Selon l’American College of Obstetricians and Gynecologists et l’American academy of pediatrics (ACOG-AAP 2003) [105]
Les critères essentiels (devant être tous présents) pour définir l’asphyxie néonatale sont :
Mise en évidence d’une acidose métabolique fœtale per partum, au cordon sur l’artère ombilical ou précocement chez le nouveau-né (moins d’une heure de vie) : pH<7,00 et déficit de base ≥ 12 mmol/l ;
Encéphalopathie précoce modérée à sévère chez un enfant ≥ 34 semaines d’âge gestationnel ;
Paralysie cérébrale de type quadriplégique spastique ou de type dyskinétique ;
Exclusion des autres causes : traumatisme, trouble de la coagulation, pathologie infectieuse, problème génétique.
Physiopathologie proprement dite
Lors de la survenue d’une hypoxie fœtale au cours du travail, la réponse cardiovasculaire se fait vers une « centralisation » de la circulation fœtale, conduisant à redistribuer préférentiellement le débit sanguin vers le cerveau, le cœur, les glandes surrénales fœtales et le placenta [64]. La réponse initiale est une augmentation de la pression artérielle en rapport avec une augmentation des résistances vasculaires périphériques systémiques, responsables d’une diminution du débit sanguin rénal, mésentérique, pulmonaire, et des membres. Le débit placentaire est maintenu, sauf dans les cas où la cause de l’hypoxie est une occlusion du cordon ombilical. Cette redistribution du débit sanguin fœtal est dépendante du système nerveux autonome sympathique, via les récepteurs αadrénergiques, sous l’influence de chémorécepteurs. L’augmentation du débit sanguin cérébral, notamment vers le tronc cérébral [53] avec augmentation de l’extraction d’oxygène, permet de préserver l’oxygénation cérébrale, de même que les besoins en oxygène du cerveau diminuent par apparition d’une activité électrique à haut voltage [87]. C’est la phase compensatrice des phénomènes hypoxiques, permettant de préserver l’intégrité du système nerveux central. Les besoins cardiaques en oxygène sont également satisfaits grâce à une diminution du travail cardiaque et à l’augmentation des apports sanguins. Par contre, la vasoconstriction périphérique conduit, au niveau des organes concernés, à l’apparition d’un métabolisme anaérobie et à la constitution progressive d’une acidose métabolique. On peut noter que la glycolyse anaérobie a un rendement particulièrement médiocre en termes de production d’énergie puisque seulement 2 molécules d’ATP résultent de la dégradation anaérobie d’une molécule de glucose, contre 36 par métabolisme aérobie. Au stade d’acidose métabolique installée, la pression artérielle fœtale chute, en partie du fait d’une diminution du débit sanguin cardiaque, mais aussi à cause de l’incapacité à maintenir la vasoconstriction périphérique. L’association de l’hypoxie et de l’ischémie, due à la chute de la pression artérielle, conduit à une diminution extrême de la consommation en oxygène du cerveau et à l’installation de lésions cérébrales [74]. Les lésions cérébrales peuvent survenir en deux phases : durant la phase aigüe de l’accident asphyxique-ischémique et durant la phase de récupération après la restauration de la circulation cérébrale ou phase de reperfusion (figure 2). Au niveau cellulaire, la baisse du débit sanguin cérébrale concomitante de l’accident hypoxique-ischémique initial entraine une défaillance énergétique primaire et une activation des processus de mort cellulaire [110]. La mort cellulaire initiale est de type nécrotique en cas d’accident hypoxique-ischémique sévère ou de type apoptotique en cas d’accident moins sévère ou plus prolongé [74]. Durant la phase de défaillance énergétique primaire, il existe une déplétion rapide des métabolites énergétiques cellulaires (ATP) responsable d’une dépolarisation cellulaire avec comme conséquence un œdème cellulaire cytotoxique, une accumulation de calcium intracellulaire, et une accumulation extracellulaire d’acides aminés excitateurs (AAE). Le glutamate en excès stimule les récepteurs NMDA (N Méthyle D Aspartate) résultant en un influx massif de calcium à l’intérieur des cellules. L’excès de calcium intracellulaire induit une mort neuronale dont le type nécrotique ou apoptotique est fonction de la concentration intracellulaire de Ca++ [40]. La restauration du DSC définit la phase de reperfusion avec deux périodes : une période latente et une période de défaillance énergétique secondaire. La phase latente se caractérise cliniquement par une normalisation de la pression artérielle, une absence de convulsion, et sur le plan cellulaire, par une normalisation du pH intracellulaire, une diminution de l’œdème cellulaire cytotoxique, du taux d’AAE et une restauration de la réserve énergétique sur une période de 30 à 60 minutes. Une phase de défaillance énergétique secondaire fait suite à la phase latente, peut survenir 6 à 15 heures après la reperfusion et est marquée par une défaillance du métabolisme oxydatif mitochondrial semblable à la phase de défaillance énergétique primaire, un œdème cytotoxique secondaire, une accumulation d’AAE et sur le plan clinique par la survenue de convulsions. Cette phase peut durer plusieurs jours et aboutir à une mort cellulaire retardée [79,10].
