Aspects généraux de la méthode de construction de la zone de localisation probable 

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La phase de localisation des victimes

Jusqu’à présent, nous avons traité les opérations de secours en montagne comme « un tout », sans en détailler l’organisation. Pourtant, la phase de traitement de l’alerte et celle de l’inter-vention répondent à des objectifs et mobilisent des compétences très différentes. C’est durant la phase de traitement de l’alerte que sont fixées les modalités d’intervention, de médicalisation et que la victime et sa position sont identifiées. Or, si toute intervention nécessite de connaître la position de la victime, il n’est pas forcément simple ou rapide de l’identifier. Il s’agit donc d’une étape critique, avec un impact conséquent sur l’ensemble d’une opération de secours. La circulaire Kihl en impose même la vérification systématique. Une erreur peut en effet faire perdre un temps considérable aux équipes de secours et donc impacter, non seulement l’opération de secours en cours, mais également toutes les opérations ultérieures, les moyens nécessaires aux secours étant limités. Dans le département de l’Isère, ce travail de localisation de la victime est à la charge des USEM. En effet, le plan ORSEC de l’Isère précise que « l’opération de secours […] englobe la phase de localisation précise de la victime […] » 25 et que, en vertu du principe de « compétence exclusive » des USEM pour les opérations de secours en montagne, la localisation de la victime est à leur charge.

L’identification manuelle de la position des victimes

Les secouristes disposent de plusieurs méthodes pour localiser les victimes. Une première manière de procéder, qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de ce travail, consiste identifier manuellement la position du requérant à partir des informations de localisation données lors de l’appel, e.g. « Je suis sur le GR 5 », « Je vois Grenoble » ou « Je suis à côté d’un chalet. » Ces informations peuvent être extrêmement nombreuses et précises ou, au contraire, extrêmement lapidaires. L’identification manuelle d’une position peut donc être un travail difficile, même pour un secouriste habitué à ce travail.
Le processus de localisation d’une victime par les secouristes est unique dans chaque cas, mais on peut identifier certaines récurrences. Lorsque la personne contactant les secours, le requérant, est mise en contact avec les secouristes, il lui est rapidement demandé de donner sa position. Quelques fois, le requérant est capable de la donner précisément et sans ambiguïté, par exemple en donnant des coordonnées GPS ou une indication extrêmement claire et discri-minante (e.g. « Je suis au sommet du Grand Veymont »). Mais dans la majorité des situations, le requérant n’est pas capable de décrire convenablement sa position. Les secouristes doivent donc l’identifier, ou tout du moins l’approximer à partir des informations qu’ils peuvent ob-tenir. Cette tâche est cependant facilitée par deux éléments importants. D’une part, la phase de localisation se déroule en parallèle de la conversation téléphonique entre le requérant et un secouriste. Ce dernier n’a donc pas à extrapoler le maximum d’informations à partir d’une des-cription figée, au contraire, il a la possibilité de poser des questions, de demander des précisions et donc de tester des hypothèses. Les secouristes peuvent donc procéder par essais-erreurs et adapter leur démarche en continu, en fonction de la situation et des nouvelles informations don-nées par le requérant, ce qui facilite le travail de localisation. Le second point essentiel est que les secouristes peuvent s’appuyer sur un nombre conséquent de données pour identifier la posi-tion du requérant. En effet, les secouristes ont accès à un ensemble de données cartographiques, que ce soit au format papier ou numérique, qui leur permettent d’identifier des positions, de faire des hypothèses ou de poser des questions discriminantes (e.g. « Est-ce que vous voyez des chalets au loin ? »). D’autres sources d’informations sont également disponibles pour les secouristes, comme un ensemble de topo-guides 26 de la région, dans lesquels sont parfois les seuls documents à donner une information spécifique, comme un itinéraire recommandé.
Malgré ces atouts, il est parfois difficile pour les secouristes d’identifier avec précision et certitude la position de la victime, notamment lorsque les informations données par le requérant sont peu précises ou vagues. Cela peut se produire lorsque le requérant est un tiers contactant les secouristes suite à une disparition ou lorsque la victime est complètement perdue, paniquée ou gravement blessée.
Le cas spécifique des domaines skiables
Il convient de préciser que le processus d’identification des positions est assez différent lorsque les USEM sont amenées à intervenir sur un domaine skiable. Dans ce cas, les victimes ne contactent pas directement les secouristes des USEM 27, ce sont les pisteurs-secouristes de la station qui prennent contact avec le CODIS pour demander une évacuation héliportée si la situation l’impose. Dans cette situation, la communication est donc assez différente, puisqu’elle s’effectue entre deux professionnels, qui partagent des connaissances sur la région de l’intervention et qui sont régulièrement amenés à communiquer entre eux. Des solutions techniques ont donc été mises en place pour faciliter et fluidifier ces interactions. D’une part, les secouristes de USEM ont accès l’ensemble des plans de piste des domaines skiables de leur zone d’intervention, complétés par carroyage commun entre pisteurs-secouristes et USEM. Ce dernier permet aux pisteurs de communiquer rapidement une position aux secouristes, bien plus qu’avec une description. Les problèmes qui peuvent apparaître lors de la localisation manuelle des victimes sont donc inexistants dans le cas particulier des secours en station de ski ; c’est pourquoi nous ne traiterons pas de ce cas dans notre thèse.
On peut toutefois noter que la solution développée par les secouristes et les pisteurs n’est pas exempte de défauts. Pour des raisons autant pratiques qu’esthétiques, les plans de stations de ski sont fortement déformés, voire peu réalistes pour ceux dessinés manuellement (Gauchon 2014 ; La Porte 2017). Tout carroyage tracé sur ces représentations est donc difficilement transposable dans une représentation azimutale, comme une carte topographique ou un SIG, ce qui impose aux secouristes ou aux pilotes de faire cette transformation mentalement. Au sein du projet Choucas, plusieurs travaux d’étudiants ont été mis en place pour permettre le géoréférencement de ces plans et donc faciliter leur utilisation (Gauer et al. 2019 ; Xi 2020).

