Dans un monde qui est en train d’évoluer sous l’effet du changement climatique, dont les effets commencent à être perceptibles, les océans voient leurs caractéristiques changer les facteurs physiques et chimiques impactant la biologie et la biogéochimie océaniques. Des augmentations de températures de 0.8°C (IPCC-2007) sont notées à la surface des océans depuis les années 1900 occasionnées par une augmentation du CO2 atmosphérique qui est un gaz à effet de serre. Les modifications du climat ont des répercussions sur la productivité marine et les écosystèmes océaniques. Les changements biologiques attribués au changement climatique affectent le phytoplancton, le zooplancton, les poissons et modifient la dominance de nombreuses espèces ainsi que la structure, le fonctionnement et la diversité des écosystèmes. Aussi les modifications de la biogéochimie marine rétroagissent sur l’évolution du climat via les échanges air-mer de CO2. L’effet du changement climatique serait de réduire d’un quart la capacité des océans à pomper le CO2 par des effets physiques (diminution de la solubilité du CO2 due à l’augmentation de température) et biologiques (modifications des caractéristiques de la biologie océanique). A l’heure du changement climatique, la séquestration du CO2, est devenu un enjeu important pour l’avenir de la planète et un sujet d’étude primordiale pour les océanographes. Il existe un continuum d’échelles spatio temporelles entre l’atmosphère, l’océan et les micro-organismes (phytoplancton) présents à la surface des océans. Le phytoplancton est à la base de la chaîne trophique dans les océans. Ce producteur primaire, représentant moins de 1% de la biomasse photosynthétique terrestre, fixe la moitié du CO2 atmosphérique [Falkowski et al., 2000]. Le carbone ainsi séquestré peut être consommé par des prédateurs marins, et ensuite libéré à nouveau sous forme de dioxyde de carbone par la respiration ; mais une partie de ce carbone fixé va sombrer au fond des océans sous forme de pelotes fécales et de coquilles calcaire d’organismes marins contribuant à la formation des sédiments, le retirant ainsi du cycle biogéochimique.
Aspects radiométriques de la couleur de l’océan
Les radiomètres sont des capteurs passifs qui mesurent l’énergie lumineuse à différentes longueurs d’onde. Les radiomètres dédiés à la couleur de l’océan mesurent la lumière solaire dans la gamme visible et proche infrarouge, renvoyée par le système océan atmosphère après son interaction avec celui-ci, ce qui permet d’obtenir un certain nombre de caractéristiques physiques de ce système.
Réflectance
Soit L(θs,φs,λ) la luminance incidente en un point de surface, dans la direction (θs,φs) et pour un angle solide élémentaire dΩs. Etudions la partie de l’énergie incidente renvoyé vers l’espace dans la direction (θ,φ) par l’océan (figure 1.1). Cette quantité d’énergie renvoyée dépend des conditions d’éclairement incident et n’est donc pas seulement caractérisée par les propriétés du “réflecteur’’. On utilise donc la réflectance qui est le rapport de l’énergie émise par la surface à l’énergie incidente. C’est une grandeur sans dimension et indépendante de l’éclairement.
Le transfert radiatif
La théorie du transfert radiatif relie les luminances émises par un système éclairé à ses propriétés optiques inhérentes et permet de calculer les contributions physiques du couple océan-atmosphère à l’énergie lumineuse au cours du trajet. On peut exprimer la réflectance bidirectionnelle ρtoa(λ) mesurée par un radiomètre comme la somme des contributions au signal de chaque constituant de l’atmosphère et de l’océan :
ρtoa(λ) = ρr(λ) + ρA(λ) + T(λ).ρg(λ) + t(λ).ρwc(λ) + t(λ).ρw(λ) (1.5)
où ρA(λ) = ρa (λ) + ρra (λ) (1.6)
Les différents termes de cette relation correspondent à :
1. ρr(λ) la réflectance due à la diffusion (Rayleigh) du rayonnement solaire par les molécules en l’absence d’aérosols dans l’atmosphère,
2. ρA(λ) la réflectance due à la diffusion du rayonnement solaire par les aérosols ρa ainsi que les diffusions combinées aérosols/molécules dans l’atmosphère ρra ,
3. ρg(λ) la réflectance due à la réflexion spéculaire de la lumière solaire sur la surface de la mer (glitter en anglais),
4. T(λ) la transmission directe [Gordon, 1997],
5. ρwc(λ) est la réflectance due à la réflexion de la lumière solaire par l’écume au sommet des vagues,
6. t(λ) est la transmission diffuse due à la traversée de l’atmosphère par le signal réfléchi [Gordon et al., 1983][Gordon, 1997][Wang, 1999],
7. ρw(λ) la réflectance marine en l’absence d’écume après atténuation sur le trajet direct descendant. Elle correspond aux photons qui, après avoir pénétré la surface de la mer, sont diffusés et reviennent vers le capteur. Cette réflectance contient l’information de la couleur de l’océan car son intensité dépend fortement des constituants océaniques proches de la “surface”.