Le pH au scalp
Introduite par Saling en 1962 [96], l’analyse du sang fœtal prélevé au scalp, semble être assez largement acceptée, en association avec le RCF, comme la technique de référence en matière de surveillance fœtale au cours du travail. La réalisation d’un pH au scalp ne se justifie qu’en cas d’anomalies du RCF. Toujours selon Saling, un pH compris entre 7,20 et 7,25 doit être considéré comme pré-pathologique et inciter à la répétition du prélèvement dans les 30 minutes suivantes [93]. Un pH au scalp < 7,20 correspondrait à une acidose justifiant l’extraction fœtale. Cependant, plus qu’une telle interprétation de valeurs ponctuelles de pH, la répétition des prélèvements pourrait permettre une meilleure analyse de l’état fœtal. L’évolution du pH au scalp, en moyenne de – 0,13 unités par heure en cas d’anomalies du RCF, permettrait de juger du moment opportun d’extraction, avant la constitution d’une acidose sévère [95]. Idéalement, l’analyse devrait également tenir compte de la possibilité d’acidose transmise d’origine maternelle (notamment au moment des efforts expulsifs) qui représenterait environ 10 % des cas de pH au scalp < 7,20.Le partogramme (modele de l’OMS) Le partogramme [85] est l’impression graphique de parties ou de l’ensemble des éléments et données qui concourent à l’appréciation de l’évolution du travail d’accouchement permettant d’appréhender à temps utile et opportun, toute anomalie susceptible de compromettre l’issue favorable de l’accouchement [16]. Il sert de » système d’alarme précoce » pour toute anomalie dans la progression du travail autorisant la mise en œuvre de mesures de prévention, de transfert de la patiente ou d’accélération ou de terminaison du travail. Il permet de réduire sensiblement le risque de dystocie, de souffrance fœtale, de rupture utérine et les risques ultérieurs d’hémorragie de la délivrance et de septicémie [95].
L’étude des gaz du sang par prélèvement artériel
Elle juge du retentissement de l’insuffisance respiratoire sur l’hématose et de sa gravité [60,47].
Hypoxémie : Se traduit par une pression partielle d’oxygène dans le sang artériel (Pa02) inférieure à la normale (70-80 mm Hg). Elle est considérée comme dangereuse pour une Pa02 inférieur à 50 mm Hg. Chez l’enfant prématuré la Pa02 doit être comprise entre 50-70mmHg.
Hypercapnie : Signe l’hypoventilation alvéolaire et l’acidose ventilatoire. La PaCO2 normale est de 40 mm Hg. Au-dessus de 60-65 mm Hg elle fait discuter la prise en charge ventilatoire. Inférieure à 30 mm Hg elle est dangereuse, principalement chez l’enfant prématuré car elle entraîne une vasoconstriction cérébrale.
L’acidose mixte : elle combine une acidose respiratoire et une acidose métabolique. Le PH normal du nouveau né est de 7,35 à 7,40. L’acidose est dangereuse pour un PH <7,20 et expose l’organisme à des conséquences graves.