L’identification assistée de la position des victimes

Lorsque la victime contacte directement les secours (ou que le requérant est présent sur le site de l’accident), le processus de localisation peut être assisté par l’utilisation de solutions permettant une géolocalisation facile, précise et non ambiguë (e.g. comme les récepteurs GPS).
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Conformément au plan ORSEC les appels adressés au CODIS (112 ou 18) ou au SAMU (15) pour des secours sur domaine skiable sont redirigés au service des pistes concerné.
La généralisation des smartphones, généralement équipés de GPS, a fait émerger un marché de solutions de partage de localisation pensées pour le secours. Les applications dédiées, comme Alpify, sont peu à peu supplantées par les solutions directement intégrées dans le système d’exploitation des appareils, comme le système Android Emergency Location Service (Google 2019). De telles solutions sont certes utiles, mais elles ne sont que des aides occasionnelles, totalement dépendantes de la victime et de sa capacité à les utiliser. Il existe cependant deux solutions que les secouristes peuvent utiliser à leur initiative : l’identification de l’antenne GSM servant à passer l’appel et l’application de géolocalisation GendLoc.
L’identification de l’antenne GSM
Les USEM ont la possibilité de localiser le requérant en identifiant l’antenne GSM à laquelle son téléphone est connecté. Le principal avantage de cette méthode est qu’elle est totalement transparente pour la victime. Aucune action de sa part n’est nécessaire pour la localiser. Tou-tefois, c’est le seul avantage de cette méthode, qui n’est ni précise, ni rapide.
D’une part, cette approche ne renseigne les secouristes que sur l’antenne téléphonique de rattachement et sur son angle d’émission. Le requérant peut donc se situer n’importe où dans la zone couverte par l’antenne. Or, lorsque le maillage est composé d’un faible nombre d’antennes puissantes, comme c’est généralement le cas en dehors des milieux urbains, la zone couverte par l’antenne peut devenir très importante (i.e. atteindre plusieurs centaines de km2) et donc ne pas permettre une localisation suffisamment précise. À cela s’ajoute le fait que la zone couverte par une antenne peut varier sensiblement, notamment en fonction des conditions météo, ce qui renforce l’imprécision de la localisation par ce biais (Fen-Chong 2012 ; Olteanu-Raimond et al. 2012). À la faible précision de cette méthode s’ajoute sa lenteur. Pour des raisons légales, les secouristes ne peuvent obtenir cette information des opérateurs qu’avec une réquisition judiciaire. La demande de cette réquisition n’est pas automatique, il est donc nécessaire de faire une demande manuellement, d’attendre sa validation avant de contacter l’opérateur du requérant qui renverra l’information demandée. L’ensemble de ce processus peut donc prendre plusieurs dizaines de minutes, ce qui, dans un contexte d’urgence et de ressources matérielles limitées, est considérablement long.
Dans les faits, l’identification de l’antenne GSM utilisée par le requérant n’est que rarement employée par les secouristes. Les secouristes ont généralement recours à cette solution lorsque aucune des informations données par le requérant n’est suffisante pour le localiser, que la phase de localisation prend beaucoup de temps et que l’application GendLoc n’est pas utilisable.

Les limites des méthodes de localisation des victimes

Il existe cependant certaines situations où, malgré les outils présentés, la localisation des vic-times est délicate. C’est par exemple le cas d’une opération de secours en montagne qui s’est déroulée en août 2014, dans la région de Bourg-d’Oisans, en Isère (Figure 1.3). Ce jour-là, un randonneur polytraumatisé suite à une chute, contacte les secours et est mis en relation avec le PGHM de Grenoble. Son état étant assez préoccupant, le secouriste en fonction l’estime inca-pable d’utiliser GendLoc. Les secouristes décident donc d’identifier sa position manuellement, par recoupement d’informations.
cause de ses blessures, la victime n’est pas toujours lucide et les informations que les secouristes arrivent à obtenir en quarante minutes de conversation, sont peu nombreuses et imprécises. Au cours de la conversation, les secouristes obtiennent de la victime les informations suivantes :
— Elle est partie de Bourg d’Oisans, à pied, sur chemin, en direction d’une station de ski.
— Elle a marché plusieurs heures.
— Elle a chuté de plusieurs mètres.
— Elle voit une partie de plan d’eau.
— Elle est sous une route et entend des véhicules.
— Elle est sous une ligne électrique 3 brins.
— Elle vient de passer du soleil à l’ombre.
La particularité de cette alerte est que toutes les informations données par le requérant sont imprécises et donc difficilement utilisables. Le seul lieu nommé (et donc facilement identifiable) est le point de départ de la victime. Les autres éléments donnés par la victime la localisent par rapport à un type d’objet, pouvant correspondre à de nombreuses instances. Ainsi, on sait que la victime s’est dirigée vers une station de ski, mais sans savoir laquelle. Par conséquent, toutes les stations de la région sont potentiellement la station à laquelle le requérant se réfère (Figure 1.3). De plus, toutes les informations qui permettraient d’identifier la position actuelle à partir du point de départ (i.e. Bourg-d’Oisans) sont imprécises : « quelques heures », « plusieurs mètres », etc. Dans ces conditions, quel est le temps de marche à considérer ? 2, 3 ou 5 heures ?
cause de l’imprécision des informations et du grand nombre de possibilité, plusieurs zones de la région de Bourg-d’Oisans peuvent correspondent à cette description.
En raison de la durée de la phase de localisation et confrontés à l’échéance du crépuscule, les secouristes finissent par demander une réquisition judiciaire, leur permettant de savoir que le téléphone de la victime est connecté à une antenne « GSM SFR située à la chapelle St-Philomene située à Villard-Reymond (38 520) et orientée à 90° » (Olteanu-Raimond et al. 2017). Cette nouvelle information permet de réduire suffisamment la zone de recherche pour que les secouristes prennent la décision d’envoyer un hélicoptère pour chercher la victime de visu, avant que le soleil ne se couche.
La victime fut finalement repérée par l’équipage de l’hélicoptère en vol. De l’aveu même des secouristes, la réussite de cette opération de secours tient beaucoup à la chance et leur difficulté à résoudre ce cas les a amenés à réfléchir à de nouvelles pistes d’amélioration de leur méthode de localisation d’une victime.

