Aspects fonctionnels et morphogenèse des nids de termites et de fourmis

Les constructions dans le monde animal

La construction est un phénomène retrouvé chez de nombreuses espèces du monde animal (Hansell, 2005, 2007). D’après Hansell (2005) les constructions animales assurent principalement trois fonctions : se protéger, piéger des proies et favoriser la communication intraspécifique (Tab. 1.1). La protection contre les prédateurs et les aléas climatiques revêtent une importance particulière pour les espèces nidicoles dont les jeunes connaissent un développement souvent lent et s’avèrent en général très vulnérables à la naissance (Collias & Collias, 1984). Le nid permet aussi de stocker la nourriture, ce qui permet d’assurer des réserves alimentaires indispensables pour les espèces vivant dans des régions aux saisons marquées qui peuvent induire des périodes de disettes importantes (Hansell, 2005). Chez certaines espèces, les constructions jouent également une fonction importante dans les comportements reproducteurs comme chez les oiseaux jardiniers de la famille des Ptilonorhynchidae (Gilliard, 1969). Les constructions animales assurent donc plusieurs fonctions très diérentes selon les taxons considérés. Dans cette thèse, nous nous focaliserons uniquement sur les structures bâties par les insectes sociaux chez qui la construction joue surtout un rôle de protection de la colonie.

Les matériaux utilisés par les animaux pour construire sont très variés et peuvent soit être collectés, soit provenir de substances organiques auto-sécrétées. Ils peuvent être d’origine organique comme les fragments de plantes, les champignons, les lichens, les poils, les plumes ou encore les soies (Hansell et al., 2014). Ils peuvent aussi être d’origine minérale comme les pierres ou la boue. Les matériaux minéraux sont très souvent utilisés dans un premier type de structure dit « en compression » car ces constructions sont supportées par une base auquel du matériel est ajouté progressivement par le dessus. C’est par exemple le cas des structures bâties par certaines espèces de termites et de fourmis qui construisent des nids en forme de mont . À l’inverse, certaines structures sont construites « en suspension », c’est à dire qu’elles sont supportées par le haut. La structure est attachée à un support, soit grâce à un matériau collant, soit grâce à un noeud ou un crochet. Les colles utilisées proviennent généralement de matières organiques auto-sécrétées.

L’importance du nid chez les insectes sociaux

Dans cette thèse nous nous sommes donc intéressés aux constructions d’insectes sociaux et plus précisément de deux familles issues de deux ordres : les termites (Blattodea) et les fourmis (Hymenoptera). La particularité de ces deux taxons est que toutes les espèces de chaque famille sont eusociales. L’eusocialité se définit par un chevauchement de plusieurs générations d’adultes, un soin au couvain coopératif et une division du travail reproductif (Wilson, 1971). Dans la majorité des espèces de termites et de fourmis, la reproduction est monopolisée par une caste dite « royale » composée d’individus qui ne sortent en général pas ou peu du nid. La reine pond une grande quantité d’oeufs et le couvain élevé dans le nid, est protégé des prédateurs et des intempéries. La caste ouvrière assure l’élevage des jeunes (caste des nourrices), mais aussi l’approvisionnement de la colonie en nourriture (caste des fourrageuses) qui est ramenée et parfois stockée dans le nid. Le nid joue donc un rôle central chez les insectes sociaux car il est à la fois un lieu d’élevage des jeunes, de stockage des réserves alimentaires et de protection de la colonie. Néanmoins il existe des espèces qui ne construisent pas de nid comme les fourmis légionnaires des genres Eciton ou Dorylus (Blüthgen & Feldhaar, 2010). Ces fourmis établissent cependant des bivouacs, souvent dans des arbres creux, où la reine et le couvain sont protégés.

