Le frittage est défini comme étant un procédé permettant d’obtenir un matériau cohésif à partir d’un composé ou d’un mélange de composés pulvérulents, sous l’effet d’un traitement thermique à haute température [1]. Cette méthode de fabrication très ancienne est utilisée pour un grand nombre d’applications, telles que l’élaboration de céramiques techniques utilisées dans divers domaines industriels (automobile, aéronautique, …). Dans le cas du cycle du combustible nucléaire, le frittage est en particulier employé lors de l’élaboration des pastilles de combustible de type UOx et MOx (oxyde mixte U et Pu) utilisées dans la filière française des réacteurs à eau pressurisée (REP). La poudre de dioxyde d’uranium UO2 ou, dans le cas du combustible MOx, le mélange d’oxydes UO2-PuO2, est tout d’abord mis en forme par pressage uniaxial. Le compact ainsi obtenu, dit « cru», est par la suite traité thermiquement de façon à obtenir une pastille dense. Dans le cas du combustible nucléaire, ce traitement est réalisé à des températures typiquement comprises entre 1700°C et 1750°C pendant environ 4 heures. Le traitement est réalisé sous atmosphère réductrice (H2) pour UO2 et sous un mélange Ar, H2, H2O pour le composé mixte (U,Pu)O2 de façon à maintenir le rapport oxygène/métal (O/M) proche de 2. Ces conditions permettent ainsi de réaliser une densification quasi complète des pastilles crues, la densité finale des objets approchant 95% de la densité théorique.
Le frittage est donc une étape clé dans le cycle du combustible nucléaire. Elle permet d’une part, de contrôler les propriétés microstructurales des combustibles telles que la taille des grains, la porosité ou bien la densité finale du matériau, de manière à répondre aux spécifications inhérentes à chaque type et puissance de réacteur. A titre d’exemple, une porosité fermée résiduelle proche de 5% est notamment requise afin de piéger les produits de fission gazeux générés lors de l’irradiation des pastilles. Le contrôle de la microstructure du matériau permet également de s’assurer de l’obtention d’objets présentant des propriétés physico chimiques (tenue mécanique, par exemple) leur permettant de résister à leur séjour en réacteur. D’autre part, l’étape de frittage va aussi permettre de contrôler le rapport stœchiométrique O/M ainsi que l’homogénéité de la distribution cationique dans le cas des oxydes mixtes, ces deux paramètres pouvant eux aussi impacter le comportement des pastilles au sein du réacteur. Le choix des conditions opératoires retenues lors du frittage du combustible (en particulier en termes de température et de durée du traitement thermique, mais également d’atmosphère) est donc orienté de façon à contrôler les propriétés finales du matériau.
Généralités
Le frittage peut être défini comme un ensemble de transformations intervenant au sein d’un agglomérat de poudre sous l’effet d’un traitement thermique. Ces différentes transformations se produisent à une température inférieure à celle du point de fusion d’au moins un des constituants [1]. Avant le frittage, la poudre est mise en forme par différentes méthodes, telles que le pressage uniaxial pour des objets simples (cylindre par exemple), le coulage pour des objets creux ainsi que des méthodes d’injection pour des pièces de précision [1]. Celles-ci vont permettre de définir la forme de l’échantillon.
En fonction du traitement thermique et de la nature de la poudre, il est possible de distinguer différents types de frittage, soit d’un point de vue technologique, soit en prenant en compte l’évolution des paramètres physico-chimiques des constituants. Si l’on observe ces étapes d’un point de vue technologique, il est possible de définir un mode de frittage dit « naturel », qui survient sans contrainte mécanique lors du traitement thermique. Celui-ci s’oppose au frittage dit « sous charge » qui repose sur l’application d’une pression extérieure simultanée au traitement thermique .
Il est aussi possible de distinguer deux types de frittages d’un point de vue physico-chimique. Le frittage dit en phase liquide est caractérisé par l’apparition d’une phase liquide au sein du compact, due à une réaction chimique ou à la fusion de certains des constituants (l’un d’entre eux devant obligatoirement rester en phase solide). La formation du liquide va permettre le réarrangement des grains ainsi que la formation de ponts liquides entre les grains en contact. Le matériau final et ses propriétés vont alors dépendre de la phase liquide qui est localisée aux joints de grains au cours du refroidissement [1]. Le second type de frittage est dit en phase solide. Dans ce cas, l’ensemble des constituants reste à l’état solide. Le traitement thermique va apporter suffisamment d’énergie au système pour permettre le déplacement d’atomes entrainant la formation de ponts entre les grains et donc la consolidation du produit. Lorsque les centres des grains se rapprochent, il y a alors densification.
Aspects thermodynamiques du frittage en phase solide
Lors du traitement thermique, le système va évoluer de façon à diminuer son énergie de surface globale. Ce phénomène va conduire le compact vers un équilibre thermodynamique. Il est généralement caractérisé par l’obtention d’un matériau consolidé et massif, la présence de porosité dans le composé final n’empêchant pas le système d’atteindre son équilibre .
Il est en effet possible de caractériser chaque système par une énergie de surface (exprimée en joules – J) qui sera impactée par le type d’interface, leur orientation mais aussi la température de frittage. Cette valeur peut être exprimée en fonction de la tension de surface ϒ (exprimée en J.m-2) et de l’aire interfaciale A (exprimée en m²), selon l’équation (1) ci-dessous .
? = ? × ? (1)
Il est important de savoir que la nature des phases qui sont en contact va entrainer la création de plusieurs types d’interfaces : liquide-gaz, liquide-liquide, liquide-solide, solide-gaz ou solide-solide (aussi appelées joints de grain).