Le projet de recherche Choucas

Origine du projet

L’alerte présentée ci-dessus a mis en évidence les limites de la méthode de localisation des victimes utilisée par le PGHM et le risque qu’elles font courir aux victimes. Dans le cas où la solution GendLoc n’est pas utilisable, les secouristes doivent opter pour une localisation manuelle qui, si elle fonctionne la plupart du temps, peu être inefficace et conduire a la perte d’un temps précieux — comme c’est le cas ici. Une réflexion a donc été amorcée au sein du PGHM du Grenoble pour trouver des solutions permettant d’améliorer la gestion de ces cas, qui bien que minoritaires, sont problématiques. Une des voies suivies a été d’organiser des collaborations avec des laboratoires de recherche pour mettre en place une réflexion autour de ces questions.
Une de ces collaborations a abouti à la création du projet de recherche pluridisciplinaire Choucas 34, au sein du quel notre travail de thèse s’inscrit. Ce projet de recherche implique quatre institutions partenaires : (1) Le laboratoire en sciences et technologies de l’informa-tion géographique (LASTIG) 35 de l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN), qui regroupe des chercheurs spécialisés dans la modélisation, la qualification, l’enrichis-sement et la visualisation des données géographiques ; (2) l’équipe probabilités et statistiques du laboratoire de mathématiques et de leurs applications 36 (LMAP) de l’université de Pau, dont les membres sont spécialisés dans la recherche autour des modèles probabilistes et de l’in-férence statistique ; (3) L’équipe STeamer 37 du laboratoire d’informatique de Grenoble (LIG), travaillant à la conception d’outils et de méthodes destinés à la construction de systèmes d’in-formation spatio-temporelles ; et (4) du PGHM de Grenoble qui est à la fois un contributeur et l’utilisateur final des résultats du projet Choucas (Choucas 2020).