De nombreuses espèces de fourmis se limitent d’établir leur nid dans des refuges déjà existants (fissures, caillous, coquilles diverses, troncs pourris…) ou simplement en creusant dans le sol (Blüthgen & Feldhaar, 2010). Chez les termites, de nombreuses espèces nidifient dans le bois qu’ils exploitent en tant que ressource alimentaire (Eggleton, 2011). D’autres construisent des nids beaucoup plus élaborés, notamment les espèces champignonnistes . Les termites du genre Macrotermes construisent par exemple une partie épigée à leur nid qui prend la forme d’un mont pouvant atteindre plusieurs mètres de haut  avec une architecture interne parfois extrêmement complexe. En se replaçant dans un cadre évolutif, il est intéressant de considérer le nid comme un phénotype étendu (Dawkins, 1989; Turner, 2000) lui aussi soumis au processus de la sélection naturelle et donc extrêmement dépendant des pressions environnementale propres à chaque biotope. Les termites (Eggleton, 2011) sont principalement cantonnées aux régions tropicales et sub-tropicales, avec tout de même quelques espèces dans l’hémisphère-nord. Les fourmis ont une aire de répartition beaucoup plus large et on trouve des espèces dans quasiment tous les environnements, des zones arides aux steppes glaciales en passant par les forêts tropicales humides (Fisher, 2010).

Régulation des facteurs abiotiques dans les nids

La thermorégulation des termitières : une croyance populaire ?

Depuis des décennies, on admet populairement que les structures construites par les termites (notamment champignonnistes) assureraient une thermorégulation ecace (Lüscher, 1961; Darlington et al., 1997; Noirot & Darlington, 2000; Jones & Oldroyd, 2006; Korb, 2011).

Un des premiers modèles de thermorégulation dans les nids de termites constructeurs de monts, le modèle du thermosiphon , a été proposé par Lüscher (1961). Ce modèle s’applique au cas des nids de termites champignonnistes comportant une cheminée centrale close, sans ouverture directe sur l’extérieur. Le haut du mont en revanche se compose d’une paroi poreuse qui joue le rôle d’une interface avec l’extérieur, en permettant les échanges gazeux et le rafraichissement via la vapeur d’eau. L’air frais relativement dense descend dans les parois du nid tandis que l’air chaud issu du métabolisme de la colonie et du champignon remonte par la cheminée centrale. Ce phénomène peut être qualifié de convection  thermique car des flux d’air sont induits par le diérentiel de température entre le haut et le bas du nid. La création d’un tel flux d’air suivant le principe du siphon permettrait un renouvellement de l’atmosphère du nid et une thermorégulation permise par l’équilibre entre la remontée d’air chaud et la descente d’air frais.

Le modèle du flux induit , notamment décrit par Vogel (Vogel, 1978; Vogel & Bretz, 1972; Vogel, 1981) s’applique quand à lui aux nids comportant des ouvertures (Weir, 1973) comme ceux du termite Macrotermes subhyalinus ou de la fourmi champignonniste Atta vollenweideri (Kleineidam et al., 2001). Dans ce cas, un eet Venturi est induit par le fait que les larges ouvertures situées au sommet du mont sont exposés à des courants d’air plus importants que les ouvertures situées au bas du nid. Ce diérentiel créé une dépression qui provoque l’entrée de l’air frais par les ouvertures situées au niveau du sol tandis que l’air chaud est évacué unidirectionellement par la cheminée centrale. Il s’agit d’une convection induite ou forcée car, dans ce cas, les flux d’air dépendent d’une force extérieure, en l’occurence le vent.

Une histoire de compromis

Une colonie de termites ou de fourmis peut-être constituée de millions voire de milliards d’individus (Collins, 1981). De plus, certaines espèces comme les termites des genres Macrotermes et Odontotermes ou les fourmis attines des genres Atta et Acromyrmex cultivent un champignon dont elles se nourrissent (Nobre et al., 2011). La colonie et le champignon par leur forte activité métabolique produisent non seulement de la chaleur (Kadochová & Frouz, 2013), mais aussi des produits potentiellement toxiques, notamment des gaz comme le CO2. Le renouvellement de l’air du nid devient nécessaire afin d’éviter que les concentrations de telles substances toxiques n’atteignent des seuils critiques. Une telle évacuation s’eectue chez certaines espèces via des ouvertures dans le nid qui permettent une circulation de l’air . Les termites et les fourmis font cependant face à un compromis puisqu’il est nécessaire de maintenir d’autres paramètres abiotiques, comme la température ou l’hygrométrie à un certains niveau (Korb & Linsenmair, 1998a,b, 1999, 2000). En eet, les termites sont par exemple particulièrement sensibles à la dessiccation (Gibbs & Rajpurohit, 2010). Le développement du couvain dépend également fortement de la température (Mukerji, 1970). Les paramètres abiotiques peuvent par exemple aecter la composition des castes dont certaines se développent plus facilement dans certaines conditions (Scharf et al., 2007; Sattar et al., 2013). La température joue également un rôle crucial dans le développement du champignon. Par exemple les champignons cultivés par les fourmis attines se développent de façon optimale autour de 25°C et ne supportent ni les températures trop basses ni les températures supérieures à 30°C (Quinlan & Cherrett, 1977; Powell & Stradling, 1986).

