assemblage dirigé exploitant la force électrique mais ne nécessitant pas d’appliquer un champ électrique externe en continu au cours du procédé ou de disposer des électrodes sur le substrat, ont été développées.
Leur principe de base est de créer des films continus ou des motifs spécifiques (formes géométriques de base, logos, lettres…) en surface du substrat, qui sont capables de générer des champs électriques locaux. Ces films ou motifs sont créés en amont de la mise en contact avec la dispersion colloïdale d’intérêt et peuvent être composés d’espèces chimiques chargées ou bien être générés par transfert ou injection de charges électriques. Au contact de la dispersion de nanoparticules, ils servent de pièges électrostatiques pour leur assemblage. Ce sont les mêmes forces électriques, présentées en §I.2.1, qui sont à l’origine de l’interaction entre les NPs et les films ou motifs chargés.
La section suivante a pour but de présenter les principales méthodes d’assemblage via la présence de motifs ou films de charges électriques en surface du substrat. Les critères considérés importants pour l’assemblage dirigé dans la partie I.2 seront également évalués pour chaque méthode de cette partie I.3. Une attention particulière sera portée au procédé de nanoxérographie mis en œuvre dans la suite de ces travaux.
Assemblage par dépôt d’espèces chimiques chargées
La méthode d’assemblage par dépôt d’espèces chimiques chargées permet de former des réseaux continus de NPs colloïdales sur des surfaces solides ou des assemblages sur des zones prédéfinies du substrat. Dans les deux cas, le procédé se compose de plusieurs étapes. Il est tout d’abord nécessaire de déposer les espèces chimiques chargées sur le substrat, puis de les mettre en contact avec la dispersion colloïdale. Les molécules chargées, disposées en forme de films ou de motifs, servent de pièges électrostatiques pour les NPs qui sont elles aussi chargées mais de polarité opposée à celle des molécules. Aucun champ électrique externe n’est généré dans ce procédé, seule l’attraction électrostatique, via des interactions électrophorétiques, entre les molécules et les colloïdes permet l’assemblage.
Sous forme de films continus
Dans le premier cas étudié, les espèces chimiques chargées sont déposées sous forme de films continus sur le substrat par simple immersion de celui-ci dans une dispersion les contenant ou par dépôt chimique en phase vapeur par exemple. Le substrat ainsi recouvert de molécules chargées est immergé dans la dispersion colloïdale que l’on souhaite assembler pour des durées variables pouvant atteindre plusieurs heures. Cette méthode permet généralement d’obtenir un réseau monocouche de NPs sur le substrat. Par la suite, des molécules chargées peuvent à nouveau être déposées sur la couche de NPs assemblées pour servir de pièges électrostatiques à une nouvelle couche de nanoparticules. En répétant ce cycle plusieurs fois, il est possible de former des réseaux multicouches de colloïdes selon un procédé « couche par couche » (Layer by Layer, LbL).
Les paramètres de contrôle de l’assemblage sont la densité de charges des espèces chimiques, dépendante de leur composition, la concentration de la dispersion colloïdale, le pH qui permet de moduler le caractère ionique de certains groupements chimiques en milieu aqueux ou encore le temps de mise en contact dispersion/film de molécules chargées.
Des exemples d’assemblages, réalisés par Peng et al.48 dont les caractéristiques finales ont été contrôlées par modification de pH sont donnés sur la Figure 1.15a. Dans ces exemples, des NPs d’oxyde de silice (SiO2) de 30nm de diamètre, chargées négativement ( ~ − 30 ), ont été assemblées de manière électrostatique sur un substrat recouvert d’un polyélectrolyte, le polyethyleneimine (PEI). Ce polymère ionique présente un groupement amine qui adopte une forme non chargée pour des pH très basiques. En choisissant un pH basique pour l’étape de dépôt du polymère, il est donc possible de le rendre quasiment neutre et d’en déposer de grandes quantités puisqu’il n’y a pas de répulsion coulombienne entre ces chaines. En choisissant un pH acide ensuite pour l’assemblage des NPs de SiO2, il est possible de fortement augmenter la densité de charges positives du polymère et d’exalter les interactions électrostatiques avec les colloïdes. Par ce biais, Peng et al.48 ont pu former des assemblages multicouches ou monocouches et contrôler la densité des dépôts seulement par modification du pH au cours du procédé.