Problématique du projet

L’objectif premier du projet Choucas est de développer des méthodes et des outils permet-tant aux secouristes de localiser plus facilement, rapidement et efficacement des victimes en montagne et ainsi éviter de reproduire la situation de l’alerte présentée ci-dessus, où la vic-time n’a été retrouvée que par chance. De part son statut de « déclencheur » du projet de recherche Choucas, mais surtout en raisons de ses spécificités qui en font un cas d’école (sous-sous-section 1.1.2.3 ), cette alerte occupe une place centrale dans le projet Choucas, au point d’être baptisée « fil rouge » (Olteanu-Raimond et al. 2017).
la suite de l’alerte fil rouge, un processus de réflexion, visant à identifier les lacunes du processus de localisation des victimes, a été mis en place. Ce dernier a permis d’identifier plusieurs problèmes. Le premier d’entre eux est qu’il est difficile, voire impossible, de traiter une partie des informations données par le requérant. Les raisons peuvent être multiples. Par exemple, le requérant peut donner une information qui pourrait se révéler discriminante, mais qu’il est très difficile d’exploiter manuellement. C’est par exemple le cas lorsque, dans le fil rouge, la victime indique voir « une partie de plan d’eau ». Si relativement peu de positions correspondent à cet énoncé, il n’est pas exploitable lors d’une localisation manuelle, puisqu’il serait nécessaire d’arriver à construire manuellement des zones de visibilité. Un autre problème se pose lorsque le requérant décrit sa position à l’aide d’un objet non nommé, mais défini par son type ou sa nature. C’est par exemple le cas lorsque la victime indique être « sous une ligne électrique » ou être « partie […] en direction d’une station de ski ». Dans ce cas, de très nombreuses positions peuvent correspondre à une même description et il est difficile pour un opérateur humain de toutes les identifier et les vérifier. Un autre problème est que les requérants peuvent décrire une position en utilisant des termes très vagues, par exemple lorsque, dans le fil rouge, la victime indique avoir marché « plusieurs heures ». Les secouristes ne peuvent qu’approximer la distance qu’a pu parcourir la victime : s’agit-il de quelques kilomètres ? Auquel cas la victime aurait marché deux ou trois heures, ou beaucoup plus ? Bien entendu ces différents problèmes peuvent se combiner. C’est par exemple le cas lorsque la victime indique être « sous une route et entend des voitures ». Dans ce cas, le « sous » est imprécis (i.e. on ne sait pas s’il s’agit de quelques mètres ou de beaucoup plus), l’objet est inconnu (i.e. il peut s’agir de n’importe quelle route) et il est impossible de traiter une partie de l’information manuellement (i.e. « entendre des véhicules »).
Un autre point problématique, bien que moins critique que le précédent, est qu’il est difficile pour les secouristes de traiter différentes hypothèses de localisation de la victime en parallèle, surtout lorsque ces dernières sont complexes. Les secouristes ont donc tendance à se focaliser sur une même hypothèse, celle qui semble la plus probable. Toutefois, cela peut conduire à se focaliser sur une hypothèse fausse, d’autant plus que, comme l’indique Bachelard (1934) : « À l’usage, les idées se valorisent indûment ». Il serait donc préférable que les secouristes puissent disposer d’un outil leur permettant de traiter plus facilement et confortablement plusieurs hypothèses en parallèle.
Une solution à cet ensemble de problèmes 38 peut être apportée par le développement de méthodes et d’outils informatiques ad hoc, destinés à assister le secouriste procédant à la loca-lisation. Les différents objets correspondant à la description donnée par le requérant peuvent être identifiés automatiquement à l’aide d’un outil d’interrogation des données. Les informa-tions inexploitables manuellement (e.g. les notions de visibilité) peuvent alors être transformées l’aide d’un outil permettant de passer d’une description de position (e.g. « la victime voit une partie de plant d’eau ») à une zone, dont les coordonnées sont connues, et permettant de prendre en compte l’imprécision des descriptions et les situations où plusieurs objets peuvent correspondre à la description. Enfin, ces deux outils peuvent être combinés dans un outil d’aide la décision permettant de définir plusieurs hypothèses et de les traiter indépendamment. Le développement d’une telle solution pourrait apporter un réel support aux secouristes durant la phase de localisation. Cependant, il nous semble nécessaire que cette solution ne soit pas conçue pour se substituer aux secouristes (e.g. en interprétant directement la discussion té-léphonique et en cherchant à modéliser la description donnée par le requérant), mais qu’elle s’intègre dans leur cadre de travail.
Une seconde catégorie de problèmes, liés aux premiers, concerne spécifiquement l’exploitation des données. Pour localiser les requérants, les secouristes ont à leur disposition de nombreuses données, comme des bases de données géographiques, des cartes et des plans, des topo-guides, etc. Une grande partie de ces données existent uniquement sous format papier, ce qui rend leur utilisation difficile, notamment lorsque les secouristes cherchent une information sans connaitre le document dans lequel elle se trouve. Les secouristes sont donc confrontés à un autre pro-blème : l’interrogation des données. Une solution pour faciliter l’exploitation de ces données consiste à travailler à leur intégration et à proposer des outils d’interrogation des données. Toutefois, même en considérant toutes les données à la disposition des secouristes, quel que soit leur format, il reste des descriptions qu’il est impossible d’interpréter, faute de données. Ce peut être le cas lorsqu’il se réfère à un objet qui n’est pas saisi dans les bases de données géographiques, soit parce que l’objet n’entre pas dans les spécifications de la base de données utilisée, soit car il est trop récent. Il est également possible qu’un objet existe dans la base de données géographique utilisée, mais que le requérant s’y réfère d’une manière telle que l’objet n’est pas identifiable ; par exemple, en utilisant certaines caractéristiques qui ne sont pas pré-sentes dans la base de données. Prenons pour exemple le cas où une victime indique être sur un « pentu », « en lacets » ou encore « en balcon ». Il est fort probable que le chemin auquel elle se réfère soit présent dans la base de données géographique utilisée, mais il ne sera pas qualifié de « pentu », « en lacets » ou « en balcon », il n’est donc pas possible d’identifier ce chemin à l’aide de ces qualificatifs, à moins d’être en mesure de les construire. Une solution consiste à enrichir les bases de données géographiques en y ajoutant toutes les informations jugées nécessaires, comme les qualificatifs « pentu » ou « en lacet » s’il s’agit d’un chemin.

Objectifs scientifiques du projet

Pour répondre à ces problèmes, quatre objectifs principaux ont été définis et répartis entre les partenaires du projet Choucas :(1) la structuration des données issues de sources textuelles hétérogènes, principalement traitée au sein du laboratoire LMAP ; (2) le raisonnement spatial qualitatif flou, réalisé par les membres du LASTIG ; (3) la géovisualisation de données multi-dimensionnelles et imparfaites pour la prise de décision, traitée par le LIG et (4) l’intégration de sources hétérogènes spatialisables, impliquant des membres du LMAP et du LASTIG. Une synthèse des objectifs du projet Choucas est présentée par la Tableau 1.3, à la fin du chapitre.

Structuration des données issues de sources textuelles hétérogènes

Comme nous l’expliquions précédemment, les bases de données géographiques ne contiennent pas l’ensemble des objets pouvant être utilisés pour décrire une position en montagne. Si on y trouve la plupart des sentiers et des sommets, il est moins fréquent de trouver des repré-sentations de barres rocheuses, ou de vires, alors qu’il s’agit de points de repères saillants et donc régulièrement utilisés pour décrire des positions dans notre contexte. L’ajout de ce type d’objet dans la base de données utilisées par les secours permettrait d’affiner ou de faciliter la localisation des victimes. Le premier objectif scientifique du projet, « la structuration des données issues de sources textuelles hétérogènes », consiste à enrichir les bases de données à la disposition du PGHM par l’analyse de sources textuelles et plus spécifiquement de descriptions textuelles d’itinéraires de randonnée. En effet, la majorité des informations disponibles sur les itinéraires de randonnée est présentée (et diffusée) sous forme de texte, notamment par le biais de topoguides, de sites collaboratifs 39, ou encore de blogs. Les itinéraires y sont généralement présentés sous la forme d’un texte décrivant principalement les points de bifurcation et les objets permettant de les repérer (e.g. « prendre à droite à la bifurcation située au niveau d’un gros rocher ») et sont parfois (notamment sur les sites tels que camp2camp), complétés par une trace GPS. La présence de ces deux informations complémentaires permet d’envisager d’iden-tifier les positions correspondant à certaines descriptions, et inversement. Or, comme certains des objets décrits et utilisés comme points de repère dans le récit peuvent être absents des bases de données géographiques, il devient possible de les enrichir (Medad et al. 2018 ; Moncla et al. 2019).

