ASPERGILLOSE ET SEROLOGIE
Pouvoir pathogène
Différents éléments peuvent expliquer le pouvoir pathogène d’Aspergillus fumigatus : cette espèce est thermophile (sa température maximale de développement est de 55°C avec cependant un optimum autour de 40°C), ses conidies de très petite taille (diamètre de 2 à 5 µm) mises en suspension dans l’air sont facilement inhalées et pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire des mammifères (jusqu’aux alvéoles pulmonaires).D’autre part, A. fumigatus produit de nombreuses mycotoxines. L’une d’entre elles, appelée gliotoxine, a des propriétés immunosuppressives et nécrotiques par inhibition de la phagocytose macrophagique et induction apoptotique. La diminution de l’immunité au niveau local est induite par un blocage des lymphocytes B et T, ce qui favorise encore la diffusion du champignon au niveau des cavités nasales (57 Russo 2000). D’autres métabolites ont des effets délétères sur l’efficacité de l’appareil mucociliaires des voies respiratoires, prolongeant le contact entre les spores et l’épithélium (32 Hoston 1995).Enfin, ce champignon possède un tropisme pour les vaisseaux sanguins, à l’origine de thromboses et d’ischémies locales expliquant les lésions et la possibilité de dissémination de la mycose.
EPIDEMIOLOGIE
Les spores aspergillaires représentent 2 à 5% des isolements de moisissures dans l’atmosphère et leur densité peut être estimée entre 1 et 15 spores par mètre cube d’air (3 Bodey 1989). Leur répartition est ubiquiste.Les aspergilloses sont des affections opportunistes qui surviennent sporadiquement sur des animaux sains. Aucune contagion n’est décrite entre animaux ou des animaux à l’homme.Toutefois le rôle d’A. fumigatus dans l’aspergillose invasive chez l’homme incite à la plus grande prudence lorsque les propriétaires de chiens atteints sont immunodéprimés (30 Hennet 1993).L’aspergillose invasive est une des principales causes de mortalité des patients admis dans les services d’hématologie. L’incidence moyenne est comprise entre 5 et 25% des patients leucémiques et entre 5 et 10% pour des patients ayant subi une greffe de moëlle. En cas de transplantation cardiaque, elle atteint 19 à 26%. L’incidence de l’aspergillose invasive en cas de Syndrome d’ImmunoDéficience Acquise (SIDA) est en augmentation constante et pourrait atteindre 12% (41 Latge 1999).La survenue de cas groupés dans certains services hospitaliers a souvent été attribuée à une mise en suspension d’un grand nombre de spores au cours de travaux de construction ou de rénovation intra ou juxta-hospitaliers (53 Opal 1986 ; 55 Perraud 1985 ; 67 Sherertz 1987).Les chiens appartenant aux races dolichocéphales sont particulièrement réceptifs et sensibles. La complexité anatomique, la longueur des cavités nasales et leur rôle de filtre de l’air inhalé, un traumatisme de ces cavités ou un déficit immunitaire sont des causes favorisantes reconnues, tandis que des aspergilloses nasales associées à des processus cancéreux ne sont qu’exceptionnellement rapportées. Un comportement exploratoire fouisseur augmente aussi les risques (75 Trumel 2001).Les individus de type mésocéphaliques sont également exposés à cette affection tandis que les brachycéphales semblent plus rarement atteints (57 Russo 1985).
Par ailleurs, Bray (4 Bray 1999) rapporte que 77% des chiens atteints d’aspergillose sont de jeunes adultes de moins de 8 ans.Il n’existe pas de prédisposition sexuelle.
L’aspergillose chez le chat n’est que rarement décrite. En 1984, la littérature ne rapportait que 9 cas (22 Goodall 1984). Sur ces 9 animaux, 7 étaient atteints de panleucopénie féline, de leucopénie ou d’aplasie médullaire. L’aspergillose était secondaire à la baisse d’immunité.
L’utilisation prolongée d’antibiotiques (par inhibition de la compétition normale au sein de la flore des cavités nasales) ou de corticoïdes sont, comme chez le chien, des facteurs prédisposants.
Les quelques cas recensés sont ceux de chats européens, persans ou siamois, âgés de 2 à 12 ans. L’aspergillose pulmonaire semble plus fréquente que la forme rhinosinusale.
PRINCIPAUX SYMPTOMES
Les formes cliniques et localisations sont très variables, malgré une prédilection pour l’appareil respiratoire. La prédominance de telle ou telle forme clinique se fera en fonction de l’hôte.
Chez le chien
Chez les carnivores domestiques et notamment chez le chien, la rhinosinusite aspergillaire est la forme d’aspergillose la plus fréquente, avec Aspergillus fumigatus comme responsable habituel (51 Mortellaro 1989, 78 Willis 1999). Cette affection représente 12 à 34% des maladies rhinosinusales chroniques du chien (9 Chanoit 1999).Les symptômes sont ceux de toute atteinte des cavités nasales (processus tumoraux, infectieux, inflammatoires) (72 Tasker 1999). Les éléments essentiels à retenir du tableau clinique sont :
• Un jetage nasal chronique séreux au départ puis muco-purulent avec des filets de sang, abondant le plus souvent, uni ou bilatéral (figure 3).
• Des éternuements.
• Des accès d’épistaxis peuvent faire suite aux éternuements ; la muqueuse enflammée étant fragilisée. Une épistaxis spontanée, importante et difficile à contrôler orientera plutôt vers un trouble de la coagulation (11 Collas 1996).