La méthode d’assemblage par dépôt d’espèces chimiques chargées a fait l’objet de nombreux travaux de recherche, elle permet d’assembler une large gamme de NPs de compositions et de morphologies variées.50 Il est aussi possible d’assembler des colloïdes anisotropes50,51 ou biologiques et de réaliser des assemblages binaires et multicouches. Kim et al.49 ont par exemple assemblé des nanotubes de carbone présentant une charge de surface négative et des NPs d’or de 3,4nm de diamètre disposant d’un ligand de stabilisation positif sur un substrat recouvert d’un polyélectrolyte cationique. En répétant des cycles d’immersions séquentielles du substrat dans la dispersion de nanotubes de carbone (30min) puis dans la dispersion de NPs d’or (30min) à pH contrôlé ils ont pu former des assemblages binaires d’épaisseurs totales variables, allant jusqu’à seize couches de {nanotubes ; nanoparticules}. Les résultats sont présentés sur la Figure 1.15b. Enfin la méthode d’assemblage sur des films d’espèces chimiques chargées permet de réaliser des dépôts de NPs sur des substrats de grandes dimensions, les seules limitations étant les quantités de molécules chargées et de colloïdes dont on dispose. Ce procédé est donc facile à mettre en œuvre, peu coûteux, utilisable pour de nombreux types de colloïdes sur de grandes surfaces et permet de réaliser des assemblages mono ou multicouches. En revanche, cette méthode est longue à mettre en œuvre puisqu’elle est multi-étape et que les temps de contact films/dispersions nécessaires pour réaliser les dépôts électrostatiques peuvent parfois durer plusieurs heures. En effet, les espèces chimiques qui servent d’accroche aux colloïdes présentent une charge de surface relativement faible qui limite la vitesse d’assemblage. Par ailleurs, la présence des molécules chargées dans l’assemblage peut perturber la caractérisation des propriétés des colloïdes assemblés. De plus, le contrôle sur la densité ou sur l’agencement des NPs déposées reste limité puisqu’il est dépendant du positionnement des molécules chargées et de leurs interactions avec les NPs colloïdales, ces deux points n’étant pas maîtrisés au cours du procédé.
Sur des zones prédéfinies du substrat
Comme mentionné précédemment, il est possible de déposer des espèces chimiques chargées sous forme de motifs de géométries spécifiques sur le substrat. Les motifs servent de zones d’accroche électrostatique pour des NPs colloïdales chargées. Ils permettent ainsi de former des assemblages de géométrie modulable et contrôlée sans génération d’un champ électrique externe. Différentes approches sont possibles pour créer les motifs localisés de molécules chargées.
Par lithographie Dip-pen
La technique de lithographie Dip-pen repose sur l’utilisation d’une pointe de microscope à force atomique (AFM) comme un « stylo » pour déposer des « encres » de manière sélective et dirigée. Ces encres peuvent être composées de diverses molécules ou macromolécules ou même de nanoparticules.52,53 La pointe est recouverte par l’encre d’intérêt, le plus souvent via une immersion dans la dispersion, puis l’encre est déposée sur un substrat par mise en contact avec la pointe et déplacement de celle-ci de sorte à décrire le motif d’assemblage choisi. L’encre est déposée dans le sillage de la pointe par interactions capillaires attractives avec le substrat.
Dans le cadre qui nous intéresse, les encres sont composées d’espèces chimiques chargées et leurs dépôts constituent des pièges électrostatiques utilisés ensuite pour l’assemblage dirigé de colloïdes chargés. Cette méthode ne permet pas de former des assemblages multicouches en une seule étape d’immersion dans la dispersion colloïdale en raison de la répulsion coulombienne entre les NPs et de l’écrantage des motifs de charges à la suite de l’assemblage de la première couche.
La sélectivité des assemblages est souvent assurée par le dépôt d’une autre espèce chimique chargée, de même polarité que les NPs étudiées en dehors des motifs de charges. Les paramètres de contrôle sont ceux qui permettent de contrôler la géométrie et la composition des motifs d’espèces chimiques chargées. La résolution des motifs est ainsi dépendante de la géométrie de la pointe et notamment des dimensions de son apex, ainsi que de sa vitesse de déplacement et du temps de contact pointe-substrat. Les pointes utilisées pour la lithographie Dip-pen possèdent généralement un apex compris entre 20 et 40nm,54 des étalements d’encres sont par ailleurs possibles par capillarité sur le substrat ce qui mène à des résolutions de motifs d’espèces chimiques de plusieurs dizaines de nanomètres. En sélectionnant des pointes très fines, en optimisant les conditions de vitesse de déplacement et de temps de contact pointe-substrat, et en minimisant la rugosité du substrat, une résolution de dépôt d’espèces chimiques de 14nm a pu être obtenue.55
Il est par ailleurs possible de réaliser des assemblages avec une résolution de NPs individuelles en déposant des molécules chargées de même polarité que les NPs d’intérêts par Dip-pen, puis en recouvrant le reste du substrat par une espèce chimique chargée avec une polarité opposée à celle des nanoparticules. L’assemblage se forme ainsi en négatif des motifs créés par lithographie Dip-pen, il n’y a plus de dépendance à l’apex de la pointe AFM utilisée. Un exemple de réalisation effectuée par Li et al.54 est donné sur la Figure 1.16. Dans cet exemple, des espèces chimiques négativement chargées sont déposées par lithographie Dip-pen sur un substrat en or de sorte à former des cercles de 300 à 1100nm de diamètres qui se superposent. Le reste du substrat est ensuite recouvert d’espèces chimiques chargées positivement qui servent de pièges électrostatiques pour assembler des NPs d’or de 20nm stabilisées par des ligands citrate négatifs. En contrôlant la taille des motifs créés par lithographie Dip-pen et l’espacement qui les sépare, Li et al.54 ont pu obtenir des assemblages monocouches en forme de maillage ou des dépôts localisés de NPs individuelles.