Raisonnement spatial qualitatif flou

Le second objectif scientifique du projet Choucas est l’élaboration de méthodes permettant d’identifier les zones correspondant à des descriptions de positions (e.g. « la victime est sous un chemin »), dans le but de faciliter l’interprétation de descriptions difficiles, voire impossibles à traiter manuellement (e.g. « la victime voit une partie de plan d’eau ») ou nécessitant d’étudier de nombreux cas, notamment lorsque l’objet utilisé comme point de référence n’est pas nommé et donc directement identifiable (e.g. « la victime est sous une route »). Le principal verrou scientifique de cet objectif est qu’il impose d’être en mesure de prendre en compte l’imprécision inhérente à ce type de description. Comme nous l’avons déjà énoncé, il peut être difficile d’interpréter une description telle que : « la victime est sous une route et entend des véhicules », sans savoir à quel point la victime est « sous » la route (s’agit-il de quelques mètres ou de beaucoup plus ?) ou si le son fait par les véhicules est fort ou faible. À cela s’ajoute le fait qu’une même description peut être utilisée dans des contextes différents ou pour décrire des positions qui le sont tout autant. Il est donc nécessaire de prendre cet aspect en considération et d’adapter la méthodologie pour qu’elle puisse prendre en compte l’imprécision. Un second verrou est que les descriptions données au sein d’une même alerte peuvent être très différentes. Par exemple, dans le fil rouge, la victime se repère en utilisant un indice visuel, mais aussi en décrivant son trajet. La modélisation d’une telle alerte nécessite donc d’être en mesure de traiter des informations de nature très différente, tout en prenant en considération leur imprécision et la possibilité que l’objet utilisé pour décrite la position ne soit pas nommé (e.g. une station de ski », « une route », etc.). C’est dans cet axe que s’inscrit notre travail doctoral et nous détaillerons donc cet objectif dans les chapitres suivants.

Géovisualisation de données multidimensionnelles et imparfaites pour la prise de décision

Le troisième objectif scientifique du projet de recherche Choucas est la conception et la réali-sation d’une interface d’aide à la décision permettant aux secouristes de visualiser des données géographiques utilisables pour la localisation de la victime, de formuler leurs hypothèses sur la localisation de la victime et d’interagir avec l’ensemble des solutions qui sont élaborées au sein des autres objectifs scientifiques du projet. L’interface d’aide à la décision est centrale dans le projet, puisqu’elle constitue le point d’entrée et d’interaction avec toutes les solutions élaborées au sein du projet Choucas. Cette interface a également pour objectif de permettre la visualisation et l’interaction avec les zones correspondant à des descriptions de positions qui seront produites par les méthodes développées au sein du précédent objectif. L’interface d’aide la décision doit donc permettre la visualisation de données prenant en compte l’imprécision, comme celles qui seront produites lors de notre travail de thèse (Viry et al. 2019b).

Intégration de sources hétérogènes spatialisables

Enfin, le dernier objectif scientifique du projet Choucas consiste à travailler à la structuration et à l’interrogation de l’ensemble des données géographiques qui permettraient de localiser la victime : sommets, itinéraires, etc. Comme nous l’avons précédemment expliqué, les secouristes disposent d’un important corpus de données, provenant de sources hétérogènes telles que les données institutionnelles (e.g. données produites par l’IGN), les données collaboratives (e.g. données issues de CamptoCamp ou d’openStreetMap) ou des données produites par le projet Choucas. Il est, par conséquent, difficile de trouver une information utile au processus de localisation sans savoir où chercher. La structuration de ces données offrirait la possibilité de les interroger conjointement et ainsi de disposer d’un maximum d’informations, ce qui améliorera le processus de localisation.
Le premier verrou scientifique de cette tâche est d’arriver à combiner des sources de données potentiellement différentes et pouvant être contradictoires (e.g. deux sources différentes placent un même sommet à des endroits différents), avoir une précision géographique et sémantique différente (e.g. une base de donnée distingue les sentiers des chemins et une autre non) et décrire un même territoire à des dates différentes. La mise en commun de telles sources nécessite donc d’être en capacité de réaliser un appareillement, pouvant se révéler complexe, de données géographiques (Van Damme et al. 2019).
Le second verrou est la définition d’un architecture permettant l’indexation et l’interroga-tion de ces données. L’architecture étudié pour cet objectif se repose sur un médiateur qui interrogera le catalogue de service et dirigera les requêtes vers différentes sources de données. Par exemple, si l’utilisateur souhaite récupérer les limites de l’objet « le lac Blanc », le sys-tème interrogera les sources de données qui possèdent des lacs et renverra toutes les instances correspondant à cette description (Halilali et al. 2018).
Comme nous l’avons vu au cours de ce chapitre, notre thèse s’inscrit à la fois dans le contexte métier du secours en montagne et dans le contexte organisationnel du projet de recherche Choucas.
Parmi tous les points critiques auxquels les secouristes sont confrontés dans l’exercice de leur métier, nous nous intéressons à ceux apparaissant lors la première phase des opérations de secours, la localisation de la victime. En effet, malgré le développement récent de la solution de géolocalisation GendLoc, il est quelquefois difficile pour les secouristes de localiser une personne perdue ou blessée en montagne, notamment lorsque la victime ne dispose pas de smartphone ou que les secouristes ne l’estiment pas capable de réaliser les manipulations adéquates. Dans ces conditions, les secouristes procèdent à la localisation manuelle de la victime, en interprétant les informations qu’elle peut donner sur sa position, ce qui est moins précis et plus lent qu’une localisation par GendLoc. Or, la rapidité d’un secours est un facteur déterminant pour la survie de la victime, mais également pour l’efficacité du système de secours en montagne dans son ensemble, une perte de temps sur le traitement d’une alerte pouvant impacter les alertes suivantes. Le projet Choucas a été construit pour aider les secouristes, en premier lieu ceux du PGHM de Grenoble, à traiter ce type d’alertes. L’objectif de ce projet est, plus précisément, de développer des méthodes et des outils destinés à assister les secouristes durant la phase de localisation de la victime. Notamment en proposant des outils d’aide à la décision, de géovisualisation et en proposant des méthodes permettant d’enrichir les bases de données utilisées par les secouristes avec des données métier utiles, telles que certaines formes spécifiques du relief (e.g. vires, barres rocheuses, etc.).
Au sein de ce projet, notre rôle est de travailler à la conception de méthodes d’aide au raisonnement spatial, permettant de transformer une description de position (e.g. « je suis sous une cascade ») en une zone y correspondant, nous parlons alors de « spatialisation ». Les détails de cet objectif et de son contexte scientifique serons présentés dans le chapitre suivant.