Le base-déficit (BD) est un artifice de calcul utile au médecin réanimateur pour déterminer la quantité d’ions basiques nécessaire pour neutraliser un trouble d’origine métabolique.
Alcalinisation par le bicarbonate semi molaire
Elle est devenue aujourd’hui exceptionnelle et indiquée seulement en cas d’arrêt cardiocirculatoire de plus de cinq minutes (échec des mesures de réanimation) et/ou d’acidose métabolique sévère (très fréquente par exemple après extraction urgente pour hématome rétro placentaire) parfois documentée (gaz du sang). Le bicarbonate semi molaire (2 à 4 ml/kg) dilué (avec du sérum glucosé à 5 %, à la même quantité), est préférentiellement administré par voie intraveineuse périphérique (lentement sur 2 minutes) et seulement après l’établissement d’une ventilation alvéolaire efficace. La pose d’un cathéter veineux ombilical pour administrer le bicarbonate ne s’impose que dans les cas graves, surtout si un accès veineux périphérique est difficile à obtenir rapidement [21]
Mode d’action de l’hypothermie contrôlée
Un des modes d’action principal de l’hypothermie est la réduction du métabolisme énergétique cérébral (5 % – 8 % par degré centigrade) [26]. Plusieurs autres effets neuroprotecteurs sont aussi connus : diminution de l’accumulation et de la production d’acides aminés excitateurs et des radicaux libres, inhibition des mécanismes menant à l’apoptose très probablement par suppression de l’activité de la caspase-3 [88]. L’hypothermie agirait aussi sur la réaction inflammatoire du système nerveux en réponse à une hypoxie ischémique en diminuant l’activation des cellules microgliales et la production de cytokines pro-inflammatoires [48].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. DEFINITIONS
1.1. Asphyxie
1.2. Asphyxie néonatale
1.2.1. Asphyxie néonatale
1.2.2. Selon l’institut canadien d’information sur la santé (ICIS)
1.2.3. Selon l’OMS
1.2.4. Selon l’American College of Obstetricians and Gynecologists et l’American academy of pediatrics (ACOG-AAP 2003)
1.2.5. Selon V. Zupan Simunek
2. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ASPHYXIE NEONATALE
2.1. Adaptation du nouveau-né à la vie extra-utérine
2.1.1. Adaptation respiratoire
2.1.2. Adaptation circulatoire
2.2. Physiopathologie proprement dite
3. EPIDEMIOLOGIE DE L’ASPHYXIE NEONATALE
3.1. Epidémiologie dans le monde
3.2. Epidémiologie en Afrique
4. DIAGNOSTIC
4.1. Diagnostic positif
4.1.1. Au cours du travail
4.1.2. En période néonatale
4.1.2.1. Clinique
4.1.2.2. Paraclinique
4.1.2.2.1. Biologie
4.1.2.2.2. Electrophysiologie
4.1.2.2.3. Imagerie
4.2. Diagnostic étiologique
4.2.1. Quelques facteurs exposant le nouveau-né au risque d’asphyxie néonatale
4.2.1.1. Accidents imprévisibles ou difficilement prévisibles
4.2.1.2. Situations à risque souvent prévisibles
4.3. Diagnostic de retentissement
4.3.1. Complication à court terme
4.3.1.1. Encéphalopathie post asphyxique
4.3.1.1.1. Clinique
4.3.1.1.2. Electroencéphalogramme (EEG)
4.3.1.1.3. Echographie transfontanellaire (ETF)
4.3.1.1.4. Scanner cérébral
4.3.1.1.5. Imagerie par résonnance magnétique (IRM)
4.3.1.2. Défaillance multi-organique
4.3.1.3. Le risque de décès
4.3.2. Complications à long terme : séquelles neurologiques
4.3.2.1. Paralysie cérébrale
4.3.2.2. Troubles cognitifs
4.3.2.3. Epilepsie
4.3.2.4. Surdité
4.3.2.5. Troubles neurovisuels
5. PRISE EN CHARGE DU NOUVEAU-NE ASPHYXIQUE
5.1. Réanimation
5.2. Neuroprotection par hypothermie contrôlée