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Table des matières

1 Introduction générale
1.1 Les constructions dans le monde animal
1.2 L’importance du nid chez les insectes sociaux
1.3 Régulation des facteurs abiotiques dans les nids
1.3.1 La thermorégulation des termitières : une croyance populaire ?
1.3.2 Une histoire de compromis
1.3.3 Modèles utilisés : Cornitermes cumulans et Procornitermes araujoi, termites néotropicaux constructeurs de monts
1.3.3.1 Choix des modèles et objectifs pour la thèse
1.3.3.2 Biologie des espèces
1.3.3.3 Caractéristiques des nids
1.4 Mécanismes de construction du nid
1.4.1 La température : un facteur aectant le processus de construction ?
1.4.2 Des insectes architectes ?
1.4.3 Construction chez les insectes solitaires
1.4.4 Construction chez les insectes sociaux
1.4.4.1 La stigmergie
1.4.4.2 L’auto-organisation
1.4.4.3 De l’observation des comportements individuels aux modèles de construction
1.4.5 Modèle utilisé : la fourmi holarctique Lasius niger
1.4.5.1 Choix du modèle et objectifs pour la thèse
1.4.5.2 Biologie de l’espèce
1.4.5.3 Caractéristiques des nids
1.5 Plan et objectifs généraux de la thèse
2 Etude comparative des dynamiques spatio-temporelles des variations de température et d’humidité dans les nids des termites C. cumulans et P.araujoi
2.1 Introduction
2.2 Campagne eectuée à Rio Claro (SP) en novembre 2014
2.2.1 Matériel et méthodes
2.2.1.1 Matériel biologique et lieu de l’étude
2.2.1.2 Protocole expérimental
2.2.2 Résultats
2.2.2.1 Température
2.2.2.2 Humidité relative
2.2.3 Discussion
2.3 Campagne eectuée à Uberlândia (MG) en novembre 2016
2.3.1 Matériel biologique, terrain et dispositif expérimental
2.3.2 Morphologie des nids des deux espèces
2.3.3 Thermorégulation du nid chez P. araujoi : article soumis à PLoS ONE
2.4 Résumé
2.4.1 Thermorégulation du nid chez C. cumulans
2.4.1.1 Interprétation des images rasterisées
2.4.1.2 Phases de réchauement/refroidissement
2.4.1.3 Diusion de la chaleur
2.4.2 Comparaison entre les deux espèces
2.5 Discussion
3 Eet de la température et de l’humidité sur la survie des ouvriers et des soldats des termites C. cumulans et P. araujoi
3.1 Introduction
3.2 Expérience préliminaire (Rio Claro (SP), novembre 2014)
3.2.1 Matériel et méthodes
3.2.1.1 Matériel biologique
3.2.1.2 Dispositif expérimental et protocole
3.2.1.3 Statistiques
3.2.2 Résultats
3.2.3 Conclusion
3.3 Survie à diérentes températures et humidités relatives (Rio Claro (SP), novembre 2015)
3.3.1 Matériel et méthodes
3.3.1.1 Matériel biologique
3.3.1.2 Expérience de survie
3.3.1.3 Analyses statistiques
3.3.2 Résultats
3.3.3 Conclusion
3.4 Mesure de la taille (Rio Claro (SP), novembre 2016)
3.4.1 Matériel biologique
3.4.2 Méthode de mesure
3.4.3 Statistiques
3.4.4 Résultats
3.5 Identification des profils en hydrocarbures cuticulaires (Rio Claro (SP), novembre 2016)
3.5.1 Matériel biologique
3.5.2 Protocole d’extraction et analyse des profils cuticulaires
3.5.3 Analyse des données
3.5.4 Résultats
3.6 Discussion
4 Conclusion générale

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