La spatialisation des indices de localisation

La construction d’une zone de localisation compatible nécessite de définir des méthodes de spatialisation permettant de traiter des indices de localisation aussi différents que : (a) « la vic-time est sous une route », (b) « je vois une montagne », ou (c) « j’ai marché plusieurs heures ». Comme nous l’avons expliqué, les indices de localisation sont composites. La position du sujet est donnée par la relation de localisation, par rapport à l’objet de référence. L’élaboration d’une méthode de spatialisation présuppose donc de travailler à l’identification de la sémantique des relations de localisation et d’en proposer une modélisation formelle.
Comme notre objectif est de proposer des solutions de spatialisation et de fusion s’intégrant dans la démarche actuelle des secouristes, nous pouvons envisager d’exploiter leur expertise pour réaliser certaines actions, comme l’écoute et l’analyse du discours du requérant, qui se-raient difficilement automatisables par ailleurs. En effet, il n’est ni nécessaire, ni souhaitable, d’automatiser entièrement le processus de localisation de la victime, ce qui nécessiterait, par ailleurs, de développer des solutions d’analyse automatisée du langage oral. Cependant, cette étape ne concerne pas notre travail et ne sera donc pas abordée ici, puisque nous choisissons de confier cette tâche de « sémantisation » de la description orale d’une position au secou-riste. Notre travail se limitera donc à identifier les « types » de descriptions utilisés dans notre contexte, de les exprimer dans un vocabulaire controlé, puis d’en proposer une modélisation à même d’en permettre la spatialisation.

Contexte scientifique

La question de la spatialisation d’une position décrite en langage naturel peut sembler être un sujet dont les applications sont limitées à des cas très spécifiques, comme l’est notre con-texte applicatif. Cependant, en cherchant à améliorer le traitement de données géographiques exprimées en langage naturel, ces travaux œuvrent à faciliter la communication entre ma-chines et êtres humains. En effet, comme l’illustre le concept de Naive geography, proposé par Egenhofer et al. (1995), la représentation informatique de positions et plus généralement, d’objets géographiques, est assez éloignée de la façon dont les hommes et les femmes conçoivent l’espace et leur localisation. Pour des raisons techniques, il est beaucoup plus simple, pour un ordinateur, d’identifier et de manipuler les coordonnées d’un point à la surface de la terre avec une précision submétrique, que d’identifier la position correspondant à la description : « le café sous ma maison », tandis que cette dernière est pourtant beaucoup plus compréhensible pour un être humain (Duchêne et al. 2019). L’interprétation de ce type de description se heurte, en effet, à plusieurs problèmes. Tout d’abord, il est difficile d’identifier la sémantique des termes utilisés, celle-ci étant dépendante du contexte. Reprenons l’exemple du « café ». Vous aurez très certainement compris en lisant cet énoncé que « le café » était un lieu. Toutefois, pour en arriver à cette conclusion, il a fallu comprendre qu’il s’agissait d’une métonymie et, par consé-quent, que le terme « café » désigne ici un lieu et non une boisson psychotrope ou le moment où on la consomme, ou les grains du caféier. C’est le contexte d’utilisation, où le mot « café » est couplé à une relation de localisation, qui permet de comprendre qu’il s’agit d’un objet géogra-phique et donc, que l’interprétation la plus vraisemblable est que l’on parle ici d’un bar. De la même manière, le terme « ma maison », peut être interprété comme un synonyme d’« habitat individuel » ou comme une nouvelle métonymie désignant « mon foyer ». Dans ce cas, c’est l’adjectif possessif « ma » qui permet de trancher. Comme le montrent ces deux exemples, bien qu’il soit assez facile pour un être humain d’interpréter ces deux phrases, il est nécessaire de prendre en compte beaucoup d’éléments pour permettre à un ordinateur de les interpréter. Cet exemple porte sur l’interprétation automatisée du langage naturel dans le cas général, mais les mêmes problèmes s’appliquent également aux relations de localisation. Dans cet exemple, le café » est « sous » mon domicile, mais comment identifier les positions qui sont effectivement sous ma maison » ? Pour ce faire, il est nécessaire d’identifier la sémantique des relations de localisation et notamment de celles utilisées dans notre contexte applicatif.
La formalisation des relations de localisation
Ce travail d’identification et de formalisation des relations de localisation a été entrepris par de nombreux chercheurs, comme Vandeloise (1986), qui a proposé une analyse complète de la sémantique de relations de localisation utilisées en français. Ce travail a été consolidé par les travaux de Borillo (1998), qui portent, quant à eux, sur la morphologie des descriptions de position, ou de Aurnague et al. (1993, 1997), qui iront jusqu’à proposer une formalisation logique des relations de localisations. Des travaux similaires ont été entrepris pour la langue anglaise, notamment par (Carlson et al. 2005 ; Freksa et al. 2018 ; Kracht 2002 ; Lang et al. 1991 ; Mark et al. 1999 ; Matsakis et al. 2010). En 2010 Bateman et al. (2010), proposerons l’ontologie GUM, qui formalise l’ensemble des relations de localisation. L’ensemble de ces travaux permet d’avoir de nombreuses connaissances sur la sémantique des relations de localisation. Pourtant, de nombreux autres travaux ont eu besoin de spatialiser des relations de localisation.
Parmi les applications de spatialisation des relations de localisation, on peut retrouver des travaux en analyse d’image (Bloch 1996 ; Hudelot et al. 2008a ,b ; Takemura et al. 2012 ; Vanegas et al. 2011), en robotique (Skubic et al. 2004) ou encore en sciences de l’information géographique (Dittrich et al. 2015 ; Du et al. 2016 ; Hall et al. 2015 ; Hornsby et al. 2009 ; Mathet 2000 ; Wolter et al. 2018 ; Xu 2007 ; Xu et al. 2007, 2006).

