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Le myélome multiple :
Généralités :
Le myélome multiple (MM), également appelé maladie de Kahler, est une hémopathie maligne classée selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) parmi les tumeurs à cellules B matures sous la rubrique « plasma cell neoplasms» [214].
Le MM est caractérisé par la prolifération d’un clone unique de plasmocytes tumoraux envahissant la moelle osseuse hématopoïétique [68].
Le clone plasmocytaire produit une protéine (Ig) monoclonale (même chaîne lourde, même chaîne légère), complète ou non, appelée paraprotéine ou aussi protéine M, que l’on peut mettre en évidence dans le sérum et/ou dans l’urine.
Le MM peut avoir des présentations cliniques diverses (classification MM voir ANNEXE II) ; d’une forme asymptomatique à des formes agressives avec l’expression de symptômes dus entre autres aux dépôts de chaînes d’Ig dans les tissus. Fréquemment, ce processus de prolifération plasmocytaire entraîne des destructions des structures squelettiques, avec des douleurs osseuses et des fractures. Occasionnellement, les plasmocytes peuvent aussi infiltrer d’autres organes. De plus, la protéine M produite par les plasmocytes malins peut être responsable d’une atteinte rénale.
Le MM peut être précédé d’un état « prémyélomateux » nommé dysglobulinémie monoclonale d’origine indéterminée ou d’apparence bénigne (MGUS) [77, 149].
Pathogénie :
Le MM est caractérisé par l’émergence et l’accumulation dans la moelle osseuse d’un clone de plasmocytes malins. Depuis des années, plusieurs aspects de la physiopathologie du MM sont mieux connus.
Oncogenèse :
L’existence d’anomalies cytogénétiques nombreuses, structurales et complexes est une des caractéristiques du MM et concourt sans doute à sa résistance au traitement [71]. Des anomalies du génome sont retrouvées dans 18 à 50% des cas au cours du MM nouvellement diagnostiqués. Elles peuvent être constatées au moment du diagnostic, au cours de l’évolution ou en cas de rechute, d’où leur intérêt pronostique [230,132].
Anomalies du caryotype :
La principale anomalie chromosomique se situe au niveau du bras long du chromosome 14 à type de translocation 14q32. Cette translocation a pour conséquence la dérégulation de l’expression normale de gènes situés dans la région de cassure du chromosome partenaire. Deux translocations sont majoritaires t (11,14) (q13, q32) et la t (4,14) (p 16, q32) [78, 77]. Les anomalies du chromosome 13 concernent près de la moitié des patients. La valeur pronostique préjorative de l’hypoploïdie ainsi que la délétion du chromosome 13 ont été rapportées à plusieurs reprises [78, 77].
Anomalies au niveau des oncogènes et des anti-oncogènes
Au niveau du clone myélomateux, des altérations moléculaires ont été rapportées au niveau de certains oncogènes (c-myc, RAS) et au niveau des anti-oncogènes (p-53, bcl-2). Les mutations de N et K-RAS sont retrouvées dans 15 à 27% des cas au cours du MM et essentiellement lors des rechutes. La présence de K-RAS est corrélée à une mauvaise réponse au traitement et à une survie plus courte. Le p53 est un gène de suppression codant pour des protéines nucléaires, au cours du MM une mutation au niveau de ce gène est constatée dans 16% des cas et observée essentiellement à des stades avancés de la maladie ou en cas de MM à rechute associé à une atteinte extra-médullaire [114, 55, 81] [figure 4].
Rôles des cytokines et de l’environnement médullaire [figure 5] :
L’interleukine 6 (IL6) tient un rôle essentiel dans la physiopathologie du MM. Elle joue un rôle primordial dans la croissance des cellules myélomateuses [123] :
• L’IL6 est produite « in vivo » principalement par l’environnement stromal médullaire (production paracrine) plutôt que par les plasmocytes eux-mêmes (production autocrine).
• L’IL6 stimule « in vitro » la prolifération des cellules myélomateuses et les anticorps monoclonaux anti-IL6 inhibent « in vitro » et « in vivo » cette prolifération [11,218]. Dans le MM, le taux circulants d’IL6 est corrélé à l’activité et au pronostic de la maladie [218,112].
• L’insuline growth factor (IGF 1) constitue un autre facteur majeur de prolifération des cellules myélomateuses et les protège de l’apoptose induite par la Dexa.
Les cellules myélomateuses ont un tropisme important pour le compartiment médullaire, environnement indispensable au développement de la tumeur. L’accumulation dans la moelle de ces cellules est plus liée à un défaut d’apoptose qu’à un excès de prolifération et implique l’expression des protéines anti-apoptotiques de la famille Bcl-2, en particulier Mcl-1 facteur de survie essentiel des plasmocytes tumoraux. Le vascular endothelial growth factor (VEGF) est secrété par les cellules tumorales et stromales .Il participe à l’accroissement de l’angiogenèse au sein de la moelle osseuse et est un facteur de croissance et de migration des cellules myélomateuses [80].