• Une déformation de la face ou une douleur à sa manipulation, non constante peuvent être recherchées (44 Lecoindre 1993, 75 Trumel 2001).
• Une ulcération caractéristique de la truffe marquant le sillon d’écoulement du jetage, rencontrée dans 50% des cas, est sans doute provoquée par la gliotoxine sécrétée par Aspergillus fumigatus. Bien que non pathognomonique, ce signe d’éveil est important à prendre en compte (4 Bray 1999, 30 Hennet 1993).
• Une hyperkératose de la truffe.
• Un abattement, une dysorexie peuvent être également décrits par les propriétaires.
Selon les présentations, certains symptômes sont plus fréquents que d’autres (tableau 2).
Tableau 2 : Pourcentage de chiens atteints d’aspergillose rhino-sinusale en fonction des symptômes observés selon Sharp et coll. (64 Sharp 1991) sur un échantillon de 50 chiens atteints d’aspergillose rhinosinusale.
Une forme disséminée d’aspergillose est également rencontrée chez le chien, de race Berger Allemand principalement. Le diagnostic est souvent post-mortem.
Aspergillus terreus et Aspergillus deflectus sont les agents les plus fréquemment isolés. La pathogénie de cette forme particulière d’aspergillose canine est aujourd’hui inconnue (73 Thomas 1999).
La voie d’entrée respiratoire est controversée car certains animaux ne présentent aucune lésion de l’appareil respiratoire lors de l’examen nécropsique. Une atteinte par voie gastrointestinale ou percutanée est envisagée (54 Pastor 1993).
Les symptômes sont fonction des organes atteints : déficit neurologique par ostéolyse de vertèbres avec atteinte de la moelle épinière, insuffisance rénale, hépatique, uvéite, endocardite, myocardite. Des nodules fongiques ont également été retrouvés ou niveau de la rate ou des nœuds lymphatiques mésentériques (35 Kahler 1990, 39 King 1995, 54 Pastor 1993, 73 Thomas 1999).
Des symptômes généraux sont associés : abattement, anorexie, amaigrissement, vomissements ou hyperthermie.
La forme disséminée n’a jamais été décrite en France.
Chez le chat
L’aspergillose chez le chat n’est que très rarement décrite. Les 9 premiers cas rapportés dans la littérature évoquaient des envahissements intestinaux (2 cas), pulmonaires (4 cas), intestinaux et pulmonaires (2 cas) ou encore des formes d’aspergillose rhinosinusale semblables à celles observées chez le chien (2 cas) (22 Goodall 1984). Le diagnostic était alors souvent histologique et post-mortem. Les méthodes diagnostiques classiques (examens radiographiques, tomodensitométriques, sérologiques) ne furent employées dans cette espèce qu’en 1982 (22 Goodall 1984).
Lors de forme rhinosinusale, les symptômes les plus fréquents sont, comme chez le chien, un jetage nasal mucopurulent, des éternuements, une épistaxis et un épiphora. Un envahissement local des globes oculaires est parfois décrit provoquant une uvéite antérieure. Les formes disséminées sont plus fréquentes que chez le chien, les localisations sont alors principalement digestives, pulmonaires (74 Tomsa 2003, figure 4) ou vésicales (26 Harkin 2003), les symptômes sont ceux de pneumonies, d’entérites chroniques ou de cystites (26 Harkin 2003) ;
Figure 4 : Radiographies d’un chat ayant développé une forme pulmonaire d’aspergillose
(cliché : 26 Harkin 2003).
Vue de profil : opacification pulmonaire (flèches blanches) à la base du cœur et déviation dorsale de la trachée (flèche noire).
Vue de face : opacification pulmonaire localisée à l’hémithorax droit (flèche noire).
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. PRESENTATION DE L’ASPERGILLOSE DES CARNIVORES DOMESTIQUES
A. Champignons du genre Aspergillus
1. Eléments de Mycologie
2. Pouvoir pathogène
B. Epidémiologie
C. Principaux symptômes
1. Chez le chien
2. Chez le chat
3. Chez l’homme
D. Diagnostic de l’aspergillose rhinosinusale des carnivores domestiques
E. Traitement
1. Traitements systémiques
2. Traitements locaux
III. ASPERGILLOSE ET SEROLOGIE
A. Sérologie et médecine humaine
1. Méthodes de détection d’anticorps anti-Aspergillus
a) Electrosynérèse ou immunoprécipitation
b) Hémagglutination
c) Immunofluorescence indirecte
d) Fixation du complément
e) Immuno-empreinte ou Western blot
f) ELISA (enzyme linked immunosorbent assay) recherche anticorps ou ELISA indirect
B. Sérologie et médecine vétérinaire
1. Les méthodes de détection d’anticorps anti-Aspergillus
2. Les méthodes de détection des antigènes aspergillaires
IV. ETUDE PERSONNELLE
A. Objectifs
B. Matériels
C. Methode : Détection d’antigènes par le test ELISA Platelia®
1. Principe
2. Détails de la procédure
a) Traitement des sérums
b) Réaction immuno-enzymatique
3. Interprétation des résultats
a) Détermination de la valeur seuil (VS)
b) Calcul d’un index (I) pour chaque sérum testé
c) Validation de l’essai
d) Interprétation des résultats
D. Résultats
E. Discussion
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE
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