Verrous scientifiques

L’élaboration d’une méthode de spatialisation se heurte néanmoins à deux verrous majeurs, l’un intrinsèquement lié à cet exercice, l’autre dépendant de notre contexte applicatif.
Le premier verrou est la grande variabilité sémantique des préposition spatiales. Ces dernières peuvent, en effet, prendre des sens légèrement différents, en fonction du contexte (Bateman et al. 2010). Par exemple, on peut être « sous un pont », ce qui implique une notion de re-couvrement, ou « sous une route », ce qui n’implique pas de recouvrement. Ainsi, une même préposition spatiale peut décrire des relations de localisation différentes, par exemple un « sous avec recouvrement » et un « sous sans recouvrement ». Les méthodes de spatialisation déve-loppées ne pourront pas directement traiter les prépositions spatiales comme des relations de localisation, mais elle devront s’adapter à ces différentes relations de localisations, au risque de construire une zone de localisation compatible qui ne soit pas représentative de la description donnée par le requérant.
Le second verrou est lié au manque d’exhaustivité et à la redondance des indices de locali-sation à notre disposition pour développer et tester nos méthodes de spatialisation. Les seules données dont nous disposons (et pouvons disposer) sont des enregistrements audio d’alertes, traitées par différents PGHM. Or, il existe peu de redondances entre chacune de ces alertes, ce qui rend leur confrontation difficile. Par exemple, nous n’avons pas à notre disposition, deux enregistrements différents, décrivant la même position, avec les mêmes indices de localisation.

Objectifs scientifiques de la thèse

Nous ne pouvons donc pas estimer la divergence des descriptions d’une même position. De même, les indices de localisation utilisés sont si divers, qu’un même indice de localisation n’est que rarement utilisé pour décrire des positions différentes, à l’exception notable des indices de localisation de la forme : « Je suis sur [un chemin, une route, un sentier, etc.] ». Il nous est donc impossible d’élaborer notre méthode de spatialisation uniquement à partir de données issues des alertes passée.
Pour répondre à ces verrous scientifiques, nous proposons d’identifier les relations de loca-lisation utilisées dans notre contexte applicatif. Nous émettons l’hypothèse que seul un sous-ensemble des relations de localisation présentes dans la langue française est utilisé, du moins régulièrement, pour décrire une position en montagne. L’identification de ces relations de lo-calisation nous permettra, d’une part, de déterminer les spécificités de la description d’une position en langage naturel dans un contexte montagnard et, de l’autre, de nous concentrer exclusivement sur la modélisation de ces relations de localisation.
Ce travail sera complété par un travail d’identification de la sémantique des relations de lo-calisation utilisées dans notre contexte. Il est, en effet, possible que les relations de localisations utilisées dans notre contexte, le soient dans un sens particulier, plus réduit que le sens général. Ainsi, nous allons compléter le recensement des relations de localisation utilisées dans notre contexte, par un travail d’identification de leur sémantique, dans ce même contexte.
Ce travail de recensement sera également entrepris pour les objets de référence. Comme pour les relations de localisation, on peut supposer que seule une petite partie des objets pouvant être utilisés comme points de repères, le sont réellement dans ce contexte. On s’attendra, par exemple, à trouver des indices de localisation tels que « je suis au niveau du sommet » ou « la victime est dans une combe », alors que la phrase : « je suis proche d’un kiosque », semble peu probable. Comme pour les relations de localisation, l’identification et le recensement de ces objets permettront d’avoir, à la fois une meilleure connaissance des descriptions de positions dans le contexte du secours en montagne, mais aussi de focaliser notre travail sur les objets les plus pertinents.
Ces objectifs nous permettront de développer une méthode de spatialisation de ces indices de localisation et d’en proposer une implémentation fonctionnelle. La méthode mise en œuvre devra être suffisamment générique pour fonctionner avec les différentes relations de localisation et les différents objets de référence identifiés, tout en prenant en compte leurs spécificités, dans le but de proposer une spatialisation précise et adaptée au contexte du secours en montagne, mais suffisamment générique pour être enrichie ultérieurement, voire étendue à des contextes différents.