Physiopathologie :
Les conséquences du MM résultent des effets locaux et généraux des plasmocytes tumoraux et de l’Ig monoclonale. Il s’agit essentiellement :
• D’une destruction osseuse avec risque d’hypercalcémie. Elle résulte d’une augmentation de l’activité ostéoclastique au contact des plasmocytes. En effet, ces derniers stimulent la sécrétion de cytokines activatrices des ostéoclastes, telles que l’IL-6, l’IL-1, TNF-β, ou encore les Macrophage Protein Inflamatoire (MIP-1a, MIP-1b) aboutissant à une augmentation de la résorption osseuse avec ostéolyse diffuse ou multifocale. De plus, il existe une dérégulation du système RANK-RANKL-ostéoprotégérine (système essentiel dans l’activation et la différenciation des ostéoclastes). Cette destruction osseuse peut entrainer une hypercalcémie pouvant engager le pronostic vital [175].
• De l’inhibition de l’hématopoïèse normale :
Le MM entraine une inhibition de l’hématopoïèse normale. Le syndrome anémique est plus fréquent. Les causes en sont multiples :
– Une activité inhibitrice sur l’érythropoïèse des cellules suppressives présentes dans la moelle des myélomateux [67].
– Infiltration plasmocytaire médullaire.
– Une suppression de l’érythropoïèse induite par les cytokines.
– L’expression à la surface des cellules myélomateuses des récepteurs Fas-ligand et tumor necrosis factor related apoptosis – inducing ligant (TRAIL) intervient dans l’apoptose des progéniteurs érythroïdes [149].
• Des infections : conséquences de l’hypogammaglobulinémie mais également de la perte de la fonction anticorps des immunoglobulines monoclonales [148, 120,151].
• Du syndrome de l’hyperviscosité lorsque le taux d’Ig est très important.
• D’une atteinte neurologique qui peut être centrale par compression vertébrale ou épidurite myélomateuse ou être périphérique entrainant des polyneuropathies [134, 47,135]
• D’une atteinte rénale : nous y reviendrons dans le chapitre 3.
Diagnostic :
Le diagnostic du MM repose sur les critères de l’International Myeloma Working Group (IMWG) [213, 217, 128,195] avec l’association de trois critères (deux critères biologiques et un critère clinique) :
– La mise en évidence, à l’examen du myélogramme, d’une plasmocytose médullaire excessive. supérieure à 10% des cellules nucléées de la moelle osseuse.
– La présence d’une Ig monoclonale sérique et/ou urinaire (protéine M) ojectivée par l’électrophorèse et l’immunofixation des protéines sériques et/ou urinaires. Ce critère ne comprend pas de valeur seuil quantitative. Néanmoins, dans la plupart des cas, le taux de protéine M est supérieur à 30 g/L pour une IgG, 25 g/L pour une IgA, ou 1 g/24 heures pour les chaînes légères urinaires (PBJ).
– Une (ou plusieurs) atteinte(s) organique(s) compatible(s) avec la présentation clinique d’un MM et ne pouvant pas être expliquée(s) autrement (ROTI, Related Organ or Tissue Impairment). Ces éléments sont couramment désignés sous l’acronyme « CRAB », à savoir :
Une hyperCalcémie, supérieure à 2,75 mmol/L (soit 110 mg/L) ou supérieure à 0,25 mmol/L au-dessus de la limite supérieure normale,
Une atteinte Rénale, avec une créatininémie supérieure à 175 μmol/L (soit 20 mg/L),
Une Anémie, avec un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dL ou plus de 2 g/dL en-dessous de la limite inférieure normale,
Des lésions osseuses (Bone), lésions lytiques ou ostéopénie sévère ou fractures pathologiques.
Ces critères diagnostiques permettent également de distinguer les différentes formes de MM (voir ANNEXE II).
Le MM indolent est ainsi défini par la présence de l’un ou des deux critères biologiques cités ci-dessus (plasmocytose médullaire supérieure à 10% et/ou protéine M supérieure à 30 g/L) et l’absence d’atteinte organique attribuable au processus de prolifération plasmocytaire (aucun des critères « CRAB »). Cet état peut rester stable pendant plusieurs années, mais l’évolution vers un MM symptomatique est inéluctable (taux de transformation d’environ 10% chaque année) et justifie une surveillance étroite [77].