Les contributions ρr(λ) et t(λ).ρwc(λ) sont connues avec précision et permettent de corriger en partie la réflectance ρtoa. De plus l’effet du glitter (le terme T(λ).ρg(λ)) sur le capteur SeaWiFS que nous utilisons dans cette thèse est négligeable, étant donné la géométrie d’observation. La quantité ρtoa définie dans l’équation (1.5) se réduit alors à ρcor tel que :
ρcor = ρA + t.ρw (1.7)
Composition optique de l’atmosphère
Le signal de luminance sortant du système océan-atmosphère est dû en pour plus de 80% à l’atmosphère. Une grande partie des effets atmosphériques sont dus à la présence d’aérosols. Ceux-ci nécessitent donc une étude particulière.
Propriétés optiques des aérosols
Les aérosols diffusent la lumière et donc atténuent le signal lumineux. L’étude de leur effet dépend à la fois du processus de diffusion (diffusion simple ou multiple) et aussi des propriétés physiques de l’aérosol. Le modèle physique d’aérosol est caractérisé par une distribution de taille, un indice de réfraction complexe et une épaisseur optique.
Un indice de réfraction complexe m= mr – imi qui caractérise l’impact de la composition chimique de la particule sur les processus de diffusion et d’absorption. La partie réelle est liée à la réfraction optique et la partie imaginaire sa capacité d’absorption ; mr est généralement compris entre 1.33 et 1.75 tandis que mi est compris entre 0 et 0.66.
L’épaisseur optique à 865 nm τ )865( , est un facteur qui dépend de la concentration en aérosols et peut servir à estimer cette concentration ainsi que le caractère absorbant ou diffusant de l’atmosphère traversée. Pour un modèle d’aérosol donné (c’est-à-dire une distribution en taille normalisée et un indice de réfraction), on pourra associer plusieurs valeurs de l’épaisseur optique. Il est noté que l’humidité relative (RH comme Relative Humidity en anglais) influe sur les propriétés des aérosols. Quand RH augmente, la vapeur d’eau se condense sur les substances particulaires suspendues dans l’atmosphère. Cette eau condensée augmente la taille des aérosols et change leur composition d’où leur indice de réfraction complexe. L’effet de l’absorption et de la diffusion de la lumière sera modifié. Alors que les changements de visibilité sont souvent associés aux changements de l’humidité relative, il n’est pas possible de définir un rapport fonctionnel unique entre visibilité et humidité relative dans l’atmosphère libre. Cependant pour des aérosols dans un système fermé, où les changements d’aérosols peuvent être contrôlés, une relation fonctionnelle peut être développée.
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Table des matières
Introduction
1. Aspects radiométriques de la couleur de l’océan
1.1 Grandeurs radiométriques
1.2 Equation du transfert radiatif
1.3. Composition optique de l’atmosphère
1.3.1. Propriétés optiques des aérosols
1.3.2. Modèles d’aérosols de Shettle & Fenn
1.3.3. Modèle d’aérosol de type « Poussière»
1.4. Composition de l’océan
1.4.1. La réflectance marine
1.4.2. Modèle bio-optique
1.5 Caractérisation du capteur radiométrique SeaWiFS
1.5.1. Algorithme de corrections atmosphériques de SeaWiFS
1.5.2. Restitution de la Chl-a
1.6. Le cas des aérosols absorbants
1.7. Conclusion du chapitre
2. Algorithmes neuronaux pour l’analyse de la couleur de l’océan
2.1. Le neurone formel
2.2. Les cartes topologiques de Kohonen
2.2.1. Architecture
2.2.2. Apprentissage
2.3. Les Perceptrons MultiCouches
2.4. Inversion de données par méthode variationnelle
2.4.1. Inversion neuro-variationnelle
2.4.2. Le logiciel YAO
2.5 Conclusion du chapitre
3. Méthode d’inversion des mesures SeaWiFS par carte de Kohonen
3.1 Présentation des données
3.1.1 Les mesures SeaWiFS
3.1.2 Les bases de données expertes
3.1.2.1 Base de données liant réflectances atmosphériques-paramètres de l’atmosphère
3.1.2.2 Base de données liant réflectances marine-paramètres de l’océan
3.1.3 Base de données de validation
3.2. Méthodologie
3.2.1 Détermination du classifieur
3.2.2 Inversion et labellisation de la carte SOM-A-S
3.2.3 Traitement d’images SeaWiFS
3.3 Images de restitutions de SOM-A-S
3.4 Validation des aérosols « Dust»
3.5 Conclusion du chapitre
4. Méthode mixte d’inversion neuro-variationnelle des réflectances
4.1 Modélisation du transfert radiatif par PMCs
4.2 Les paramètres de contrôle et les paramètres d’initialisation
4.3 La fonction coût
4.4 Le modèle adjoint
4.5 Test de stabilité de NeuroVaria
4.6 Applications et validations sur des observations SeaWiFS
4.7 Conclusion du chapitre
5. Etude climatologique
5.1 Traitement des données météorologiques issues des ré-analyses ERA-Interim
5.2 Comparaison épaisseurs optiques (τ) et des concentrations en chlorophylle-a (Chl-a ) moyennes obtenues par SeaWiFS et SOM-NV
5.2.1 Analyse des concentrations moyennes de Chl-a
5.2.2 Analyse des épaisseurs optiques mensuelles τ
5.2.3 Analyse des moyennes des types d’aérosols
5.3 Conclusion du chapitre
Conclusion