La modélisation de l’imprécision des indices de localisation

Le travail d’identification de la sémantique des relations de localisation se heurte à un autre problème, celui de l’interprétation du locuteur. En effet, les relations de localisation que nous cherchons à sémantiser sont des concepts formulés en langage naturel et donc, soumises à son imprécision. Par conséquent, la limite entre la zone qui correspond à un indice de localisation et celle qui n’y correspond pas, n’est pas nécessairement, voire jamais, une ligne bien identifiée. Les conséquences de ce fait sont multiples. D’une part, cela complique la formalisation des relations de localisation. En effet, comment définir formellement un concept, alors que l’on peine à en fixer les limites ? Vandeloise (1986) se montre même particulièrement critique 5 envers les travaux « Aucun mot spatial ne se prête à une description aussi rigide et des contre-exemples peuvent être trouvés proposant une formalisation des relations de localisation à l’aide de la logique — classique — du premier ordre. En effet, la logique classique 6, repose sur un principe de bivalence, qui implique qu’une proposition logique est soit « vraie », soit « fausse ». Formaliser des relations de localisation à l’aide de la logique classique implique donc de définir une limite claire entre la zone où la relation de localisation est vérifiée et celle où elle ne l’est pas. Dans les faits, cette limite ne peut être qu’arbitraire. Prenons pour exemple la relation de localisation « proche de » et considérons que la distance, seule, est un critère de modélisation satisfaisant. On pourra dire d’un point adjacent à un bâtiment qu’il en est proche. De même, si l’on s’en éloigne un tout petit peu, mettons d’un mètre, cette description reste correcte. En prolongeant ce raisonnement par récurrence, on pourra augurer que toute position, quelle que soit sa distance à l’objet de référence, en est proche. Ce raisonnement, calqué sur le paradoxe sorite 7, illustre la difficulté fixer une limite précise à des concepts qui ne le sont pas. Pourquoi une position serait-elle proche d’un objet, alors que celle qui en est éloignée d’un pas ne l’est pas ? (Fisher 2000) Bien que courante, cette modélisation est une simplification extrême de la sémantique de la relation de localisation « proche de ».
Ces considérations peuvent sembler inutilement complexes, d’autant plus que notre objectif est applicatif, pourtant elles sont indispensables. Ne pas tenir compte de l’imprécision des relations de localisation pourrait conduire à ignorer des zones pertinentes ou, au contraire, à proposer une modélisation trop laxiste en cherchant à éviter les faux positifs. C’est pourquoi il nous semble indispensable de prendre systématiquement en compte l’imprécison lors de la spatialisation des relations de localisation.

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Table des matières

I Le secours en montagne et la question du traitement de positions exprimées dans un référentiel indirect 
Introduction de la première partie
1 Contexte applicatif et organisationnel
Introduction
1.1 Le secours en montagne
1.2 Le projet de recherche Choucas
Conclusion
2 Contexte scientifique et problématique
Introduction
2.1 Problématisation du sujet
2.2 Objectifs scientifiques de la thèse
Conclusion
3 État de l’art
Introduction
3.1 L’imprécision et sa modélisation
3.2 Les relations de localisation et leur modélisation
Conclusion
Conclusion de la première partie
II Définition d’une méthode de construction d’une zone de localisation probable à partir d’une description de position 
Introduction de la deuxième partie
4 Aspects généraux de la méthode de construction de la zone de localisation probable
Introduction
4.1 Identification des caractéristiques principales de la méthode
4.2 Formalisation des indices des localisation
4.3 Définition de la méthode
Conclusion
5 La phase de décomposition
Introduction
5.1 La décomposition des relations de localisation
5.2 Définition du contenu de l’ontologie des relations de décomposition
Conclusion
6 La modélisation des zones de localisation
Introduction
6.1 Critères de choix de la modélisation
6.2 Choix du modèle théorique
6.3 Choix de l’implémentation
Conclusion
7 La phase de spatialisation
7.1 Présentation générale de la méthode de spatialisation
7.2 La rasterisation des objets de référence
7.3 Le calcul de la métrique
7.4 La fuzzyfication de la métrique
7.5 Représenter des connaissances relatives à la spatialisation
Conclusion
8 La phase de fusion et la modélisation de la confiance
Introduction
8.1 Présentation générale de la méthode de fusion
8.2 La prise en compte de la confiance
8.3 Présentation détaillé des étapes de la fusion
Conclusion
Conclusion de la deuxième partie
III Applications, résultats et critiques de la méthode proposée 
Introduction de la troisième partie
9 Résultats et analyse critique
Introduction
9.1 Généralités sur la modélisation des alertes
9.2 Première alerte : Grand Veymont
9.3 Seconde alerte : le fil rouge
Conclusion
Conclusion générale
Bilan des contributions
Perspectives
Annexes 
A Légende du fond de carte topographique
B Définition des relations de localisation dans l’ontologie ORL
C Retranscription de l’alerte : Grand Veymont
Références 

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