Le diagnostic de MM peut aussi être affirmé dans certains cas particuliers ne répondant pas à tous les critères diagnostiques cités ci-dessus [14] :
– Une plasmocytose médullaire inférieure à 10% ; avec des lésions osseuses caractéristiques, à fortiori si leur biopsie montre un envahissement plasmocytaire, et/ou s’il existe une anémie inférieure à 10 g/dl ou une hypercalcémie sans autre étiologie ; ceci est observé dans le plasmocytome solitaire.
– L’absence d’Ig monoclonale sérique ou urinaire ; si la plasmocytose médullaire dépasse 20% ou si les lésions osseuses sont caractéristiques (rares MM non excrétant).
Atteintes rénales aux cours du MM :
Rappels sur le rein :
Le système urinaire se compose de deux reins, les uretères, la vessie et l’urètre [figure 6].
Organisation rénale
Afin de comprendre comment le rein est capable de gérer l’homéostasie du milieu sanguin, il est nécessaire de resituer son organisation.
L’anatomie fonctionnelle des reins
Les reins, au nombre de deux, sont situés de part et d’autre de la colonne vertébrale dans la partie supérieure de la fosse lombaire. Chacun d’eux pèse approximativement 150 g chez un homme adulte.
Le rein droit est en général situe un peu plus bas que le gauche ; cela est dû à l’importance du lobe droit du foie [figure 7].
Le rein a une forme d’haricot .Il comporte un bord externe convexe et un bord interne concave. Il mesure environ 10 cm de long pour 5 cm de large et 2,5 cm d’épaisseur. Sa structure est enrobée d’une capsule fibreuse lisse.
A la coupe sagittale, chaque rein présente deux zones ; l’une périphérique, pâle, la corticale. Et l’autre centrale, plus foncée, pyramidale : la médullaire [113, 76,97].
La médullaire est elle-même divisée en deux régions, une région externe faisant suite au cortex et une région interne, qui se prolonge par la papille.
Chaque rein se compose de plusieurs parties [97] :
– la capsule, l’enveloppe externe qui protège le rein ;
– le parenchyme rénal : cette partie renferme les néphrons, ce sont précisément eux qui filtrent le sang et produisent l’urine, ils constituent l’unité fonctionnelle du rein.
– les calices et le bassinet sont les cavités ou est collectée l’urine fabriquée par les néphrons, l’urine est d’abord recueillie dans les calices puis il s’écoule dans le bassinet puis dans l’uretère [figure8].
LE NEPHRON [76,97] :
Le rein humain comporte environ 1,2 million d’unités structuro-fonctionnelles excrétrices : les néphrons. Chacun des néphrons est fonctionnel indépendamment des autres néphrons. Ils ont comme rôle d’élaborer l’urine à partir du plasma sanguin, pour l’évacuer dans les voies urinaires. Chaque néphron se compose d’un glomérule et d’un tube rénal.
Le glomérule se situe dans le cortex rénal. Et en fait un système complexe de capillaires glomérulaires contenu dans une enveloppe : la capsule de Bowman. Entre la capsule et le réseau de capillaires circule l’ultrafiltrat glomérulaire qui s’écoule vers la lumière du tube rénal [figure 9]. En résume, le glomérule possède un pôle vasculaire : artériole afférente qui se dissocie en un réseau de capillaires puis ressort en une artériole efférente ; et un pôle urinaire communiquant avec le tube contourne proximal [97].
Entre la lumière capillaire et la lumière urinaire, on trouve une membrane de filtration qui est composée de :
– L’endothélium vasculaire.
– La membrane basale.
– L’épithélium (pédicelles).
LE TUBULE [97, 85] :
Le tubule, ou tube urinifère, faisant suite au glomérule, est constitué d’une seule couche d’épithélium polarisé s’appuyant sur la membrane basale du côté péritubulaires.
Chaque tubule est subdivise en :
• Un tube proximal, constitue de :
– une partie contournée adjacente au glomérule et dont le parcours est parallèle à la surface rénale.
– une partie droite, « pars recta », qui pénètre en profondeur, perpendiculairement à la surface du rein.
• Une anse de Henlé, avec une branche ascendante et une descendante.
• Un tube contourne distal.
• Un tube collecteur :
– un tube collecteur cortical relié directement à l’anse de Henlé,
– un tube collecteur médullaire qui conflue avec les autres tubes médullaires, pour aboutir à de larges canaux collecteurs qui s’ouvrent au niveau de la papille et acheminent l’urine définitive dans les calices.
Classification des atteintes rénales du MM :
Les atteintes rénales liées au myélome peuvent être classées en pré-rénales, parenchymateuses et post-rénales [Tableau I] :
Les atteintes pré-rénales s’agissant essentiellement d’une insuffisance rénale fonctionnelle liée à une hypercalcémie.