5.2.1. Quand débuter l’hypothermie
5.2.2. Durée de l’hypothermie
5.2.3. Température cible de l’hypothermie
5.2.4. Mode de refroidissement
5.2.5. Mode d’action de l’hypothermie contrôlée
5.2.6. Effets physiologiques et indésirables de l’hypothermie
5.2.7. Réchauffement
5.3. Autres traitements neuroprotecteurs
5.3.1. Le Phénobarbital
5.3.2. Le sulfate de magnésium
5.4. Gestes à ne pas faire
6. PREVENTION
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
1. CADRE DE L’ETUDE
1.1. Les locaux
1.2. Le personnel
2. MATERIEL ET METHODE
2.1. Type et période d’étude
2.2. Recueil des données
2.3. Critères d’inclusion
2.4. Critères d’exclusion
2.5. Paramètres étudiés
2.6. Définition des paramètres étudiés
2.7. Traitement des données
3. RESULTATS
3.1. Prévalence
3.2. Paramètres maternels
3.2.1. Paramètres sociodémographiques
3.2.1.1. Age maternel
3.2.1.2. Répartition des parturientes selon leur origine géographique
3.2.2. Paramètres gynéco-obstétricaux
3.2.2.1. Répartition des parturientes selon la parité
3.2.2.2. Répartition des parturientes selon la gestité
3.2.2.3. Répartition des parturientes selon leurs antécédents gynécologiques
3.2.2.4. Répartition des parturientes selon le nombre de consultations prénatales (CPN)
3.2.2.5. Répartition des parturientes selon les pathologies diagnostiquées au cours de la grossesse
3.2.3. Paramètres de l’accouchement
3.2.3.1. Répartition des parturientes selon la notion de rupture prématurée des membranes ou non
3.2.3.2. Répartition des parturientes selon la durée de la rupture prématurée des membranes
3.2.3.3. Répartition des parturientes selon la durée du travail
3.2.3.4 Répartition des parturientes selon la pratique ou non d’un déclenchement du travail
3.2.3.5. Répartition des parturientes selon le moyen utilisé pour le déclenchement du travail
3.2.3.6. Répartition des parturientes selon le médicament utilisé lors du travail
3.2.3.7. Répartition des parturientes selon le type de présentation
3.2.3.8. Répartition des parturientes selon le type d’anomalie associée à la présentation
3.2.3.9. Répartition des parturientes selon l’aspect du liquide amniotique (LA)
3.2.3.10. Répartition des parturientes selon le mode d’accouchement
3.2.3.11. Répartition des parturientes césarisées selon le type d’anesthésie
3.3. Paramètres néonataux
3.3.1. Répartition des nouveau-nés selon le sexe
3.3.2. Répartition des nouveau-nés selon le poids de naissance
3.3.3. Répartition des nouveau-nés selon les données anthropométriques
3.3.4. Répartition des nouveau-nés selon la trophicité
3.3.5. Répartition des nouveau-nés selon la notion de réanimation ou non à la naissance
3.3.6. Répartition des nouveau-nés selon les complications associées
3.3.7. Evolution
4. DISCUSSION
4.1. Les limites de notre étude
4.2. Prévalence
4.3. Caractéristiques maternelles et facteurs de risques
4.3.1. L’âge
4.3.2. La parité
4.3.3. Les antécédents gynécologiques
4.3.4. Pathologies diagnostiquées au cours de la grossesse
4.4. Caractéristique de l’accouchement
4.4.1. RPM
4.4.2. Médicaments administrés au cours du travail
4.4.3. Durée du travail
4.4.4. Type de présentation
4.4.5. Anomalie associée à la présentation
4.4.6. Aspect du liquide amniotique
4.4.7. Mode d’accouchement
4.4.8. Type d’anesthésie
4.5. Paramètres néonataux
4.5.1. Le sexe
4.5.2. Retard de croissance intra-utérin (RCIU)
4.5.3. Mortalité
4.5.4. Complications
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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