Au cours du traitement thermique, la diminution de l’énergie du système s’effectue selon deux processus. D’une part, la croissance granulaire, qui va entrainer une diminution du nombre de grains, ce qui va induire une diminution de l’aire globale des interfaces solide-gaz. On peut alors parler de mûrissement d’Oswald : la baisse d’énergie associée n’est cependant pas corrélée à la densification du matériau. En revanche, la diminution de l’aire globale des interfaces solide-gaz, par le biais de la formation d’interfaces solide-solide, c’est à dire de joints de grains, va provoquer la consolidation du matériau. Ce mécanisme est défini au sens littéral comme le frittage.
Toutefois, la densification n’est jamais observée seule, et il y a toujours combinaison du phénomène de consolidation et de celui de croissance des grains . Les deux étapes se déroulent en outre toujours dans cet ordre. Dans le cas contraire (croissance puis consolidation), la cinétique est en effet fortement défavorable .
Paramètres influant sur le frittage
Taille des particules
Les cinétiques de diffusion sont dépendantes de la granulométrie. En effet, il est possible de noter des variations visibles sur les phénomènes de diffusion superficielle ainsi que sur la diffusion au joint de grain en fonction de la taille des particules. Il est possible d’observer que les deux vitesses vont augmenter quand le rayon des particules va diminuer.
Cependant, il est important de noter que la diffusion superficielle devient nettement plus rapide que la diffusion volumique aux faibles granulométries . En effet, les objets de petites tailles vont favoriser les mécanismes qui sont associés à une valeur de m élevée généralement associée à la diffusion en surface.
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Table des matières
Introduction
Références
Chapitre I : Etat de l’art
Introduction
I. Généralités
I. 1. Aspects thermodynamiques du frittage en phase solide
I. 2. Aspects cinétiques du frittage en phase solide
I. 3. Paramètres influant sur le frittage
I. 3. a. Taille des particules
I. 3. b. Température
II. Frittage du dioxyde d’uranium
II. 1. Procédés industriels
II. 2. Impact de la sur-stœchiométrie sur le frittage de UO2
III. Etude du frittage de composés hétérogènes
IV. Étude expérimentale de la première étape du frittage
IV. 1. Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
IV. 1. a. Description de la méthode
IV. 1. b. Etude expérimentale du frittage par MEBE
IV. 2. Microscopie Electronique en Transmission
IV. 2. a. Description de la méthode
IV. 2. b. Étude expérimentale du frittage par MET
Conclusion
Références
Chapitre II : Méthodes expérimentales
Introduction
I. Préparation des échantillons
II. Étude du frittage par MEBE
II. 1. MEBE-HT in situ
II. 2. Procédure expérimentale ex situ
III. Traitement d’images
Références
Chapitre III : Synthèse des microsphères d’oxyde d’uranium (UO2)
Introduction
I. Protocole expérimental
II. Caractérisation du précipité initial
III. Étude multiparamétrique de la conversion hydrothermale
III. 1. Impact du pH de la solution
III. 2. Impact du temps de traitement thermique
III. 3. Impact du rapport molaire Uranium / Acide aspartique
III. 4. Effet de l’agitation magnétique
IV. Comportement en température des particules d’UO2
Conclusion
Références
Chapitre IV : Etude de l’étape initiale du frittage de microspheres de UO2
Introduction
I. Caractérisation des oxydes formés à l’issue des traitements thermiques
I. 1. Détermination par simulation CALPHAD
I. 2. Détermination par DRX
I. 2. a. Détermination expérimentale des structures
I. 2. b. Evolution de la taille des cristallites
II. Etude du mécanisme de frittage de UO1,99 sous vide
II. 1. Expériences in situ en MEBE-HT
II. 2. Expériences ex situ
II. 3. Expérience in situ en MET-HR-HT
II. 4. Discussion
III. Suivi in situ du frittage de microsphères d’oxyde d’uranium (IV) sous pO2 contrôlée
III. 1. Evolution morphologique des systèmes étudiés en fonction de la pO2
III. 2. Evolution des paramètres géométriques
III. 2. a. Détermination des énergies d’activation
III. 2. b. Détermination du mécanisme de diffusion
Conclusion
Références
Chapitre V : Etude du frittage de systèmes mixtes
Introduction
I. Synthèse des particules sphériques
I. 1. Protocole de synthèse des microsphères de CeO2
I. 2. Protocole de synthèse des sphères mixtes (U1-xCex)O2
II. Etude expérimentale de la première étape du frittage de deux microsphères de UO2 et de CeO2
II. 1. Choix des atmosphères de frittage et détermination des structures correspondantes
II. 2. Etude du frittage d’un système hétérogène UO2,21-CeO2 avec pO2 = 10-1 Pa
II. 2. a. Caractérisation du frittage dans le domaine de basses températures (700°C – 900°C)
II. 2. b. Caractérisation du frittage dans le domaine des températures intermédiaires (900°C – 1050°C)
II. 2. c. Caractérisation du frittage dans le domaine des hautes températures (>1050°C)
II. 2. d. Préparation de la lame mince par FIB
II. 2. e. Répartition locale des espèces chimiques (MET couplé EDS)
II. 2. f. Caractérisation cristallographique locale par diffraction des électrons (MET)
II. 2. g. Discussion
II. 3. Effet de la pO2 sur le frittage d’un système UO2+x-CeO2
II. 4. Frittage des systèmes UO2+x-CeO2 – Discussion
III. Etude expérimentale de la première étape du frittage de deux microsphères de composition homogène (U0,9Ce0,1)O2
Conclusions
Références
Conclusion générale