Les atteintes parenchymateuses du MM sont tubulaires et/ou glomérulaires.
• Les atteintes tubulaires comprennent : la tubulopathie myélomateuse ou néphropathie à cylindre myélomateux (NCM), le syndrome de Fanconi (dite aussi tubulopathie microcristalline proximale) et la nécrose tubulaire aigue (NTA).
• Les atteintes glomérulaires sont subdivisées en fonction du caractère organisé ou non des dépôts d’Ig.
– Les glomérulopathies avec dépôts organisés sont les amyloses (AL et AH) et les glomérulonéphrites avec dépôts organisées non amyloïdes constitués de la glomérulonéphrite fibrillaire pseudo-amyloïde, la glomérulonéphrite microtubulaire (appelé aussi GOMMID ou glomérulonéphrite immunotactoïde) et la glomérulonéphrite des cryoglobulines (cryoglobuline de type I, type II).
– Les glomérulopathies à dépôts non organisés sont : la maladie de dépôt d’Ig monocolonale (syndrome de Randall) qui comprend selon la composition des dépôts deux sous types de MIDD (LCDD, HCDD) et la glomérulonéphrite proliférative à dépôt non organisés d’Ig monoclonale.
Les atteintes post-rénales s’agissant essentiellement des lithiases post-hypercalciuriques chroniques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Généralités
1.1. Définitions
1.2. Intérêt
1.3. Rappels : Immunoglobulines
1.3.1. Structure des immunoglobulines
1.3.2. Synthèse et fonction des immunoglobulines
2. Le myélome multiple
2.1. Généralités
2.2. Pathogénie
2.2.1. Oncogenèse
2.2.2. Rôles des cytokines et de l’environnement médullaire
2.3. Physiopathologie
2.4. Diagnostic
3. Atteintes rénales aux cours du MM
3.1. Rappels sur le rein :
3.1.1. Organisation rénale
3.1.2. L’anatomie fonctionnelle des reins
3.2. Classification des atteintes rénales du MM
3.3. Physiopathologie des atteintes rénales au cours du MM
4. Signes des atteintes rénales au cours du MM
4.1. Forme type : néphropathie à cylindres myélomateux
4.1.1. Circonstances de découverte
4.1.2. Signes rénaux
4.1.3. Signes extra-rénaux
4.1.4. Evolution – pronostic
4.2.1. Formes anatomo-cliniques
5.Traitement
5.1. Buts
5.2. Moyens
5.2.1. Les mesures hygiéno-diététiques
5.2.2. Les moyens symptomatiques
5.2.3. Le traitement de fond
5.3. Indications
5.3.1. La NCM ou tubulopathie myélomateuse
5.3.2. Le syndrome de FANCONI
5.3.3. L’amylose AL
5.3.4. La MDIM de type Randall
5.3.5. Les autres atteintes glomérulaires
DEUXIEME PARTIE METHODOLOGIE
1. Cadre d’étude
2. Méthode et population d’étude
2.1. Type d d’étude
2.2. Population d’étude
2.2.1. Critères d’inclusions
2.2.2. Critères de non inclusion :
2.3. Paramètres étudiés
2.3.1. Méthode de recueil des données
2.3.2. Description de la fiche d’exploitation :
2.3.3. Définitions des variables opérationnelles
2.3.4 Analyse statistique des données :
RESULTATS
1. Résultats descriptifs :
1.1. Prévalence et incidence :
1.2.Aspects sociodémographiques :
1.3.Aspects cliniques :
1.4. Aspects paracliniques :
1.5. Aspects pronostiques :
1.6. Aspects thérapeutiques :
1.6.1. Traitement symptomatique :
1.6.2. Traitement de fond :
1.7. Aspects évolutifs :
1.7.1. Après 3 mois de l’admission :
1.7.2. Après 6 mois de l’admission :
1.7.3. Après 1 an de l’admission :
2. Résultats analytiques
DISCUSSION
1. Aspects épidémiologiques et sociodémographiques
2. Aspects cliniques
2.1. Antécédents et comorbidités
2.2. Prise de produits néphrotoxiques et exposition à des toxiques
2.3. Signes rénaux
2.4. Signes extra-rénaux
3. Aspects paracliniques
3.1. Biologie
3.1.1. Dans le sang
3.1.2. Dans les urines
3.2. Aspects cytologiques et anatomopathologiques
3.2.1. Médullogramme et BOM
3.2.2. La Ponction biopsie rénale :
4. Les différents tableaux d’atteintes rénales
5. Aspects pronostiques
6. Aspects thérapeutiques
6.1. Traitement symptomatique
6.2. Traitement de fond
7. Aspects évolutifs
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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