Figure 1.16 (a) Représentation schématique de la création de motifs de charges par lithographie Dip-pen pour réaliser des assemblages en négatif des motifs (b) Image de topographie AFM d’un assemblage de NPs d’or de 20nm de diamètre obtenu par cette méthode. L’échelle est de 500nm (c) Image de microscopie électronique à balayage d’assemblages localisés de NPs d’or avec contrôle du nombre de NPs déposées, obtenus par cette méthode. L’échelle est de 200nm. Adapté de La méthode d’assemblage par dépôt localisé de molécules chargées via l’utilisation de la lithographie Dip-pen permet d’assembler une large gamme de nanoparticules, possédant une charge de surface non nulle, de dimensions variables de quelques nanomètres56 au micromètre.57 Les assemblages peuvent se faire pour des NPs magnétiques,56 inorganiques,57 métalliques54… Les nano-objets anisotropes tels que les nanotubes de carbone peuvent également être déposés par cette technique.
Il est par ailleurs possible d’exploiter cette méthode pour apporter de nouvelles fonctionnalités aux assemblages formés en créant par exemple des substrats topographiquement structurés qui assurent un dépôt parfaitement sélectif de nanoparticules. Zhang et al.60 ont par exemple créé un substrat microstructuré par dépôt Dip-pen localisé de ligands acide mercaptohexadecanoique (MHA) sur un substrat Si/SiOx recouvert d’un premier film fin de titane puis d’un film d’or. L’utlisation d’un réactif abrasif leur a permis d’éliminer les films conducteurs dans les zones non recouvertes par le ligand MHA pour obtenir des motifs topographiques en forme de lignes ou de cercles. Un échange de ligands a ensuite donné lieu à une fonctionnalisation sélective des motifs topographiques avec un composé thiolé (AET) capable d’intéragir électrostatiquement avec des NPs d’or de surface négative de 15nm de diamètre. Une représentation schématique de la méthode mise en œuvre est donnée sur la Figure 1.17 en parallèle d’une image de topographie AFM de l’assemblage de NPs d’or obtenu.
Finalement, en évaluant les critères considérés intéressants pour l’assemblage dirigé de NPs dans ces travaux, on constate que l’utilisation de la lithographie Dip-pen permet d’obtenir des assemblages électrostatiques d’une large gamme de nanoparticules, en morphologie, taille et composition. Les assemblages formés sont de géométries contrôlées, non contraintes par la présence d’électrodes, et peuvent présenter des résolutions de quelques dizaines de nanomètres en adaptant les conditions de travail. Les assemblages sont stables et ne nécessitent pas de générer un champ électrique en continu.
Cette méthode présente tout de même certains inconvénients. Tout d’abord, le procédé d’assemblage est long puisqu’il faut premièrement déposer les motifs d’espèces chimiques chargées puis réaliser le dépôt électrostatique des nanoparticules. Or la réalisation des motifs de charges par AFM peut prendre plusieurs dizaines de minutes voire plus en fonction de la vitesse de déplacement de la pointe, du temps de contact avec le substrat et du nombre de motifs désirés. Par ailleurs, les dimensions du motif de charges correspondent aux capacités de déplacement de la pointe AFM sur un même scan, généralement limitées à 100*100µm². La réplication de motifs est possible mais elle augmente encore le temps de réalisation des assemblages. De plus, la méthode demande d’utiliser un équipement spécifique, onéreux avec des limitations en quantité de composés que l’on peut déposer, puisque seule l’encre recouvrant la pointe AFM peut être transférée sur le substrat. Il faut réimmerger la pointe dans la dispersion d’intérêt pour travailler sur de grandes surfaces.61 De nouvelles pointes « nano-fontaines »62 ont été développées pour délivrer l’encre en continu mais des risques d’encrassements limitent encore le procédé.
De même les encres utilisées doivent présenter une certaine affinité avec la pointe AFM, mais être capables de se déposer à la surface du substrat, ce qui limite parfois le choix des espèces chimiques chargées. Un risque d’étalement des encres sur le substrat est souvent présent ce qui appauvrit la résolution des assemblages finalement formés. Comme mentionné pour la méthode de dépôt sous forme de films continus, la présence des molécules chargées dans l’assemblage peut perturber la caractérisation des propriétés des colloïdes assemblés.
Par micro-tamponnage
Le dépôt localisé d’espèces chimiques chargées peut également être effectué par micro-tamponnage (« micro-contact printing », µCP). Cette méthode repose sur l’utilisation d’un timbre microstructuré avec des motifs topographiques de la géométrie désirée pour l’assemblage final de colloïdes. Ainsi, une fois le timbre formé, il est immergé dans une dispersion contenant les espèces chimiques chargées, face microstructurée vers la dispersion, puis mis en contact avec le substrat. Les espèces sont ainsi transférées depuis les motifs topographiques du timbre vers la surface du substrat par capillarité.
Plusieurs techniques permettent de former le timbre microstructuré.63–65 Un timbre flexible peut par exemple être obtenu par moulage de PolyDiMéthylSiloxane (PDMS) dans un master de résine obtenu par un procédé de lithographie.66 Ce moulage de PDMS est un procédé bien référencé et facile à mettre en œuvre qui permet de former des motifs topographiques de dimensions variables en fonction du master, généralement de quelques micromètres à la centaine de micromètres.
Les motifs d’espèces chimiques chargées obtenus par la méthode de micro-tamponnage présentent des dimensions plus importantes (résolution d’environ 100nm)55 que ceux qui peuvent être formés par lithographie Dip-pen (dizaine de nanomètres).55 En revanche, les dépôts peuvent être effectués sur de grandes surfaces, de plusieurs centimètres carrés et les motifs de charges peuvent être répliqués des centaines de fois en une seule étape. En outre, il est possible de travailler avec une large gamme d’espèces chimiques chargées, et le coût de réalisation des assemblages est moins important que pour le procédé de lithographie Dip-pen qui nécessite un équipement onéreux.
Des assemblages de nombreux types de colloïdes sont réalisables sur des motifs d’espèces chimiques chargées créés par tamponnage. Wang et al.67 ont par exemple assemblé des « boites quantiques » ( Quantum Dots, QDs) de CdTe, des protéines et des cellules biologiques via le procédé de micro-tamponnage. Ils ont utilisé un timbre en PDMS présentant des motifs en forme de cercle de 10µm de diamètre pour déposer divers polyélectrolytes sur des substrats en verre recouverts de films de silane à base d’éthylène glycol (PEG silane). La variété de polyélectrolytes (polyethylenimine (PEI); chlorure de poly(diallyl dimethyl ammonium) (PDAC) ; Poly(hydrochlorure d’allylamine) (PAH)…) utilisée leur a permis de créer des interactions électrostatiques avec les QDs de CdTe présentant une charge de surface négative ( ~ − 37 ) mais aussi avec des cellules biologiques vivantes dont la charge de surface est due à de l’acide sialique (négativement chargé). La Figure 1.18 présente les assemblages correspondants, réalisés sur des surfaces de 1,5*1,5cm². Ces exemples montrent la versatilité de la méthode ainsi que la grande surface de travail offerte.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre I : Etat de l’art de l’assemblage dirigé de nanoparticules colloïdales par utilisation de la force électrique
I.1. Les dispersions colloïdales
I.2. Assemblage dirigé de dispersions colloïdales via l’application d’un champ électrique externe
I.3. Assemblage dirigé de dispersions colloïdales via la présence de films ou de motifs chargés
I.4. Conclusions
I.5. Références
Chapitre II : Assemblage dirigé de nanoparticules colloïdales par nanoxérographie : Mise en place d’un protocole
II.1. Le procédé de nanoxérographie
II.2. Injection de charges par AFM
II.3. Injection de charges par e-μCP
II.4. L’étape de développement
II.5. Conclusions
II.6. Références
Chapitre III : Assemblage dirigé 3D par nanoxérographie
III.1. Assemblage dirigé 3D de nanoparticules modèles : les Quantum Dots de CdSe@CdS
III.2. Une meilleure compréhension de l’assemblage 3D
III.3. Conclusions
III.4. Références
Chapitre IV : Assemblage dirigé de particules micrométriques par nanoxérographie
IV.1. Choix des particules modèles et du procédé de nanoxérographie
IV.2. Assemblage de particules micrométriques par nanoxérographie par flux convectifs
IV.3. Effet de la taille des particules
IV.4. Conclusions
IV.5. Références
Chapitre V : Assemblage dirigé de colloïdes mous par nanoxérographie
V.1. Assemblages de colloïdes mous
V.2. Assemblages interactifs de nanogels
V.3. Assemblages binaires de nanogels
V.4. Conclusions
V.5. Références
Conclusions
Annexe
Télécharger le rapport complet